BD, Tome 58, Robert Périchon, Muriel Jacquemont, Révision du mobilier découvert dans un puits à Trelins en 1876 et publié par Vincent Durand dans les Mémoires de La Diana en 1877 (1), pages 9 à 15, Montbrison, 1999.

 

Révision du mobilier découvert dans un puits à Trelins en 1876 et publié par Vincent Durand dans les Mémoires de La Diana en 1877

 

Sur le territoire de la commune de Trelins, en 1876, Vincent Durand devait participer à la découverte et à la destruction d’un puits près de la maison de M. Mournand (2), située à quelques dizaines de mètres du centre du bourg (3). Ce puits était soigneusement construit ; les parois étaient consolidées par un parement en pierres de taille. Le diamètre de l’ouverture était de 0,60/0,70 m. et la profondeur de 16, 30 m. ; l’ouvrage se rétrécissait vers le fond.

Les vestiges découverts au fond de ce puits ont été retirés d’un conglomérat de terre et de pierre.

Un certain nombre d’éléments observés par Vincent Durand ont été décris par lui sans être ni recueillis ni dessinés. C’est le cas des fragments de tuiles à rebords et de tuiles creuses, ainsi que d’autres vases en céramique commune dont il fait mention.

Trois vases (fig. 1 à 3 pl. 1) présentent des caractères identiques. Ce sont les moins fragmentés. Ces récipients présentent des traces de carbonisation ; ils ont subi, après cuisson, une action de feu ayant noircie certaines parties extérieures. On observe sur les surfaces externes et internes de légères concrétions calcaires. Ces fragments appartiennent à des cruches assez grossières dont seuls les fonds subsistent contenant encore certains résidus. Ces récipients semblent appartenir à des productions assez tardives.

Dans la série de céramiques recueillies dans ce puits, on peut noter deux fragments de céramique peinte appartenant à des vases très différents. L’un est un fragment de rebord d’une sorte d’écuelle totalement engobé de blanc (fig. 4 pl. 1), une bande horizontale rouge souligne le bourrelet extérieur que fait le col et en dessous quelques petits traits en diagonale pourraient représenter la décoration générale de la panse du vase. L’engobe blanc est très épais, quand à la couleur rouge, elle est relativement sombre par rapport, par exemple, à celle ornant la presque totalité des vases du type « bol de Roanne ». Il convient d’observer que la cuisson est oxydante mais le cœur de la pâte montre des traces de réduction. Un autre fragment consiste en une partie tubulaire de col de cruche et son raccordement avec la panse du récipient (fig 5. pl. 1), ce raccordement est marqué par un petit bourrelet irrégulier de un à deux mm. recouvert par une bande horizontale de couleur rougeâtre, sombre. Partant de là, on peut observer la pointe d’un triangle dont la partie supérieure se perd dans la cassure. L’intérieur du triangle est orné de petits V horizontaux, le tout étant tracé maladroitement au pinceau. Seul l’extérieur du récipient est recouvert de blanc, mais quelques tâches de cet engobe sont visibles à l’intérieur du col. La pâte est dure; rouge sombre, mi-fine ; la cuisson est oxydante, sans trace de réduction. Il est possible de considérer ces deux fragments comme une sorte de dégénérescence par rapport à la belle céramique peinte des premiers siècles de l’Empire (4). Ce lot de céramiques recueillies par Vincent Durand se compose encore d’un tesson de cruche engobé de blanc mais sans décor (fig. 6 pl. 1) et d’un fragment de fond de vase à fond plat ( fig. 7 pl. 1) (pichet ou cruche) de céramique grise à cuisson réductrice, à pâte mi-fine et à cuisson très dure et à couverte fumigée. A 1,5 cm. du fond du récipient, la surface extérieure est ornée de quatre traits grossiers de lissage. Il faut ajouter deux fragments de céramique sigilée ; une petite partie de panse (fig. 8 pl. 1) dont la couverte rouge n’est qu’extérieure et un fond de vase de forme indéterminée (fig. 9 pl. 1), relativement érodé, et appartenant à une catégorie de céramique sigilée claire ; là encore, nous sommes en présence de production tardives. Des fragments de vases à couverte micacée ont été également signalés par Vincent Durand mais ne nous sont pas parvenus.

Le mobilier se compose d’une clé dont l’un des pannetons manque (fig. 1 pl. 2), l’autre extrémité de cette clé forgée forme un anneau perforé. Sa longueur est de 14 cm. Une autre pièce est un long crochet forgé à l’extrémité d’une douille (fig. 2 pl. 2), cette dernière contenant encore quelques vestiges d’un manche en bois. Un autres crochet en fer ( fig. 3 pl. 2) présente un dispositif à peu près semblable, mais particulièrement abîmé.

