BD, Tome IV, La lanterne des Morts et la croix avec appareil de lumières du cimetière de Boën. Communication de M. Vincent Durand, pages 277 à 285, Montbrison, 1887.

 

La lanterne des Morts et la croix avec appareil de lumières du cimetière de Boën. Communication de M. Vincent Durand

 

M.Rochigneux, au nom de M.Vincent Durand, fait la communication suivante :

Dans une Note sur les fanaux ou lanternes existant dans quelques cimetières, publiée en 1839, par M. Tailhand , de Riom ,dans le tome V du Bulletin monumental, pages 433 à 435, on remarque le passage suivant :

Ils (les fanaux) sont aussi vides dans leur intérieur. Les ouvertures de chacun d’eux regardent l’orient. On ne voit dans leur intérieur aucun moyen pour s’élever jusqu’aux fenêtres. Il en existait aussi dans le département à Abajut et à Montferrand. Ce dernier n’existe plus : sa forme nous a été conservée par un dessin de M. le comte de Laizer. Il était surmonté d’une croix qui a du y être placée postérieurement à sa construction. Je pourrais en citer beaucoup d’autres. Et la tour octogone près la chapelle du Saint-Sépulcre, à Aigueperse (Puy-de-Dôme) m’en paraît encore un avec quelques modifications. Il y en avait beaucoup dans la Marche. Il y en a un près Boën-en-Forets. »

M. l’abbé Lecler, qui a repris de nos jours et doctement traité la question des fanaux érigés dans les cimetières, a classé sous le numéro 86 de sa liste celui signalé par M. Tailhand comme existant à Roën, et rectifie ainsi le nom de cette localité :

86°. – BOEN, en Forez, chef-lieu de canton, arrondissement de Montbrison. – M. Tailhand indique une lanterne des morts prés Roën-en-Forets (Bulletin monumental, V, 434), mais qu’il n’a pas vue. Je croirais volontiers qu’il y a là faute de lecture ou erreur typographique; Il s’agit probablement de la petite ville de Boën, chef-lieu de canton du département de la Loire, en plein Forez. Tous les auteurs auront successivement transmis cette erreur, sans s’inquiéter en quoi que ce soit de l’existence ou de la non-existence de cette localité. J’ignore si ce petit monument est encore debout ». (Etude sur les lanternes des Morts. 2e partie. Limoges, 1885, p. 47).

Ces judicieuses observations de M. l’abbé Lecler, que je suis redevable à M. Aug. Chaverondier d’avoir bien voulu me signale; m’ont permis de reconnaître la destination d’une ruine énigmatique, jadis presque invisible au nord et à proximité du choeur de l’ancienne église de Boën. Aujourd’hui dégagée par la démolition de celle-ci, de l’ancien collège et d’une maison particulière, elle s’élève à l’angle sud-ouest des bâtiments de M. Mouillaud, au nord du transept oriental de la nouvelle église.

C’est une tour quadrangulaire, découronnée, qui a perdu ses faces ouest et sud, réduites chacune à un arrachement de quelques centimètres. Sa hauteur totale est d’environ 4m 35 ; l’épaisseur des murs de 0m 38. Elle mesure, dans oeuvre, 1m 56 du côté du nord et 1m 70 du côté de l’est. A 2m 80 du sol, chacun des trois angles encore debout présente des restes d’une espèce de trompe, ou plutôt d’une grossière maçonnerie on encorbellement, assise sur une pierre placée en diagonale, et qui servait à passer du plan carré à un plan à peu près circulaire, pour soutenir une coupole dont la naissance est à 3m 75. il subsiste quelques restes de cette coupole, sur une hauteur maximum de 0m 60. Elle semble avoir été ovoïde, et quelques légères traces de fumée se remarquent sur ses parois.

