SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU FOREZ

FONDÉE

PAR SON EXC. M. LE CONTE DE PERSIGNY

MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

1°, Séance d’installation du 29 août 1862,

2°. Séances du Comité exécutif des 27 décembre 1862 et 20 janvier 1865,

Montbrison, Imprimerie Conrot, Grande Rue, 1863.

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Procès-verbal d’installation. – Séance du 29 août 1862. – Présidence de M. le Comte de Persigny.

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Ce jourd’hui, 29 août 1862, à deux heures, dans la salle des Assises du Palais de Justice de Montbrison, a eu lieu la première séance de la Société historique et archéologique de la Diana.
Chaque membre de la Société avait reçu, à la date du 13 août 1862, une lettre de convocation ainsi conçue

MONSIEUR,

J’ai l’honneur de vous informer que la première séance de la SOCIÉTÉ HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU FOREZ est fixée au vendredi 29 du courant, à deux heures du soir.
Elle aura lieu dans la salle des Assises du Palais de Justice de Montbrison et sera présidée par Son Exc. M. le Comte DE PERSIGNY.
On y arrêtera d’une manière définitive les bases de la Société.
Vous êtes prié d’y assister.
Agréez, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée.

Le Maire de la ville de Montbrison,
Secrétaire de la Société,
MAJOUX.

Montbrison, le 13 août 1862.

M. le Comte de Persigny prend place au bureau établi dans la tribune réservée aux magistrats, et s’assied au fauteuil de la présidence, ayant à sa droite M. le Comte de Charpin Feugerolles, vice-président, et à sa gauche M. Majoux, secrétaire de la Société.
Quand tout le monde s’est assis, M. le Président déclare la séance ouverte, et prononce le discours suivant :
« MESSIEURS,
« Je commence par vous remercier de l’empressement avec lequel vous vous êtes rendus à mon appel. Quand, il y a quelques mois, l’occasion se présenta de sauver de la ruine un monument précieux de l’histoire du Forez ; quand la pensée me vint qu’on pourrait le faire servir à la création d’une société destinée à glorifier notre province, je ne pouvais guère espérer que de si nombreuses et si flatteuses adhésions viendraient si vite réaliser ce projet.
« Je n’ai pas besoin de vous dire, Messieurs, combien cette marque de votre confiance m’a touché, mais je tiens à vous exprimer à quel point cette nouvelle preuve du caractère noble et généreux de notre province a excité ma sympathie. N’est-ce pas, en effet, un spectacle digne d’intérêt que cette attention, donnée aux choses spéculatives du passé, dans un temps et dans un pays si fort absorbé par les préoccupations pratiques du présent ; dans une province qui a fait de sa capitale l’un des plus riches foyers industriels de l’Europe, et qui prépare en ce moment même une vaste opération agricole ? Honneur aux hommes éminents de la magistrature, de l’armée, de l’agriculture, de l’industrie qui ne craignent pas de négliger un moment leurs intérêts pour venir rendre hommage aux souvenirs de notre histoire ! Oui, Messieurs, je suis fier de trouver de pareils sentiments dans notre province, car le culte du passé honore le présent. Sans l’étude et l’expérience des siècles, pas de grandes choses ! Pas de grand peuple sans tradition !
« D’ailleurs, plus la société moderne s’engage dans les voies industrielles, et plus les esprits d’élite qui, dans chaque pays, marchent à la tête de la civilisation, doivent se retremper aux sources des idées généreuses. La préoccupation exclusive des intérêts matériels serait un danger pour l’esprit et un désenchantement pour l’âme, si la contemplation des temps chevaleresques et religieux n’éveillait sans cesse en nous les traditions d’honneur et de dévouement.
« Au surplus, il ne faut pas croire qu’au point de vue même des intérêts purement matériels, l’étude du passé n’ait rien à nous apprendre. Quelque fiers que nous devions être des grandes découvertes de notre temps et des progrès que ces découvertes nous font accomplir chaque jour, en nous livrant les forces de la nature, nous n’avons pas à dédaigner les renseignements du passé. Voici, par exemple, le barrage du Furens, œuvre magnifique qui doit non seulement préserver St-Etienne des désastres auxquels cette ville était sans cesse exposée, mais encore emmagasiner des forces précieuses pour son industrie et pour la santé de ses habitants. Assurément, nous pouvons nous féliciter d’avoir, les premiers, mis en pratique la belle théorie que l’Empereur a exposée sur le barrage transversal des rivières comme moyen de prévenir les inondations ; mais, il faut le dire à la louange du passé, nous avions sous les yeux le plus splendide ouvrage de ce genre dans la digué de Piney, élevée par les Romains, restaurée par Louis XIV, et qui sera, j’espère, rétablie un jour pour la prospérité de notre province et la sécurité d’une vaste région de la France.
« Autre exemple bien digne de remarque : nous travaillons aujourd’hui à la transformation de la plaine du Forez par un système combiné de canaux d’irrigation et de drainage, qui doit lui rendre la richesse et la salubrité dont mille inductions historiques nous prouvent qu’elle jouissait jadis. Or, Messieurs, savez vous ce que l’habile ingénieur qui préside a ce beau travail a déjà reconnu ? C’est qu’à une époque reculée, le même travail a été exécuté par nos ancêtres ; car en cherchant les points inférieurs de la plaine pour le desséchement, et les points supérieurs pour l’arrosement, il trouve, aux mêmes points, les traces de canaux d’irrigation et par conséquent de drainage et ne fait que reproduire une opération antérieure. Il est donc démontré aujourd’hui que l’état actuel de notre plaine n’est que le résultat de l’encombrement des canaux exécutés dans le passé. Eh bien, Messieurs, si nous avions mieux connu l’histoire de notre province, nous aurions su, avec, l’existence de ces travaux, la cause de l’antique prospérité comme de l’insalubrité actuelle de notre plaine, et l’incertitude ou nous avons été à ce sujet n’aurait pas prolongé si longtemps l’état déplorable auquel nous allons enfin remédier aujourd’hui.
« Permettez moi d’appeler votre attention sur un dernier exemple : nous savons d’une manière certaine, par de nombreux documents sur le Forez, que nos montagnes étaient anciennement couvertes de riches pâturages, que l’agriculture pastorale faisait la richesse de notre pays, et que de grandes familles foreziennes trouvaient dans les troupeaux de nos montagnes la source de leur puissance au-dehors comme au-dedans de la province. Or, que sont devenues ces richesses ? Aujourd’hui nos montagnes, avec leurs crêtes déboisées, leurs pentes dénudées et sans cesse appauvries par la culture même qui en mobilise le sol, pourraient dire si nous avons bien fait de renoncer aux traditions de nos ancêtres.
« Ainsi, même au point de vue des intérêts matériels, nous avons avantage à étudier l’histoire de nos pères et à profiter de leur expérience.
« Mais, Messieurs, comment étudier l’histoire de notre province dans l’état actuel de nos renseignements, sans la connaissance des documents à consulter, sans la possibilité de se les procurer, sans un centre d’études et de recherches ? Livré à ses seules ressources, l’esprit le plus désireux d’apprendre use son temps et ses forces à chercher les matériaux nécessaires, et finit par se décourager devant l’impuissance de ses efforts.
« Que si, au contraire, vous fondez dans la Diana une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le Forez, une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des Foreziens, un recueil des sceaux et médailles de la province ou fac-simile de ces objets, une collection de cartes géographiques et topographiques du Forez, de plans, dessins, vues, portraits ; des albums photographiques pour la reproduction de nos monuments archéologiques, un cabinet de titres, chartes, actes authentiques, originaux ou copies, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser notre province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger ; si vous faites, enfin, de la Diana un centre d’études et de recherches pour l’histoire du Forez ; je dis, Messieurs, que vous aurez élevé à la gloire de notre province, un monument qui fera honneur à notre Société ; je dis que vous aurez fait une grande œuvre, peut être sans rivale en Europe ; que vous aurez légué un précieux héritage à vos enfants et que, de cet illustre monument de la Diana, restaurée et relevée par vos soins, sortiront un jour des travaux, des ouvrages, qui signaleront notre province à l’attention du monde civilisé.
« Ici, permettez-moi de venir au devant des objections qui pourraient être faites. Personne, sans doute, ne niera l’importance du but proposé, ni l’intérêt qu’a notre province à voir fonder une Société destinée à mettre son histoire en lumière. On ne niera pas davantage la convenance de choisir pour siège de la Société, notre, ancienne capitale, aujourd’hui déshéritée de ses avantages, et de consacrer à ses séances la salle même où se tenaient les anciens Etats de la province. Mais, pourquoi, dira-t-on, attacher tant d’importance à la restauration d’un monument de la féodalité ? Pourquoi se préoccuper de ces blasons, de ces emblèmes, de ces vestiges d’une société si loin de nous ? Que sont devenues les familles dont les couleurs brillaient à côté des armes du Forez ? Et, s’il en existe encore quelques-unes, pourquoi attirer l’attention de tout un pays sur des choses qui semblent n’intéresser que quelques personnes ?
« Messieurs, avant de répondre à ces objections, je ferai remarquer que pour juger sainement les temps anciens, il faut s’attacher à pénétrer le fond des choses sans plus se préoccuper des formes sociales que de la coupe des vêtements de nos ancêtres. Quelles que soient, en effet, les transformations d’une société, il y a des choses essentielles qui peuvent être considérées indépendamment de la physionomie particulière qu’elles affectent. Si nous nous transportons, par exemple, en imagination, à la fin du XIIIe siècle, à l’époque de la construction de la Diana, nous nous trouvons en plein moyen-âge, au milieu d’une cour féodale, avec tout son luxe de bannières, d’emblèmes et d’armoiries. Ce spectacle semble bien différent de nos réunions actuelles. Qu’y a-t-il, pourtant, au fond de ces choses, si étranges en apparence ?
. « Le comte de Forez, grand feudataire de la couronne de France, entouré de ses barons et de ses vassaux, qu’est-ce autre chose que le délégué de la puissance souveraine, comme nous dirions aujourd’hui ? Ces hauts barons qui concourent aux principaux actes administratifs de nos comtes, dont nous voyons les noms au bas des chartes du temps et qui forment le Conseil supérieur de la province, n’est-ce pas en principe le Conseil général de notre département ? Enfin, ces seigneurs, ces possesseurs de fiefs, de manoirs, qu’est-ce encore sinon les détenteurs du capital, sous la forme presque exclusivement terrienne qu’il avait alors, et que remplacent aujourd’hui nos propriétaires de terres et d’usines ? En dépit des formes et des aspects variables de siècle en siècle, c’est toujours la même société, le même peuple, et nos pères pourraient se reconnaître en nous comme nous pouvons nous reconnaître en eux.
« Quant aux écussons qui ornent la salle de la Diana, nous allons voir à qui ils appartiennent et qui a droit de s’en enorgueillir.
« Aux temps où nous vivons, Messieurs, nous sommes frappés de la mobilité que présente l’histoire des familles, tour à tour élevées ou abaissées par la fortune. Mais ce spectacle n’appartient pas seulement à notre siècle et à notre société, telle que l’a faite le Code Napoléon. Si nous considérons le tableau que présente l’état social des huit derniers siècles, nous y voyons que, malgré les institutions tendant à immobiliser la propriété, pour une terre qui se maintient dans la même maison, mille autres passent de famille en famille ; que la liste des possesseurs de fiefs se modifie de siècle en siècle avec une étrange rapidité, et que sans cesse des familles disparaissent de la scène pour faire place à de nouvelles. La noblesse féodale, c’est-à-dire la noblesse des fiefs grevés du service militaire au moyen-âge, exposée par son dévouement même à mille causes d’affaiblissement et de ruine, ne cesse de se recruter dans les rangs de la bourgeoisie qui, sortie elle-même du sein du peuple par le travail et l’économie, parvient sans peine à la noblesse par l’acquisition des fiefs. Même dans les derniers temps, quand la noblesse devient une classe privilégiée par le maintien abusif de l’exemption des taxes, alors que les fiefs ne sont plus astreints au service militaire qui justifiait auparavant l’exemption, les voies pour arriver à la noblesse sont encore toutes grandes ouvertes à la bourgeoisie. Non seulement les anoblissements royaux, mais encore une foule de charges civiles, militaires ou judiciaires, accessibles au mérite ou la fortune, lui en font franchir les degrés ; de sorte que, tandis que la pauvreté rejette sans cesse d’anciennes familles et surtout les branches cadettes de ces familles hors de la classe privilégiée, de nouvelles y pénètrent à l’envi et comblent les vides laissés par les premières. Pour quiconque, sans parti pris et sans préjugé sur ces matières, parcourt les titres, les registres, les terriers, c’est un singulier spectacle que ces transformations continuelles de la société. à certaines époques vous voyez des noms de laboureurs, d’ouvriers, que vous retrouvez, à peine un siècle plus tard, portés par la bourgeoisie des villes et bientôt par la noblesse. Le phénomène contraire se produit tout aussi vite. Jetez les yeux sur les noms de la plus haute noblesse du XIIe siècle ; déjà au XIVe, un grand nombre d’entr’eux se retrouvent dans la bourgeoisie et bientôt après parmi les ouvriers et les laboureurs ; et de cette manière se justifie ce proverbe fameux du moyen-âge qui peint si bien, dans l’histoire des familles, la mobilité des choses humaines : « Cent ans bannière, cent ans civière »
« Ainsi, Messieurs, loin que la noblesse ancienne ait été d’un sang différent du peuple, une race à part, comme on l’a dit pour flatter la vanité de quelques-uns, aux dépens même de l’influence et de la popularité de la noblesse, la vérité est que, de même qu’il n’y avait pas de famille noble qui ne sortit du peuple, il n’y en avait pas non plus qui, au moins pour quelques unes de ses branches, ne finit tôt ou tard par y rentrer. Que si, par exemple, nous considérons isolément l’histoire de notre province depuis l’établissement de la féodalité c’est-à-dire depuis huit à neuf siècles, nous pouvons dire hardiment qu’après cette évolution de haut en bas et de bas en haut, il n’existe peut-être pas de famille aujourd’hui qui par une ou plusieurs de ses branches, n’ait passé par les divers degrés de l’échelle sociale et touché à son tour et à son temps à la noblesse.
« C’est, du reste, une loi mathématique qu’en remontant d’un certain nombre de générations en arrière, tout individu d’une nation a pour ancêtres, à une époque déterminée, la population de cette nation tout entière. Comme le nombre des aïeux, en commençant par ceux du père et de la mère de chaque individu, se double à chaque génération, et que cette progression, pour vingt générations, dépasse déjà le chiffre d’un million, si nous prenons pour moyenne trois générations et demie par siècle, nous pouvons dire que chacun de nous à pour ancêtres tous les habitants du Forez, noblesse et peuple, au temps du comte Jean, le fondateur de la Diana.
« Voilà la vérité de toutes les généalogies, voilà les principes qui doivent servir de base à l’éducation des familles, et non ces règles d’orgueil, de vanité, de mensonge qui, si longtemps, les ont égarées. Que si, en effet, chacun pouvait connaître sa généalogie vraie, combien d’idées dans le monde ne seraient-elles pas modifiées ! Le plus ancien noble, sachant qu’il a des parents dans les plus humbles chaumières et jusque dans les réduits de la misère, tendrait la main à ses frères avec une charité plus sympathique. Le peuple, de son coté, voyant des représentants de son sang, de sa race, dans les plus hautes situations de la société, supporterait son sort avec plus de résignation et passerait avec moins d’envie auprès des détenteurs actuels de la richesse.
« Messieurs, je ne fais pas de vaines hypothèses ; il y a deux peuples dans le monde qui comprennent de cette manière l’histoire de la famille : les Arabes et les Ecossais ; et c’est ainsi qu’ils ont été conduits à la tribu et au clan dont les membres, quelque nombreux qu’ils soient, à quelque rang social qu’ils appartiennent, se considèrent comme parents, portent le même nom et forment en quelque sorte une même famille.
« Eh bien, Messieurs, comme. les Campbell et les Mac-Donald, nous aussi, nous formons un clan issu de la même souche, pétri du même sang, héritiers des mêmes traditions, et qui s’appelle Forez. Je n’ai donc pas besoin de dire qui a le droit de s’enorgueillir des couleurs, des emblèmes, des blasons de la Diana, car ce sont nos couleurs, nos emblèmes à tous. C’est notre passé, c’est notre histoire, c’est notre gloire ; et nous faisons acte de bons citoyens en relevant et honorant ces reliques de nos pères. »
Ce discours terminé, toute l’assemblée prie M. le Comte de Persigny de vouloir bien en permettre l’impression, et la distribution d’un exemplaire à chaque membre de la Diana. Cette demande est favorablement accueillie par M. de Persigny.
La parole est ensuite donnée à M. Majoux, secrétaire, qui a fait la lecture de la notice suivante sur la Diana :

