BD, Tome III, Rapport de M Jeannez sur quelques monuments historiques de la Loire, pages 290 à 295, Montbrison, 1886.
Rapport de M. Jeannez sur quelques monuments historiques de la Loire.
M. Jeannez présente le rapport suivant :
CHARLIEU
Le dernier bulletin de janvier-avril apprenait aux membres de la Diana qu’un rapport complet sur d’importantes restaurations avait été officiellement déposé le 15 janvier au ministère des Beaux-Arts, et qu’il concluait à une demande de subvention par l’État de 9.833 francs, indépendamment de la somme de 1.600.francs à recueillir par une souscription locale pour la réparation du donjon.
« Cette souscription, commencée il y a deux mois, a pu être close le 12 mai, au zèle de MM. Dolliat et C. Vadon, grâce à la générosité des notables habitants de Charlieu et des environs. Et en tête des 36 souscripteurs inscrits, il convient de mentionner la Société française d’archéologie, dont la haute influence nous a été d’un puissant secours.
Nous avions été avisés que la commission des Monuments historiques devait, en séance du 14 mai, se prononcer sur les conclusions du rapport qui lui avait été adressé le 15 janvier. Nous eûmes tout juste le temps de faire arriver sur le bureau de M. le secrétaire de la commission, et la veille de la séance, une déclaration officielle de M. le Maire de Charlieu portant que les 1.600 francs récoltés par souscription pour la réparation du donjon de l’abbaye étaient à sa disposition ; nous y avions ajouté une lettre-mémoire adressée à M. Viollet-Le-Duc, toujours si bien disposé pour nos monuments historiques. Son intervention en cette circonstance et celle de notre éminent collègue, M. le comte de Marsy, leur ont acquis de nouveaux droits à notre très sincère reconnaissance.
Toutes les propositions de M. Selmersheim furent adoptées ; la subvention de 9.833 francs fut votée ; et le 15 mai nous pouvions transmettre cette bonne nouvelle à M. le Président de la Diana.
En présence de cette heureuse décision, dont les difficultés budgétaires avaient tout d’abord fait craindre l’ajournement, votre mandataire devait pousser à la mise en marche la plus prompte des travaux et hier, 30 mai, il était à Charlieu, ou l’avait convoqué M. Selmersheim en même temps que les entrepreneurs et l’architecte de l’arrondissement de Roanne. Les séries de prix ont été examinées, et une importante transaction a pu être, séance tenante, conclue avec un propriétaire mitoyen, pour la suppression indispensable d’un droit de passage dans une des galeries du cloître.
Tous les obstacles sont donc levés, les travaux commenceront avant le 10 juin et seront probablement achevés avant l’hiver prochain.
A côté de ce résultat atteint par notre société, après trois années d’une lutte opiniâtre, il importe de constater l’heureux revirement, à Charlieu, de I’opinion désormais complètement acquise à la conservation des monuments anciens, gloire de cette cité. Il faut insister sur le puissant intérêt archéologique et historique qu’offrira dans quelques mois ce rare ensemble des constructions priorales désormais préservées des injures du temps et surtout de celles des hommes, et votre mandataire vous demandera d’en inscrire une nouvelle visite dans le programme de la première excursion que fera la Diana en Roannais.
AMBIERLE
La restauration de la chapelle de Pierrefitte dans I’église d’Ambierle a fait, elle aussi, vers sa solution imminente un pas qui, s’il n’est pas encore décisif, n’est pas moins très considérable.
On sait que la chapelle de Pierrefitte, édifiée au commencement du XVIe siècle sur l’emplacement de celle qu’avait fait construire le cardinal de La Grange, conseiller de Charles V, avait été, après la Révolution, transformée en sacristie, au moyen de cloisons l’isolant des nefs et du transept. Et à la place des pierres et statues tombales qui en garnissaient le sol , on avait installé un mauvais plancher depuis longtemps en ruine.
Il s’agit de restituer au culte ce membre important de notre monument d’Ambierle, et le rapport officiel relatif à cette restauration, en évaluant la dépense à 4,874 francs, demande à la fabrique une contribution de 8.000 francs, qui s’ajoutera à la souscription de M. le duc de Cadore, représentant actuel des seigneurs de Pierrefitte.
