BD, Tome IV, Vase trouvé dans un souterrain à Saint-julien-la-Vêtre, et offert par M. l’abbé Découlange. – Ancienne église de Saint-Julien. – Madame Hugues. – Communication de M. Vincent Durand., pages 7 à 12, Montbrison, 1887.

 

Vase trouvé dans un souterrain à Saint-julien-la-Vêtre, et offert par M. l’abbé Découlange. – Ancienne église de Saint-Julien. – Madame Hugues. – Communication de M. Vincent Durand.

 

M. Vincent Durand s’exprime en ces termes :

J’ai l’honneur de placer sous vos yeux un vase en terre cuite qui m’a été remis par M. l’abbé Découlange, curé de Saint-Julien-la-Vêtre, qui veut bien en faire don au musée de la Diana.

Ce vase a été trouvé dans un souterrain qui existe aux abords et au-dessous de l’église de Saint-Julien, récemment reconstruite, moins le clocher, par notre confrère M. Durand. Comme la plupart des galeries de ce genre, celle-ci est creusée dans le gor ou roche granitique en décomposition. Sa direction générale est parallèle à l’axe de l’église, sa largeur d’environ un mètre, sa voûte arrondie en berceau ; un homme peut y circuler debout. On y pénètre de l’extérieur, du côté de la rivière, par une ouverture située dans la cour du sieur Jean-Baptiste Coste, garde-champêtre. Après une interruption causée par un éboulis, et en se rapprochant des fondations du clocher, on arrive à une chambre à peu près quadrangulaire, d’environ 3 mètres de côté, qui s’ouvre latéralement, à gauche, sur le couloir principal. Le fond de cette chambre est fermé par un mur de pierres sèches, d’où cette supposition qu’en ce point était l’amorce d’un embranchement sur lequel nous reviendrons. Continuant à se diriger de l’ouest à l’est, on rencontre une bifurcation. La branche de gauche, ou du nord, pénètre sous l’église et sortait dans la chapelle de Villechaise, bâtie sur le flanc méridional de l’édifice démoli. L’autre branche, qui parait avoir correspondu à la descente principale, débouchait dans l’ancien cimetière, à quelques métres au midi des murs de l’église. Peu avant la rampe conduisant au jour, une niche ou guérite d’un mètre environ de profondeur, sur une largeur un peu plus grande, se creuse dans la paroi de droite. On a évalué à 25 mètres la longueur du souterrain depuis l’éboulement qui l’intercepte en soir jusqu’à cette dernière issue.

Au nord-ouest et près de l’église s’élève une construction de médiocre étendue, que d’assez jolies fenêtres à traverses de pierre datent du XVe siècle. Dans une pièce du rez de chaussée, immédiatement devant l’âtre d’une cheminée de la même époque, existe, parait-il, une descente qu’on croit être en communication avec la chambre souterraine déjà décrite.

C’est dans le rameau de galerie aboutissant sous l’église qu’a été trouvé le vase que je vous présente, espèce de burette de forme assez peu élégante et incomplète de son anse et de son goulot, celui-ci peut-être trilobé. Sa hauteur probable était de 0m 07 à 0m 08 ; son diamètre à la panse est de 0m 068 et, à la base, de 0m 053. La fabrication en est fort grossière. La partie Inférieure porte des taches et bavures d’émail vert plombifère qui a coulé de bas en haut, comme si le vase retourné eût servi de support dans le four à un autre vase à couverte d’alquifoux. La présence de ce vernis ne permet guère de faire remonter cette poterie plus haut que le XIIIe siècle; peut-être est-elle moins ancienne. Aucun autre objet n’a été trouvé dans les galeries. Il est vrai qu’on n’a pas remué les gravois qui, en certains endroits, notamment dans la chambre souterraine, sont tombés de la voûte et recouvrent le sol primitif.

L’église de Saint-Julien qui vient de disparaître était un édifice de la fin du XVe siècle, composé d’une nef avec chevet carré et de trois chapelles, l’une au nord et deux plus petites au midi. Un autel orienté était en outre adossé à la saillie d’un pilier du côté nord. Le tout était de peu de valeur architecturale. On remarquait seulement, au midi, une fenêtre à meneau garnie d’un remplage d’un bon dessin. on aurait désiré conserver cette fenêtre, mais les pierres s’en sont brisées en la déposant. Une des petites chapelles du même côté, celle de Villechaise, était ornée de l’écusson des du Bessey, une croix chargée de cinq losanges. Cette pierre a été replacée dans la nouvelle église.

On y a replacé aussi l’autel majeur, en bois doré, oeuvre estimable du sculpteur Maisieu, de Lyon. J’espère vous apporter un jour le marché conclu pour la confection de cet autel, dont la valeur artistique est connue de M. l’abbé Découlange et qui, tout permet de l’espérer, restera pendant de longues années l’honneur de l’église de Saint-Julien.