MESSIEURS,
Il me paraît indispensable de vous rappeler en peu de mots quelle est l’importance de la Diana, aux points de vue héraldique et historique.
De tous les monuments de ce genre qui existent en France la Diana est, sans contredit, le plus ancien et l’on peut ajouter avec certitude, celui qui renferme le plus grand nombre d’anciens blasons, « On ne connaît qu’un petit nombre d’armoiries plus anciennes sur des vitraux, des tombes ou des émaux, mais on n’en saurait citer d’une date aussi reculée réunis en plus grande quantité. »
La longueur de la salle est de 19 mètres 30 centimètres, sa largeur et sa hauteur de 8 mètres 30 centimètres. à l’intérieur s’élève une voûte ogivale en bois divisée en 68 bandes dont chacune comprend 36 écussons. Les principales de ces armes sont celles de France, de Forez, de Beaujeu, de Viennois, de Savoie, de Navarre, de Bourgogne-Ancien, de Champagne, de Damas, d’Urfé, de St-Priest, de La Tour d’Auvergne, de Rochebaron, etc., etc.
Au bas de ces divers écussons règne une bordure composée elle même de 130 blasons qui ont pour support des animaux fantastiques. « Ces figures, dit un savant archéologue, ne sont pas ce qu’il y a de moins curieux à la Diana, ce sont des monstres de toutes natures, des dragons ailés, des sirènes encapuchonnées, des animaux à deux corps et à une seule tête, d’autres à un seul corps, mais ayant une triple face composée d’une tête humaine, d’un museau de chien et d’un bec d’oie. Il n’est pas hors de remarque qu’elles ont toutes quelque chose du poisson ; évidemment par allusion au dauphin des armes du Forez. Ce qui n’empêche pas qu’il n’y ait une variété infinie dans toutes ces figures et dans leurs expressions où se manifestent la gaieté, la colère, la rage, la terreur et mille autres sentiments. »
La Diana a donné lieu à plusieurs publications intéressantes auxquelles Loys Papon et notre vieil .historien La Mure ont servi de point de départ.
Toutefois le dernier mot n’a pas été dit sur ce monument, et un grand nombre de ses écussons, notamment ceux de sa mystérieuse bordure, restent encore à l’état d’énigme. Une critique plus rigoureuse, basée sur de nouvelles recherches, ne tardera pas, nous avons lieu de l’espérer, à lever tous les voiles, et à nous faire connaître par l’explication du système qui a réuni ces divers blasons, quelle fut la véritable pensée du fondateur de la Diana.
L’opinion jusqu’à présent la plus probable est que cette salle fut bâtie par le Comte Jean Ier à la fin du XIIIe siècle. Depuis cette époque, elle servit tour à tour de lieu de réunion à la noblesse forezienne, aux Etats provinciaux, et, depuis le commencement du XVIle siècle, aux chanoines du chapitre de Notre Dame de Montbrison. J’ajouterai qu’au XVIe siècle, elle avait servi de théâtre pour la représentation d’une pastorale composée par Loys Papon, en 1581, pour célébrer les victoires de Vimory et d’Auneau remportées sur les reîtres allemands par Henry de Guise.
Sous la Constituante, elle fut vendue comme bien national et adjugée pour 2,875 livres à un aubergiste de la ville. Depuis cette époque, livrée au vandalisme de l’industrie privée, cette belle salle héraldique fut coupée en deux par un plancher, et elle fut condamnée à servir de grenier à foin et de dépôt à plâtre.
Plusieurs fois, depuis quinze ans, quelques érudits élevèrent la voix pour que la Diana fût sauvée de cet humiliant abaissement. En 1857, l’auteur de la notice qui précède les œuvres poétiques de Loys Papon, s’exprimait en ces termes : (p. 36) « Si une pensée intelligente et patriotique ne vient la relever de ce triste abandon, il ne restera bientôt plus le moindre vestige de ce curieux monument historique. Puisse notre voix (qui s’élève peut être, hélas ! la dernière) donner le signal de la résurrection ! »
En 1860, l’un des plus érudits commentateurs de LA MURE (1) , s’associant pleinement, sur ce point, au désir exprimé déjà par l’éditeur de notre vieil historiographe, écrivait les lignes suivantes : « Nous renouvellerons… le vœu si souvent et si inutilement exprimé depuis quinze ans, que la municipalité de Montbrison assure enfin la conservation de ce monument, dont la perte serait irréparable, et qui, devenu un grenier à foin, se détériore de jour en jour, et se trouve menacé d’une destruction prochaine. »
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(1) Histoire des Ducs de Bourbon et des Comtes de Forez par J.-M. DE LA MURE. V. ler P. 374.
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Tous ces vœux, exprimés avec tant de force et d’unanimité par les érudits qui ont fixé leur attention sur la Diana, restèrent stériles jusqu’au 8 avril 1862, où il me fut donné enfin, grâce à l’assentiment que je trouvai au sein du conseil municipal de notre ville, et grâce surtout à une haute influence, de pouvoir les réaliser. Vous avez tous, Messieurs, nommé M. le Comte de Persigny, dont la bienveillante et patriotique intervention devait nous permettre d’espérer au delà même de nos premières espérances, qui avait déjà eu la pensée d’acquérir la Diana pour en faire don à la ville de Montbrison. Notre illustre compatriote n’a pas seulement voulu, en effet, que ce remarquable monument du XIVe siècle fût rendu à son ancienne splendeur, il a conçu le premier l’ingénieuse pensée de le destiner aux réunions des membres d’une Société historique et archéologique du Forez. Noble et généreuse pensée qui nous prouve, une fois de plus, qu’au milieu même du tourbillon des affaires, M. le Comte de Persigny ne se montre jamais oublieux des intérêts de l’histoire de sa province.
Après la lecture de cette notice, M. le Président invite le Secrétaire à donner connaissance des Statuts de la Société, conçus en ces termes :

Article 1er.
La Société historique et archéologique de la Diana du Forez est établie pour la recherche des antiquités, la conservation des objets d’art et surtout pour la réunion de tous les documents historiographiques qui peuvent intéresser l’histoire de cette province.

Art. 2.
Le siège de la Société est fixé à Montbrison, et les réunions auront lieu dans la salle de la Diana.

Art. 3.
La Société se compose d’un nombre indéterminé de membres résidant dans le département de la Loire ou l’ayant habité, et de correspondants choisis dans les autres pays.

Art. 4.
La Société a une caisse, des archives et un cabinet historiographique. Le nom des donateurs est inscrit sur les objets offerts par eux, et il en sera fait mention sur un catalogue spécial.

Art. 5.
La Société a un conseil exécutif composé d’un Président, d’un Vice Président, d’un Secrétaire faisant fonctions de conservateur, d’un Trésorier et de sept membres dont trois pris dans chaque arrondissement.
Le Secrétaire ainsi que le Trésorier devront résider à Montbrison. ,

Art. 6.
Les membres du Conseil exécutif sont élus pour trois ans ; ils sont nommés à la majorité absolue des membres présents.

Art. 7.
Le Conseil exécutif gère les affaires de la Société et rend compte tous les ans en assemblée générale de ses opérations. En l’absence du Président, les décisions du Conseil exécutif lui sont soumises pour recevoir son approbation.

Art. 8.
Les membres du Conseil exécutif pourront réunir, dans leur arrondissement respectif, les membres de la Société qui désireront leur offrir leur concours dans le but de répartir entre eux les missions à remplir, tant pour la recherche des divers documents à réunir que pour l’étude et la surveillance des monuments archéologiques de leur arrondissement.

Art. 9.
Tous les membres titulaires votent sur la nomination du bureau et sur tout ce qui est soumis à la délibération de la Société.

Art. 10.
Le Secrétaire est chargé de la rédaction des procès verbaux des séances ; il les signe avec le Président. Il dresse annuellement le tableau analytique des travaux de la Société, et surveille l’impression des rapports qui seront publiés par elle. Il est chargé en outre de la correspondance avec les membres de la Société et les corps savants de la France et de l’étranger. Il a la garde du matériel et des archives.

Art. 11.
Le Secrétaire tiendra un catalogue par ordre de date des objets offerts ou communiqués à la Société ou achetés par elle.

Art. 12.
La salle de la Diana où seront placés le cabinet historique, les archives et la bibliothèque, sera confiée à la garde du Secrétaire, sous les ordres et la surveillance du Président. L’entrée en sera libre pour tous les membres, mais aucun objet ne pourra être déplacé que sur la demande d’un membre, pour un temps déterminé et avec l’autorisation du Secrétaire, qui se fera donner un reçu des objets communiqués. Ces reçus seront consignés sur un registre spécial visé tous les trois mois par le Vice Président ou le Secrétaire.

Art. 13.
Le Trésorier touche les fonds de la Société qu’il est chargé de faire rentrer. Il solde les dépenses arrêtées par la Société, le visa du Président contresigné par le Secrétaire. Il fait connaître à la Société l’état de la caisse et il rend tous les ans ses comptes appuyés de pièces justificatives.

Art. 14.
Les fonds de la Société se composent : 1° d’une somme de cent francs une fois versée à l’entrée de chaque membre ; 2° d’une somme de trente francs que chaque membre payera comme cotisation annuelle entre les mains du Trésorier.

Art. 15.
Pour être reçu membre de la Société, il faudra être présenté par un des membres et agréé par deux membres du bureau.

Art. 16.
Indépendamment de la réunion générale qui aura lieu chaque année, à l’époque fixée parle bureau, il pourra être ordonné par le Président ou le Vice Président d’autres réunions.
Les lettres de convocation en mentionneront, dans ce cas, l’objet. Il sera délivré à chaque réunion, à tout membre présent, un jeton de la valeur nominale de quatre francs, portant d’un côté les armes du Forez et de l’autre ces mots : La Diana, Société historique et archéologique du Forez . Tout membre signera le procès verbal de présence en recevant son jeton.

Art. 17.
Ne pourront assister aux séances que les membres de la Société et les personnes qui auront obtenu l’autorisation du Président.

Art. 18.
Aucune modification ne pourra être faite au règlement que sur une demande prise en considération dans une séance, et adoptée par une majorité égale à la moitié plus un des membres présents.
Pour que toute délibération soit valable, il faudra au moins vingt membres présents.

Montbrison, le 1er avril 1862.

Cette lecture terminée, M. Majoux a fait l’appel nominal par ordre alphabétique des membres de la Société qui sont au nombre de 233.
En voici la liste

MM.
ALAMAGNY, EMMANUEL, propriétaire, St Chamond.
ALBIGNY, PAUL (D’), secrétaire général de la Société d’agriculture, sciences, arts, etc., Saint-Etienne.
ARLEMPDE (D’) père, receveur particulier, Roanne.
ARLEMPDE (D’) fils, propriétaire, Roanne.
ASSIER DE VALENCHES (D’) père, propriétaire, Montbrison.
ASSIER DE VALENCHES (D’), chef d’escadrons e de cuirassiers, membre du conseil général, Melun.
ASSIER DE VALENCIIES, EUGENE (D’), propriétaire, Feurs .
AUCHER, président du tribunal civil, St Elienne.
AVRIL, ALFRED, greffier du tribunal civil, Montbrison.
AVRIL, notaire, St Bonnet le Château.
AVRIL, AUGUSTE, directeur de la compagnie immobilière, St Etienne.
BALAY, FRANCISQUE, propriétaire, St Etienne.
BALAY DE LA BERTRANDIÈRE, député au Corps législatif, St Etienne.
BARALLON fils, fabricant de rubans, St Etienne.
BARBAN père, ancien conseiller de préfecture, St Etienne.
BARBAN, ANDRE, secrétaire général de préfecture, Chambéry.
BENOIST, membre du conseil municipal, Montbrison.
BENOIT, AUGUSTE, juge d’instruction, Paris.
BERNARD, AUGUSTE, inspecteur général de l’imprimerie et de la librairie, Paris.
BERNARD, MICHEL propriétaire et maire, Ecotay l’Olme.
BERTHAUD membre du conseil général, président du tribunal civil, Roanne.
BERTHOLET, juge de paix, St Jean Soleymieux.
BLANC, juge de paix, St Bonnet le Chdteau.
BLANC, propriétaire et adjoint au maire, St Bonnet le Chdteau.
BOISSIEU, C. (DE), propriétaire, St Chamond.
BONALD (Son Em. Monseigneur le Cardinal DE), archevêque, Lyon.
BONNARDET, conseiller de préfecture, Saint-Etienne.
BONNASSIEUX, statuaire, Paris.
BONNEFOY, chanoine missionnaire apostolique, St Rambert.
BONNEVILLE (DE), membre du conseil d’arrondissement, St Régù du Coin.
BONNIER, propriétaire, La Pacaudière.
BOUCIIAUD (DE), directeur de l’usine de Terrenoire, membre du conseil général, St Etienne.
BOUCHETAL LAROCHE, aîné, député au Corps législatif, St Bonnet le Chdteau.
BOUCHETAL LAROCHE, fils, conseiller de préfecture, Le Puy.
BOUCHETAL LAROCHE, LUCIEN, Conseiller à la Cour impériale, membre du conseil général, Lyon.
BOUDOINT, FRANCISQUE, négociant, membre du conseil municipal, Montbrison.
BOUDOT, juge au tribunal civil, Montbrison.
BOUILLIER, maire, Roanne.
BOUILLIER, AUGUSTE, propriétaire, Roanne.
BOUQUET DESPIINS, propriétaire et maire, St-Germain Lespinasse.
BOURBOULON, maire, Moind.
BOURGE, notaire, Chalmazel.
BOURNAT, membre du conseil municipal, Montbrison.
BOUVIER, AUGUSTE, avocat et membre du conseil municipal, Montbrison.
BRAVARD, président du tribunal civil, membre du conseil général, Montbrison.
BRIAND, lieutenant colonel d’artillerie, directeur de la manufacture d’armes, St Etienne.
BROUTIN, maire, Feurs.
BUHET, président de la Société des amis des arts, notaire, St Etienne.
BURNOT, propriétaire, Sail les Bains.
CADORE (le marquis DE), membre du conseil général, St Vincent de Boisset.
CALLAC (le comte DE), secrétaire général de la préfecture, St Etienne.
CASÉRO, propriétaire, St Elienne+
CIIABERT de Boën (DE), membre du conseil général, Boën.
CHAIZE, juge au tribunal civil, Montbrison.
CHALEUR, Louis, propriétaire, Firminy.
CHAMBARLHAC, CAMILLE (DE), maire, Firminy.
CIIANTELAUZE (DE), propriétaire, Lyon.
CRANTEMERLE, docteur médecin, Soleymieux.
CHAPELON JACKSON, négociant et maire, St-Paul en Cornillon.
CHARPIN FEUGEROLLES (le Comte DE), député, Firminy.
CHATEAUNEUF, négociant, membre du conseil d’arrondissement, St Etienne.
CHATELAIN, 1’abbé, curé de Notre Dame, Montbrison.
CHAVAGNAC (le comte DE), maire, Mably.
CHAVERONDIER, AUGUSTE, archiviste du département, St Etienne.
CHAZELLES, notaire et adjoint au maire, Montbrison.
CIHÉRI ROUSSEAU, photographe, St Etienne.
CIIEVALARD (DU), membre du conseil général, maire de Mornand, Montbrison.
CHOULET, ancien greffier, Montbrison.
CLAUDINON, membre du conseil d’arrondissement, au Chambon.
CLESLE LAFOND, receveur particulier des finances, Villefranche (Aveyron).
COGNIET, ingénieur civil, St Etienne.
COLCOMBET, ANDRE, propriétaire, St Etienne.
CONROT, imprimeur, Montbrison.
CORROMPT, maire, St Julien Molin Molette.
COSTE, notaire, membre du conseil général, Les Salles.
COSTE, ALPHONSE, négociant, Roanne.
COURBON, membre du conseil d’arrondissement, St Etienne.
CROZET (l’abbé,.chanoine, ancien curé de Notre-Dame de Montbrison, Lyon.
CROZIER, notaire, Montbrison.
CUIGNET, professeur de dessin, Montbrison.
CURRAIZE (DE), propriétaire,et maire, Prétieux.
DALY, liquidateur du comptoir d’escompte, St-Etienne.
DAVID, membre. du conseil général, La Fouillouse.
DAVID, directeur de l’école normale, Montbrison.
DAVID, ANDRE, propriétaire, St Etienne.
DAVID, FRANCISQUE, fabricant de rubans, Saint-Etienne.
DECHATELUS, juge de paix, membre du conseil général, St Symphorien de Lay.
DELMAS, avocat, maire de Montverdun, Montbrison.
DELPHIN, propriétaire et maire, St Hilaire-Cusson la Valmitte.
DEMANS, maire, au Chambon.
DOMENGET, LEON, négociant, Lyon.
DONNET (Son Em. Monseigneur le Cardinal), archevêque, Bordeaux.
DORIER, juge au tribunal civil, Montbrison.
DUBOIS, secrétaire de la Sous Préfecture, Montbrison.
DUCLOS, maire, St Chamond.
DUCOING, propriétaire, St Romain la Motte.
DUGAS DE LA CATONNIÈRE , propriétaire Montbrison.
DUGAS VIALIS, propriétaire, St Chamond.
DUGUET, propriétaire, maire, St André le Puy.
DULAC, architecte voyer de la ville, Montbrison.
DULAC, EMILE, avocat, membre du conseil municipal, Montbrison.
DURAND, CAMILLE, juge au tribunal civil, Montbrison.
DURAND, VINCENY, propriétaire, Ailleux.
DUSSER, LOUIS, propriétaire, maire, Lézigneux.
DUSSUD, avoué, Montbrison.
ÈSCAII LE, conducteur des ponts et chaussées, faisant fonctions d’ingénieur, Montbrison.
ESCOFFIER, FELJX, entrepreneur de la manufacture d’armes, St Etienne.
ESPAGNY (D’),,receveur général des finances, St-Etienne.
EXCELMANS, capitaine de corvette, membre du conseil général, St Etienne.
FAURE BELON, membre du conseil général, maire, St Etienne,
FAYE, CASIMIR, propriétaire, maire, Chambéon.
FORISSIER, membre du conseil général, maire, St Galmier.
FOUDRAS (le Comte DE), propriétaire, maire, Riorges.
GACHES, directeur du journal le Mémorial de la Loire, St Etienne.
GAUDET, métallurgiste, membre du conseil général, St Chamond.
GAY, ABEL, procureur impérial, St Etienne.
GAYETS (DES), propriétaire,, St Germain Lespinasse.
GEOFFRAY, STEPHANE, banquier, Roanne.
GÉRENTET, notaire, maire, St Rambert.
GLATARD, négociant, membre du conseil général, Ecoches.
GOURE, membre du conseil municipal, Montbrison.
GOUTTENOIRE, CLEMENT, propriétaire, Roanne.
GRAEFF, ingénieur en chef des ponts et chaussées, St Etienne.
GRANJON, MARIUS, maire, St Paul en Jarez.
GUINAULT, notaire, membre du conseil général, Charlieu.
HAMEL (le comte Du), député au Corps législatif, St Martin d’Estreaux.
HÉRISSON (D’) commissionnaire du mont de piété, St Elienne.
HEURTIER, conseiller d’Etat, Paris.
HOUPEURT, ingénieur des mines, St Etienne.
JALABERT aîné, conservateur du musée d’artillerie,.St Etienne.
JANICOT, directeur des mines du Montcel, St-Etienne.
JEANNEZ, banquier, Roanne.
JONCQUIÈRE (DE LA), sous préfet, Rochefort.
JORDAN DE SURY père, propriétaire, Sury le-Comtal,
JORDAN DE SURY, Aîmé, propriétairel maire, Sury le Comtal.
JULLIEN, rnembre du conseil général, Pélussin.
LACHÈZE, conseiller à la Cour impériale, membre du conseil général, Lyon.
LAFAY, adjoint au maire, membre du conseil d’arrondissement, Montbrison.
LANGLOYS, avoué, Montbrison,.
LARDERET DE FONTANÈS, propriétaire, St-Etïenne.
LARRIBE, sous préfet, Mombrison.
LESCURE (le marquis DE), propriétaire, Champdieu.
LEVET, ancien sous préfet, propriétaire, Montbrison.
MAJOUX, maire, Montbrison.
MANDARD, maire, membre du conseil d’arrondissement, St Just sur Loire.
MARAIS (le Colonel DU), député, Roanke.
MARAIS, LËON (DU), sous préfet, Trévoux.
MARTIN, J.-M. L., directeur de la. houillère, Commentry.
MATHEVET (l’abbé), direct. du collége, Roanne.
MAZENOD (DE), propriétaire, maire, St Marcellin.
MEAUDRE DE SUGNY, membre du conseil général, Nervieux.
MEAUDRE DE SUGNY fils, maire, Nervieux.
MEAUX, RÉGIS (DE), propriétaire, Nervieux.
MEAUX (le vicomte DE), propriétaire, Ecotay-l’Olme.
MÉZIAT, docteur mêdecin, maire, Panissières.
MICHEL, propriétaire St Chamond.
MILLION, docteur médecin, St Etienne.
MOLLIN, avoué, Montbrison.
MONTCHOVET, notaire, membre du conseil d’arrondissement, Bourg Argental.
MONDON, maire, Cottance.
MONTGOLFIER (DE), ingénieur des ponts et-chaussées, St Etienne.
MONTROUGE (DE), propriétaire, Montbrison.
MOREL, propriétaire, maire, Margerie.
MURON, propriétaire, Roanne.
NEUFBOURG (DE), propriétaire, Arthun.
NEYRAND, ÉLISEE, propriétaire, maire, Chevrières.
NEYRAND, HENRY, propriétaire, St Chamond.
NEYRON DES GRANGES, propriétaire, Saint-Etienne.
NOELAS, docteur médeéïn, St Haon~ le Chatel.
NOERIE, GUSTAVE (DE LA), propriétaire, Montbrison.
NOURRISSON, percepteur, Montbrison.
PAGNON, avoué, St Etienne.
PALLUAT DE BESSET, HENRY, banquier, Saint-Etienne.
PALLUAT DE BESSET, JOSEPH, propriétaire, St-Etienne.
PECQUEUX (le général), commandant le département, St Etienne.
PÊRIER, JEAN-PIERRE, ancien greffier, Montbrison.
PERSIGNY (Son Exc. le Comte DE), ministre de l’intérieur, Paris. ‘NI
PETIN, métallurgiste, membre du conseil général et maire, Rive de Gier.
PHILIP FESSY, propriétaire, St Etienne.
PHILIP THIOLLIÈRE, négociant, membre du conseil général, Si Etienne.
PLESSIS (le Comte DU), propriétaire, Montbrison.
PONCETTON, notaire, maire, Usson en Forez.
PONCINS (le marquis DE), propriétaire, Feurs.
PONCHON DE ST ANDRÉ, maire, Pouilly lèsFeurs.
POYET, PIERRE, ingénieur civil des mines, Montluçon (Allier)
PRÉNAT, propriétaire, St Chamond.
PROST, notaire, St Bonnet le Courreau.
PUPIL DE SABLON, membre du conseil général, maire, Bourg Argental.
QUIRIELLE, PAUL (DE), propriétaire, maire, Marcilly le Pavé.
QUIRIELLE, XAVIER (DE), soqs préfet, Villeneure d’Agen.
RAABE, CHARLES, directeur des verreries de la Loire, Rive de Gier.
RAMÉL, juge de paix, membre du conseil d’arrondissement, St Galmier.
REY, EUGENE, docteur médecin, Morttbrison.
REYMOND, ingénieur civil, Montbrison.
REYMONDON (l’abbé), vicaire général, Ajaccio,
RIEMBAULT, docteur médecin, St Etienne.
ROBERT, notaire, maire, St Jean Soleymieux,
ROCHEFORT (Comte DE) , général de division, Paris.
ROCHETAILLÉE (le baron DE), propriétaire Nantas.
ROE, LOUIS, docteur médecin, Roanne.
ROFFAT, notaire, St Haon le Chatel.
ROMAIN, agent voyer en chef, St Etienne.
RONY, notaire, membre du conseil municipal, Montbrison.
ROSTAING (le ViCOMte DE), propriétaire, Paris,
ROUX,VICTOR, maire, Nandax.
SAINT GENEST (le baron DE), membre du conseil général, St Genest Mlalifaux.
SAINT PULGENT (DE), propriétaire, maire, St-Martin la Sauvelé.
SAINT PULGENT, LEON (DE), préfet du département de l’Ain, Baurg en Bresse.
SAINT THOMAS (le chevalier DE), propriétaire, Roanne.
SAUZÉA, conseiller de préfecture, St Elienne.
SAUZÉA, HIPPOLYTE, propriétaire, St Etienne.
SENCIER, LEON, préfet du département de la Loire, St Etienne.
SERRE, négociant, maire de Savigneux, Montbrison.
SOULTRAIT (le comte DE), receveur percepteur des finances, Lyon.
SUGNY (le comte DE), membre du conseil génral, St Romain dUrphé.
SUGNY (le Vicomte DE), membre du conseil général, Souternon.
TESTENOIRE LAFAYETTE, notaire honoraire, St Etienne.
TÉZENAS, sous préfet, Roanne..
THIOLLIÈRE, HENRY, propriétaire, St Chamond.
THIOLLIÈRE, propriétaire, maire, St Médard.
TOUR DE VARAN (DE LA), bibliothécaire de la ville, St Etienne.
TREYVE DE ST SAUVEUR (DU), maire, Sainte-Agathe la Bouteresse.
VADON, jeune, propriétaire, Charlicit,
VERDIÉ, maitre de forges., Firminy.
VERDOLLIN, avocat, Montbrison.
VÉRICEL, GUSTAVE, avocat, Lyon.
VERPILLEUX aîné, propriétaire, Rive de Gier.
VERPILLEUX, propriétaire, Rive de Gier.
VEYRE, maire, Maclas.
VIER, adjoint au maire, St Etienne.
VILLENEUVE (le comte DE), propriétaire, Montbrison.
VIRY (DE), père, docteur médecin, Roanne.
VIRY, OCTAVE (DE), Roanne.
VOUGY (le comte DE), maire, Vougy.
VOUGY (le vicomte DE), directeur général des lignes télégraphiques, Paris.

