BD, Tome IV, Antiquités découvertes à Civens. Communication de M. le comte L. de Poncins, pages 285 à 289, Montbrison, 1887.

 

Antiquités découvertes à Civens. Communication de M. le comte L. de Poncins

 

Le 28 décembre dernier, un propriétaire de Civens, M. Joseph Poncet, ancien garde-champêtre, travaillant à défoncer, pour y planter de la vigne, une parcelle de terrain comprise au cadastre sous le numéro 274 de la section A, mit au jour un cercueil de plomb contenant encore quelques ossements humains et déposé la probablement depuis une époque fort reculée. Informé de cette découverte, que rien ne pouvait faire pressentir en cet endroit, M. l’abbé Martin, curé de Civens, ouvrit une petite enquête, et nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les notes qu’il a bien voulu, avec une obligeance parfaite, mettre à notre disposition.

« Le cercueil trouvé par M. Poncet était orienté. Il gisait à une profondeur d’environ 0m 60, réduite à 0m 30 du côté des pieds par suite de la déclivité du terrain. Il a pour dimensions :

Longueur intérieure, 1m 88,

Largeur, 0m 38,

Hauteur 0m 28.

Ces mesures ont été prises à l’intérieur, soit parce que la chose était plus facile, soit surtout parce qu elles paraissaient ainsi offrir plus de précision. Elles sont exactes à un demi-centimètre près.

La largeur est la même à la tête, au centre et aux pieds.

L’épaisseur moyenne du métal est à peu près de 0m 006 ; aux angles, elle va jusqu’à 0m 01.

La partie principale, comprenant le dessous, les deux parois latérales et aussi, je crois, le fond, côté des pieds, parait être prise dans une seule feuille de plomb dont on aurait retranché, aux deux angles d’une même extrémité, deux parties carrées de 0m 28 de côté, pour relever ensuite à angle droit et mettre en contact par leurs touts les trois rectangles restés libres. Ce qui me fait croire à ce mode de fabrication, c’est qu’on ne voit pas trace de soudure le long des deux grands côtés : on semble au contraire y retrouver la trace évidente du martelage nécessaire pour les redresser à angle droit. Le petit côté vers les pieds a dû être relevé de même et soudé ensuite aux deux grands : il reste des vestiges de la soudure.

Le petit côté vers la tête fait pièce à part. Ses dimensions, en largeur et hauteur, sont celles données plus haut, 0m38 sur 0m 28. Il a été simplement rapporté au bout du cercueil et maintenu en place par de petites cornières ou couvre-joints larges de deux à trois centimètres et soudés extérieurement sur les trois arêtes formées par sa rencontre avec les parois longitudinales. Ces couvre-joints n’existent que du côté de la tète.

Le couvercle était évidemment plat ; il s’adaptait au coffre au moyen d’un simple rebord, exactement comme dans une boite ordinaire.

Au milieu de sa longueur, le cercueil est renforcé à l’intérieur par une bande de plomb de 0m 04 de largeur soudée transversalement à la paroi inférieure et aux deux côtés latéraux, dont elle double localement l’épaisseur.

On n’observe ni dans le fond, ni dans les parois, aucune trace de trou intentionnellement ménagé pour l’écoulement des liquides provenant de la décomposition du corps.

Auprès du cercueil, quelques grands clous, d’un acier très fin et très dur, d’une longueur variant de 0m 075 à 0m 17, attestaient l’existence d’un double cercueil ou caisse de bois enveloppante, réduite à d’insignifiants vestiges ; par suite de la destruction de cette enveloppe protectrice, le cercueil s’était notablement déformé sous la pression des terres : le couvercle était presqu’en contact avec le fond, et les parois latérales s’étaient écartées.

Les ossements vus à l’intérieur par l’auteur de la découverte paraissent se réduire à deux portions d’os d’environ 0m 15 de longueur, que leur situation indiquait avoir appartenu au bras et à la jambe du défunt, à l’os du crâne et à la mâchoire inférieure, celle-ci ayant presque toutes ses dents. Malheureusement, ces deux dernières parties du squelette, qu’on a négligé de recueillir sur l’heure, n’ont pu être retrouvées quelques jours plus tard, après la fonte des neiges. La tète était en soir, les pieds au levant. Aucun autre objet n’accompagnait ces débris humains, mais, extérieurement au cercueil, du côté de la tête, on a relevé deux vases de terre grise, non vernie et bien cuite, renfermant un résidu gras et cendré. L’un de ces vases est brisé, et incomplet d’une portion considérable de sa panse et de son orifice (1). L’autre est entier: il mesure 0m 42 de hauteur, sur 0m 12 de diamètre à l’orifice, 0m 27 à la panse et 0m 09 à la base. Il possède une anse, il est fêlé et porte un petit trou sur le flanc. »

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(1) Une restitution figurée de ce vase, communiquée par l’abbé Martin, permet de supposer qu’il affectait la forme d’une olla et présentait un profil assez élégant. Nous avons pu examiner l’autre vase Il est en terre rouge, d’une forme remarquablement élancée et d’ une bonne fabrication courante. Nous inclinons à le rapporter au haut-empire. Une couche mince d’une matière brun-jaunâtre, restée adhérente à ses parois et s’enlevant par écailles, nous a offert l’apparence de cire desséchée (Note de M.Vincent Durand).

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La tombe a été trouvée à 70 mètres environ N.-O. de l’ancien chemin de Feurs à Cottance, non loin des confins de cette commune et de celle de Civens, au territoire dit de Bresse, à l’extrémité sud d’une assez longue arête naturelle (ou régularisée de main d’homme), d’où la vue s’étend également sur la plaine et sur les pentes ondulées de la montagne. Aucun souvenir populaire ne se rattache à ce lieu : ni celui d’un village, église, ou cimetière, ni celui d’un fait de guerre. Une éminence voisine se nomme le Crêt de la paoura fenna, parce qu’on dit qu’une vieille mendiante y aurait été trouvée morte, mais à l’endroit de la tombe rien n’a été trouvé ni ne ressort des traditions locales.

Comment cette tombe était-elle ainsi isolée ? comment se fait-il qu’elle ne renfermât aucun mobilier funéraire ? Espérons que la continuation des travaux sur ce point nous apportera quelques lumières et contentons nous de signaler le fait tel qu’il se présente aujourd’hui.

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