Le mur en nord est creusé à l’intérieur d’une espèce de grande niche, montant de fond, large de 1m 20, en retraite de 0m 10 seulement sur le nu du mur et terminée par un arc en mitre dont les rampants sont formés par des dalles minces. Cette niche a une hauteur totale de :3m 10. Le mur en matin est uni et le retour encore subsistant de celui qui existait au midi porte, toujours à l’intérieur, des restes d’un crépissage assez soigné, qui a disparu sur les autres côtés.

Deux trous ménagés dans le mur du nord, au travers de la maçonnerie des trompes, et qui correspondaient évidemment à deux trous pareils percés dans le mur du sud, témoignent de l’existence d’un plancher à la base de la coupole.

La construction, en petits matériaux est assez peu soignée ; le style, autant qu’on peut en juger en l’absence complète de toute moulure ornementale, paraît accuser le XII e siècle.

J’ai l’honneur de placer sous les yeux de la Société un plan et une coupe de l’édicule que je viens de décrire.

Il est possible de faire des conjectures plausibles sur la manière dont il se terminait, à l’aide d’un plan à grande échelle de la ville de Boën dressé, ce semble, dans la seconde moitié du siècle dernier, et dont M.Arquillière a bien voulu jadis me donner communication. Ce plan fait voir, au nord de l’église et la séparant des bâtiments de l’ancien collège., un emplacement clos de murs qualifié de Vieux Cimetière : indication confirmée par des fouilles pratiquées de nos jours, qui y ont fait reconnaître en effet l’existence d’un champ de sépulture. A l’angle sud-est de cet emplacement, et sensiblement au point où s’élève la tour ruinée qui nous occupe, est représenté un édicule en forme de pyramide assez élancée, percée d’une petite fenêtre carrée et sommée d’une croix. Il ne me semble pas douteux qu’il faille reconnaître dans cette pyramide une flèche en maçonnerie surmontant la coupole dont l’amorce existe encore, et dans ce petit monument lui-même la lanterne des morts signalée par M. Tailhand.

Le feu était entretenu dans une lanterne posée sur le plancher dont les poutres ont laissé leurs traces, et auquel on accédait sans doute par un escalier de bois, ou même par une simple échelle. Le grossier dessin que nous possédons ne montre dans la flèche qu’une seule ouverture, faisant face à l’entrée du cimetière : mais il n’est pas trop téméraire de supposer qu’il y avait quatre fenêtres regardant les quatre points cardinaux.

Je n’ose faire aucune hypothèse sur la grande niche pratiquée dans le mur du nord. Cette orientation me détourne d’y voir la place d’un autel. Peut-être était-elle destinée à recevoir un meuble dans lequel on conservait l’huile de la lanterne, ou même quelques autres objets, les outils du fossoyeur, etc.

Les détails que je viens de vous donner sur l’ancienne lanterne des Morts de Boën m’amènent à vous entretenir d’un autre petit monument qui se rattache à la coutume des illuminations sépulcrales.

Il s’agit d’une élégante croix de fer forgé, excellent. travail du XVe. Siècle, que l’on voit aujourd’hui, abritée par un groupe de vieux marroniers, sur le bord de la route nationale de Lyon à Clermont, un hameau de la Roche; commune de Saint Thurin.

L’arbre de cette croix est une tige de fer cylindrique de 0m 035 de diamètre, qui se bifurque et se rejoint quatre fois pour former un croisillon long de 1m 22, rempli en son centre par un quatrefeuille, anglé de fleurons, orné de ressauts à jour, et terminé par des espèces de tulipes d’où émerge un pistil à tête de clou. Cette riche composition rappelle beaucoup celle de plusieurs croix qui surmontent un certain nombre de clochers foréziens de la même époque. Mais ce qui fait surtout l’intérêt de celle-ci, c’est une couronne plate, circulaire intérieurement, à onze pans sur sa tranche extérieure, supportée dans une position horizontale, immédiatement au-dessous de la naissance du croisillon, par trois branches de fer forgé et tordues qui se terminaient par un ornement perdu aujourd’hui, une fleur sans doute. Le diamètre de cette couronne est de 0m 23 ; elle porte sur sa moitié antérieure une traverse armée de deux pointes visiblement destinées à recevoir des cierges.