Tous les membres présents ont répondu à l’appel de leur nom.
.Sont absents et ont fait connaître au Secrétaire de la Société les motifs qui les ont empêchés de se rendre à la réunion :
MM.
ALAMAGNY ; ARLEMPDE (D’) fils , AUCHER ; AVRIL Auguste ; BARALLON ; BENOIT Auguste ; BERNARD Auguste , BOISSIEU, C. (DE) ; BONALD (Son EM. ,Mgr. le Cardinal DE) ; BONNEVILLE (DE) ; BONNIER ; BOUCIIAUD (DE) ; BOUQUET DESPINS ; CADORE (DE) ; CASÉRO ; CHAMBARLHAC (DE) ; CHAPELON JACKSON ; CHATEAUNEUF ; CHAVAGNAC (DE) ; CHOULET ; CLAUDINON ; CLESLE LAFOND ; COLCOMBET; CORROMPT ; COURBON ; DALY ; DAVID André ; DAVID Francisque ; DOMENGET ; DONNET (Son Exc. Mgr. le Cardinal) ; DUGAS DE LA CATONNIÈRE; DUGAS VIALIS ; DUSSER ; EXCELMANS (le capitaine) ; FAURE BELON ; FAYE ; FOUDRAS (DE) ; GAUDET ; GAY ; GAYETS (DES) ; GEOFFRAY ; GLATARD ; GUINAULT ; HÉRISSON (D’) ; HEURTIER ; HOUPEURT ; JALABERT aîné ; JANICOT ; JEANNEZ : JONCQUIÈRE (DE LA) ; JORDAN DE SURY père ; JORDAN DE SURY, Aimé ; JULLIEN ; LARDERET DE FONTANÈS ; MARAIS (le Colonel DU) ; MARTIN, J.-M.-L ; MATHEVET (l’abbé) ; MAZENOD (DE) ; MEAUDRE DE SUGNY fils ; MEAUX RÉGIS (DE) ; MICHEL; MONTCIIOVET ; MONDON ; MURON ; NEYRAND Henry ; NOELAS ; PAGNON ; PALLUAT DE BESSET Henry ; PETIN; PHILIFFESSY ; PONCHON DE ST ANDRÉ ; POYET Pierre ; PRÊNAT ; REYMOND ; ROE ; ROFFAT ; ROUX ; SAUZÉA Hippolyte; SUGNY (le vicomte DE) ; TESTENOIRELiFAYETTE; THIOLLIÈRE Henry ; TOUR DE VARÎN (DE LA) ; VAIDON ; VÉRICEL ; VERPILLEUX aîné; VERPILLEUX.
Après quelques observations échangées entre M. le Président et un membre de la Société sur la composition du conseil exécutif, et la nomination du Secrétaire et du Trésorier, les statuts sont adoptés à la presqu’unanimité.
Un autre membre de l’assemblée demande alors, au nom de plusieurs de ses collègues, que les membres du bureau soient conservés dans leurs fonctions.
Cette motion ayant été mise aux voix à ‘été également adoptée à la presqu’un animité.
En conséquence et conformément aux dispositions de l’article 6 des statuts, sont nommés pour une période de trois années :
Président : M. LE COMTE DE PERSIGNY
Vice Président : M. LE COMTE DE CHARPIN FEUGEROLLES
Secrétaire : M. MAJOUX
Trésorier : M. DE LA NOERIE.
Cette nomination est suivie de celle des membres du comité exécutif .
Déférant à la demande exprimée par un grand nombre de sociétaires, M. le Président propose de la composer de la manière suivante :
Pour l’arrondissement de Saint Etienne
MM.. TESTENOIRE LAFAYETTE, notaire honoraire
EUGENE BUCHET, président de la Société des amis des arts de Saint Etienne.
Pour l’arrondissement de Roanne

MM.. LE COMTE DE SUGNY, membre du conseil général, à St Romain d’Urphé
DECHATELUS, membre du conseil général, et juge de paix, à St Symphorien de Lay
COMTE DE VOUGY, propriétaire, à Vougy.
Pour l’arrondissement de Montbrison:
MM..
D’ ASSIER DE VALENCIIES père, propriétaire, à Montbrison ;
Du CHEVALARD, membre du conseil général, maire de Mornand.
Cette proposition soumise à l’assemblée est adoptée à une immense majorité.
M. le Président déclare alors le bureau et le conseil exécutif régulièrement composés.
Les élections terminées, M. le Président reprend la parole pour déterminer nettement les attributions des délégués formant le comité ; ces délégués ne sont pas spécialement chargés de se livrer à,des travaux historiques ou archéologiques; leur rôle, outre la part qu’ils doivent prendre à la gestion des affaires, consistera à centraliser les travaux des sociétaires, à recevoir leurs communications, à leur faciliter au besoin les Moyens d’études et de recherches. M. le Comte de Persigny a précisé ensuite le but de la Société, son importance, et les grands services qu’elle pouvait rendre aux sciences historiques et archéologiques, non seulement du Forez, mais de la France entière dont notre pays est une des provinces les plus intéressantes.
Entrant ensuite dans les détails pratiques des travaux de la Société, il explique que son objet actuel n’est pas, dans sa pensée, d’exciter les archéologues du Forez à faire des travaux, et à envoyer des mémoires, pour être publiés aux frais de la Société, comme cela a lieu ordinairement dans la plupart des Sociétés archéologiques existant en France et à l’étranger, mais de rechercher partout les documents nécessaires aux études ultérieures ; de faire de la Diana un centre où puissent être réunis tous les renseignements intéressant les diverses branches de l’histoire, où l’homme d’étude puisse trouver les indications nécessaires à toutes sortes d’investigations, soit sur l’histoire proprement dite du Forez, des villes, des localités et des familles, soit sur le passé de l’agriculture, du commerce, des arts et de l’industrie de la province. Il termine en disant que si la Société persévère énergiquement dans son œuvre elle aura élevé un monument sans rival, et d’où sortiront un jour des travaux qui honoreront notre province aux yeux du monde entier ; enfin il fait appel à toutes les aptitudes et à tous les dévouements pour faire porter à la Société naissante les fruits précieux qu’on est en droit d’en attendre.
La séance a été terminée à quatre heures par une visite à la salle de la Diana.


COMITÉ EXÉCUTIF DE LA DIANA
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Séance du 27 décembre 1862

PRÉSIDENCE DE M. LE Cte DE CHARPIN FEUGEROLIES

VICE-PRESIDENT

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La séance a été ouverte à une heure, dans la salle des délibérations de l’Hôtel de Ville de Montbrison. Etaient présents :
MM. LE COMTE DE CHARPIN FEUGEROLLES, v.. prés ;
TESTENOIRE LAFAYETTE :
EUGENE BUHET ;
D’ASSIER DE VALENCHES, père
DU CHEVALARD ;
MAJOUX, secrétaire
DE LA NOERIE, trésorier.
M. Majoux donne lecture d’une lettre de M. Dechatelus, en date du 21 décembre, par laquelle il s’excuse de ne pouvoir se rendre à la réunion. M. le comte de Sugny, et M. le comte de Vougy ont été également empêchés d’y assister.
Divers ouvrages dont il est fait hommage à la Société sont déposés sur le bureau :
1° Lettre aux membres de la Société de la Diana, par M. BOUILLER fils ;
2° Trois légendes des montagnes de la Madeleine, par M. le docteur NOELAS ;
3° Récit du séjour de M. le Comte de Persigny dans le département de la Loire en 1862, par M. GACHES ;
4° Une vie, 3 volumes, par M. D’AIGUY, conseiller à la Cour impériale de Lyon ;
5° Annuaire de l’institut des provinces, des Sociétés savantes et des Congrès scientifiques, 1862 ;
6° Séances du Congrès scientifique en 1861 .
Ces deux derniers ouvrages sont donnés par M. DE CAUMONT directeur de la Société française d’archéologie ;
7° M. TESTENOIRE LAFAYETTE fait hommage au nom de M. AUGUSTE BENOT, de St Etienne, juge d’instruction à Paris, membre de la Société, du médaillon en bronze D’ANDRE GALLE ; ce médaillon est l’un des trois exemplaires fondus aux frais de M. BENOIT, sur le modèle donné par M. OUDINÉ, gendre de M. GALLE.
Le comité passe ensuite aux questions mises à l’ordre du jour :
M. Majoux, secrétaire, donne lecture du procès verbal de la séance d’inauguration de la Société de la Diana, du 29 août 1862 ; ce procès verbal est adopté par le comité qui vote, en outre, l’insertion à la suite du procès verbal de la lettre de M. le Comte de Persigny au Maire et au conseil municipal de Montbrison, en date du 3 septembre, et de la délibération du conseil, remerciant M. le Ministre de ses sentiments de profonde sympathie pour la ville de Montbrison et le département de la Loire.
Les plans de restauration de la salle de la Diana, préparés par M. H. Lebrun, architecte à Lyon, suivant le modèle envoyé par M. le Comte de Persigny et dont M. Violet Leduc est l’auteur, sont soumis, ainsi que le devis des travaux à exécuter, aux membres du comité exécutif qui les adoptent, sauf approbation définitive par M. le Comte de Persigny.
Le comité prend également connaissance des catalogues d’ouvrages imprimés et manuscrits de la bibliothèque de M. Louis Nicolas, de Saint-Etienne, et décide à l’unanimité, mais sous la même réserve, l’acquisition de cette importante co11ection, au prix de 5,000 francs.
M. de Charpin Feugerolles donne communication de quelques notes et instructions écrites que M. le Comte de Persigny lui a remis à l’occasion de cette séance, et qui ont pour objet les mesures les plus propres à faire prospérer la Société. M. le Président a manifesté le désir qu’il soit fait un appel à toutes les familles originaires du Forez ou en relations avec cette province, pour les engager à faire partie de cette Société ; M. le Comte de Persigny désire aussi qu’il soit fait un appel à tous les membres de la Diana, pour provoquer de leur part des dons de livres, manuscrits et gravures ayant trait au Forez. Les lettres qui seront envoyées dans ce double but devront être rédigées, de concert avec lui, par le Vice Président et le Secrétaire de la Société. Il désire en outre qu’il soit envoyé aux personnes dont on demandera la souscription, le procès verbal de la séance d’inauguration.
Le comité de la Diana est heureux de profiter de cette première réunion pour témoigner à M. le Comte de Persigny toute sa reconnaissance pour la création d’une Société aussi utile au pays, et pour la protection qu’il veut bien lui accorder. De son côté, il cherchera toujours à s’identifier avec la pensée de son illustre Président, et ne négligera aucun moyen pour atteindre le but qu’il se propose.
La séance est levée à six heures.


COMITÉ EXÉCUTIF DE LA DIANA

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Séance du 20 janvier 1863

PRËSIDENCE DE SON EXC. M. LE COMTE DE PERSIGNY
MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

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La séance est ouverte à onze heures, dans le cabinet de M. le Ministre, à Paris.
Etaient présents :
MM. LE COMTE DE PERSIGNY, président ;
COMTE DE CHARPIN FEUGEROLLES, vice prés. ;
DECHATELUS, membre ;
COMTE DE SUGNY, id ;
DU CHEVALARD, id ;
EUGENE BUHET, id ;
MAJOUX, secrétaire ;
DE LA NOERIÉ, trésorier.
N’ont pu se rendre à la réunion et se sont excusés :
MM. TESTENOIRE LAFAYETTE :
D’ASSIER DE VALENCIIES, père ;
LE COMTE DE VOUGY.
M. de Charpin donne lecture d’une lettre de M. Testenoire Lafayette qui renferme des indications très utiles à la Société ; il y est question notamment de l’intéressant manuscrit de Guillaume de Revel (armorial du Bourbonnais, Forez et Auvergne, 1440) déposé à la Bibliothèque Impériale de la rue de Richelieu, à Paris, et dont il serait important d’avoir une copie, ainsi que des précieux manuscrits de Guichenon qui se trouvent à la bibliothèque de Montpellier. M. de Charpin veut bien se charger, sur la demande du comité, de faire faire la copie du manuscrit de Guillaume de Revel ; quant à ceux de Guichenon, il sera pris ultérieurement les mesures nécessaires pour en avoir des extraits rédigés avec tout le soin que commande l’importance des documents qu’ils renferment. Le comité exécutif décide que la lettre de M. Testenoire-Lafayette sera annexée au procès verbal.
M. le Comte de Persigny propose au comité de nommer, dans chaque arrondissement, des commissions chargées spécialement de faire des recherches et des études dans l’intérêt de la Société , ces commissions seraient composées non seulement de membres titulaires de la Société, mais aussi de membres correspondants ; une liste de toutes les personnes qui, par leurs études et leurs. travaux, doivent composer plus particulièrement ces commissions, sera formée par les soins du comité, et, dans une prochaine réunion, il sera statué définitivement sur l’organisation de ces commissions.
M. le Président explique ensuite la nécessité de fonder un registre destiné à contenir toutes les notes et les documents qui peuvent intéresser la Société; il comprendrait spécialement l’indication des livres et manuscrits se rapportant au Forez, et qui ne seraient pas possédés par la Société de la Diana il serait divisé en différentes séries, suivant les matières qu’elles auraient pour objet, et porterait le titre de registre de renseignements.
Cette, proposition est acceptée avec empressement par le comité.
Il est encore expliqué par M. le Président, qu’il serait utile de faire appel à toutes les personnes dont les familles sont originaires du Forez, pour obtenir leurs adhésions comme sociétaires de la Diana; il y en à plusieurs qui ont joué un rôle important dans le Forez, et qui, à tous égards, devraient figurer dans la Société; le comité reconnaît de nouveau l’importance de cette observation, et chaque membre prend l’engagement de faire toutes les démarches nécessaires pour obtenir le plus d’adhésions possible.
M. le Comte de Persigny fait connaître ensuite aux membres du comité qu’il a adressé, il y à quelques mois, à touts les bibliothécaires et archivistes de France, une circulaire ayant pour objet de faire rechercher tous les livres, manuscrits, et généralement tous les documents qui peuvent intéresser la province du Forez ; cette mesure a déjà produit de très heureux résultats ; les documents arrivent de toutes parts, et la Société de la Diana connaîtra bientôt tous les ouvrages, en France, qui présentent un intérêt quelconque pour la province du Forez.
Il est ensuite fait lecture par M. Majoux, secrétaire : 1° du procès verbal de la séance d’installation du 29 août 1862 ; le comité adopte ce procès-verbal et décide qu’il sera imprimé avec toutes les pièces à l’appui, et distribué à chaque sociétaire ;
2° Et du procès verbal de la séance du 27 décembre 1862 qui est également adopté.
M. Majoux communique aux membres du comité un modèle de jeton de présence en conformité de l’art. 16 des statuts; il représente sur une face les armes des Comtes de Forez : De gueules au Dauphin d’or, et porte sur le revers, l’inscription suivante : La Diana, Société historique et archéologique du Forez.
Il communique également : 1° un modèle de sceau de la Société pour diplômes, etc., etc., également aux armes du Forez, avec cette devise : Diana, patrios servabit honores.
Un autre modèle de fer de reliure pour les plats des volumes (moyen format), un plus grand pour in fol. et in 4°.
Le comité approuve ces modèles, sauf modification de la devise, qui devra rappeler d’une manière plus spéciale le but que se propose la Société et les avantages qu’elle peut présenter pour la province du Forez.
M. de La Noërie, trésorier, fait connaître au comité l’état de situation de la caisse ; le montant des souscriptions recueillies jusqu’à ce jour s’élève à la somme de dix neuf mille huit cent soixante sept francs vingt centimes, déduction faite de tous frais, ci. . . . . . . . . 19,867 20
M. Lebrun, architecte, appelé au sein du comité, communique les plans de restauration de la salle de la Diana d’après le modèle de M. Violet Leduc. Le comité, après les avoir examinés en détail, reconnaît qu’ils sont conformes à la destination de l’édifice et déclare les approuver, sauf quelques modifications conseillées par M. le Président, notamment en ce qui concerne le dallage de la salle et les dessins de sculpture de la cheminée; l’architecte tiendra fidèlement compte des observations qui lui ont été présentées à cet égard.
M. Lebrun communique également l’état et le devis des travaux, mais le comité, considérant que la salle de la Diana est la propriété de la ville de Montbrison, ne croit pas devoir donner son avis sur le prix des travaux à exécuter pour la reconstruction et désire rester étranger à toute espèce de dépenses.

