BD, Tome IV, Travaux de protection et de consolidation exécutés dans l’église de St-Romain-le-Puy de 1885 à 1888. – Communication de M. Portier., pages 291 à 298, Montbrison, 1887.

 

Travaux de protection et de consolidation exécutés dans l’église de St-Romain-le-Puy de 1885 à 1888. – Communication de M. Portier.

 

M. Joulin, au nom de M. Léon Portier, maire de Saint-Romain-le-Puy, donne lecture du rapport suivant sur les travaux de consolidation et de protection exécutés, par ses soins, dans la vieille église du prieuré de Saint-Romain-le-Puy, pendant les années 1885 à 1888 :

« Un premier crédit demandé au conseil municipal par le maire, a permis d’exécuter en 1885 les travaux qui aux yeux de la commune étaient les plus urgents. La montée du clocher était impraticable, trois marches s’étaient effondrées depuis peu ; il y avait danger à se servir de l’escalier et par suite le service de l’horloge placée dans la tour se trouvait compromis.

Ce fut le début des travaux : la montée entière du clocher fut réparée intérieurement., les marches du haut en bas furent refaites en ciment, les murailles purgées, lavées, reprises à la chaux lourde.

On répara par la même occasion la voûte de l’absidiole sur laquelle repose l’escalier.. Une vaste excavation pratiquée, comme tant d’autres, dans la muraille du choeur, fut bouchée.

Cette première réparation eut pour résultat de consolider toute cette partie de l’édifice. On mura ensuite toutes les brèches, tous les trous pratiqués à l’intérieur de l’église, au-dessous des fenêtres et dans les murailles, un peu partout, il y a une vingtaine d’années, par certains individus qui s’étaient imaginés y découvrir des trésors, se souvenant sans doute de la trouvaille faite il y n un demi-siècle par le maçon Devoise, dans des ruines situées au-dessous du prieuré.

Toutes ces excavations auraient infailliblement amené avec le temps une dislocation générale de l’édifice.

La crypte et le couloir qui y aboutit furent ensuite déblayés.

Tous les matériaux en provenant furent examinés attentivement.. Les déblais ne rendirent que deux objets dignes d’être notés : un fragment de pierre représentant un raisin et déposé au musée de la Diana, et un boulet en fonte, d’un diamètre de 10 centimètres environ, déposé à la mairie de SaintRomain (1).

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(1) Ce boulet, soumis à l’examen de M. J. Michalon, de Saint-Etienne, lui a paru être en fonte comprimée et trempée au paquet, c’est à dire en vase clos. Sa densité est celle du fer aciéré.
Il n’est point le seul trouvé à Saint-Romain-le-Puy. Les paysans en ont recueilli quinze à vingt autres au pied du prieuré.

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On plaça immédiatement des barreaux de fer à la fenêtre du milieu, par où des individus s’introduisaient aisément dans l’église ; sans cette petite précaution, il aurait été difficile de répondre des moulages des chapiteaux exécutés aux frais de la Société française d’archéologie.

On déblaya le choeur de l’église, recouvert de 50 centimètres de décombres ainsi que les absidioles, ce qui amena la découverte, dans celle de gauche, de la partie inférieure d’un autel en maçonnerie encore recouverte d’un badigeon peint.

Tous ces travaux, à l’exception des déblais dont il vient d’être parlé, étaient exécutés lors de la visite faite à Saint-Romain par le Congrès archéologique, le 29 juin 1885.

L’année suivante M. Portier, maire, qui avait fait exécuter les premières réparations, écrivit à Mlle de Pommerol, nu-propriétaire des ruines, en vue d’obtenir d’elle un secours pour aider la commune dans son oeuvre de consolidation.

Aux termes d’un traité remontant à une trentaine d’années environ, transcrit sur les registres du conseil municipal, la commune a la jouissance exclusive de toutes les ruines du prieuré, à la condition de tenir l’église close, couverte, et d’y entretenir une horloge publique.

Mlle de Pommerol et M. Gabriel Jullien, son neveu, ayant répondu par la mise immédiate à la disposition du maire d’une somme de 500 francs, celui-ci commença les travaux qui ont été exécutés au cours de l’année 1887, sous sa direction, par trois ouvriers intelligents. Une délibération du conseil municipal, en date du 2 octobre 1887, relatant les travaux exécutés et l’emploi des fonds, contient à l’égard des donateurs les remerciements les plus vifs.

Les voûtes de l’église étaient lézardées et complètement dégradées ; la partie au-dessus du chœur menaçait ruine. Les voûtes furent purgées, les joints et les lézardes nettoyés avec soin et regarnis en mortier bâtard ; des cailloux propres, noyés dans cet enduit, bouchèrent tous les vides et toutes les fissures. Les deux énormes lézardes qui existaient dans le mur au-dessus du choeur furent fermées et toutes les clefs replacées et scellées solidement.

La partie correspondant au milieu de l’église était la plus délabrée ; à chaque instant des pierres s’en détachaient qui allaient amener un effondrement.

On procéda de même à l’égard des deux absidioles. On recolla un peu tout cela comme on recollerait de vieilles faïences cassées, c’est à-dire sans crépir par dessus et sans toucher aux peintures existantes. On n’altéra donc en rien le caractère primitif du monument. Loin de là, les travaux essentiels exécutés ont tendu à le lui restituer.

Un contrefort placé au-dessus de la chapelle du XVe siècle fut repris, ce qui amena la découverte d’une petite pièce située à gauche de cette chapelle et ignorée sans doute de beaucoup de personnes, attendu que de l’église on ne la voit pas, et qu’il faut pour la découvrir monter sur le mur de la chapelle.

