BD, Tome V, Notes sur quelques découvertes archéologiques récentes faites à Moind., pages 45 à 48, La Diana, 1889.

 

II.

Notes sur quelques découvertes archéologiques récentes faites à Moind.

 

PAR M. T. ROCHIGNEUX.

La clôture de M. Poyet, dont M. le lieutenant Jannesson signale les dernières trouvailles, était déjà connue (2) par la découverte d’un fragment d’inscription et d’une plaque de ceinturon mérovingienne. Les défoncements successifs entrepris dans cette propriété depuis quelques années ont également révélé, sur presque toute son étendue, la présence de substructions antiques de forme carrée ou rectangulaire. Parmi les nombreux murs rencontrés, présentant tous des vestiges d’enduit en stuc peint, un seul était construit en petits matériaux d’appareil ; il mesurait près d’un mètre d’épaisseur et supportait originairement une colonnade, comme l’atteste la découverte d’une énorme base de colonne en calcaire jurassique, trouvée renversée au pied de la muraille et transportée depuis dans le vestibule du musée de la Diana. La plupart des salles qu’enfermaient les murailles antiques avaient des aires bétonnées ou pavées en carreaux de schiste ou de grès. Les cours ou les espaces compris entre les divers bâtiments étaient assainis au moyen d’une épaisse couche de gravier rapporté. Signalons parmi les abondants débris trouvés dans la couche archéologique, de rares fragments de marbres, des moulures en calcaire, un tronçon de fût en granit de petit diamètre, des briques semi-circulaires, quelques fragments de statuettes de divinités, en terre blanche, des monnaies de bronze du Haut Empire, et surtout des poteries de tout genre, de couleur noire, grise et rouge avec figures en relief : la majeure partie de ces restes ont été trouvés plus particulièrement dans le voisinage de l’ancien cimetière de Saint-Maurice.

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(2) Voir deux rapports de M. Vincent Durand, Bulletin de la Diana, t. II, p. 38 et t. III, p. 261.

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Le minage exécuté durant l’hiver de 1887-1888, au centre de la propriété Duchez, sur une surface approximative de 3500 mètres carrés, a également mis au jour des substructions paraissant analogues à celles de la précédente clôture. Un tronçon de chaussée pavée avec le plus grand soin, mais dont on n’a pu déterminer la direction véritable, a été rencontré sur une longueur de 7 mètres et une largeur de 3, au midi de la propriété. Au nord, dans la partie la plus déclive, on a découvert à une profondeur assez considérable des portions de murs avec des débris de bordures en béton d’opus signinuni et des blocs de calcaire creusés en forme de rigole: ces vestiges appartenaient vraisemblablement à un réservoir à huîtres, car on a trouvé au centre une quantité considérable de coquilles de ces mollusques. Dans le voisinage immédiat de ce bassin, d’autres murs paraissant renversés d’une seule pièce, après un incendie, recouvraient des amas de poteries de types très variés, brisées sur place, et un certain nombre de tuiles à rebords intactes. Parmi les épaves rejetées des tranchées figurent notamment des tessons de vases ornés portant les marques de mouleur M.O. CREN, CINN (Cinnami), et les estampilles de potiers CELSIANI F et DIO FECIT, une statuette brisée de déesse-mère, en terre cuite, une sorte de meule à rebord ou de vasque circulaire en calcaire, mesurant 0m33 de rayon, du marbre blanc débité en plaques et en corniches, un fragment d’une inscription, également en marbre blanc, réduite à la seule lettre R, dont la forme accuse une haute époque, enfin une sorte de cupule en bronze ou tintinnabulum, portant aussi une inscription au pointillé et des figures d’animaux au trait. Cet objet a été envoyé à M. Héron de Villefosse, notre éminent collègue, pour avoir son avis sur la manière dont cette inscription doit être interprétée.

Le territoire de Saintinieu a fourni aussi, cet hiver, son contingent archéologique. Dans une propriété portant le n° 332, section B du plan cadastral de Moind, à 100 mètres environ en soir du point où ont été recueillies les monnaies dont parle M. Gonnard (Voir plus haut, page 42), des ouvriers occupés ù un défoncement ont rencontré, à la profondeur moyenne de 0m 55, deux murs antiques non appareillés mesurant 0m 50 d’épaisseur et se rejoignant à angle droit : l’aire qu’ils limitaient était pavée de grossiers carreaux, en terre cuite, au nombre d’une soixantaine : leurs dimensions étaient de 0m 41-45 de long sur 0m 30-31 de large et 0m 07 d’épaisseur. Au dessus de ce pavement on remarquait, par places, des témoignages manifestes d’incendie, tels que de la cendre, des charbons de bois parmi lesquels on a trouvé des tessons de poteries grossières, notamment d’une coquelle à trois pieds, de la tuile à rebords et enfin deux fragments du marbre rose veiné, de placage, qui pourraient bien avoir été apportés accidentellement de Moind même, à une époque plus ou moins ancienne.

Dans le voisinage immédiat de cette construction, une excavation, profonde de 0m 85 centimètres et remplie de terre très-meuble, a livré six vases en forme de guttus, dont deux ont été involontairement anéantis ou gravement atteints par le coup de pioche de l’inventeur. Ces poteries, terminées par un goulot très étroit et munies d’une anse unique, appartiennent à deux types différents. Trois, en terre grise grossière, présentent une forme ventrue et mesurent 0m 16 de diamètre à la panse, sur 0m 17 de hauteur ; les autres, hautes de 0m 12 et larges de 0m 10 seulement, sont au contraire d’une pâte rouge fine et d’une facture plus élégante, spécialement un d’entre eux malheureusement amputé de son col. Nous n’avons pu vérifier si ces vases faisaient partie d’un mobilier funéraire.

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