Acquisition de la bibliothèque Nicolas.
Le comité a déjà voté en principe, dans sa délibération du 27 décembre dernier, l’acquisition de la bibliothèque Forézienne de M. Nicolas ; M. le Président, dont la ratification avait été réservée, approuve cette acquisition ; en conséquence le comité décide que, par les soins du Vice Président et du Secrétaire, le projet de convention avec M. Nicolas sera réalisé au prix de cinq mille francs, déduction faite néanmoins d’une somme de deux cent vingt cinq francs pour la valeur de deux ouvrages qui sont offerts par MM. de Charpin et Majoux, et qui ne seront pas compris dans la vente.
Le Secrétaire fait connaître au comité que depuis la dernière réunion, il a acheté pour la bibliothèque de la. Diana, les ouvrages suivants :
1° Un manuscrit de Cochard contenant la topographie des provinces du Lyonnais, Forez et Beaujolais, provenant de la vente de la bibliothèque de l’abbé Brethon ;
2° Plusieurs volumes de l’abbé Duguet et de Papyre Masson, provenant de la même bibliothèque ;
3° Un exemplaire des inscriptions antiques de Lyon, par M. Alphonse de Boissieu ; 1
4° Copie d’une partie du Terrier Trolliet de Sury le Bois, de l’an 1392 ;
5° Terrier Rodon, de l’an 1561, reconnu au profit de noble Etienne de Sainte Colombe.
6° Terrier du chapitre de Notre Dame de Montbrison, années : 1385, signé Brunerie ; 1410, signé Moret ; 1472, signé Delesches ; 1490, signé Ponchon ; 1509, id.; 1528, signé Marca. 92 pages.

Dons de livres et manuscrits.
M. Majoux annonce que M. le comte de Rivoire de la Bâtie a fait don à la bibliothèque de la Diana de la charte originale des privilèges de St Haonle Chatel.
M. le comte de Soultrait a fait don également
1° De l’inventaire manuscrit des archives de la Commanderie de Montbrison, dressé au dernier siècle par Battenay de Bonvouloir, archiviste de l’ordre de Malte, in fol. de 70 pages ;
2° Essai sur la numismatique nivernaise, petit in 8°, nombreux bois ;
3° Essai sur la numismatique bourbonnaise, in 8°, planche ;
4° Notice sur les sceaux de Mme Febvre, de Macon, in 8°, nombreux bois dans le texte.
6° Statistique monumentale du département de la Nièvre, tome 1er, seul publié, in 18.
Les œuvres du chanoine Loys Papon, éditées par les soins de M. Yéméniz, avec le supplément, sont offertes par M. Majoux, secrétaire.
M. de Charpin offre également son ouvrage des archevêques de Lyon.
M. de Chantelauze offre également à la Société : 1° Une collection complète, en gutta percha, de tous les sceaux connus des Comtes de Forez, des Sires de Beaujeu, des Sires de Bourbon et des Ducs de Bourbon ;
2° Toutes les épreuves, sur papier de Chine, des gravures du second volume de l’histoire des Dues de Bourbon: sceaux, portraits, monnaies, jetons, statues tombales, etc. ;
3° Reproductions de toutes les miniatures des portraits des Ducs et Duchesses de Bourbon des vues de Feurs, Roanne, Montbrison, etc. ;
4° Un inventaire inédit de toutes les pièces historiques relatives à la maison de Bourbon ;
5° Le registre des nominations des officiers de Forez, pendant un siècle, à partir de 1310. Cette copie à été prise sur l’original qui a appartenu au Cardinal Mazarin et qui fait partie de la Bibliothèque Impériale ;
6° Toutes les copies de pièces inédites, qui n’ont pu être mentionnées que dans les notes de l’histoire des Ducs de Bourbon, éditée par M. de Chantelauze ;
7° Une série de pièces sur la Révolution française, pouvant former la valeur de dix volumes in 8 ou in fol.
M. Delaroa s’est empressé aussi de faire don à la Société des ouvrages suivants :
1° Lettres philosophiques sur les physionomies, par l’abbé Pernetty, 1748 ;
2° Les patenôtres d’un surnuméraire, Conseils d’un grand oncle, recueillis et mis en lumière par Joseph Delaroa, 1860 ;
3° L’esprit d’un homme d’état, par Nicolas Machiavel, dédié à S. M. Victor Emmanuel, roi d’Italie,par Joseph Delaroa, 1861 ;
4° Le coup d’état c’est l’avenir, par Joseph Delaroa, 1851 ;
5° Programme de la philosophie catholique dans l’Université, par Joseph Delaroa, 1843;
6° Notice biographique sur M. le Comte de Persigny, 1854 ;
7° Le Sénat ; documents historiques sur les membres qui le composent ; extrait du tome second. Son Exc. M. le Comte de Persigny.
Tous ces dons sont acceptés avec reconnaissance par le Comité qui charge son Secrétaire d’en adresser ses remercîments à leurs auteurs.
L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à trois heures.

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Lettre de M. Testenoire Lafayette

MONSIEUR LE COMTE,
Privé du plaisir et de l’honneur d’assister mardi prochain à la séance du comité de la Société de la Diana, et à l’invitation que M. le Comte de Persigny a daigné me faire et qui m’a été transmise par M. Majoux, je viens vous exprimer quelques vues particulières qui me paraissent entrer dans le rayon d’action de la Société de la Diana, et que j’aurais demandé à soumettre au comité si j’avais pu assister à sa réunion.
La bibliothèque L. Nicolas, dont l’acquisition est un heureux début pour notre Société, constitue un premier fonds de richesses archéologiques pour notre cher Forez ; ce fonds s’augmentera rapidement par des acquisitions ou des donations, comme aussi par des copies de documents importants dont on ne pourra pas avoir les originaux. Parmi ces derniers, je signalerai à la sollicitude de M. le Comte de Persigny, en premier lieu, le manuscrit de Guillaume de Revel (armorial du Bourbonnais, Auvergne et Forez) qui est à la Bibliothèque Impériale de la rue de Richelieu. Je ne crois pas me tromper sur le titre; mais ce manuscrit est fort connu ; vous le connaissez sans doute ; il contient les vues et dessins de quarante sept villes, bourgs ou châteaux du Forez, prises au commencement du XVème siècle. Il me paraît très important qu’une copie de ce curieux recueil, pour tout ce qui concerne le Forez, puisse se trouver à la Diana.
J’indique en second lieu les manuscrits de Guichenon existant à la bibliothèque de Montpellier ; il y là une foule de documents et particulièrement de généalogies qui nous intéressent ; cet extrait aurait besoin d’être fait avec soin ; fe comité de la Diana pourrait préparer le travail sur le catalogue imprimé à Lyon, par les soins de M. Allut. Vous savez que ces manuscrits proviennent de la bibliothèque de la Vallette, de ces Piane.Ili dont le fief touchait vos possessions de Feugerolles.
La création de la Société de la Diana va certainement donner beaucoup d’essor aux recherches sur le Forez et aux travaux sur tout le passé de cette province.
J’avais pensé qu’il conviendrait de créer un comité par arrondissement; serait ce aussi la pensée du comité exécutif ? Dans ce cas, il conviendrait de s’occuper de cette organisation ; ou bien pense t on laisser à chaque arrondissement le soin d’établir un centre de travaux archéologiques en dehors de la Société de la Diana ? Alors une des sections de notre Société impériale d’agriculture, industrie, sciences et arts, pourrait devenir ce centre pour l’arrondissement de Saint Etienne.
Qu’un comité d’arrondissement soit très utile pour les travaux archéologiques, cela me parait évident ; voici entr’autres trois champs de travaux très vastes, et qui demandent chacun un certain nombre de travailleurs .
On a pensé depuis longtemps à un album du vieux Forez; quelque chose d’analogue à ce qu’ont fait Achille Allier, pour le Bourbonnais, Ch. Nodier, Taylor et de Cailleux, pour plusieurs provinces, mais avec les nouvelles et admirables ressources de la photographie ; je crois que M. le Comte de Persigny s’est préoccupé de cette idée, et que notre habile photographe, M. Chéri Rousseau, prépare pour le printemps des excursions dans ce but ; mais il faudra sur les diverses localités un texte précis, court et cependant complet ; il faut même pour le choix des localités à reproduire par la photographie, une étude préliminaire faite avec discernement; pour cela des efforts réunis feront plus et mieux que des travaux isolés.
La bibliographie forezienne présente un sérieux intérêt ; la fin du XVIme siècle, particulièrement, a été pour notre province une époque fort remarquable sous ce rapport ; notre aristocratie s’était mise à la tête de ce mouvement. Depuis lors, dans toutes les branches de la littérature et des sciences, nous avons eu des hommes, qui ont laissé d’utiles et remarquables travaux ; M. de Chantelauze a publié sur quelques uns de ces hommes des notices pleines d’intérêt; mais il y a encore de grandes et bonnes recherches à faire, et un travail d’ensemble à coordonner.
Enfin il existe pour la plupart de nos anciennes petites villes des éléments de chroniques et d’histoire qu’il serait fort intéressant de rassembler. En particulier, St Etienne possède au moins quatre chroniques manuscrites. Une vieille chronique latine du XVme siècle existait encore il y a cinquante ans et sera peut être retrouvée.
L’origine de notre ville, son accroissement constant par sa seule industrie et par le travail ,modeste et opiniâtre de ses habitants., ses rapports et ses traités successifs avec les seigneurs de St Priest, ce mouvement continu qui l’a portée à l’un des premiers rangs des cités de lEmpire, ce serait un sujet plein de faits peu connus et intéressants; c’est vers cette attachante étude que se dirigeront avec affection les travaux de mes années de retraite; mais je sens qu’il faut être aidé et soutenu par des travaux parallèles et des recherches de plusieurs.
Si vous croyez que les pensées que je viens de vous communiquer soient utiles, veuillez les transmettre à nos honorables collègues et en particulier à notre éminent Président. Enfant obscur de notre cher Forez, mais dévoué de cœur à ses vieux souvenirs, j’ai vu avec une émotion reconnaissante ce que l’un de ses plus illustres fils fait pour les raviver et les perpétuer, et j’y ai admiré l’organisation intelligente et pratique non moins que le pieux amour du sol natal.
Veuillez agréer, Monsieur. le Comte, l’expression de mes sentiments dévoués et respectueux.
TESTENOIRE LAFAYETTE.

A M. le Comte de Charpin Feugerolles, député, vice président de la Société de la Diana.


HISTORIQUE

ACQUISITION ET PROJET DE RESTAURATION DE LA SALLE DE LA DIANA

EXTRAIT

DU

REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL

DE LA VILLE DE MONTBRISON

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Cejourd’hui vingt un janvier mil huit cent .soixante deux, le Conseil municipal de la ville de Montbrison s’est réuni dans le lieu ordinaire de ses séances, sous la présidence de M. Majoux, maire.
Etaient présents : MM. Lafay et Chazelle, adjoints, Rey, Hatier, Colmet, Surieux, Boudoint, Rony, Lambert, Georges, Goure, Escaille, Bournat, Pitiot, Benoist, Dulac et Bouvier.
M. Bouvier a été nommé secrétaire par la voie du scrutin.
M. le Maire dit: « Messieurs, vous savez tous qu’il existe à Montbrison dans l’ancien cloître Notre Dame, derrière l’abside de l’église, une salle connue sous le nom de Diana.
« Construite en l’année 1300,, par les soins et sous les auspices de Jean ler, Comte de Forez, elle servit pendant plusieurs siècles de lieu de réunion aux Etats de, cette province et porta pendant toute cette période le nom de salle des Etats. Cette destination s’est modifiée plus tard en ce sens seulement qu’elle fut employée à la réunion, soit des Etats du Forez, soit du chapitre de l’église Notre Dame.
« La Diana fut vendue comme bien national pendant la Révolution, et a appartenu successivement depuis à divers habitants de la ville de Montbrison qui l’ont transformée en dépôt en grenier à foin. C’est encore aujourd’hui l’usage auquel est consacrée cette salle qui se recommande à l’attention des archéologues, non seulement par son antiquité et ses souvenirs historiques , mais encore comme monument héraldique d’une importance considérable.
« La Diana, qui était en dernier lieu la propriété de Mme Chapuis, est échue par le décès de cette dame à Mme Bardos, sa légataire universelle, qui a fait annoncer la vente de tous ses immeubles.
« Il m’a semblé, Messieurs, que la ville de Montbrison ne pouvait pas laisser ce précieux monument devenir encore une fois la propriété d’un simple particulier, et qu’il était de sa dignité de le soustraire à un usage que réprouvent son origine et les souvenirs historiques qu’il rappelle ; le prix d’acquisition ne peut pas être bien élevé et sera dans tous les cas égal à sa valeur vénale ; quant aux réparations, il est bien certain que l’état de nos finances ne nous permet pas actuellement de les faire, mais j’ai, l’espérance et même la certitude d’obtenir des secours qui vous permettront de restaurer convenablement ce monument, et de lui donner une destination qui sera en rapport avec les souvenirs historiques qui y sont attachés et qui intéressent directement la province du Forez.
« En conséquence, je vous prie de m’autoriser à traiter avec Mme Bardos pour l’acquisition de la salle de la Diana, au nom et comme Maire de la ville de Montbrison. »
Le Conseil, après délibération, adopte à l’unanimité la proposition de M. le Maire, et l’autorise à traiter avec Mme Bardos pour l’acquisition de la salle de la Diana, au nom et comme Maire de la ville de Montbrison, aux conditions les plus avantageuses.
Ainsi délibéré les jour, mois et an que dessus et ont MM. les membres présents signé après lecture.

Lettre de M. le Maire de Montbrison à Son Exc. M. le Comte de Persigny

MONSIEUR LE COMTE

Vos concitoyens ont pu apprécier dans maintes, circonstances le bienveillant intérêt que vous portez au département de la Loire, et ils conservent avec reconnaissance le souvenir des bienfaits dont vous l’avez honoré. Toutes les fois que des questions intéressant les progrès de l’agriculture, et de l’industrie se sont présentées, vous les avez prises sous votre puissant patronage, et c’est grâce à vous que la plaine du Forez peut espérer l’établissement prochain d’un vaste système d’arrosage qui est destiné à doubler ses productions ; c’est grâce à vous également qu’une impulsion énergique a été donnée à la solution des difficultés qui retardaient le commencement des travaux du chemin de.fer de la Fouillouse à Montbrison. Vous n’avez pas accordé une protection moins dévouée aux questions littéraires et scientifiques, associant heureusement dans vos sentiments d’affection, sa prospérité matérielle à sa grandeur morale et intellectuelle.
C’est ainsi que vous avez voulu, il y a quelques, années, acheter la salle de la Diana pour en faire don à la ville de Montbrison la réalisation de ce projet ne fut arrêtée que par des circonstances tout à fait exceptionnelles ; elles ne sont plus les mêmes aujourd’hui. Mme Chapuy qui était propriétaire de cette salle est décédée depuis quelques mois et sa légataire universelle, Mme veuve Bardos, consent à en faire la vente à des conditions que je trouve très raisonnables. Autorisé par le Conseil municipal, j’ai déjà fait les démarches nécessaires pour conclure cette affaire et j’ai la promesse écrite que moyennant six mille francs la vente pourra être réalisée.
Je n’ai pas voulu cependant, M. le Comte, terminer définitivement cette vente sans votre approbation; j’ai pensé que si j’étais assez heureux pour l’obtenir, la ville de Montbrison trouverait plus facilement les moyens et les ressources de sauver de la destruction et de l’oubli ce précieux monument héraldique, et qu’il serait possible de le consacrer un jour à quelque fondation artistique.
Je suis avec respect, M. le Ministre, de Votre Excellence,
Le très humble et très dévoué serviteur,
MAJOUX
Montbrison., 23 janvier 1862.


Réponse de M. le Comte de Persigny:

Paris, 28 janvier 1’862.

MON CHER MAIRE,

Il est très vrai que j’ai eu le désir d’acheter la salle de la Diana et d’en faire, hommage à la ville de Montbrison ; il ne me paraissait pas convenable qu’ un si précieux monument héraldique, qui rappelle des souvenirs si intéressants pour l’histoire de la province du Forez, servit plus longtemps à un usage indigne de son origine et fût exposé tous les jours davantage à la destruction et à l’oubli ; mes démarches furent malheureusement infructueuses ; la personne qui était propriétaire de cette salle refusa obstinément de la vendre. Vous avez bien fait de profiter des circonstances nouvelles, et de réaliser ce projet d’acquisition.
Toutes mes sympathies sont acquises depuis longtemps au Forez et j’accueillerai toujours avec.bonheur toutes les occasions qui me seront offertes de lui en donner des preuves. La ville de Montbrison qui m’a fait une réception si cordiale et si empressée aura toujours une place particulière dans mes souvenirs. Je vous ferai connaître prochainement ma pensée au sujet de la Diana et l’espérance que cette acquisition me donne de fonder dans le département de la Loire une Société savante dont le siège serait à Montbrison.
Terminez promptement les formalités de cette vente ; je vous accorde à titre de secours une somme de six mille francs que vous consacrerez aux premiers travaux de restauration.
Agréez, mon cher Maire, l’assurance de mes sentiments les plus distingués,

F. DE PERSIGNY.

EXTRAIT
DU
RÉGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL
DE LA VILLE DE MONTBRISON
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Cejourd’hui premier février mil huit cent soixante deux, le Conseil municipal de la ville de Montbrison s’est réuni dans le lieu ordinaire de ses séances, sous la présidence de M. Majoux, maire.
Etaient présents MM. Lafay et Chazelle, adjoints, Rey, Manson, Rony, Hatier, Dubois, Surieux, Sijalon, Colmet, Lhote, Georges,’ Pitiot, Escaille, Bournat, Lambert, Benoist , Dulac, Bouvier, Boudoint et Goure.
M. Bouvier a été nommé secrétaire par la voie du scrutin.
M. le Maire dit : Messieurs, M. le Comte de Persigny, ministre de l’intérieur, ayant été informé de l’acquisition de la salle de la Diana, « que vous m’avez autorisé à faire par votre délibération du 21 janvier dernier, a spontanément accordé une somme de six mille francs destinée à venir en aide à la ville de Montbrison dans la dépense d’acquisition et de restauration de cette salle; une lettre de M. le Sous Préfet, du 29 janvier, m’informe officiellement de cette libéralité.
« La salle de la Diana est un monument précieux au point de vue historique et héraldique, et en nous accordant un secours aussi important, M. le Comte de Persigny a tout à la fois donné une preuve nouvelle de la protection éclairée qu’il sait donner aux arts et de sa sympathie pour la ville de Montbrison.
« Je vous propose de prendre une délibération pour remercier notre illustre et affectionné compatriote de cette pensée généreuse et lui exprimer toute notre reconnaissance pour ce bienfait. »
Le Conseil municipal, à l’unanimité, remercie, M. le Comte de Persigny du don de six mille fr. qu’il a bien voulu accorder à la ville de Montbrison pour la salle de la Diana et lui en exprime toute sa reconnaissance.
Ainsi délibéré les jour, mois et an que dessus et ont MM. les membres présents signé après lecture.

