BD, Tome V, De l’ancienne route présumée antique du Rhône à la Loire par la vallée du Gier. – Communication de M. J.-B. Boiron., pages 291 à 296, La Diana, 1890.

 

De l’ancienne route présumée antique du Rhône à la Loire par la vallée du Gier. – Communication de M. J.-B. Boiron.

 

M. Boiron présente à la Société un plan à grande échelle (2) de la ville de Rive de Gier et de ses abords en amont et en aval, sur lequel il a porté le résultat des observations qu’il a faites au cours de travaux de canalisation souterraine exécutés par la municipalité en 1889 et 1890.

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(2) Ce plan a été dressé à l’aide du cadastre de Rive de Gier daté de 1811 et de celui de Saint-Paul-en-Jarez daté de 1826. Il donne l’aspect de cette partie de la vallée du Gier avant les changements occasionnés soit par les travaux de prolongation du canal de Givors et de construction du chemin de fer, soit par l’accroissement énorme de la population dû à l’exploitation plus active des mines et à de nombreux et considérables établissements métallurgiques.

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Ces travaux ont fait reparaître sur plusieurs points la chaussée de l’ancienne route du Rhône à la Loire par la vallée du Gier, route qui parait remonter à l’époque romaine. Elle avait été précédée sans doute par un et même deux chemins longeant immédiatement le Gier et encore subsistants. Envahis, à chaque crue un peu forte, par la rivière qu’ils traversaient d’ailleurs forcément sur plusieurs points, ils n’offraient pas une sécurité complète. De là la nécessité de créer une route nouvelle qui fût à l’abri de toute inondation.

M. Boiron prend la voie présumée romaine presque à la limite du département de la Loire, où la, route nationale n° 88, de Lyon à Toulouse, la recouvre. Le n° I du plan marque l’endroit où se termine la conduité de distribution des eaux de la ville de Rive de Gier ; en amont de ce point, sur une longueur de 15 à 20 mètres, les fouilles exécutées dans un terrain sablonneux, ont mis à découvert, à une profondeur d’environ 0m 80, des tuiles à rebords et de menus fragments de poteries.

Le territoire dit du Moulin Neuf, aujourd’hui de la Pomme (no II), et celui dit des Apréaux (n° V) sont cités l’un et l’autre dans un terrier de Rive de Gier du XIVe siècle comme joignant la voie publique (1).

Du n° III au n° IV, c’est-à-dire depuis l’école communale moderne du quartier de la Pomme jusqu’à l’église de Saint-Jean bâtie en 1840, édifices qui ne figurent pas sur notre plan, la tranchée a rencontré sur 100 mètres de long, à une profondeur variant entre 1m 10 et 1m 40, une couche, 0m 15 d’épaisseur, d’argile blanche mélangée de petits cailloux cassés et reposant sur un pavé très solide.

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(1) M.-C. Guigne, Les voies antiques du Lyonnais, note n° 329: In territorio de la Praus, juxta ripam Gerii et juxta iter quo itur apud Lugdunum; – in territorio Molendini novi, juxta iter per quod itur Lugduni. (Terrier de Rive de Gier de 1378, aux archives du Rhône, arm. Jacob, vol. 67, n° 1).

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A partir du n° IV, la route prend le nom de rue de Lyon ; entre ce point et le n° VI, en face des maisons portant les nos 78 et 79, à 1m 20 de profondeur, on a constaté la présence d’un solide pavé composé de dalles brutes posées sur champ et enchevêtrées les unes dans les autres.

Le n° VII marque l’emplacement de l’ancien hôpital. La route y passait au moyen âge sous une porte de la deuxième enceinte de Rive de Gier, dont les vestiges se voyaient encore en ce point il y a quelques années.

A l’intérieur de la ville, entre cette porte et le pont, se trouvait la chapelle de l’hôpital dédiée à Notre-Dame de Pitié et à saint Jacques.

En cet endroit, dans l’antiquité, la montagne de Coulou, dont le pied baignait dans le Gier, forçait la route à passer sur l’autre rive, car le tracé actuel de la route nationale par les rues Féloin et des Verchères doit dater de 1740. Le pont d’Égarande au moyen duquel elle traverse aujourd’hui le Gier presque en face de la gare du chemin de fer a été construit vers 1830.

La voie antique passait la rivière sur le pont (n° VIII) appelé pendant le moyen âge Pont de la Ville. Il fut démoli en 1825, son origine était assurément romaine, puisqu’en 1837, la démolition de la culée restée debout sur la rive gauche amena la découverte de médailles antiques englobées dans la maçonnerie, parmi lesquelles des pièces de la colonie de Nîmes au revers du crocodile (1). Ce pont a été rebâti un peu plus haut.

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(1) J.-B Chambeyron, Recherches historiques sur la ville de Rive de Gier, p. 7.