Du mobilier de l’ancienne église la sacristie conserve encore une fort ancienne statue de la Vierge, assise et tenant l’Enfant Jésus sur ses genoux. Un évidement rectangulaire, en forme d’armoire, pratiqué dans le dos de la statue fait présumer qu’elle a jadis servi de reliquaire. Le travail de cette sculpture est assez barbare, et depuis quelque temps déjà elle avait été retirée de l’église par ordre de l’autorité ecclésiastique. Ce n’en est pas moins un objet curieux et intéressant, et il faut louer M. le curé de Saint-Julien de lui avoir donné un asile honorable dans la sacristie.

Une inscription relativement moderne donne à cette Vierge le nom de Notre-Dame des Neiges, qui rappelle un ermitage sous ce vocable, dont on montre l’emplacement sur les hauteurs qui séparent Saint-Julien des Salles.

La reconstruction de l’église a entraîné l’abaissement du sol et le transfert du cimetière qui l’entourait. Les déblais pratiqués l’année dernière dans la partie de ce champ funéraire situé au midi de l’église ne paraissent avoir amené la découverte d’aucun objet digne d’être noté, sarcophages de pierre ou poteries. J’ignore si les travaux du même genre exécutés il y a quelques années dans la partie nord ont donné lieu à des constatations plus intéressantes ; ce n’est pas probable, car feu M. l’abbé Dupuy, alors curé de Saint-Julien, ecclésiastique des plus instruits, n’aurait pas manqué de signaler ce qui aurait pu être trouvé d’insolite.

La démolition de l’église elle-même ne semble pas avoir rendu non plus de membres d’architecture ayant fait partie d’une église plus ancienne. Seules les fondations ont offert quelques particularités permettant de songer à un édifice antérieur.

Une tradition locale veut, il est vrai, que le bourg de Saint-Julien ait été situé jadis sur un autre emplacement, voisin de celui qu’il occupe aujourd’hui, mais situé plus au nord, de l’autre côté de la route nationale. Ce lieu correspond à celui que recouvre la cote de hauteur 609 sur la carte de l’Etat major. Il paraît qu’en effet le sol y recèle des substructions :mais elles ne sont autres peut-être que celles du fief de la Borjate, connu par plusieurs aveux du XlV e siècle et dont ce territoire a retenu le nom. Rien n’empêche néanmoins de supposer que l’église primitive ait été bâtie dans le même quartier.

On donne à la maison du XVe siècle située près de l’église actuelle le nom de château de Saint-Julien, bien qu’elle ne présente, au moins dans son état actuel, aucun appareil défensif, pas même la moindre poivrière ou le plus innocent machicoulis. On l’appelle aussi le château de Madame Hugues, et ceci m’amène à vous dire un mot de ce personnage, dont le nom n’est prononcé qu’avec respect à Saint-Julien.

Qu’était madame Hugues ? Ce fut, répondent les gens de la paroisse, une pieuse et sainte femme qui, lors de la fonte d’une grosse cloche, apporta dans son tablier une quantité de pièces d’argent et les jeta dans le métal en fusion. On ajoute que le son de cette cloche, aujourd’hui détruite, avait une grande vertu contre les tempêtes.

Quoi qu’il faille penser de cette naïve légende, le souvenir des bienfaits de Madame Hugues s’est perpétué à Saint-Julien. De temps immémorial, et cet usage est encore en pleine vigueur, elle est nommée au prône chaque dimanche, en tête des fidèles pour lesquels l’église adresse à Dieu une prière spéciale.

Tout porte à reconnaître dans Madame Hugues, Huguette ou Hugues de Saint-Julien, Huga de Sancto Juliano, morte avant le 21 octobre 1276 et bienfaitrice insigne de l’église de Saint-Julien, à qui elle avait donné de son vivant tout ce qu’elle tenait en fief du comte de Forez à Saint-Jean et Saint-Julien-la-Vêtre, à l’exception des mas de Rossignieu et de Cassière. Cette donation fut homologuée par le comte Guy VI, sous réserve du fief à rendre et d’un droit d’introge de 15 sous de viennois à payer par chaque nouveau curé (1).

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(1) Archives nationales, P. 13951, cote 247. – Cartulaire des francs fiefs de Forez, chartes LVIII,, LIX et XCVIII. – Huilliard-Bréholles, nos 608 A, 614, 655. – A. Barban, Fiefs du Forez, n° 825.

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Comme pour tant d’autres fondations pieuses, quelques vieux titres sont tout ce qui reste de la donation de Huguette de Saint-Julien Les descendants de ceux dont elle dota l’église ne savent plus à quelle époque elle vivait, ni en quoi au juste consistèrent ses libéralités. Ils n’en continuent pas moins à prier pour le repos de son âme. Ne trouvez-vous pas, Messieurs, quelque chose de touchant dans cette reconnaissance plus de six rois séculaire? C’est un exemple trop rare et trop honorable, pour que je n’aie pas tenu à vous le citer.

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