Comme il était à prévoir que cette demande de subvention à la fabrique pouvait se heurter à l’opposition violente que M. le curé n’a cessé de faire depuis trois années à tout projet de changement de sa sacristie provisoire, le conseil municipal a cru devoir intervenir, et par délibération en date du 23 mai prise à l’unanimité après mur examen, i! vient d’inviter solennellement le conseil de fabrique à se rendre aux conclusions de l’architecte du ministère et à voter les 3.000 fr. qu’on lui demande.
L’affaire en est là. de la résolution que prendra la fabrique dépendra la conduite de la commission des Monuments historiques et du ministère des Beaux-Arts, en ce qui concerne non-seulement la chapelle de Pierrefitte et ses abords, mais aussi la grande et coûteuse réparation de la vitrerie ancienne de l’église, dont vous connaissez la valeur artistique et l’état actuel. Le rapport sur cette réparation a été déposé au ministère le 25 janvier dernier.
La persistance d’une opposition que ne peut justifier aucune considération sérieuse, serait un évènement déplorable, en désaccord avec l’opinion unanime dans le pays et l’avenir d’un de nos plus précieux monuments ; et pour en avoir raison, le cas échéant, il serait sans hésitation fait appel immédiat aux plus hautes et plus éfficaces interventions.
Il nous reste à vous entretenir des nouveaux monuments classés ou à classer dans le département.
Sur la proposition de M. Selmersheim, grâce aux notes fournies par M.Vincent Durand et aux photographies envoyées par M. Brassart, l’église de Chandieu a été classée, à l’unanimité, au nombre des Monuments historiques par la sous-commission de classement siégeant le 10 mai dernier au ministère des Beaux Arts. Cette décision porte à huit le nombre de monuments classés dans notre département et ce chiffre parait singulièrement insuffisant, étant données les richesses artistiques et historiques de notre vieux Forez. Votre mandataire a été chargé tout dernièrement de vous transmettre cette appréciation, qui correspond d’ailleurs parfaitement aux désirs depuis si longtemps formulés par, notre Société.
On nous demande donc de dresser une liste de tous ceux de nos monuments qui nous paraîtront assez importants pour motiver des propositions. Ce relevé sera transmis à M. l’architecte de l’Etat plus spécialement chargé de notre région, M. Selmersheim qui prendra ses dispositions pour un voyage spécial à faire en Forez, à la fin de I’été, dans le but de relever les croquis et documents nécessaires pour le soutien de nos demandes.
On nous conseille, en outre, de donner la plus grande publicité possible à la nouvelle loi, que le Parlement vient d’adopter en première lecture, pour la conservation des Monuments historiques ; loi dont le texte est reproduit dans le Bulletin monumental, n° de mars-avril 1886, et qui vise tout à la fois les monuments, les objets mobiliers ou les découvertes résultant de fouilles « dont la conservation peut avoir un intérêt national au point de vue de l’archéologie, de l’art ou de l’histoire. » Toutes restaurations, réparations ou aliénations des objets classés ne pourront désormais avoir lieu sans l’autorisation du ministère des Beaux-Arts, qui pourra même poursuivre l’expropriation des immeubles classés ou à classer, ainsi que des terrains sur lesquels ils sont placés (1).
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(1) La nouvelle loi sur le classement et la conservation des monuments historiques n’étant point encore votée en dernière lecture au moment ou parait ce Bulletin, nous croyons devoir attendre sa promulgation pour en publier le texte.
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Demande de classement de monuments historiques.
L’Assemblée, sur la proposition de son Président, vote des remerciements à M. Jeannez pour le zèle infatigable qu’il déploie depuis si longtemps à sauver de la destruction nos monuments foréziens. ElIe émet le voeu que les démarches nécessaires soient faites auprès de la commission des Monuments historiques pour obtenir le classement de l’église de Verrières, de l’ancien prieuré de Saint-Romain-le-Puy, de la crypte de Saint-Bonnet-le-Château et de l’église de Saint-Rambert-sur-Loire.