BD, Tome V, Vases-acoustiques trouvés dans l’église de Montverdun. – Communication de M. Alphonse de Saint-Pulgent., pages 34 à 38, La Diana, 1889.

 

Vases-acoustiques trouvés dans l’église de Montverdun. – Communication de M. Alphonse de Saint-Pulgent.

 

M. Alphonse de Saint-Pulgent fait l’exposé suivant:

La Société française d’archéologie, lors de sa visite à l’église de Montverdun en 1885, avait voté une somme de cent francs pour faire relever la dalle tumulaire de l’archevêque Renaud de Bourbon, qui se trouvait devant l’autel actuel, et la placer dans un lieu où sa conservation fût mieux assurée. Elle exprima en outre le désir que des fouilles fussent faites en cet endroit dans le but d’y découvrir, sinon la tombe même du prélat, tout au moins quelques objets pouvant intéresser l’histoire de l’église. Les fouilles pratiquées par MM. Vincent Durand et Lassaigne, curé de Montverdun, ne donnèrent aucun résultat. M. Lassaigne, d’ailleurs, avait toujours pensé que la tombe devait être plutôt dans l’abside, où se trouvait l’autel primitif, et c’est pour s’en assurer qu’au mois de novembre dernier, il entreprit un travail de recherches à cet endroit.

L’abside est surélevée de quelques centimètres au-dessus de l’aire du choeur et limitée antérieurement par une marche. Une tranchée fut ouverte dans le sens de l’axe à 0m 50 environ de cette marche, et 2m 05 plus loin, les ouvriers se trouvèrent arrêtés par un massif de grosse maçonnerie en matériaux semblables à ceux de l’église. M. Lassaigne le fit immédiatement dégager et se trouva en présence d’un mur transversal à l’axe de l’église, long de 2m 10, large de 1m 45, sur une hauteur de 0m 77 : c’était le soubassement de l’ancien autel. La tranchée continuée de l’autre côté de ce mur jusqu’au tombeau de saint Porcaire, élargie à droite et à gauche, n’amena aucune découverte. Mais, en voulant dégager le soubassement dans sa partie antérieure, les ouvriers avaient fait une trouvaille assez singulière: celle de trois vases en terre rangés sur une même ligne parallèlement à ce mur, et le dessous en l’air. Un seul est entier ; un autre paraît brisé depuis longtemps; le troisième a été cassé par le pic de l’ouvrier qui ne s’attendait point à cette découverte, mais on peu facilement le reconstituer.

Leur forme rappelle assez exactement certains vases de ménage encore en usage dans nos pays; la terre est d’une couleur cendrée très foncée. Le plus grand de ces récipients mesure 1m 30 de circonférence à la panse et 0m 30 de hauteur; il est muni de deux anses et n’a point de bec; de minces rubans en relief courent un peu obliquement sur ses flancs. Le second, de même hauteur, n’a que 1m 02 de circonférence; il a un déversoir s’ouvrant sans l’interrompre sous le bord supérieur et une anse plate cannelée.

Le troisième est une cruche qui possédait une anse transversale et dont le bec est est pincé à sa naissance par un petit bourrelet placé à cheval qui maintient les deux lèvres rapprochées. Ce vase, plus petit que les autres, n’a guère que 0m 27 de hauteur sur 0m 90 de circonférence environ.

Mais pourquoi ces vases se trouvaient-ils là ? Leur position singulière, leur arrangement symétrique au pied même de l’autel indiquent une intention évidente de la part de celui ou ceux qui les avaient ainsi disposés.

M. Lassaigne et moi ne pouvions trouver d’explication satisfaisante, quand un des ouvriers nous apprit que dans bien des endroits de notre région, les paysans ont l’habitude d’enterrer ainsi aux quatre coins des granges où ils battent leurs grains, des pots de terre destinés à augmenter la sonorité du sol. Ce sont là des echea d’un nouveau genre MM. Vincent Durand et Brassart, à qui nous avons fait part de cette découverte et de l’explication qui en était donnée par les ouvriers, inclinent à croire que ceux-ci ont rencontré juste, et que les vases de Montverdun ont été enfouis à l’imitation de ce qui se pratiquait déjà pour les aires de grange, et dans l’intention probable de donner plus d’éclat à la voix de l’officiant.

Dans l’intéressante notice de M. Vachez sur les echea (1) je n’ai rien trouvé d’analogue, mais l’hypothèse émise ici, basée d’ailleurs sur l’usage existant dans nos campagnes, parait assez plausible pour qu’on puisse l’admettre jusqu’au jour où de plus compétents que moi trancheront définitivement la question.

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(1) Congrès archéologique de France, LIIe session, p.253.