BD, Tome III, Renseignements sur plusieurs autres artiste foréziens, Communication de M. Henry Gonnard, pages 55 à 62, Montbrison, 1885.

 

Renseignements sur plusieurs autres artiste foréziens. Communication de M. Henry Gonnard.

M.Henry Gonnard s’exprime ainsi :

La communication de M. Vincent Durand sur deux artistes foréziens me fournit une entrée on matière toute naturelle, car je voudrais moi-même attirer l’attention de la Société sur l’intérêt que présente, à ce point de vue, l’étude dos anciens documents. On y rencontre fréquemment les noms de peintres et de sculpteurs, dont le plus souvent, il est vrai, la renommée n’a pas franchi les limites de notre province, mais à qui l’on doit sans doute faire honneur de nombreux travaux exécutés dans nos églises de campagne et dans nos monuments civils. Peut-être, en recueillant avec soin ces noms d’artistes mentionnés dans les vieux terriers, les registres paroissiaux et autres titres, arriverait-on à déterminer les auteurs d’un certain nombre d’oeuvres restées jusqu’à présent anonymes et qui ne sont pas sans valeur.

J’ai recueilli dans cet ordre d’idées quelques notes encore incomplètes, mais qui présentent déjà un certain intérêt. Ainsi, qui de nous savait que Montbrison a été 1e berceau originaire de l’illustre dynastie des Parrocel ? Les anciens registres paroissiaux do Montbrison nous révèlent pourtant qu’il existait dans cette ville, vers le commencement du XVIIe. Siécle, une famille de peintres du nom de Parrocel ou Prrocel . Le nom de Perrusel, encore répandu en Forez , n’en est probablement qu’une variante .. Cette famille paraît avoir occupé un, certain rang dans la bourgoisie de l’époque. Un certain Parrocel figure plusieurs fois comme témoin dans des actes de baptème , de mariage et de sépulture, en 1607 et 1610.

Sur le registre des baptèmes de la paroisse Saint-André on trouve, à la date du 22 mai 1612, l’acte suivant :

Cejourd’huy mardy vingt deuxme may mil six cens douze, à esté baptizé céans Sibille Perrocel, fille de M » George Parrocel, paintre, et de Loise de Ladue. et a esté parrain Thomas Gogniasse et marraine Anthonie Charbonnier (pour et au nom de Sibille Perrocel, femme de M’ Estienne Peyraud. notaire royal à Marcou), femme de Thomas Boys. Et ce, en la présence des soubzsignez. – P. MONCHON, pnt, – JOURNAL, pnt, – P. PUSSIN, pnt, – BASSET, pnt, – DE COLOMBIER, curé, – DECOLLES, pnt, – J. PUSSIN, pn – FOURNANT, pnt.

Ce George Parrocel, paintre, était probablement le père de Bartliélemy Parrocel, que tous les biographes désignent comme le premier auteur de cette famille d’artistes. Celui-ci naquit à Montbrison vers 1595. Une lacune dans les registres paroissiaux, de 1588 à 1609, ne m’a pas permis de retrouver son acte de baptême.

Un descendant do la famille, M. Etienne Parrocol, qui habite actuellement Marseille, a publié en 1861 une monographie remplie do détails intéressants sur les artistes de ce nom. C’est lui qui va nous révéler à la suite de quelles circonstances cette famille montbrisonnaise a disparu de notre pays, pour s’établir ensuite à Brignoles, puis à Avignon. Voici ce que je trouve à la page 6 de son opuscule :