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A la sortie du pont, la voie antique suivait le parcours de la rue Paluy, appelée anciennement la Grande Charrière, et de la rue d’Égarande. Au point IX, la tranchée a rencontré des substructions, parmi lesquelles les fondations d’une porte de la première enceinte de Rive de Gier, qui était placée en face du pont. A la hauteur de la maison no 13 de la même rue (no X du plan), la même tranchée a traversé un massif de maçonnerie de 1m 50 d’épaisseur qui paraît se diriger vers la place Grenette sur une longueur de 15 mètres et se termine avant d’arriver à la rue du Gier. Même rue, au point no XI, on a rencontré au fond de la tranchée des fragments de tuiles à rebords.

Dans la rue d’Égarande, qui fait suite à la rue Paluy, jusqu’au point no XII, la canalisation a été faite en plein rocher et n’a, par conséquent, rien fait découvrir. Au point XII, on mis à jour en 1837, sur le côté droit de la route, à 2 mètres du sol, une sépulture creusée dans le pouding ; les objets qu’elle contenait ont été malheureusement dispersés (1).

Au point XIII, la rue d’Égarande rejoint la route nationale no 88 qui, comme nous l’avons dit précédemment, après avoir suivi la rive gauche du Gier, traverse la rivière en cet endroit; elle occupe alors de nouveau l’emplacement de la voie antique.

Le territoire d’Égarande est cité dans un terrier du XIVe siècle comme joignant la grande route de Rive de Gier à Saint-Chamond (2).

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(1) J.-B. Chambeyron, Recherches historiques sur la ville de Rive de Gier, p, 12.
(2) M.-C. Guigue, Les voies antiques du Lyonnais, note n° 330 : In territorio de Esgaranda, juxta iter quo itur de Rippagerii apud Sanctum Anemundum. (Archives du Rhône. Terrier de Rive de Gier de 1383, arm. Jacob, vol. 67, n° 2).

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Du point XIII au point XIV, les fouilles ont eu lieu dans le rocher et n’ont conséquemment amené aucune constatation archéologique.

Au point XIV figure une maison détruite depuis par les travaux du chemin de fer et qui s’appelait le Logis des Pères ; elle appartenait avant la Révolution aux Chartreux de Sainte-Croix.

Entre les points XIV et XV, à 1m 30 de profondeur, on a constaté la présence d’une chaussée pavée affectant toujours la direction du N-E au S-O.

Au point XVI, la voie antique était un peu à droite de la route n° 88 ; son passage est encore visible dans le rocher où elle avait été creusée.; sa largeur est de 5 mètres.

N° XVII. Territoire du Grand Pont ou du Martoray. Il existait là en effet un petit pont pour le passage de la route, mais il est aujourd’hui obstrué par un dépôt de scories et de déblais. Sa maçonnerie est encore visible du côté du midi.

A partir du n° XVIII, au lieu dit le Logis Thevenet, la voie antique n’est plus représentée par la route n° 88. En cet endroit elle se rapprochait du Gier et suivait le parcours actuel de la vieille route de Lyon à Saint-Etienne, qui va du passage à niveau de la plaine de Grézieu au lieu dit la Grand-Croix.

N° XIX. Territoire de la Charmetière, cité dans un terrier du XIVe siècle, de Saint-Genis-Terrenoire, comme joignant l’estra publique (1).

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(1) M.-C. Guigue, Voies antiques du Lyonnais, note no 330 :apud la Chametri, juxta stratam publicam tendentem de Sancto Annemundo ad Rippam Gerii. (Archives du Rhône, Terrier de Saint-Genis-Terrenoire de 1378-1388, fol. 46).

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N° XXI. Territoire du Reclus, joignant la voie publique et où se trouve une source célèbre dite Font Flora. Un peu plus haut nous avons figuré en A la première église de la paroisse de Lorette, construite en 1837, et en B l’église actuelle bâtie en 1846 et dédiée comme la précédente à Notre-Dame de Lorette, dont le nom remplaça celui du Reclus lors de l’érection de ce quartier en commune, en 1847.

L’élévation qui domine l’usine Neyrand, sur la rive gauche du Gier, se nomme le Châtelard.

XX. Petit chemin pavé allant du Reclus à Cellieu.

XXII. En cet endroit l’ancien chemin de Lyon à Saint-Etienne n’est plus représenté que par un sentier.

XXV. Ancien pont sur le Dorlay pour le passage de la vieille route. De là elle se dirige sur le lieu dit la Grand-Croix (n° XXIV) qui a donné son nom à une commune moderne, et un peu plus loin se confond de nouveau avec la route nationale ne 88. La voie antique suivait ensuite le parcours de celle-ci jusqu’au lieu de la Maladière, à l’entrée du bourg de Saint-Julien-en-Jarez qu’elle traversait par le milieu en passant à proximité de l’église, puis elle gagnait Saint-Chamond par la rue de la Reclusière (1).

La séance est levée.

Le Président,

Cie DE PONCINS.

Le membre faisant fonction de secrétaire,

Eleuthère BRASSART.

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(1) M.-C. Guigue, Voies antiques du Lyonnais, note n° 330 : In territorio del Chabodeynt juxta stratam Lugdunensem tendentem del Reclus (locus S. Annemundi) ad Ripam Gerii. – (Archives du Rhône. Terrier de Saint-Genis-Terrenoire de 1378-1388, fol. 9).
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