Une pièce assez remarquable consiste en une anse de seau en bronze ( fig. 4 pl. 2) dont les crochets des extrémités sont distants de 26 cm.. Le rayon de cette anse est de 14 cm. cette pièce est soigneusement forgée ; elle est plate, de section rectangulaire, d’une hauteur de 7 mm. et d’une épaisseur de 4 mm. Le métal, plus ou moins arrondi aux extrémités, est, à chaque bout, recourbé vers le haut. Là encore, nous contestons l’hypothèse de Vincent Durand qui y voit l’anse d’un seau en bois dont nous faisons la description plus loin (fig. 5 pl. 2). La dimension de cette anse est nettement supérieure à celle du seau ; ce dernier présente bien une perforation pour une quelconque attache mais en aucun cas il n’a été possible d’y faire entrer le crochet de l’anse du seau : elle est située à 1,2 cm. du rebord supérieur du récipient. Trois pièces seulement du seau en bois nous sont parvenues, les autres ayant été négligées. Il s’agit de noyer. L’une est un large fragment de paroi, l’autre le fond du récipient et le troisième, un élément qu’il ne nous a pas été possible de remettre en place. Le fond taillé dans une simple planche est quelque peu ovalaire, semble avoir été ajusté de force dans la base du seau. Le détail intéressant est que la paroi forme un rétrécissement à mi hauteur du récipient, l’apparentant curieusement aux situles en bronze relativement fréquentes en Forez (5).

les vestiges osseux étaient particulièrement abondants. Un andouiller de cervidé ( fig. 6 pl. 2) a été laborieusement scié au départ du bois ; son extrémité la plus longue a été soigneusement appointée. Vincent Durand suppose qu’il a servi de crochet, mais rien ne semble confirmer cette hypothèse. Dans les vestiges non récupérés mais observés par Vincent Durand, on note un cornillon de bovidé, un crâne de génisse, un crâne de jeune chèvre, de petit os de lièvre et de lapin ou de volaille.

Commentaire

Plusieurs observations nous incitent à supposer que le puits de Trelins a eu une utilisation autre que celle d’une alimentation en eau. En premier lieu, on peut être étonné par son étroitesse et par sa profondeur dans une zone où les sources sont abondantes tenant compte de la position de piémont dans laquelle se trouve le site (6). Les vestiges recueillis, en ce qui concerne la céramique, peuvent se diviser en deux catégories : les trois fonds de cruche sont les pièces les plus volumineuses et présentent seules des traces de carbonisations ; il n’est pas impossible que ces fonds de récipients aient servi à recueillir des restes d’incinération. Les autres fragments sont tous « isolés » et en aucun cas ne peuvent se prêter à une quelconque restauration. Ceci n’est pas sans rappeler, dans de fosses considérées comme rituelles, la fragmentation et la dispersion des éléments provenant d’un même récipient (7). Il est impossible d’observer une répartition éventuelle des fragments de céramique, le puits de Trelins étant l’unique structure observée dans la zone.

Les dimensions du seau en bois peuvent difficilement le faire considérer comme réellement fonctionnel. Quand à l’anse de seau en bronze, elle est parfaitement isolée et séparée de ce qu’elle soutenait (8). Il est également difficile de considérer comme fonctionnel une clé au fonds d’un puits ainsi qu’un bois de cerf. Nous pouvons également considérer comme insolite les crânes de génisse et de chèvre. Quant aux restes osseux, ne pourraient-ils pas appartenir aux reliques d’un repas funéraire ?

Tous ces arguments plaident en faveur dune utilisation rituelle de ce puits.

Notes
1. – Vincent Durand , puits antiques découvert à Trelins, Mémoires et documents sur le Forez publiés par la Société de la Diana , t. IV, 877, p. 236-240.
2. – A l’époque maire de Trelins.
3. – Longitude 1 g 8580 : latitude, 50 g 8130.
4 . – Robert Périchon, La céramique peinte celtique et gallo-romaine en Forez et dans le massif Central, Centre d’Etudes Foréziennes, Thèses et Mémoires n°6. Université de Saint-Etienne, Editions Horvath, 1974, 146 p. Cf. également Nadine Rouquet-Richard : Les céramiques gallo-romaines à engobe blanc de Bourges, Céramiques 8, à paraître.
5. – On peut se référer aux situles découvertes à Chalain d’Uzore, cf. Michèle Feugères, Le trésor de Chalain d’Uzore, Cahiers Archéologiques de la Loire, Paris, 1857, p. 284.
7. – Robert Périchon, Les rites funéraires observés sur le site protohistorique d’Aulnat. Hommages à René Joffroy, à paraître.
8. – Michel Feugères, Le seau en bois de la nécropole gauloise et gallo-romaine de Roanne, cahiers Archéologiques de la Loire, 4-5, 1984-1985, p. 71-78, fig. 5 ; Corrocher Jacques, L’eau douce dans le vichy antique, Revue Archéologique Site, 58-59, 1985-1, p. 33, fig. 29 ; Robert Périchon, Anse de seau antique au Crêt-Châtelard, Bull. de la Diana, LVI, 3, 1997, p. 239-243.

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