Le premier artiste de cette famille dont l’histoire ait enregistré le nom et consacré le souvenir, est Barthélemy Parrocel, né à Montbrison, en Forest vers 1600.
Il fut le premier et pour ainsi dire, la souche d’une nombreuse famille d’artistes, qui peuvent être comptés comme une des gloires de la France.
Issu d’une famille distinguée de Montbrison, on destinait Barthélemy Parrocel à l’état ecclêsiastique, mais une vocation irrésistible l’entraînait vers la peinture ; résolu de visiter l’Italie, il abandonna la maison paternelle pour mettre son projet à exécution.
Un grand d’Espagne rencontra Barthélemv Parrocel en route et, charmé de sa bonne mine et de ses grandes dispositions il l’emmena avec lui dans sa patrie. Après un séjour de plusieurs années en Espagne, ou il exécuta de nombreux travaux, Barthélemy s’embarqua pour l’Italie ; mais il fut pris en route par un pirate algérien. Le capitaine du navire, qui avait subi le même sort, connaissait heureusement le consul français Alger ; grace à sa protection, ils furent promptement relachés et ils arrivèrent tous deux, peu de temps après, à Rome.
Barthélemy Parrocel passa plusieurs années à s’y fortifier ; puis il revint en France vers 1630. Arrivé à Marseille, et pressé de revoir son compagnon de captivité et tout à la fois celui auquel il devait sa liberté, il fut à Brignoles, ou résidait le capitaine ; le hasard lui ayant fait rencontrer la fille d’un artisan de cette ville, nommée Catherine Simon, dont la beauté le séduisit, il l’épousa le 18 septembre 1632.
Tous les biographes se taisent sur les oeuvres de Barthélemy. Il en est une cependant qui mérite d’être signalée, c’est une Descente de croix placée au dessus de l’autel de la chapelle du Saint-.Sèpulcre dans l’église Saint-Sauveur, à Brignoles.
Le tableau ne se compose que de trois figures de grandeur naturelle ; le Christ nu, replié sur lui-nième, repose sa tête sur les genoux de la Vierge, tandis que la Magdeleine, agenouillée et vue de profil soutient son bras droit. Au bas du tableau figurent la couronne d’épines et les clous.
Bien que ce tableau ait poussé un peu au noir, son état de conservation est parfait. Le dessin en est pur et correct, les draperies d’un style simple et sévère, le coloris chaud et les oppositions vigoureuses. Le modelé des figures, et particulièrement celui du torse du Christ, éclairé avec plus d’intensité que tout le reste du tableau, et dont la couleur mate tranche sur le fond, est très puissant. Les pieds et les mains sont également traités avec une grande sûreté. La tête du Christ manqua seule peut-être d’un peu de noblesse mais celle de la Vierge est pleine d’expression. L’ensemble annonce un maître. On attribuerait sans peine cette toile au Caravage, dont elle rappelle le réalisme, la science du clair-obscur et l’énergie de la touche, si la tradition, pieusement conservée et transmise dans la paroisse, n’eu désignait l’auteur.

La famille Parrocel semble bien Montbrisonnaise d’origine, car ce nom paraît dans les titres à partir du XVe siècle. L.-P. Gras nous a laissé un cahier d’extraits pris sur différents terriers, dans lequel on trouve un Benoît Perrossel de Saint-André-de-Montbrison, (vers 1456).

Dans le terrier Tronchet (Archives de Goutelas), figure au f° 2, Johaninus Perrossel, textor ville Montisbrisonis (23 novembre 1529).

Tous les artistes dont les noms se rencontrent dans nos anciens documents ne sont pas parvenus à une semblable notoriété ; néanmoins, il me parait utile de recueillir, quand l’occasion se présente, toutes les indications de. cette nature, et de dresser autant que possible,.la liste des peintres, sculpteurs, architectes, etc., originaires de notre province ou y ayant séjourné et dont le hasard peut nous mettre les œuvres sous les yeux uit jour ou l’autre.

C’est ainsi que j’ai relevé dans les registres de la parroisse de Saint- André :

– 16 aout 1620. – Baptême de Rose Chappelle, fille de M. Antoine Chappelle, Peintre  » de présent demeurant en la présente ville « , et de dame Marie Tesmoîng. – Parrain, honnête Jean Molin, maître menuisier de Montbrison ; marraine, demoiselle Rose de la Boére.

– 13 février 1644. – Baptême do Sibille, fille de M. Guillaume, dit Dollivet, peintre, de Montbrison, et de Catherine Bourbon. – Parrain, noble François Papon de Marcoux, gentilhomme, écuyer, fils de noble François Papon, seigneur de Goutelas et autres places. Marraine demoiselle Sibille-Anne Daudieu, fille de noble François Daudieu, conseiller du Roi, élu de 1’élection de Forez.

– 26 février 1732. – Baptème do Henry, fils de sieur Pierre Duval (ou Daval), peintre et sculpteur, et de Marie Ladret.. Parrain , sieur Henry Ladret, maitre praticien ; marraine, Catherine Bruchart.

– 8 décembre 1756. – Sépulture de M. André Desbrun, peintre et sculpteur, âgé d’environ 66 ans, veuf de Toinette Thevenet. Cet acte porte la signature de Jean Desbrun fils, sculpteur.

En parcourant les registres des autres paroisses de Montbrison et des principales villes du Forez, les inventaires anciens, les archives des établissements religieux, on augmenterait certainement cette liste.

Dans le terrier Tronchet, cité plus haut, reçu au profit de noble Antoine de Cromelis, (de Cremeaux), écuyer, seigneur de Sarra, pour les fonds relevant de sa censive à Montbrison et lieux circonvoisins, 1529-1531 (Archives de Goutelas), M. Vincent Durand a relevé le nom de maistre Henrys le peintre, habitant dud. Montbrison (23 novembre 1529).

