BD, Tome III, Découverte de sarcophages du moyen-âge à Saint-Germain-Laval, pages 95 à 99, Montbrison, 1885.

 

Découverte de sarcophages du moyen-âge à Saint-Germain-Laval.

 

M. Vincent Durand dit qu’au mois de mars dernier, des fouilles ont été exécutées, pour la construction d’une maison, sur l’emplacement de l’ancien cimetière de Saint-Germain-Laval, abandonné depuis une vingtaine d’années et dont une partie, à l’angle sud-ouest, sur la route de Roanne au Puy, a été récemment aliénée.

A deux mètres environ de profondeur, les ouvriers ont mis à découvert plusieurs cercueils en grès régulièrement orientés et pressés les uns à coté des autres et d’un massif informe de maçonnerie, relié par un ciment très dur, qui a peut ètre fait partie des substructions de l’église ou chapelle de Saint-Germain-le-Vieux (1). Un seul parement paraît avoir été reconnu; il était en simple cailloutage. Le sol renferme quelques fragments de tuiles à rebords.

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(1) Voyez Aug. Chaverondier, Appendice à l’inventaire des titres du Comté de Forez p.593.

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La forme générale des sarcophages est celle d’un coffre quadrangulaire légèrement évasé à sa partie supérieure et notablement plus haut et plus large à la tête qu’aux pieds. Ils sont recouverts d’une dalle les débordant légèrement et dont le profil est celui d’un toit à deux pans dont l’arête supérieure aurait été enlevée et remplacée par une plate-bande de 0m 20 environ de largeur. C’est, avec moins de convexité, la forme encore usitée de nos jours pour le couvercle des cercueils de bois.

L’intérieur est quadrangulaire comme l’extérieur. Deux sarcophages, parmi les mieux conservés, ont été mesurés par M. Durand. La longueur du premier est de l m 86; la largeur à la tête, 0 m 71, aux pieds, 0 m 39; la hauteur à la tète, 0 m 59, aux pieds, 0 m 45 ; le tout extérieurement. Les dimensions du second sont presque identiques: longueur, 1m 91 ; largeur, 0m 64 et 0m 39; hauteur, 0m 55 et 0m 43. Les parois sont minces, 0m 06 environ; le fond seul atteint une épaisseur de 0m 15. La taille de la pierre est assez soignée.

Un cercueil en grès jaunâtre et d’assez mauvaise qualité, car il s’est brisé en six ou huit morceaux lorsqu’il a été retiré de terre, se distingue des autres par une croix patée de grande dimension grossièrement sculptée en relief derrière la tête. De plus, et toujours du côté de la tète, les angles en sont renforcés intérieurement par des parties triangulaires réservées dans la pierre comme pour encadrer la tête du mort. Ces espèces de coins ainsi disposés dans les angles mesurent 0m 22 sur un de leurs côtés, 0m 13 sur l’autre, et ont 0m 09 de hauteur. Leur présence pourrait dénoter une époque un peu plus basse. Le cercueil dont il s’agit est moins profond que les autres: il a seulement 0m 45 de hauteur à la tête et 0m 33 de creux. Il gisait aussi, parait-il. à un niveau moins bas. Lorsqu’il a été mis au jour, il était déjà privé de son couvercle (Pl. I, fig. 1).

Depuis, M. Eleuthère Brassart a vu,. mesuré et photographié un autre sarcophage plus curieux encore. Comme les précédents, il est en grès et sa face postérieure du côté de la tète est ornée d’une grande croix ancrée, au pied fiché, dans les angles de laquelle sont sculptées quatre autres croix de moindre dimension. Celles qui occupent le registre supérieur sont inscrites chacune dans une arcade et ont des lobes curvilignes; les deux autres, placées au dessous et largement patées, reproduisent exactement la forme des croix d’absolution qu’il était d’usage de déposer sur la poitrine des morts. Ce cercueil mesure 1m 90 de longueur extérieure, 0m 65 de largeur à la tête, 0m 29 aux pieds, 0m59 de hauteur à la tète, et 0m 46 aux pieds. L’épaisseur des parois varie de 0m 045 à 0m 06, celle du fond de 0m 10 à 0m 13. Contrairement à ce que l’on observe sur les autres, le cote de la tête est seul évasé, et les parois du bout opposé sont verticales: les parois latérales sont donc des surfaces gauches. On remarque que la face intérieure vers la tête a été layée à la broche en feuilles de fougères. Ce cercueil a malheureusement été brisé en deux (P1. I, fig.2).