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CONTRAT DE VENTE

NAPOLÉON par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, à tous présents et à venir salut; faisons savoir que :
Pardevant Me PAUL DE SAULSES, licencié en droit et son collègue, notaires à Montbrison, soussignés,
A comparu : Mme Marguerite Couturier, veuve de M. Jean Baptiste BARDOS, sans profession, demeurant à Montbrison,
Laquelle a, par ces présentes, vendu, cédé et irrévocablement transporté, sous la garantie de droit, de tous troubles, actions, évictions et hypothèques, à M. Jean Marie Majoux, maire de Montbrison, y demeurant, également ici présent, stipulant, acceptant et acquérant au nom et pour le compte de ladite VILLE DE MONTBRISON, spécialement autorisé à cet effet par délibération du Conseil municipal de sa dite commune, en date du vingt un janvier dernier, délibération qui a été approuvée par M. le Préfet,du département de la Loire le six mars dernier,
Une grande construction ancienne servant actuellement de dépôt, appelée la Diana, située à Montbrison, au cloître Notre Dame, où elle occupe une superficie d’environ deux ares, joignant au nord la maison Durand, au levant construction appartenant actuellement à M. Martin, notaire, au midi la maison LeB.on, au couchant la rue du cloître Notre Dame, sauf plus vrais et meilleurs confins et plus exacte contenance, s’il en existe; le dit immeuble est ainsi vendu dans l’état où il se trouve et tel qu’il se poursuit et comporte, avec ses entrées et sorties, appartenances et dépendances, servitudes actives et passives, sans en rien réserver ni excepter, tel au surplus qu’il se trouve actuellement en la possession de ladite dame veuve Bardos, ainsi qu’il va être établi.
Cet immeuble appartient à Mme Bardos, susnommée, comme s’étant trouvé dans le legs universel qui lui a été fait aux termes d’un testament en forme authentique passé devant Me. Durand, notaire à Montbrison, le vingt neuf janvier mil huit cent cinquante huit, enregistré le neuf novembre dernier, par Mme Marguerite La Branche, veuve de M. Jean Claude Chapuis, décédée à Montbrison le sept novembre dernier, sans laisser d’héritier à réserve, ainsi qu’il résulte de l’intitulé de l’inventaire dressé après le décès de ladite dame par ledit Me de Saulses, notaire, suivant procès-verbal du douze novembre mil huit cent soixanteun, enregistré.
Ladite dame,Chapuis avait elle même l’usufruit dudit immeuble comme étant légataire universelle, mais en usufruit seulement de sieur Jean Claude Chapuis, son mari, aux termes de trois testaments olographes en date des douze janvier mil huit cent quarante neuf, dix huit janvier et dix sept février mil huit cent cinquante un, dûment enregistrés, et déposés pour minute à Me Chantemerle, notaire à Montbrison, suivant acte du sept juin mil huit cent cinquante un, enregistré. Elle avait réuni à son usufruit la nue propriété de tous les immeubles dépendant de la succession de son dit mari, aux termes d’une cession de droits successifs que lui avaient consentie les héritiers naturels de son dit mari, aux termes d’un acte reçu par ledit Me Chantemerle, notaire, le premier août mil huit cent cinquante un, enregistré, et transcrit au bureau des hypothèques de Montbrison, le quatorze avril mil huit cent cinquante neuf, volume 286, numéro 20 ; cette cession avait été faite et consentie moyennant le prix de trente mille francs qui, n’était exigible que six mois après le décès de la cessionnaire et qui vient d’être intégralement payé aux frères et sœur Pouilley, cédant aux termes ,d’une quittance passée devant ledit M. de Saulses, notaire, le six mars dernier, enregistré.
Ledit sieur Chapuis avait lui même acquis cet immeuble suivant acte passé devant Me Désarnaud, notaire à Montbrison, le vingt quatre juin mil huit cent vingt un, enregistré, du sieur Benoit Jacquet, propriétaire à Montbrison, qui l’avait lui même,, acquis de M. Louis Marie Gilbert Mondon, avoué à Montbrison, suivant acte passé devant ledit M. Désarnaud, notaire, le vingt un janvier mil huit cent treize, enregistré. M. Mondon s’en était lui-même rendu adjudicataire aux termes d’un jugement rendu par le tribunal civil de Montbrison, le trois pluviose an XIII, à la suite d’une surenchère du dixième mise sur une vente qui avait été, consentie devant Me Bourboulon, notaire à Montbrison, le sept thermidor an XII, au sieur Joseph Péronnet, par le sieur Jean Baptiste Chovot qui la tenait du district de Montbrison, auquel elle provenait de l’ancien chapitre de Notre Dame.
Cette vente est faite et consentie moyennant le prix et somme de six mille francs, que M. Majoux, en sa dite qualité et en vertu de l’autorisation à lui donnée, promet et s’oblige au nom de ladite ville de Montbrison, d’acquitter à ladite dame veuve Bardos, dans le délai de trois mois qu’il stipule pour remplir toutes les formalités nécessaires,’et ce avec intérêt à cinq pour cent l’an à compter de l’entrée en jouissance ci après stipulée si le paiement n’avait lieu antérieurement.
À la sûreté du paiement de ce prix, l’immeuble vendu demeurera spécialement affecté par privilège expressément réservé; sauf cette réserve, Mme veuve Bardos s’est démise et dessaisie de tous droits de propriété sur ledit immeuble pour en investir ladite ville et commune de Montbrison, acquérant à plein droit, désormais seule, vraie et légitime propriétaire, qui entrera en possession et jouissance le premier octobre prochain, à charge des impôts.
Mme veuve Bardos a fait remise des anciens titres de propriété à M. Majoux qui lui en donne décharge ; elle déclare, en outre, que l’immeuble présentement vendu n’est grevé de son chef d’aucune hypothèque légale.
Dont acte fait et passé à Montbrison, en, ‘la Mairie,
L’an mil huit cent soixante deux, le huit avril.
Après lecture, M. Majoux et Mme Bardos ont signé avec les notaires.
Suivent les signatures.
Ensuite est écrit : Enregistré à Montbrison, le neuf avril mil huit cent soixante deux, folio 488 recto, cases 5 et 6, reçu trois cent trente francs, décime trente trois francs.
Signé: FOURNIER.
MANDONS ET ORDONNONS à tous huissiers sur ce requis de mettre les présentes à exécution ; à nos Procureurs généraux et à nos Procureurs près les tribunaux de première instance d’y tenir la main; à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En foi de quoi nous avons signé et scellé les présentes délivrées pour première grosse à Mme Bardos.

PAUL DE SAULSES.
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Mémoire de MM. de Soultrait, de Chantelauze et J. Roux:

MONSIEUR LE MINISTRE,

Conformément au désir de M. le Maire de Montbrison, nous avons visité la Diana, afin de. rendre comte à Votre Excellence de l’état dans lequel se trouve cette curieuse salle et de voir quels seraient les travaux à exécuter pour la conserver et la rendre propre à la destination que vous voulez lui donner.
La Diana, vous le savez, M. le Comte, occupe la totalité d’un bâtiment de peu d’apparence . construit en pisé, de 20 mètres de longueur ; elle est divisée en deux étages par un plancher qui se trouve à la hauteur de la naissance de la voûte, et ses murs sont percés de baies modernes,
La voûte seule offre de l’intérêt; la partie inférieure ne présente plus aucun vestige de son ornementation primitive; la cheminée dont La Mure nous a laissé la disposition et un dessin, à aussi complètement disparu.
Conserver cette belle salle du XIVème siècle en lui rendant, autant que possible, son aspect d’autrefois, telle est l’intention de Votre Excellence. Pour arriver à ce but, les travaux à exécuter sont de deux sortes, travaux de consolidation et d’assainissement, travaux de restauration archéologique.
Les premiers sont du ressort de l’architecte ; nous n’avons à nous occuper que. des autres. Voici ce que nous proposerions .
Le toit devrait être changé. Il serait refait toujours de forme plate, comme les autres toits du pays, mais son faîtage serait dans l’axe de la voûte. On boucherait les ouvertures informes des pignons et on s’assurerait de la solidité des murs, dans lesquels seraient pratiquées des baies en style du XIVème siècle.
La façade, que l’on pourrait reconstruire . en pierre de taille, devrait être percée d’une porte et d’une fenêtre ou d’un œil de bœuf de grande, proportion, trilobé. Sur cette façade une inscription rappellerait à quelle initiative le Forez doit la conservation d’un édifice qui offre tant de souvenirs historiques. Dans le pignon oriental seraient ouvertes trois baies ogivales, d’inégale hauteur ou une seule fenêtre à meneaux. Ces ouvertures seraient, bien entendu, dans le style du XIVème siècle et garnies de verrières à compartiments incolores, afin de ne pas nuire. à l’effet de la décoration polychrôme de la salle.. On devrait dans toute cette restauration ne pas s’éloigner du style simple et sévère des monuments gothiques du pays.
Passant à l’intérieur de la salle, voici comment nous en comprendrions la restauration. Les écussons des caissons de la voûte qui sont restés intacts seraient conservés dans leur état actuel; on s’abstiendrait d’y toucher, ils serviraient de modèle pour refaire ceux qui ont été enlevés ou, effacés. Ces derniers devraient être scrupuleusement copiés, comme dessin et comme couleur, sur les anciens. Les encadrements des caissons et la bordure de petits écussons et d’animaux hybrides qui encadre l’ensemble de la voûte, seraient éga1ement rétablis dans leur état primitif, d’après les parties conservées qui sont assez nombreuses pour permettre à un peintre intelligent et bien dirigé d’exécuter facilement cette restauration
L’artiste devra s’abstenir de toute interprétation. Partout où il trouvera des traits et des parties de couleur, il devra suivre soigneusement ces traits et appliquer des couleurs identiques; là où ces indications lui feront défaut, il devra copier servilement les parties anciennes qui lui seront données pour modèle. Nous ne saurions trop insister sur l’importance de cette scrupuleuse reproduction.
La cheminée devrait être rétablie d’après le dessin de La Mure, le manteau portant les blasons sculptés et peints; la hotte serait décorée de quelques moulures simples ou de peintures.
Au moyen age, les salles de parades et même les appartements d’habitation étaient tendus le plus souvent de tapisseries. Au XIVème siècle, l’emploi de ces tentures était devenu général. Beaucoup, de salles de châteaux de cette époque ont conservé les clous à crochet qui servaient à suspendre ces étoffes, maintenues seulement dans la partie supérieure, tombant sur le sol, et masquant les portes. Les tentures des appartements se composaient souvent aussi d’étoffes brodées ou couvertes d’applications. Nous proposerions pour garnir les parois de la Diana, des tentures brochées qui devraient reproduire des dessins empruntés à l’ornementation du XlVème siècle. Les couleurs devraient en être de tons adoucis afin de ne pas nuire à l’effet de la voûte qui, ne l’oublions pas, est la partie vraiment intéressante du monument, et à laquelle toute l’ornementation doit être subordonnée.
Le carrelage de la salle devrait être formé de ces carreaux en brique rouge incrustés qui furent si fort en vogue au XIIIème et au XlVème siècle. Ces carreaux portant des dauphins de Forez et des fleurs de lys barrées de Bourbon, ou des écussons complets des deux maisons qui régnèrent sur le Forez, seraient alternés et encadrés dans une bordure.
Il nous a semblé, M. le Ministre, que cette belle salle ainsi restaurée pourrait difficilement servir de musée; comment y conserver des antiquités, des collections, sans nuire à l’effet général et sans cacher les parois qui, dans notre projet, seraient revêtues d’.une ornementation destinée à accompagner et à faire valoir la voûte armoriée
Nous pensons que pour respecter le caractère de la Diana, il conviendrait de la laisser entièrement libre, et de la consacrer uniquement aux réunions de la Société historique et archéologique. Ancienne salle capitulaire ou ancienne salle des assemblées de la noblesse, elle garderait quelque chose de son ancienne destination en servant aux réunions des hommes qui s’appliqueront à interroger le passé de la province.
Il faudrait donc trouver un autre local pour le musée forezien et pour une bibliothèque provinciale dont la création nous paraît fort désirable; la maison qui, au Nord, est contiguë à la Diana, pourrait très bien remplir cette destination.
Cette maison, dont la surface est pour le moins aussi grande que la Diana, et dans laquelle on entre par une porte ogivale ancienne, se compose de bâtiments ruinés entourant une petite cour ; elle ne coûterait que 6,000 francs et elle offrirait toutes facilités pour l’établissement des collections historiques et archéologiques. On y trouverait, en outre, le cabinet du conservateur et le logement du concierge. Cette maison pourrait être mise en communication avec la Diana par une ou deux portes qui, du côté de la salle, seraient masquées par les tentures, ou ornementées si on voulait les laisser apparentes.
En terminant ce rapport, nous exprimons le vœu que la Diana ne soit pas classée au nombre des monuments historiques avant l’entier achèvement des travaux que nous venons de proposer.
Tel est, M. le Ministre, le premier projet de restauration que nous avons l’honneur de vous soumettre et sur lequel nous avons à appeler la bienveillante attention de Votre Excellence. Permettez nous d’ajouter que nous serons toujours heureux et fiers de vous seconder de tous nos efforts dans cette patriotique entreprise dont vous avez eu le premier la généreuse pensée. Grâce à vous, notre province pourra conserver cette curieuse salle héraldique, et elle verra s’établir dans son enceinte un foyer d’études historiques et archéologiques qui ne pourront manquer de grandir sous votre patronage puissant et éclairé.
Signés : Cte DE SOULTRAIT, DE CHÀNTELAUZE., J. ROUX.

L’article suivant portant la signature de M. Majoux et contenant quelques considérations générales sur le but de la Société, a paru dans le journal de Montbrison du 8 février 1865 :

Reconstruire l’histoire de France sur des bases, plus certaines, en interrogeant scrupuleusement les obscures annales de ses provinces, telle fut la vaste entreprise que se proposèrent les Bénédictins. On connaît l’admirable organisation de leur plan d’études historiques, les puissants moyens dont ils pouvaient disposer, les importants résultats qu’ils obtinrent. On sait aussi comment fut interrompue cette œuvre vraiment patriotique, qui, jusqu’à présent, n’a point trouvé de rivale parmi les autres nations. Explorateurs exclusifs de l’histoire du passé, les Bénédictins devaient disparaître dans le naufrage des institutions du passé; leur science qui se bornait à faire revivre des ruines, ne put trouver grâce devant les hommes nouveaux qui aspiraient à créer une ère nouvelle, et qui, jaloux contempteurs de l’ancien régime, tendaient par tous les moyens à détruire jusqu’aux derniers vestiges de sa mémoire. Ce n’est qu’après l’apaisement progressif de ces passions, ce n’est qu’après de longues années de recueillement que l’étude de notre histoire a repris faveur dans notre Société française. Cette réaction salutaire ne tarda pas à se manifester après l’apparition des premières œuvres d’Augustin Thierry et de M. Guizot; elle s’étendit peu à peu dans les provinces où l’esprit de critique et d’investigation renoua enfin la chaîne brisée des études historiques.
Le Forez entra en première ligne dans cette voie; grâce à l’impulsion d’un érudit plein de zèle et de savoir, qui, en découvrant le précieux manuscrit de l’histoire des Ducs de Bourbon et des Comtes de Forez, par de La Mure, éclaira tout à coup les annales enfouies de huit siècles de notre histoire.
C’est à la généreuse et intelligente initiative d’un autre érudit forézien qu’est due l’importante publication de ce manuscrit ; les notes savantes dont lui et ses collaborateurs font enrichi, les nombreux et précieux documents inédits qu’il y a joint feront sans contredit de cet ouvrage le monument fondamental de l’histoire du Forez.
Depuis cette révélation qui fut et qui sera toujours la plus considérable des conquêtes historiques pour le Forez. de savantes recherches, de nombreux travaux ont été entrepris, plusieurs époques ont été étudiées avec soin, principalement l’époque gallo romaine et le moyen âge. Les inscriptions antiques ont fait connaître, il y a peu d’années, le véritable nom de nos pères, les Ségusiaves; une étude attentive a confirmé de plus en plus à cette race vaillante le glorieux rang qui lui appartenait parmi les nations Gauloises, et a déterminé d’une manière plus certaine les limites de ses possessions territoriales. Les trésors manuscrits qui sont déposés dans les archives de l’Empire et de plusieurs départements, ont permis de répandre de vives lumières sur l’époque la plus complexe des chroniques provinciales, celle de la féodalité. Récemment encore, les archives royales de Simancas et les archives impériales de Vienne ont livré aux recherches du savant historien de Marie Stuart les traités secrets du Connétable de Bourbon avec Henri VIII et Charles Quint. pour détrôner François ler, découverte capitale non seulement pour l’histoire du Forez, mais encore pour l’histoire de France.
Cependant, quelque soit l’importance des résultats obtenus jusqu’à ce jour, résultats que pourraient nous envier plusieurs provinces, il reste encore de nombreux documents à explorer, de grands vides à combler, de grands travaux à accomplir pour achever de rendre la vie à ces deux grandes époques de notre histoire forezienne, Quant à la période qui s’étend depuis l’annexion du Forez à la Couronne jusqu’à nos jours, période qui peut se diviser naturellement en deux époques. la première qui finit à la chute de notre ancienne monarchie, et la seconde qui commence à la Révolution française, elle attend encore un historien.
Il était réservé à un homme éminent de notre pays de concevoir un projet dont la réalisation amènera sans aucun doute des résultats décisifs pour l’achèvement de notre histoire provinciale, M. le Comte de Persigny a eu la noble et patriotique pensée de fonder une bibliothèque forezienne dans laquelle devront être réunis tous les documents imprimés et manuscrits qui pourront servir à la reconstruction de plus en plus complète de l’histoire du Forez. Ce projet, inspiré à M. le Cte de, Persigny par l’amour sincère de son pays, est comme un développement de l’heureuse entreprise qu’il a conçue en ordonnant l’impression des inventaires des archives départementales. Ces inventaires tirés à plusieurs centaines d’exemplaires sont destinés, comme on le sait, « à mettre en communication dans toute ta France des documents qui intéressent à la fois l’administration, l’histoire générale du, pays, celle des communes et des familles » (1) . Livrés à la publicité de la France entière, ils fourniront des richesses inconnues, intéressantes pour tous, et pouvant être consultées par tous les érudits. L’ensemble de ce travail constituera un monument unique qui deviendra une œuvre vraiment nationale (2).
N’hésitons pas à proclamer que cette magnifique conception, lorsqu’elle sera appliquée, imprimera un mouvement définitif aux études historiques et qu’elle dépasse même de beaucoup en réalité le plan des Bénédictins. Ce n’était qu’à grand peine en effet que ces savants religieux pouvaient pénétrer dans les abbayes et les prieurés, qui n’appartenaient pas à leur ordre, de même que dans les Cours des Comtes de la France.
Aujourd’hui, grâce au décret de l’assemblée constituante qui a ordonné la réunion des archives religieuses aux archives départementales, et grâce surtout à la grande mesure dont M. le Comte de Persigny a pris l’initiative, tous les documents du passé n’auront plus de secrets et, après une publication complète des monographies provinciales, on verra surgir quelque grand écrivain qui pourra tracer d’une main sûre la synthèse de l’histoire de France.
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(1) Circulaire ministérielle dé M. le Comte de Persigny, du 18 août 1861.
(2) Ibid.
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La fondation d’une bibliothèque forezienne a été, dans la pensée de M. le Comte de Persigny, la conséquence naturelle de l’institution de la Société historique et archéologique dont il a fixé le siège dans l’ancienne capitale du Forez, et dont le nom est emprunté au monument le plus intéressant de l’histoire de cette province.
Il existe à Montbrison, derrière l’abside de la belle église de Notre Dame d’Espérance, bâtie par les Comtes de Forez et les Ducs de Bourbon, un vieux bâtiment nommé la Diana, ancienne salle du Chapitre et des Etats provinciaux, construite au commencement du XIVème siècle, et dont la voûte armoriée est, sinon l’unique, au moins le plus ancien et le plus complet monument de l’art héraldique en France. Vendue en 1793 comme bien national, la Diana servit depuis cette époque de dépôt et de grenier à foin. Souvent les archéologues exprimèrent le vœu que la municipalité de Montbrison la sauvât de l’oubli et de la ruine complète qui la menaçait. Mais pendant près de trente ans ces vœux restèrent stériles.
Enfin l’administration actuelle de la ville conçut le projet de ne pas en différer plus longtemps l’acquisition.
Pleine de confiance dans la sollicitude éclairée de M. le Comte de Persigny pour tout ce qui intéresse le Forez, elle eut recours à son puissant patronage. Ses espérances furent dépassées; non seulement M. le Comte de Persigny donna son approbation à ce projet, mais il eut encore la générosité de faire don à la ville de la somme nécessaire à l’achat de la Diana. C’était beaucoup déjà de relever de son abaissement ces vieux débris, moins respectés par le vandalisme industriel que par les injures du temps. Notre illustre compatriote, qui joint aux vues profondes de l’homme d’Etat toute l’érudition d’un archéologue et d’un héraldiste distingué, voulut faire plus encore. Inspiré par l’amour qu’il porte à son pays, il conçut la noble pensée de fonder dans le département de la Loire une Société historique et archéologique pour l’étude des monuments et des annales de notre province, et de faire de la Diana, restaurée et métamorphosée en bibliothèque, le siège de1a Société nouvelle. Le Forez n’a pas oublié avec quelle admirable spontanéité a été accueillie cette généreuse pensée, avec quel élan les adhésions ont surgi de toute part, avec quel empressement les hommes éminents dont le Forez peut s’enorgueillir dans les sciences, le clergé, la magistrature et l’industrie sont venus se grouper autour de M. de Persigny. Jamais Société ne fut plus rapidement créée et organisée avec plus d’éléments de succès. Grâce à cette haute et patriotique initiative, grâce à cet intelligent concours, l’étude de notre histoire locale ne sera plus l’œuvre patiente de quelques savants isolés. Nos archives secoueront la poussière séculaire qui les recouvre, nos vieilles ruines, désormais respectées, seront interrogées avec soin, et notre sol antique ne dérobera pas plus longtemps aux investigations de la science les trésors archéologiques qu’il renferme. Tous les travaux de la nouvelle Société, éclos sous la même inspiration, se réuniront comme un faisceau pour élever à l’histoire du Forez un monument digne d’elle et de notre époque.
La Société de la Diana ne saurait manquer de grandir sous le puissant patronage de son intelligent fondateur; elle deviendra, comme l’a dit un écrivain distingué, une Société modèle. Puisse-t elle s’élevant à la hauteur d’une mission morale, contribuer à populariser cet esprit de fidélité, de patriotisme et d’union que Monsieur le comte de Persigny a si bien le secret d’inspirer à tous les cœurs, et dont il est lui même la plus éclatante personnification.