Une fois les voûtes consolidées, on s’occupa des toitures qui furent toutes réparées à taille ouverte ; on rétablit les arêtes des toits, et l’on plaça un millier environ de tuiles neuves. Les anciennes qui, par leur forme curieuse, avaient éveillé l’attention, furent religieusement conservées. Ces anciennes tuiles sont longues, étroites, épaisses ; elles présentent au milieu un trou destiné à recevoir un clou qui les fixe et, en bas, une saillie qui permet de les accrocher à la toiture.

Ce fut en plaçant les échafaudages pour atteindre les voûtes, que les ouvriers découvrirent plusieurs corps enterrés à une faible profondeur dans l’église, presque en entrant, les parois verticales des fosses s’étant éboulées. Les cercueils étaient assez bien conservés, mais ne renfermaient que des ossements qui tombèrent aussitôt en poussière. Ces corps ont été remis en place et recouverts le plus tôt possible ; un cercueil a été fouillé et examiné avec soin ; quelques lambeaux de vêtements s’y distinguaient encore.

C’est aussi en élevant les échafaudages que les ouvriers ont découvert les belles peintures murales des XIIIe et XVe siècles, placées à gauche et à droite en entrant, notamment celle voisine de la chapelle du XVe siècle et qui représente le martyre de saint Romain. Entraînés par la curiosité, et avant même que l’on ait pu s’en apercevoir; ils firent délicatement et assez habilement tomber les croûtes de badigeon qui les recouvraient. On peut affirmer, en tous cas, qu’ils n’ont rien dégradé en procédant à cette opération.

On scella ensuite à nouveau les gonds des portes de l’église et du clocher ; ces portes grossières et en bois blanc furent goudronnées des deux côtés, afin de pouvoir mieux résister aux intempéries.

On déboucha celle des trois fenêtres du choeur qui avait été obstruée assez maladroitement, il y a quelques années, par une grosse maçonnerie, sous prétexte de consolider la voûte du chœur aujourd’hui réparée, de telle sorte que maintenant l’aspect général du choeur est ce qu’il doit être.

Vers la fin de l’année 1887, les travaux qui viennent d’être indiqués étant terminés, la commune de Saint-Romain qui tient beaucoup, et avec raison, à son vieux monument, fit encore procéder à une réparation fort utile :

Le trou pratiqué en 1793 à la voûte du clocher, pour descendre la cloche, qui fut fondue à Nantes, était dangereux. Grossièrement recouvert de bois non assujettis et pourris, il appelait une réparation. En outre, tous les abat-vents du clocher étaient tombés, la sonnerie de l’horloge ne s’entendait pas nettement en tout temps et la pluie en pourrissait la cage.

Aussi la commune n’hésita-t-elle pas à faire établir un plancher solide dans la lanterne du clocher. On répara les abat-vents, dont presque toutes les lames furent changées, et tous les bois furent soigneusement recouverts de goudron.

On couvrit enfin, et cela avant l’hiver, la chapelle du XVe siècle, afin d’empêcher la pluie et le vent de détériorer les peintures murales placées à côté et nouvellement découvertes. On a, à cette effet, placé une toiture en planches sur toute la chapelle ; rien ne sera plus facile que de l’enlever quand on voudra. C’est simplement un abri provisoire.

Ajoutons en terminant que tout récemment M. Portier a fait placer à l’extérieur deux plaques en fonte peinte, portant ces mots :

« Eglise classée parmi les monuments historiques de France.

« La dégradation d’un monument public est punie de peines correctionnelles ».

Il est fâcheux que, pendant si longtemps, non seulement on n’ait rien fait pour ce monument, mais qu’on ait pris à tâche de le dégrader et de le mutiler.

Les travaux urgents qu’il y aurait à exécuter cette année devraient consister tout d’abord dans la démolition de la hideuse gaine placée au milieu de l’église, et dans laquelle glissent les poids de l’horloge.

Il faudrait ensuite boucher solidement tous les trous des murailles à l’extérieur et fermer au moyen de forts grillages les fenêtres, surtout la fenêtre gothique à droite en entrant ; elle s’ouvre en face de la peinture murale représentant le martyre de saint Romain ; le soleil et l’humidité pénètrent par là ; enfin les enfants ne se font point faute de lancer des pierres par cette ouverture, et ces pierres peuvent détériorer et même faire disparaître en peu de temps les peintures du XIIIe siècle. »

Sur la demande de M. le Président et de M. Jeannez, l’assemblée vote de chaleureuses félicitations à M. Portier, au conseil municipal de St-Romain-le-Puy, et à Mlle de Pommerol (1).

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(1) Depuis ce vote de la Société, Mademoiselle Josephine de Pommerol est morte, le 5 avril 1888, dans sa 85e année. C’est un devoir pour la Diana que de s’associer aux regrets universels laissés par cette femme d’élite, modèle accompli des plus aimables comme des plus solides vertus.

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M. Jeannez ajoute que ce n’est pas assez, et que si l’état du budget le permet, il propose de donner une subvention à la commune de Saint-Romain pour l’aider à continuer les travaux commencés.

M. le trésorier dit qu’en ce moment la Société ne peut voter cette dépense, mais M. le président promet, avec l’assentiment général et sans prendre aucun engagement, que s’il reste quelque chose de disponible à la fin de l’exercice 1887, une petite subvention sera mise à la disposition de la commune de Saint-Romain, dont l’initiative ne saurait être trop louée.

M. de Poncins, obligé de quitter la séance, prie M. Jeannez de vouloir bien le remplacer au fauteuil.

La séance est suspendue pendant dix minutes.

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