A côté gisait, lors de la visite de M. Brassart, un couvercle brisé aussi dont la plate-bande médiane est côtoyée d’une cannelure et d’une baguette. Une autre cannelure triangulaire, aux bords adoucis, court longitudinalement sur chaque face du toit. M. Brassart pense que ces tombeaux ornés étaient peut-être destinés primitivement à rester vus (PI 1, fig. 3).

A en juger d’après les classifications établies par le savant abbé Cochet pour les sépultures du Nord de la France, les sarcophages de Saint-Germain-Laval appartiendraient au VIIIe siècle au moins. Dans notre province, qui appartient déjà à la région du midi, où les traditions se sont perpétuées avec plus de ténacité qu’ailleurs, et où, d’ailleurs, l’archéologie sépulcrale n’a pas été encore suffisamment étudiée, il serait peut-ètre téméraire de fixer une date précise. A coup sur, ils sont fort anciens. A coup sûr aussi, les restes qu’ils renfermaient, lors de leur récente découverte, ne sont point ceux de leurs hôtes primitifs. En effet, il résulte des informations prises qu’aucun objet ancien n’accompagnait les morts ; on n’a trouvé notamment aucun de ces vases destinés à contenir soit de l’eau bénite, soit des charbons avec de l’encens, qu’il était d’usage de déposer dans les tombes au moyen-age. Le terrain ambiant lui-même n’en a pas montré de débris.

Tout indique donc que ces sarcophages ont servi à des inhumations successives, dont les dernières appartiennent peut-être à une époque assez récente. Il n’y a pas, on le sait, de clause plus fréquente dans les anciens testaments que celle-ci : Item, le testateur veut et ordonne que son corps soit enterré au vas et tombeau de ses prédécesseurs. Ce vas n’est-il point l’antique sarcophage de pierre, puis la fosse murée et, plus tard encore, l’emplacement réservé ou chaque génération venait dormir à son tour, quand fut tombée en désuétude la coutume ancienne de ne troubler en aucun cas une sépulture préexistante (1) ? Nous n’avons aucune raison de croire que les familles en possession d’un sépulcre de pierre n’en ont pas fait usage très longtemps.

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(1) V. Ducange, au mot vas :  » Sepulchrum subterraneum cameratum. Sarcophagus ex lapide vel marmore, quomodo Arverni et Lemovices etiamnum vases discunt.  » – Loi Salique, XVII, 3 :  » Si quis mortuum hominem aut in noffo, aut in petra, quae vasa ex usu sarcophagi dicuntur, super alium miserit, IID denariis, qui faciunt solidos LXII cum dimidio, culpabilis judicetur « .

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Il ne serait pas impossible que des fouilles plus profondes sur l’emplacement de l’ancien cimetière de Saint-Germain révélassent une couche non remaniée de sépultures. On y rencontre, parait-il, jusqu’à une dizaine de pieds au-dessous du sol actuel, des sarcophages de pierre ainsi que des substructions.

De telles fouilles feraient peut-être découvrir la continuation de la mosaïque ou du moins du parquetage en couleur vu en 1840, lorsque la voie publique fut abaissée devant le cimetière, ou de nouveaux débris des peintures murales qui apparurent à la même époque. Ces vestiges ont été attribués par M. Chaverondier à l’église de Saint-Germain-le-Vieux et lui ont paru établir la haute antiquité de cet édifice: antiquité que tendent à confirmer les découvertes dont il vient d’être rendu compte.