INAUGURATION

de la

SOCIÉTÉ DE’LA DIANA


FÊTE OFFERTE PÀR LÀ VILLE DE MONTBRISON

À M. LE COMTE DÉ PERSIGNY


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La session du Conseil général du département de la Loire, présidée par M. le Comte de Persigny, a été close le 28 août 1862.
Le lendemain, vendredi, la ville de Montbrison était le théâtre d’une solennité intéressante à plus d’un titre et en particulier par le nombre des patriotiques souvenirs qui s’y rattachent.
Il s’agissait d’inaugurer la Société historique et archéologique de la Diana.Nous n’avons pas la prétention de raconter en détail tous les événements qui se sont accomplis pendant cette mémorable journée, qu’il nous soit permis seulement ,de retracer en peu de mots les faits les plus importants et de rappeler l’enthousiasme qui s’est manifesté avec tant d’unanimité dans la population de la ville de Montbrison et de l’arrondissement.
C’est à onze heures que M. le Comte de Persigny est parti de St Etienne, par un train spécial que la compagnie du chemin de fer avait mis à sa disposition. Parmi les personnes qui l’accompagnaient on remarquait M. Léon Sencier, préfet du département ; M. le vicomte de Vougy,, directeur général des lignes télégraphiques ; M. le comte de Charpin Feugerolles, député et vice président de la Société de la Diana ; MM. Jules Balay de la Bertrandière et Bouchetal Laroche, députés ; M. Pecqueux, général commandant le département de la Loire; M. d’Espagny, receveur général des finances ; M. Graëff, ingénieur en chef des pontset chaussées ; M. le comte de Callac, secrétaire général ; MM. Brian, lieutenant colonel d’artillerie, directeur de la manufacture d’armes ; de Laire, secrétaire particulier dut ministre ; Sauzéa, doyen du Conseil de préfecture ; A. Barban, conseiller de préfecture ; Félix Escoffier et Verdié, manufacturiers, etc.
Le, train spécial a franchi la distance entre StEtienne et Montrond en cinquante minutes. Une calèche découverte, attelée de quatre chevaux et conduite à la Daumont, avait été envoyée à la station par M. le Maire de Montbrison. Son Excellence a fait placer auprès d’Elle M. le Préfet, et en face M. le comte de Charpin Feugerolles et M. le général Pecqueux. Deux autres voitures particulières avaient été mises à la disposition des personnes composant la suite de Son Excellence.
Le cortège est arrivé à Montbrison un peu avant une heure.
Toute la ville était en fête et attendait l’hôte illustre qui venait la visiter.
A l’entrée de la place St Jean, se dressait un arc de triomphe en verdure, surmonté d’un aigle aux ailes éployées, orné de drapeaux et d’écussons empruntés à la Diana. Quelques pas plus loin, un bosquet improvisé avec des pins et des guirlandes formait un hémicycle gazonné où se trouvait M, Majoux, maire de Montbrison, ayant à ses côtés ses deux Adjoints, les membres du Conseil municipal, les Autorités de la ville et la plupart des Maires de l’arrondissement. Tous les anciens soldats du premier Empire, portant la médaille de Sainte Hélène, étaient accourus de tous les environs, au nombre de plus de cent, pour saluer l’ami le plus dévoué de Napoléon III.
Dans le fond, s’élevait un gracieux petit monument, chef d’œuvre de bon goût et de patience, dont l’idée et l’exécution appartiennent aux jardiniers de Montbrison. Sur un large fronton bordé de fleurs, tapissé de feuilles de lierre et supporté par quatre petites colonnes de verdure, on lisait cette inscription formée par une ingénieuse combinaison de fleurs emblématiques

« AU PLUS FIDÈLE
« À M. DE PERSIGNY 1
« LES JARDINIERS. »

Cette inscription encadrait l’écusson de M. de Persigny dessiné avec des fleurs ; aux angles, étaient figurés des instruments d’horticulture, et sur le tympan se dressait un aigle formé de magnifiques dahlias.
À quelques mètres de distance, à l’extrémité du pont St Jean, un second arc de triomphe symbolisant l’agriculture complétait la décoration de ce quartier de la ville. Quatre mâts élancés, réunis deux à deux par des drapeaux, des couronnes d’épis, des gerbes entrelacées de fleurs et les initiales gigantesques de l’Empereur, soutenaient une double frise de verdure où se lisait en lettres formées de poignées d’épis :

LES AGRICULTEURS DU FOREZ
AU COMTE DE PERSIGNY.

Pour donner une idée de l’effet grandiose produit par ce pittoresque édifice, construit par un.agriculteur, M. Dalicout, de Prétieux, il suffira de rappeler que l’aigle destiné au couronnement mesurait plus de six mètres d’envergure.
Lorsqu’après avoir traversé le premier arc de triomphe, M.. de Persigny est descendu de voiture, les tambours ont battu aux champs, et le cri de: Vive M. le Comte de Persïgny, sorti spontanément de toutes les poitrines, a salué l’illustre visiteur.
M. le Maire de Montbrison s’est alors avancé pour recevoir Son Excellence et l’a complimentée en ces termes :.
« MONSIEUR LE MINISTRE,
« La ville de Montbrison est heureuse et empressée d’accourir au devant de vous et de vous saluer de ses joyeuses acclamations. Elle se souvient avec reconnaissance qu’en l’honorant de votre visite, il y à deux ans, vous avez été pour elle plein de bienveillance et d’affabilité, vous avez eu, pour comprendre ses besoins, les plus nobles et les plus généreuses inspirations du cœur; vous avez été un compatriote, un ami.
« Nous n’espérions pas seulement votre retour, nous l’attendions avec une respectueuse impatience; si les services rendus commandent les sentiments de la reconnaissance la plus sincère, ils enchaînent aussi le bienfaiteur et le ramènent providentiellement vers ses protégés.
« Nous vous attendions donc, M. le Comte, et vous attendre, n’était ce pas donner à l’Empereur un nouveau témoignage de notre inaltérable attachement ? Il doit être heureux de voir entouré de l’estime et de l’affection de ses concitoyens l’ami fidèle qui, après avoir toujours eu foi dans l’Empire et dans l’Empereur, n’a pas aujourd’hui d’autre ambition que d’affermir la dynastie impériale, et de la faire respecter, en donnant à la France le spectacle de la probité la plus sévère, et en pratiquant cette noble maxime: Si j’arrive au pouvoir, je veux avoir les mains pures, et n’être même pas soupçonné.
« Monsieur le Comte, vous êtes par l’amitié et par la confiance de l’Empereur, intimement lié à ses destinées, et nous pouvons dire d’avance : Napoléon III et le Comte de Persigny, inséparables dans, l’adversité, inséparables dans la fortune, seront inséparables dans l’histoire.
« Vive l’Empereur 1
« Vive M. le Comte de Persigny 1 »
Les acclamations de la foule ont prouvé à M. de Persigny, que M. le Maire, en parlant de l’honneur et de l’intégrité, de la fidélité et du dévouement du ministre de Napoléon III, n’avait été que l’interprète des sentiments unanimes de la population.
Quant les vivats ont cessé, M. le Comte de Persigny, d’une voix accentuée et sympathique, a répondu
« MONSIEUR LE MAIRE,
« Je vous remercie de l’accueil que vous me faites. Je remercie également toute cette population qui se presse autour de vous, de ses chaleureuses sympathies. J’en suis profondément touché. Déjà, il y a deux ans, alors qu’on venait de lui enlever son plus grand avantage, j’ai pu apprécier sa générosité par la réception qu’elle fît au représentant de l’Empereur. Je vous dis alors que je vous étais acquis corps et âme. Autant qu’il a dépendu de moi, cette promesse a été tenue. (Voix nombreuses: Oui ! oui ! c’est vrai ! ). Les travaux du chemin de fer de Montbrison à la ligne de Saint Etienne sont commencés, ainsi que les grands travaux d’irrigation et d’assainissement qui feront de la plaine du Forez un des plus riches pays du monde. Vous pouvez compter sur moi. Je vous en donne une nouvelle preuve aujourd’hui, en venant au milieu de vous fonder une Société qui peut rendre les plus grands services à cette province et devenir l’une de ses gloires. Croyez le bien, Messieurs, je serai toujours heureux de pouvoir vous témoigner mes vives et réelles sympathies. »
En terminant cette chaleureuse allocution, M. de Persigny a serré affectueusement la main à M. Majoux. En ce moment les bravos, contenus par le respect, ont fait explosion et des milliers de voix ont formé un hourrali immense et longtemps prolongé.
Enfin le cortège se met en mouvement, les tambours et les clairons ont donné le signal. La musique de la ville ouvre la marche sur l’air patriotique de la reine Hortense. La foule retenue sur les deux côtés de la chaussée par une double haie formée par les pompiers de Montbrison et de Boën, se précipite et envahit les boulevards, impatiente de contempler à son aise et de saluer de ses bruyantes acclamations le héros de la fête, l’illustre ministre, le compatriote aimé qui lui revenait après deux ans d’absence.
Sur toute la ligne des boulevards, se dressaient des mâts ornés de drapeaux, d’oriflammes et de cartouches à la lettre N; des festons et des guirlandes de verdure couraient d’un arbre à l’autre.
Un troisième arc de triomphe, simulant une porte gigantesque, s’élevait un peu. avant la place de la Grenette; on lisait au fronton cette inscription :
Vive l’Empereur
Et sur des cartouches placés sur les côtés, les noms des chefs lieux de canton de l’arrondissement.
Le cortège est enfin arrive à la Sous Préfecture. Cet édifice avait été richement décoré ; partout des drapeaux, des oriflammes, dès écussons ; celui de M. de Persigny avait été placé au dessus de la porte principale. Les salons étaient littéralement encombrés. M. le Ministre de l’intérieur a successivement reçu les membres, du tribunal de première instance, ayant à leur tète leur président M. Bravard, les officiers de la garnison, les fonctionnaires de l’ordre civil, le clergé de la ville conduit par M. l’abbé Chatelain, curé de Notre Dame d’Espérance. Les maires des communes de l’arrondissement ont été ensuite présentés à Son Excellence ; ils étaient accompagnés de leurs adjoints et d’un grand nombre de leurs conseillers municipaux. Les dignes représentants de nos populations rurales se montraient tout joyeux devoir de près l’ami de l’Empereur, l’homme dont ils avaient tant de fois entendu citer le nom comme un type d’honneur et de fidélité chevaleresque. Il en était venu des points les plus éloignés et jusque des confins de l’Auvergne; le Conseil municipal de la petite ville de Noirétable, distante de 45 kilomètres, était au grand complet.
Visiblement ému, M. de Persigny les a affectueusement remerciés ; il les a félicités d’avoir les premiers acclamé l’Empereur et contribué à fonder sa dynastie. Ses généreuses paroles ont produit la plus vive impression, et les Maires se sont. retirés emportant de cet entretien avec leur honorable compatriote de doux et de précieux souvenirs.
Après la séance d’inauguration et la visite à la salle de la Diana, M. le Comte de Persigny a voulu revoir le jard in de la ville, où il avait reçu, il y a deux ans, de M. L. de St Pulgent, un si brillant et si cordial accueil. Puis il est monté en voiture avec M. Sencier, préfet de la Loire, M. Larribe, sous préfet, et M. Majoux, maire de Montbrison, pour aller visiter les ruines de Moind.
Le bruit de la présence de M. de Persigny s’étant répandu dans ce bourg, un grand nombre d’habitants se sont rassemblés, et là, comme à Montbrison, il a été l’objet d’une ovation enthousiaste.
Un jeune paysan qui se trouvait sur les lieux a bien voulu servir de cicérone à Son Excellence et lui a donné quelques explications sur le nom latin et l’antique importance de la ville de Moind. M.. de Persigny l’a écouté avec sa bienveillance habituelle et l’a complimenté sur son érudition.
Le banquet a eu lieu dans la halle aux grains, magnifiquement décorée par les soins de MM. Bourboulon, Crozier et Perrier. Les portes latérales étaient dissimulées par des rideaux de verdure, et la grande entrée fermée par d’immenses draperies rouges. À l’intérieur, les murs disparaissaient sous le feuillage; des drapeaux, des oriflammes armoriées étaient suspendues à la charpente de fer de la voûte; des lustres, des girandoles rustiques garnies de fleurs, versaient une lumière éclatante sur la salle. Dans le fonds, le buste de l’Empereur, couronné de lauriers d’or et placé au milieu de faisceaux de drapeaux, semblait présider à la fête offerte à son ministre.
La plus grande partie des invités était réunie, lorsque la fanfare a annoncé l’arrivée de M. de Persigny. M. le Comte a été conduit ‘a la place d’honneur par M. le Maire de Montbrison. À sa droite, ont pris place M. le Préfet, M. le général Pecqueux, M. L de St Pulgent, M. Balay de la Bertrandîère, M. d’Espagny, M. le comtè de Callac, M. le chanoine Crozet, M. Tézenas, sous préfet de Roanne; à sa gauche, M. Majoux, M. deVougy, M. D’Aiguy, conseiller à la Cour impériale de Lyon, président de la Cour d’assises, M. le comte de Charpin Feugerolles, M. Bouchetal Laroche, M. Chatelain, le comte du Hamel, M. Lachèze, M. Larribe et Bravard.
Le banquet, où se sont assis près de 200 convives, a été somptueux ; la musique de la ville, nouvellement instituée et habilement dirigée par M. Béguin, a exécuté avec un remarquable ensemble plusieurs morceaux d’harmonie.
1 Au dessert, le premier toast a été porté par M. le comte de Charpin Feugerolles, député de la Loire, et vice président de la Société de la Diana :

« À l’Empereur,
« Au souverain qui, par sa fermeté autant que par la gloire attachée à son nom, a préservé la France de l’anarchie et a rétabli son influence au dehors,
« Au protecteur éclairé des lettres, des sciences et des arts, sous les auspices duquel nous sommes réunis aujourd’hui.

« À l’Impératrice,
» Modèle de grâce et de bonté, si digne de notre affection, qui personnifie à nos yeux le dévouement, la bienfaisance et les plus nobles sentiments.