Il résulte d’une enquête faite sur place que cette croix provient de l’ancien cimetière de Boën. Cachée dans une cheminée pendant la Révolution, elle aurait été vendue plus tard à un propriétaire de la Roche, qui la fit ériger à la place qu’elle occupe actuellement.

Pour compléter ma description, j’ajouterai que sa hauteur totale, au dessus du grossier piédestal dans lequel elle est encastrée, est de 2m 93. La partie taisant prise dans la pierre peut être évaluée à 0m 30 au maximum. Au croisillon est fixé assez maladroitement un crucifix beaucoup trop petit pour l’ensemble : c’est une addition moderne.

Les dimensions et l’aspect monumental de cette croix portent à se demander si elle n’aurait pas surmonté jadis la lanterne des Morts de Boën. Mais la présence de l’appareil de lumières n’est pas conciliable avec cette supposition. On ne peut s’arrêter à la pensée qu’on eût placé des cierges à la pointe d’une flèche, où le plus léger souffle de vent les eût éteints, et où d’ailleurs on n’aurait pu accéder qu’à l’aide d’une longue échelle. Je crois même que la couronne lumineuse, élevée aujourd’hui d’environ 1m 80 au dessus du piédestal de la croix, c’est-à-dire notablement hors de la portée de la main, n’occupe pas sa place primitive. Ce qui me confirme dans cotte opinion, c’est l’existence, 0m 75 plus bas, de deux trous traversant rectangulairement l’arbre de la croix et qui ont dû recevoir des rivets ou des tenons. Je suis disposé à croire qu’à l’origine ils servaient à fixer les branches de support de la couronne, sur laquelle il était alors facile de placer les cierges avec la main. D’autre part, Il est manifeste que, dans sa position actuelle, elle est beaucoup trop rapprochée du croisillon, eu égard aux proportions de ce dernier. Enfin, trois encoches aujourd’hui sans emploi, que l’on remarque sur sa tranche, concourent à faire croire que ses supports ne s’appliquaient pas jadis aux mêmes points.

L’ancien plan de Boën indique, au milieu du cimetière situé au midi de l’église, et converti plus tard en jardin pour le presbytère, une croix dont les bouts sont ancrés. Je sais à quel point ces sortes de représentations sont conventionnelles. Rien n’empêche pourtant de supposer qu’on a voulu figurer la belle croix de fer transportée depuis à Saint-Thurin.

Il ne me semble pas inutile de rappeler, en terminant, que M. Auguste Chaverondier a signalé depuis plusieurs années, dans son excellent Catalogue des ouvrages relatifs au département de la Loire, t. II, p. 292, plusieurs fanaux ou lanternes de cimetière qui auraient existé sur d’autres points du Forez, à Chérier, Grezolles, Saint-Martin-la-Sauveté, Saint-Just-en-Chevalet. Je me permets d’appeler sur ces curieux monuments l’attention de nos doctes confrères ; l’usage dont Il s’agit a probablement été général dans notre province, et a dû laisser sur plus d’un point de son territoire des vestiges matériels.

M. Jeannez signale la lanterne des Morts qui existait dans le cimetière du prieuré bénédictin de Charlieu et a été détruite, en ce siècle, en même temps que l’église romane dont il ne reste que deux travées. Cet édicule, autant qu’il est possible de s’en rendre compte par un ancien plan de ville de 1769, se composait d’une partie relativement fort large, de forme polygonale, portée sur un pied en maçonnerie ou en pierre taillée et surmontée d’une croix de fer.

M. Jeannez espère que l’intéressante communication de M. Durand aura pour résultat d’attirer l’attention de nos confrères sur les lanternes des Morts qui pourraient se trouver dans d’autres parties du Forez.

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