BD, Tome V, Fours anciens découverts sur le versant oriental du mont d’ Uzore. – Communication de M. Peniguel., pages 150 à 154, La Diana, 1890.

 

Fours anciens découverts sur le versant oriental du mont d’ Uzore. – Communication de M. Peniguel.

 

M. Peniguel, ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées, fait la communication suivante :

Les travaux d’ouverture du canal du Forez, sur le flanc oriental du mont d’Uzore, ont mis à découvert, près du domaine de la Rive, commune de Montverdun, un curieux ouvrage dont, jusqu’ici, il n’a été possible de déterminer, ni l’usage auquel il a servi, ni l’époque de la construction.

Mieux que toute description que l’on en pourrait faire, les dessins joints à cette note font connaître les dimensions et dispositions de cet ouvrage, qui consiste essentiellement en deux fours accolés, de 2m 98 de longueur, ayant une entrée commune de 1m 92 de longueur (plan n° 1).

Une murette en brique, dont l’épaisseur varie de 0m 27 à 0m 45, sépare les deux fours qui, eux-mêmes, ont la forme de coins ayant pour dimensions respectives, aux gros bouts 0m 53 et 0m 61, aux petits bouts 0m 28 et 0m 35. Les fours sont voùtés en plein cintre (coupes nos 2 et 3).

L’entrée commune est voûtée en ogive ; les arcs de cette ogive ont un rayon double de l’ouverture libre (coupes nos 4 et 5).

La sole des fours et de leur entrée commune est en argile corroyée, que le feu a durcie ; son épaisseur varie de 0m 05 à 0m 06..Une chape, de même nature que la sole, enveloppe les deux fours mais non leur entrée commune ; son épaisseur varie de 0m 10 à 0m 12. Tout autour de cette chape subsistent des traces de calcination sur quelques centimètres d’épaisseur.

Presque toute la construction est en brique; le reste est en pierres basaltiques (voir la légende des dessins). Les briques ont 0m 23 de longueur, 0m 12 de largeur, leur épaisseur est de 0m 06, et pour les voûtes elles ont la forme de claveaux.

Nous avons fait apporter à la Diana, afin que l’on puisse les examiner commodément, quelques briques et des fragments de la sole et de la chape des fours ; la fabrication des briques est grossière. Il est à remarquer que les faces de celles formant parement à l’intérieur des fours ont été exposées à de fortes chaleurs, qui leur ont fait subir un commencement de vitrification.

L’intérieur des fours et de l’entrée commune était très propre au moment de la découverte: on n’y a trouvé aucun débris de combustion. Ce n’est qu’extérieurement, à la gueule et autour de la chape, que l’on rencontre de nombreux charbons.

Nous avons dit que nous n’avons pu déterminer ni l’âge de la construction, ni l’usage auquel elle a servi. A ce sujet, nous ne pouvons mieux faire que de citer ce que M. Vincent Durand, qui a visité les lieux le 13 de ce mois, nous écrivait le lendemain de sa visite :

«……..M. Pressat a bien voulu faire exécuter sous nos yeux un complément de fouilles très instructif, ce qui nous a forcés à abandonner notre première impression, que les fosses juxtaposées rencontrées par le fossé du canal étaient des sépultures du moyen-âge. On pouvait aisément s’y tromper, étant données leur orientation, leurs proportions générales et la circonstance qu’elles allaient en se rétrécissant par un bout. Mais en poursuivant le déblai jusqu’au talus du canal, nous avons reconnu que ces deux fosses, ou plutôt ces deux canaux voûtés, se rejoignaient sous un angle très aigu pour ne plus former qu’un canal unique, plus large et plus élevé, dont l’orifice était à quelques centimètres seulement du plan du talus. De plus, l’examen minutieux des terres de remplissage ne nous a pas permis de reconnaître le moindre vestige de détritus d’apparence animale. L’hypothèse d’une ou plusieurs sépultures paraît donc devoir être définitivement écartée: l’àge de la construction restant d’ailleurs vraisemblablement postérieur à l’époque romaine, ce qui se reconnaît surtout à la forme des briques et à leur mauvaise fabrication.

« Mais si la destination de cet ouvrage n’est pas funéraire, à quoi a-t-il bien pu servir ? J’avoue franchement que je ne puis le deviner. Il ne semble pas avoir existé au-dessus de construction qu’il aurait eu pour objet d’assainir; on ne voit ni substructions, ni débris de tuiles en nombre, ni même d’humidité notable dans ce point du terrain. On ne peut songer non plus à une dépendance d’un four à potier; les terrains ambiants seraient pleins de cendre et de rebuts de fabrication. L’intervention du feu pour solidifier l’aire générale en argile et la chape extérieure aussi en argile mêlée de cendres pourrait faire croire à une préoccupation particulière de rendre l’intérieur étanche. Dans quel but ? Un silo à conserver les grains doit présenter cette qualité d’être inaccessible aux eaux d’infiltration, mais la forme d’un boyau bas et étroit est bien la dernière qu’on eût dû lui donner.

« Serait-ce une simple cachette? Elle eût été passablement incommode et assez mal dissimulée à l’extérieur.

I1 y a donc là un curieux petit problème, et je vous engage fort, Monsieur et cher confrère, à en saisir la Diana dans sa prochaine réunion……. »

Grâce à sa situation sur une digue du canal du Forez, l’ouvrage pourra, sans difficulté, ètre conservé dans son état actuel, dont nos croquis donnent une idée aussi exacte que possible ; les intempéries des saisons seules causeront à la longue sa destruction. On pourra donc, d’ici longtemps encore, étudier à loisir, sur place, ce curieux ouvrage; et, si sa conservation indéfinie devait présenter de l’intérêt, il serait aisé et peu coûteux de l’assurer en le mettant à l’abri des influences atmosphériques.

En terminant M. Peniguel promet, pour la prochaine réunion, un travail sur l’ensemble des découvertes d’objets antiques dues aux travaux exécutés pour l’établissement du canal d’irrigation dans la partie comprise entre Montbrison et Montverdun.

Sur l’initiative de son Président, l’assemblée vote des remerciements à M. Peniguel pour son intéressante communication.