« Au Prince Impérial,
» Dont les qualités précoces sont pour nous le gage assuré de l’avenir.
« Vive l’Empereur 1
« Vive l’Impératrice 1
« Vive le Prince Impérial 1 »
Lorsque les applaudissements qui ont salué cette, triple acclamation ont été apaisés, M. Majoux, maire de Montbrison, s’est levé et a pris la parole en ces termes :

« À la Société de la Diana et à Son Excellence M. le Comte de Persigny.
« Tous les hommes qui s’intéressent à l’histoire et aux sciences, et qui, profondément dévoués à leur pays, désirent autant son développement moral et intellectuel que sa prospérité matérielle; tous ceux qui aiment à fouiller dans le passé pour y chercher ce qu’il a produit de noble, de grand, de beau, et de bien, et en faire profiter les générations présentes et futures; tous ces hommes doivent être frappés du spectacle qui est offert aujourd’hui à la ville de Montbrison, cette ancienne capitale du Forez: une Société nombreuse, organisée en peu de mois, composée des éléments les plus propres à en assurer le succès et la durée, se réunissant à l’appel d’un illustre compatriote et se groupant avec enthousiasme autour de lui pour étudier l’histoire de la province du Forez et rechercher les objets d’art et les antiquités qu’elle renferme; aucun spectacle ne pouvait réjouir davantage ceux qui se.dévouent à la science et à leur pays.
« Grâces soient rendues à M. le Comte de Persigny d’avoir ‘Conçu et exécuté si heureusement un projet d’une si haute importance. C’est à lui que la France est redevable de l’inventaire des archives départementales, magnifique création dont les résultats seront immenses pour l’histoire, les arts et les sciences. Les travaux de votre Société auront un succès ana logue ; ils permettront de réunir et de classer tous les documents bibliographiques du Forez et fourniront aux hommes d’étude les matériaux nécessaires pour produire un jour des ouvrages d’histoire ou de science, qui feront la gloire de notre pays.
« Vous aurez une large part de cette gloire, M. le Comte, vous qui aurez aplani les principales difficultés de cette entreprise ; vous aurez aussi la gloire d’avoir restauré un des plus beaux monuments historiques de France, et la postérité bénira votre mémoire, comme vos contemporains et compatriotes vous admirent et vous aiment.
« Vive M. le Comte de Persigny ! »

Une formidable acclamation s’est aussitôt fait entendre et les voûtes de la salle ont retenti. M. le Ministre s’est levé et, d’une voix où vibrait une profonde émotion, a répondu au toast qui venait de lui être porté
« MONSIEUR LE MAIRE,
« Je vous remercie au nom de la Société de la Diana de la magnifique hospitalité que la ville de Montbrison vient de lui,offrir. Les arrondissements de St Etienne et de Roanne ont accueilli avec empressement la proposition de mettre le siège de notre Société à Montbrison. Ils ont reconnu qu’il était juste de rendre cet hommage à notre ancienne capitale et de la dédommager des avantages qu’elle a perdus. Montbrison, de son côté, a noblement témoigné de sa reconnaissance ; les uns et les autres ont été dignes du Forez. Quant à moi, Messieurs, j’ai besoin de vous remercier des marques si éclatantes de sympathie que vous me donnez ; il semble que vous vouliez faire mentir le proverbe ; Nul n’est prophète dans son pays ; car tout ce que je dis, vous l’approuvez; tout ce que je propose, vous l’acceptez. Mais votre bienveillance pour moi n’exaltera pas ma vanité, car ce n’est pas mon mérite que je vois au travers de ces témoignages de sympathie ; c’est votre bonté, c’est votre générosité.
« Je crois du reste bien comprendre les sentiment qui vous animent à mon sujet. Vous vous dites: « Voilà un de nos compatriotes qui, par son .dévouement à une grande cause, est parvenu à une situation élevée de l’Etat. » Mais ce n’est pas la cause vraie de votre sympathie. La cause, c’est que vous vous dites encore, et vous avez raison : « Ce ministre aime son pays natal; il nous aime et il faut l’aimer un peu à notre tour. »
« Eh bien, je vous en remercie de tout mon coeur, et je vous prie en conséquence de me permettre de proposer un toast qui résume nos sentiments à tous : À notre chère, à notre noble province du Forez ! »
Cette improvisation chaleureuse où M. de Persigny avait mis, pour ainsi dire, son âme tout entière, a produit un effet inexprimable. Toutes les vivacités de l’enthousiasme de la journée semblaient s’être réunies dans une immense acclamation. C’était dans toute la salle une explosion de vivats, de bravos, auxquels venaient se mêler les applaudissements de la population de la ville.
Au moment où les invités sortent de la salle du banquet, les acclamations recommencent avec une nouvelle énergie et le coup d’oeil devient magique. Des feux de Bengale illuminent soudain toute la façade de la halle et toute la place de la Grenette. La musique, et les pompiers portant des torches, précèdent et escortent le cortège. À peine M. de Persigny a t il paru que, de toutes les poitrines, s’échappe un seul et même cri de :
« Vive M. de Persigny »
C’était un splendide spectacle. À mesure que le cortège s’avance, les feux de Bengale s’allument sous ses pas et, en éclairant toutes. les têtes, projettent au loin leurs reflets tricolores ; l’embrasement est général. Jamais promenade aux flambeaux n’eut un pareil éclat. Ajoutons que tout le parcours sur le boulevard est éclairé de lanternes vénitiennes avec une profusion sans exemple.
Des feux courent à tous les arbres, encadrent toutes les fenêtres.
La musique joue, le peuple acclame, le Ministre ne suffit pas à saluer cette foule.
Tous les dix pas, des coureurs allumaient de nouveaux feux de Bengale, rouges, bleus, blancs qui lançaient dans le feuillage des grands arbres du boulevard, leurs fantasmagoriques reflets.
Le cortège allait d’un pas rapide, dans le peuple, mêlé aux invités, il y avait une exaltation vraiment flatteuse et communicative. C’était comme une des nuits célèbres de Venise en fête, non pas de la Venise autrichienne, mais de la Venise opulente, fière et heureuse du moyen âge, de la Venise des deux doges et des sénateurs, de la Venise contemporaine de notre Diana, devant laquelle le cortège est arrivé et s’arrête.
Là, un nouveau et splendide tableau s’offre aux regards. Toute la façade de la Diana est illuminée.
Au milieu, au dessus d’un écusson transparent, sur lequel se détachent les armes de Montbrison, on lit dans un large cadre, en style du XIIIe siècle ::
NAPOLEONE III AUGUSTO IMPERANTE,
DIANJAL NOSTRA MONTBRISONENSIS
AUSPITIIS ET MUNIFICENTIA PRŒCLARI COMITIS
DE PERSIGNY,
PLAUDENTE CIVITATE, GAUDENTE SCIENTIA,
INSTÀURENDÀ SURREXIT.
A droite,. au dessous de l’écusson des Comtes de Forez sont écrits ces mots’
COMES FORENSIS
ŒDIFICATIT
ANNO MLCCC.
A.gauche, au dessus du blason de M. de Persigny, le présent parle après le passé :
COMES IMPERIALIS
RESTITUET
ANNO M .DCCC.LXII.
Après avoir quelques instants admiré cette éblouissante décoration, le cortège a pris, à travers. les rues, le chemin de l’Hôtel de Ville. Les illuminations sont plus nombreuses que jamais, plus brillantes. On dirait que la fête va recommencer sur le nouveau parcours. On arrive sur la place de la Mairie.. Le coup d’œil est vraiment féerique.. des feux multicolores, des chromotropes d’un effet merveilleux s’y mariaient à. des arceaux de verdure et de fleurs; au sommet d’un portique rustique se détachait un transparent lumineux aux armes de M. de Persigny ; en même temps, on entendait sortir d’une tribune élevée les sons d’un orchestre qui préludait aux danses populaires. Le cortège entre dans l’enceinte et s’arrête devant l’estrade. À ce moment, se forment les quadrilles: M. de Persigny invite une piquante plébéienne , Mlle Bollon, fille d’un cantonnier, surprise et émue de la préférence ; ses, compagnes sont déjà jalouses, mais les danseurs ne manquent point. M. Majoux fait vis à vis à Son Excellence, ayant pour danseuse Mme Cognasse, femme du plus célèbre Dussautoy de la localité. MM., Sencier, Pecqueux, de Vougy, Larribe, Tézenas et de Callac ont aussi fait leur choix. On les imite ; les violons donnent le signal de la danse et le bal est en train.
La population applaudissait joyeuse, et quand le quadrille officiel est terminé, le publie envahit la salle.
À onze heures, un punch est offert aux invités dans les salles de la Mairie., M. Majoux a profité de cette circonstance pour présenter à M. de Persigny les honorables citoyens qui ont bien voulu accepter les fonctions de commissaires de la fête. Nous citerons MM. Chazelle, adjoint, Rey et Boudoint qui ont présidé à la décoration des boulevards et aux illuminations de la soirée ; MM. Benoist, Hatier et Dalicout qui ont fait,élever les arcs de triomphe que nous avons décrits ; MM. Bourboulon, Périer et Crozier qui ont, dans l’installation de la salle du banquet, fait,preuve d’un talent et d’un goût consommés/
M. le Comte de Persigny leur a adressé quelques paroles pleines de bienveillance.
Souriant malgré les fatigues d’une pareille journée, M. le Ministre ne s’est décidé qu’à grand peine à quitter cette population dont il est l’idole et qui ne se lasse jamais de lui témoigner son affection et son dévouement.
M. le Comte de Persigny est parti le lendemain, à midi, après un déjeuner à la Sous Préfecture, offert à quelques membres de la Société de la Diana.
Tels ont été les principaux incidents de cette belle et mémorable journée. Nous n’avons pas voulu la raconter, mais seulement l’esquisser.
Ceux là seuls qui ont été témoins de la fête offerte à M. le Comte de Persigny, peuvent se faire une idée de l’enthousiasme que la visite de notre illustre compatriote a excité dans la cité montbrisonnaise. Ceux là seuls peuvent comprendre la réponse de M. le Maire de Montbrison à cette réflexion de M. le Ministre. « C’est vraiment trop beau ! Et si l’Empereur venait, que feriez vous donc ? »
– « Nous tacherions de faire aussi bien » – répondit M. Majoux.
______________
À son arrivée à Paris, M. le Comte de Persigny a bien voulu écrire à M. Majoux pour lui exprimer toute sa reconnaissance de l’accueil que la ville de Montbrison lui avait fait dans la journée du 29 août.
Voici la lettre adressée par Son Excellence à M. le Maire de Montbrison

Paris, le 2 septembre 1862.
MONSIEUR LE MAIRE,
En arrivant à Paris, ma première pensée est de vous écrire pour vous prier d’être auprès du Conseil municipal de Montbrison et de,vos administrés, l’interprète de mes sentiments de reconnaissance pour l’accueil que j’ai reçu de vous. La grande journée de l’installation de la Diana restera dans ma mémoire comme un, de mes plus chers souvenirs , ce sera pour mes enfants un titre d’honneur qui les attachera à jamais ‘à votre ville
Je vous prie d’agréer l’expression particulière de ma sympathie et de mes sentiments dévoués.


F. DE PERSIGNY.

EXTRAIT

DU

REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS DU CONSEIL MUNICIPÀL
DE LÀ VILLE DE MONTBRISON

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Ce jourd’hui cinq septembre mil huit cent soixante deux, le Conseil municipal de la ville de Montbrison s’est réuni dans le lieu ordinaire de ses séances, sous la présidence de M. Majoux, Maire.
Etaient présents MM. Lafay et Chazelle, adjoints, Escaille, Georges, Dulac, Rey, Bouvier, Griffon, Hatier, Lhote, Rony, Dubois, Lambert, Bournat, Manson, Colmet, Sijalon, Surieux, Pitiot, Goure, Boudoint, Benoist.
M. le Maire annonce au Conseil municipal qu’il a été convoqué extraordinairement pour recevoir communication d’une lettre qui lui a été adressée aujourd’hui par S. Exc. M. le Comte de Persigny, et dont il fait lecture.
M. le Maire ajoute : « Les sentiments que renferme cette lettre émanent d’un noble cœur. Je vous demande de vouloir bien la faire transcrire sur le registre de vos délibérations; elle restera comme un monument vivant de l’affection qui nous a toujours unis à M. le Comte de Persigny; elle sera aussi pour nos enfants un précieux enseignement et leur apprendra qu’il n’y a pas. de plus douce satisfaction et, d’o.rguei1 plus’ légitime que de se serrer autour d’un compatriote qui a accompli quelque chose de plus difficile que de s’élever au plus hautes dignités de l’état, qui les a honorée par ses vertus.
« ‘En lui faisant le 29 août 18621) une réception cordiale, nous avons voulu lui prouver que nos sentiments n’avaient pas changé depuis sa dernière visite, qu’ils s’étaient encore fortifiés et que désormais notre sympathie et notre reconnaissance lui étaient acquises ; notre but a été atteint, la lettre que je viens de vous lire en fait foi, M. M. Comte de Persigny sait maintenant qu’il n’a pas d’administrateurs et d’amis plus sincères que les Montbrisonnais. »
Après ces paroles de M. Majoux, maire, le Conseil municipal décide à l’unanimité et avec acclamation que, la lettre de M. le Comte de Persigny sera transcrite sur le registre de ses délibérations, et le remercie de nouveau de sa bienveillance, des services qu’il lui a rendus et de l’honneur qu’il a bien voulu lui faire en plaçant le siège de la Société de la Diana à Montbrison, et en venant présider sa première séance.
Ainsi délibéré, les jour, mois et an que dessus et ont MM. les membres ‘présents signé après lecture.

APPRÉCIATIONS DES JOURNAUX DE PARIS

SUR LE DISCOURS PRONONCÉ

PÀR SON EXCELLENCE M. LE COMTE DE PERSIGNY

Lors de l’inauguration de la Diana.


CONSTITUTIONNEL

On sait que l’ancienne salle des Etats du Forez, connue sous le nom de la Diana, un des monuments historiques’ les plus importants de cette province et de la France, après avoir été rachetée. par M. le Comte de Persigny, va être l’objet d’une restauration complète qui doit remettre au jour une grande partie des précieuses et abondantes indications héraldiques dont ses murs étaient littéralement couverts.
Cette restitution, entreprise sous les auspices de l’illustre ministre, est plus qu’un service rendu à notre histoire nationale; M. le Comte de Persigny en a pris l’occasion de former entre les hommes éminents du Forez, choisis dans la magistrature, l’armée, l’agriculture, l’industrie, une Société dont il a tracé, dans le discours d’inauguration, la mission élevée et féconde.
Ardent à découvrir et à provoquer toutes les grandes améliorations qui peuvent contribuer à rétablir dans son ancien bien être et son antique prospérité une province qui lui est chère, M. de Persigny, dans son discours, a salué avec une reconnaissance sympathique et en termes chaleureux l’empressement des hommes intelligents qui se pressaient autour de lui, fiers de participer à son œuvre et d’honorer, selon l’expression du ministre, le présent par le culte du passé.
Il a glorifié, avec une grande élévation de pensée , ce culte des traditions anciennes , si moralisateur et si précieux dans un siècle où la préoccupation des intérêts matériels tend à devenir exclusive. Il a montré que les enseignements du passé peuvent être féconds même en ce temps de grandes découvertes, et en présence des gigantesques progrès qui sont le fruit de ces découvertes.
M. le Comte de Persigny avait sous la main les preuves matérielles de sa théorie. à côté du barrage du Furens, entrepris ‘d’après la savante théorie de l’Empereur, il a rappelé un splendide ouvrage du même genre, la digue de Piney, élevée par les Romains, restaurée par Louis XIV, et qui attend une nouvelle et fondamentale réparation.
À propos du grand travail d’irrigation et de drainage qui se poursuit en ce moment pour la transformation, et la fertilisation de la plaine du ,Forez, M. de Persigny a révélé la curieuse découverte d’un travail identique exécuté dans des temps reculés, et dont les ingénieurs n’ont en quelque sorte qu’à suivre aujourd’hui les traces incomplètement effacées.
E. VIERNE.

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PATRIE

Au mois d’août 1818, un homme de loi, se présenta à l’hôtel militaire de Woolwich, asile des invalides de l’armée anglaise, pour s’enquérir d’un vieux soldat en retraite, nommé James Gordon. On le lui amena. C’était le frère cadet d’un brave soldat, John Cordon, qui s’était engagé au commencement de ce siècle dans les dragons, qui avait fait toutes les campagnes de l’armée anglaise et qui était mort dans l’Inde en 189,0, après avoir atteint le grade de sergent major, le plus élevé auquel puisse parvenir dans l’armée anglaise un soldat qui n’est pas assez riche pour acheter une épaulette. Son frère cadet avait été en 1812 dans un régiment du génie ; l’explosion d’une mine lui avait fait perdre un oeil, et il avait été réformé avec une solde de retraite de dix huit sous par jour. C’était là depuis vingt huit ans ses seuls moyens d’existence ; encore les partageait il avec la veuve et les enfants de son fils, mort chauffeur à bord d’un bâtiment à vapeur espagnol, lorsque l’homme de loi lui apprit qu’il était le dernier représentant et le légitime héritier des comtes de Kenmure, seigneurs de Lochinvar.
Dans un pays où tous les efforts de la législation tendent à assurer la perpétuité des fortunes et à mettre certaines familles à l’abri des caprices de la destinée, voilà donc où était descendue cette antique race des Gordon, fondée par un des compagnons de Guillaume le Conquérant, et qui avait compté pendant des siècles parmi les plus puissantes de l’Ecosse.
C’est là le plus récent exemple de ce qu’on a coutume d’appeler les bizarreries de la fortune, quand on y devrait voir la vérification d’une loi sociale., Le grand généalogiste anglais Burke a fait un gros ouvrage qu’il a intitulé le Roman de la Pairie, avec les vicissitudes des familles titrées de l’Angleterre. On y voit comment deux des titres les plus élevés de l’aristocratie britannique retrouvèrent leur possesseur légitime, l’un dans un ouvrier mineur, l’autre dans un garde barrière.
En regard des familles titrées descendues aux derniers échelons de la société, il serait aisé de mettre les familles plébéiennes arrivées de l’indigence aux plus grands honneurs. On en trouverait vingt exemples sans sortir de la Chambre des lords actuelle. En présentant à cette Chambre le bill qui abolissait le timbre sur les journaux, lord Campbell, mort l’année dernière chancelier d’Angleterre, rappelait à ses collègues qu’il avait débuté dans la vie comme sténographe du MorningChronicle. Il ajoutait que chacune des mesures avait présentées dans sa carrière politique pour affranchir la presse de quelque entrave, avait été, de sa part, l’acquittement d’une dette envers la profession d’écrivain.
Dira t on que le génie et le mérite persévérant savent renverser toutes les barrières, et que, la constitution féodale de l’aristocratie anglaise ne la pouvait préserver de toute irruption ? Est on sûr qu’une descendance plébéienne ne s’est pas assise sur le trône, sans qu’aucun mérite ait justifié cette élévation, sans qu’aucun événement extraordinaire la puisse expliquer? Le roi Louis XIII n’avait jamais appris qu’une chose, la généalogie. Quand il était en belle humeur, et qu’il avait humilié quelqu’un de ses courtisans en établissant l’origine roturière de sa famille, il consolait sa victime en disant qu’après tout lui même avait pour trisaïeul un greffier, et pour quatrisaïeul un garçon boucher. Le fait était vrai, et, pour en administrer la preuve, Louis XIII n’avait pas besoin de remonter au delà d’un siècle et demi.
Ce ne sont pas de simples vérités morales que M. de Persigny a exposées dans le discours élevé et plein d’aperçus nouveaux qu’il a prononcé l’autre jour, à Montbrison ; ce sont des vérités historiques et susceptibles d’une démonstration rigoureuse. C’est l’enseignement irréfutable de l’histoire que l’éminent orateur a résumé en quelques mots pour en faire sortir d’éloquentes leçons.
La première est que le respect du passé n’est pas seulement un sentiment pieux, qu’il est encore, un culte légitime et souvent une étude féconde. De piquants exemples, empruntés par l’orateur à l’histoire locale et à des faits physiques connus de tout son auditoire, en sont la plus ingénieuse et la plus convaincante démonstration. Que de vérités nous croyons avoir découvertes, et que nous avons seulement retrouvées ! Que d’inventions, que de procédés soi disant nouveaux nous ressuscitons, sans le savoir, d’un passé que nous n’avons pas su interroger !
L’antiquité se plaisait à représenter la Fortune assise sur une roue; elle traduisait ainsi, par une allégorie véridique, cette loi qui fait parcourir aux enfants des hommes tous les degrés de la prospérité et du malheur, qui fait descendre un à un aux races les plus favorisées tous les échelons de la vie, que d’autres gravissent pour les redescendre à leur tour. Le spectacle bien compris de ces vicissitudes humaines ne peut que fortifier en nous le sentiment de la pratique de l’égalité, non de cette égalité envieuse et jalouse, fléau trop fréquent des démocraties, qui s’attache à faire passer un niveau destructeur sur toutes les supériorités, mais de cette égalité vivifiante qui naît d’une légitime confiance dans la puissance du travail et dans l’équité divine, et qui nous crie de grandir nous même au lieu d’abaisser autrui. C’est l’instinct de cette vérité qui faisait dire à un grand. homme de guerre, avec une juste fierté : « Et moi aussi, je suis un ancêtre. »
.N’y devons nous pas voir, en même temps, la réfutation la plus écrasante de ces publications malsaines, où l’on falsifie l’histoire sous prétexte d’en combler les lacunes; où l’on partage arbitrairement la nation en deux classes, toujours les mêmes et perpétuellement distinctes, dont l’une n’aurait été, pendant tout le cours des siècles, que, la victime de l’autre ? Que signifient ces prétendues annales du peuple, écrites par l’esprit de parti pour entretenir et aviver les haines politiques ! Si nous connaissions bien toute notre vraie généalogie, savons nous combien nous y trouverions de vilains et de seigneurs ? N’est il pas probable que nous y trouverions tous des greffiers et. des bouchers, comme Louis XIII, et qui sait sî nous n’y trouverions pas des rois ? La vérité que M. de Persigny tire si éloquemment de l’histoire ne diflêre pas de celle que le prédicateur tire de l’Evangile : c’est que personne n’a le droit de s’énorgueillir; c’est que nous devons nous respecter les uns les autres, et nous traiter réciproquement comme des parents inconnus, dont l’affinité peut éclater tout à coup; que nous ne devons nous juger que par nos oeuvres, et que les haines de classes ont fait leur temps comme les inégalités sociales.
Tirons en encore, avec l’orateur, une autre conséquence. Sï l’ensemble de la nation demeure sensiblement le même, à raison précisément des vicissitudes des familles ; si tous, nous avons la certitude d’avoir concouru par quelqu’un des nôtres au rôle que, notre patrie a joué dans le monde, il s’ensuit que nous ne pouvons rien répudier du passé sans rejeter une portion de notre. héritage. Pourquoi distinguer dans les souvenirs glorieux des temps écoulés ? ils nous appartiennent à tous au même titre ; ils sont notre commun patrimoine. Ne craignons pas d’honorer les preux qui ont porté au delà des mers la crainte du nom français, et les grands juristes qui ont fondé nos institutions, et les politiques éminents qui ont jeté les bases de notre grandeur, aussi bien que les écrivains et ks artistes à, qui la France a dû sa prééminence intellectuelle. Capitaines ou soldats, nobles on plébéiens, ils ont tous contribué à faire la France ce qu’elle est ; et l’hommage que nous lui rendons n’est qu’une des formes du patriotisme. Etendons à toute la France ce que M. de Persigny disait, avant-hier, à ses compatriotes du Forez, et répétons avec lui :
« Notre passé, c’est notre histoire, c’est notre gloire ; et nous faisons acte de bons citoyens en relevant et honorant les reliques de nos pères. »