Il a trouvé dans les papiers de L.-P. Gras cette note, tirée du terrier de la commanderie de Montbrison, signé Du Puy, 1507 : Jean, fils de Gabriel Robert, pictor, de Montbrison.

L.-P. Gras cite encore, d’après un terrier de l’hotel-Dieu de Montbrison de 1493, signé Bouchard et Pagan (copie et traduction du XVIIe siècle), un Mathias Robert, peintre.

M. Vincent Durand m’a signalé également la signature, J.B.Smits, 1687, sur un grand tableau représentant l’Adoration des rois mages et non dépourvu de mérite, qui surmontait l’hotel majeur de l’ancienne église de Saint-Martin-la-Sauveté. J’ai retrouvé moi-même cette signature sur un Christ qui ornait autrefois, si je ne me trompe, la chapelle du château de Curraize, et je crois pouvoir affirmer que cet artiste était Montbrisonnais.

L’abbé Duguet, dans son mémoire sur Feurs publié par la Société de la Diana (tome VI, p. 297), dit au titre XVIIe, Annales, n° CXVIII :

Le dimanche, 12 août 1714, je bénis la nouvelle figure dorée de saint Roch donnée par le sieur Terrade, sculpteur, et elle fut portée prooessionnellement1 en établissant les Quarante-heures pour la mortalité ou peste des bêtes à cornes.

De son côté, M. Aug. Chaverondier, l’érudit archiviste du département, au cours de son rapport au Conseil général sur la situation des archives départementales au 31 aoùt 1884, mentionne le sieur Fontenelle, sculpteur et doreur à Saint-Marcel de Félines, auteur d’un maître-autel avec son tabernacle, inauguré le 21 mars 1784 dans l’église de Cleppé.

Plus loin, M. Chaverondier signale un autre sculpteur figurant sur les registres paroissiaux de Mizérieu.

Celui-ci est originaire de Panissières,  » de ce coin privilégié du Forez « , dit-il,  » qui semble avoir été de temps immémorial, ainsi que ses environs, la terre nourricière des statuaires :

Le quinze du mois de feuvrier mil sept cent soixante-deux, les statues de saint Léonard et saint Roch, hautes de trois pieds, sculptées par Thomas Jacques, artiste de Panissieres, ont étées (sic) placées dans la chapelle de Saint-Fortunat et bénies par Me Claude Duvernay, archiprétre de Néronde, en présence de Me André Burellier, curé de Sainte-Foy et Villedieu, et de Me Hector de Bansière, curé de Saint-Paul-d’Epercieux, et de Me Claude Maisonhaute, prètre de cette paroisse, qui ont signés avec nous : DESVERNAY, archiprêtre ;
DELAGRYE. Curé.

Enfin, nous nous souvenons tous d’avoir vu, parmi les tableaux que possède l’hospice de Saint-Bonnet-le-Château, une Nativité qui n’est pas dépourvue d’intérêt et porte la signature : Bovet, 1618.

Quoique Pierre Vaneau ne soit pas forézien, nous pouvons cependant le faire figurer sur notre liste, puisqu’il est venu à Saint-Bonnet-le-Chateau exécuter le superbe devant d’autel qui décore la chapelle de l’hospice. Il était né à Montpellier, le 31 décembre 1653, et mourut au Puy en 1694. habitant ordinairement Monistrol-sur-Loire, il vint plusieurs fois à Saint-Etienne où il avait exécuté dans 1’èglise Notre-Dame, un magnifique rétab1e, détruit il y a une quarantaine d’années. Cet artiste a d’autant plus droit de cité parmi nous, que sa sœur, Isabelle Vaneau, avait épousé, le 13 mars 1691, Mathieu Bonfils, de Saint-Bonnet-le-Chateau.

Ce Mathiieu Bonfils était lui mème sculpteur et travaillait, depuis six ans, sous la direction de Vaneau, au service de l’évêque du Puy. Peut-être faut-il attribuer à son ciseau le beau rétable que possède également la chapelle de l’hospice de S-Bonnet.

M. Vincent Durand demande si TortoreI, l’auteur en collaboration avec Périssin, de la célèbre suite de gravures représentant divers épisodes des guerres religieuses du XVIe siècle, ne serait pas forézien. Il y a un hameau, jadis fief, de Tortore1 clans la commune d’Estivareilles.

M. Henry Gonnard répond que cette hypothèse est d’autant plus plausible que Périssin, le collaborateur de Tortorel, est connu comme ayant travaillé à Lyon.

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