CUCHEVAL-CLARIGNY

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JOURNAL DES DEBATS

Nous ne serions pas des gens de goût, et nous manquerions à nos habitudes de haute impartialité si, même parmi les graves préoccupations de la politique, nous laissions passer inaperçu le discours que M. de Persigny a prononcé à Montbrison.
On sait que M. de Persigny est président du Conseil général du département de la Loire, ancien Forez. Il se conduit, autant que le permettent nos moeurs et nos lois, avec le Forez, « sa province, » que le département de la Loire ne lui fait point oublier, à la manière anglaise, qui est la bonne. Volontiers il y fonde, patronne et encourage des établissements utiles. Il a tenu, cette année, à inaugurer les travaux de la Société savante de la Diana, qui s’est proposée pour œuvre principale l’étude approfondie de l’histoire et de la topographie du Forez,
Il ne dépendait que de lui de prononcer à ce propos une harangue hardiment triviale. Nous connaissons des gens, même ministres, qui n’y eussent pas manqué ! Quel beau thème, en effet, pour parler à tort et à travers de l’immortelle Révolution, de la féodalité hideuse, de cette époque ténébreuse et barbare de l’ancien régime où nous n’avions pas d’autres poètes que Racine, ni d’autres généraux que Condé et Vauban ! Quelle occasion unique de compter avec satisfaction le nombre d’instituteurs primaires que ne possédait pas le Forez en l’an 1200 !,
Au lieu de cela, M. de Persigny s’est inspiré d’une grande et patriotique idée, qui est redevenue, nous le disons avec tristesse, presque neuve, bien qu’elle n’eût dû jamais sortir de l’esprit et du coeur d’un Français : c’est celle de la perpétuité de la France. Il a parlé à ce sujet avec une abondance sans prolixité, avec une distinction soutenue et vraie, avec une originalité qu’il a su retenir sur la limite où l’originalité devient paradoxe.
Oui, il y a une âme de la France qui n’a pas attendu jusqu’à l’année l800 pour se sentir elle-même et se faire sentir au monde et cette ânie invisible, elle bat en chacun de nous, petits et grands, la même chez tous, elle coule en nos veines avec le sang que nous ont transmis trente générations de Français. M. de Persigny a trouvé moyen de parler contre l’esprit de caste, non pas en déclamateur vulgaire, mais en patriote qui sait le prix de ce beau nom de Français, quelle que soit la condition de celui qui le porte, et en fin observateur de nos mœurs, qui sait qu’être « honnête homme, » selon le sens spécial du mot dans notre langue, a presque toujours tenu lieu chez nous, dans la société polie, d’être « gentilhomme. »
On a beaucoup remarqué, peut être pour plus d’un motif, le passage où M. de Persigny s’est attaché à démontrer mathématiquement que, par nos aïeux et nos descendants, nous sommes tous également nobles, tous également exposés à redevenir peuple. Celui que Saint Simon affecte d’appeler « le roi des gentilshommes, » Louis XIII, tout bon gentilhomme qu’il fût, s’en doutait déjà très fort, lui qui aimait à effaroucher ses courtisans en répétant de temps à autre: « Mon grand-père le greffier et mon aïeul le boucher de Paris. »
M. de Persigny a très habilement et très ingénieusement érigé en théorie la boutade malicieuse de Louis XIII. Nous ne voulons pas rechercher dans quelle situation respective cette théorie, acceptée au pied de la lettre, placerait l’ancienne noblesse et la nouvelle. Elle repose, en tout cas, sur un sentiment élevé et juste de la solidarité nationale. Elle resserre en la proclamant la solidarité provinciale elle même. Ce n’est pas nous qui nous en plaignons.
Les départements sont des êtres de convention qui n’ont pas réussi à détruire tout à fait ces êtres réels qui s’appelaient l’Aunis, la Bretagne, la Provence, le Poitou. M. de Persigny a le patriotisme du Forez avec celui de la France; il a le courage de s’en faire honneur, lui ministre, lui le représentant le plus haut placé de la centralisation administrative. Quel Français, soucieux de conserver intactes toutes les gloires de son pays, ne l’en féliciterait ? Quel est celui d’entre nous qui n’a quelque part son Forez, dont il ne verrait pas sans regret périr les vieilles moeurs ? Qui n’aime à se sentir ou à se figurer membre, selon l’heureuse et pittoresque expression de M. de Persigny, de quelque clan des Campbell et des Macdonald, uni de coeur et d’esprit à la France nouvelle comme à l’ancienne,, vivant en elle, pour elle et par elle, mais ne voulant pas s’y anéantir.

WEISS
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OPINION NATIONALE

Le 29 août a eu lieu à Montbrison l’inauguration de la Société historique et archéologique du Forez. M. de Persigny a prononcé à cette occasion un discours où, après avoir fait preuve des. connaissances les plus étendues sur le sujet spécial que la Société se propose d’étudier, il s’est élevé, à propos de la noblesse, de son origine, de ses transformations, à des considérations historiques et philosophiques qu’on ne saurait trop louer dans la bouche d’un ministre, surtout lorsque ce ministre porte lui même le titre de comte.
« Loin que la noblesse ancienne ait été d’un sang différent du peuple, a dit M. de Persigny, une race à part, la vérité est que, de même qu’il n’y avait pas de famille, noble qui ne sortît du peuple, il n’y en avait pas non plus qui, au moins par quelques unes de ses branches, ne finît tôt .ou tard par y rentrer. »
Un tel langage, bien qu’il se borne à constater un fait, montre au moins que M. le ministre connaît et comprend les sentiments et les tendances démocratiques de notre époque, et ce n’est pas un mérite si répandu qu’on ne lui doive de sincères félicitations dès qu’on a le rare bonheur de le rencontrer.

FALICHET
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ESPRIT PUBLIC

Dans les aperçus généraux que lui suggérait le point de vue où il s’était élevé et le milieu où il se trouvait placé dans cette salle armoriée, couverte d’inscriptions héraldiques, pleine de gothiques souvenirs, M. de Persigny a relié, fort habilement la chaîne des temps; il a su écarter les vaines apparences et les oripeaux qui recouvrent les vieilles institutions pour nous montrer le fond. des choses, et constater, entre le passé et le présent, dans l’ordre social, des vraisemblances et des identités vraiment. remarquables, Il a défini la noblesse comme il convient au ministre d’un Empire démocratique qui s’honore de son origine populaire: « Loin que la noblesse ait été d’un sang différent du peuple, une race à part, la vérité est que, de même qu’il n’y avait pas de noble famille qui ne sortît du peuple, il n’y en avait pas non plus qui, au moins pour quelques unes de ces branches, ne finît tôt ou tard par y rentrer. » Ce sont là les saines doctrines sociales, celles que l’Empire a acceptées le jour où il a recueilli l’héritage de la Révolution de 1789; et c’est la première fois que nous entendons formuler avec cette netteté la vraie théorie de la noblesse, et dévoiler, de ce ton à la fois respectueux et libre, le secret des généalogies.

LEONCE DUPONT.
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CONSTITUTIONNEL
du 19 septembre.

J’ai regretté l’autre jour, je l’avoue, de ne pas être un peu de l’opposition, afin d’être plus en droit de dire ce que je pensais après avoir lu l’excellent et spirituel discours que M. le comte de Persigny a prononcé à Montbrison ; mais enfin de ce qu’on a l’honneur d’être, par goût et par choix, le serviteur ét l’ami des gens, ce n’est pas une raison pour éviter de dire d’eux le bien que l’on pense. Ici, nous avons été devancé par tout le monde, par tous nos confrères de la presse, et nous nous en félicitons. Ce discours, prononcé le 29 août dernier, à la séance d’inauguration solennelle d’une Société historique locale, et accueilli avec une sympathie si marquée par toute la population d’un département et d’une province, est de nature à faire naître plusieurs réflexions.
Je ne sépare pas le discours de tous les actes qui l’ont précédé, du rôle actif, bienveillant, vigilant, que M. de Persigny n’a cessé de remplir depuis des années dans le département de la Loire, dans ce vieux pays du Forez qui est le sien et où il s’est acquis une popularité, une amitié de toutes les classes, qui ne cherche que les occasions de se manifester. Voilà, me disais je en parcourant le recueil local où l’on a réuni les touchants témoignages rendus à M. de Persigny dans ses visites à Saint Etienne et à Montbrison, et qui sortent tout à fait du ton officiel, voilà une province qui vit, qui échappe au reproche qu’on a souvent adressé à notre centralisation administrative, d’ailleurs si utile, de n’être qu’un mécanisme, un ensemble de rouages, et de laisser en dehors le cœur et l’âme des populations. Les provinces autrefois vivaient, mais elles se cantonnaient aussi ; elles se séparaient volontiers du centre ; ici en voilà une qui subsiste et qui revit avec un fonds de souvenirs, d’affections, et qui cependant ne fronde pas. Le vieux cœur se remet à battre à travers les mailles du réseau moderne et ne cherche pas à le briser. On a pourtant souffert dans ce pays de Saint Etienne autant et plus que dans d’autres depuis deux années ; l’industrie y a traversé une pénible crise ; mais on a eu la force de souffrir sans s’irriter, sans accuser le gouvernement qu’on savait attentif et plein de sollicitude ; les plaintes étaient patientes, elles sentaient qu’elles arrivaient en lieu sûr, et personne n’eût dit ce mot injuste : Ah ! si l’Empereur le savait ! Cette confiance, cette union, cette fusion des diverses classes dans un même intérêt, dans un même sentiment, offre un spectacle qui fait du bien. La France est une belle patrie ; elle a de ces jours où tous les cœurs n’ont qu’un seul vœu, qu’un cri éclatant; ce sont des journées héroïques, populaires, militaires, même civiles, où l‘on se retrouve, ou tout se confond : dates immortelles, véritables époques de notre histoire ! elles consolent de bien des intervalles. Mais aussi dans ces intervalles, que de misères, que de tiraillements, que d’inconséquences, que de velléités chétives, que de bouderies contre ce qui existe, que de taquineries de méchants enfants (et il y en a dans le nombre qui devraient être sages, car ils sont grands et même célèbres), et combien ils seraient attrapés tous les premiers si un mauvais Génie les prenait au mot ! En ces tristes journées on est tenté de se demander vraiment si l’on est une nation forte, sérieuse, ayant le caractère fait. Oh ! si l’on pouvait sur tous les points de la France, à commencer par nous mêmes, au centre, inspirer un esprit d’union qui ne soit point de servilité, mais d’affection à une chose commune, à une. seule et même chose qui soit nôtre et qu’on n’aspire qu’à améliorer, à perfectionner, oh ! comme alors la France serait belle et forte, non seulement dans ces jours qui ne sont qu’à elle dans l’histoire et par où elle éclate au monde, mais aussi dans ce tous les jours qui est bien de quelque prix dans la vie des peuples et dans celle des individus.
Que chacun y travaille selon ses forces, à sa portée, ou sur plusieurs. points ou sur un seul. Il faut rendre à M. de Persigny cette justice qu’il a dans le cœur ce je ne sais quoi d’élevé qui répond bien à un tel sentiment, qui y sollicite et peut y rallier même des adversaires, qui va chercher en chacun ce qui est vibrant ; et que le sentiment napoléonien historique et dynastique tel qu’il le conçoit dans son esprit et dans son culte, tel qu’on l’a entendu maintes fois l’exprimer avec une originalité saisissante (toute part faite à un auguste initiateur), est à la fois ami de la démocratie, sauveur et rajeunisseur des hautes classes, animateur de la classe moyenne industrielle en qui il tend à infuser une chaleur de foi politique inaccoutumée.
En revenant au discours du Forez, on retrouve là dans la piquante théorie de la noblesse qui, à la bien entendre, n’est plus un privilège et doit se répartir à divers degrés entre tous les individus d’un même pays, une variante ingénieuse pour exprimer ce sentiment patriotique d’union : Il n’y a plus de démocratie absolue ; il n’y a plus d’aristocratie retranchée. Nous tous, enfants d’un même pays, nous nous divisons inégalement et à l’infini en deux classes qui se modifient, se pénètrent et travaillent à se refondre chaque jour en vertu d’un va et vient aussi naturel que l’est dans le corps la circulation du sang; parents riches et patents pauvres, voilà toute la différence. Puisse une explication si généreuse courir et se propager ! Et c’est ainsi que dans cette salle des anciens Etats du Forez, sauvée, grâce à lui, de la ruine et consacrée désormais à la Société historique de Montbrison, sous ces voûtes et entre ces murailles toutes chargées d’armoiries et d’emblèmes, M. de Persigny a fait que chacun pût y jeter les yeux sans trop d’orgueil et sans trop d’envie.
Mais il y a dans ce discours une autre idée toute pratique, et qui mérite qu’on la mette en vue et en saillie ; c’est ce que j’appellerai l’idée de centralisation historique provinciale : réunir dans un seul et même local tout ce qui se rapporte à l’histoire de la province sous forme graphique, c’est à dire tout ce qui est écrit ou qui peut se dessiner ; et pour être plus précis, j’emprunterai les termes de M. de Persigny lui même : « fonder une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations ; par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le pays ; une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des compatriotes ; un recueil des sceaux et médailles de la province ou fac simile de ces objets ; une collection de cartes géographiques et topographiques du pays, de plans, dessins, vues, portraits des grands hommes ; des albums photographiques pour la reproduction des monuments archéologiques ; un cabinet de titres, chartes, actes authentiques originaux ou copiés, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser la province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger. »
Voilà l’idée dans son originalité, et elle peut trouver son application ailleurs. Je sais bien que quelque chose d’analogue ou d’approchant doit exister déjà grâce aux différentes Académies de province, aux Sociétés d’émulation, etc., mais il n’y a rien de complet en ce genre ; la dispersion, la dissémination est toujours ce qui nuit aux études provinciales. Le ministre de l’instruction publique a, par une fondation heureuse, réuni, depuis quelques années, les travaux des diverses Sociétés provinciales et les a fait en quelque sorte comparaître à son ministère pour être, après examen en commission et rapport, analysés ou mentionnés dans la Revue des Sociétés savantes ; une solennité annuelle rassemble à Paris sous sa présidence et met en contact, dans une sorte de congrès, les membres de ces Sociétés qui correspondent utilement avec son ministère. Mais ici le point de vue est autre ; c’est en province même et sur les lieux qu’on a voulu fonder un centre approprié d’études et de recherches pour l’histoire locale. M. de Persigny qui, il y a neuf ans, présentait à la signature de l’Empereur un plan d’inventaire sommaire de toutes les archives de l’Empire et organisait ce travail qui n’a cessé depuis de se poursuivre et qui vient de produire ses premiers résultats imprimés, a compris où est le point de la difficulté et suggéré un moyen qui peut être d’un utile exemple. La Diana, organisée comme elle va l’être, et d’après le plan indiqué, méritera de devenir une société modèle. Tout ce qu’on pourra réunir de livres, de manuscrits, on le réunira, et, pour ces derniers, à défaut des originaux qui appartiennent le plus souvent à des dépôts publics, ou de copies longues à faire et inutiles, on aura du moins les indications précieuses, immédiates. Il ne s’agit pas de faire double emploi avec la Bibliothèque de la ville et avec les archives départementales, mais de faire bien.
Un des obstacles, il est bon de le savoir, que rencontrent quelquefois les jeunes gens studieux de la province, lorsqu’ils désirent prendre connaissance des richesses enfouies que contiennent, je ne dis pas les Archives (les voilà à jour), mais les Bibliothèques locales, c’est, le croirait on ? la jalousie du bibliothécaire. Ce que je vais dire n’est pas un conte : je sais telle grande ville de province, siége de Facultés, dont la Bibliothèque possède un manuscrit d’Alfieri ; un jeune homme demande à le consulter ; le bibliothécaire, gardien du trésor, s’effraie à cette seule demande : « Je puis bien vous le montrer, répond il ; prenez le chiffre du format, le nombre de pages, si vous le voulez ; parcourez le même, mais je ne puis vous en laisser copier une ligne. » Et pendant tout le temps que, le manuscrit était en main, le malheureux homme en peine était là tournant, rôdant autour du pauvre curieux qui se sentait lui même sur les épines de se voir ainsi épié. Évidemment l’avare avait peur qu’on ne le volât en retenant par cœur quelque chose. De tels bibliothécaires heureusement sont assez rares en province ; combien j’en connais, en revanche, d’obligeants, d’hospitaliers, de communicatifs ! Mais quelques uns, cela est trop vrai pourtant, se sont accoutumés à croire que ce dont ils ont la garde est à eux; ils se proposent toujours d’en faire pour leur propre compte une publication qui ne vient jamais ; vrais eunuques du sérail,
Ne, faisant rien, nuisant à qui veut faire.
Il importe de tirer de leurs griffes ce qu’il retiennent comme secrets d’Etat. Ce qu’un individu a peine à faire, une société composée des notables du pays le fera aisément. Toutes les clefs tourneront d’elles mêmes, toutes les portes s’ouvriront.
Une idée utile et toute pratique, une chaleureuse et patriotique étincelle, c’est ce que nous nous sommes plu à relever dans un discours, spirituel assurément, mais qui n’aurait pas été remarqué à ce degré s’il n’avait été l’expression de convictions senties, et s’il n’était venu à la suite et eu compagnie d’actions nées du cœur.

SAINTE-BEUVE


ADHESIONS REÇUES DEPUIS L’IMPRESSION DE LA
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIETE
DE LA DIANA.

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MM.
CHARVET, J., antiquaire, Paris.
HARENC DE LA CONDAMINE (LE MARQUIS DE), Ampuis.
TOUR MAUBOURG (LE MARQUIS DE),, député du département de la Haute Loire, Paris.

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