BD, Tome LIX, Assemblée trimestrielle du 4 mars 2000, pages 97 à 106, La Diana, 2000.

 

ASSEMBLÉE TRIMESTRIELLE DU 4 mars 2000

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M. de Meaux, remercie les membres de l’assemblée de leur présence. Il indique que les travaux du conseil d’adminis-tration tenu le matin même ont porté essentiellement sur l’étude des comptes de l’année écoulée et du budget prévisionnel pour l’an 2000. Le conseil s’est également intéressé à l’organisation de l’excursion annuelle.

Excursions pour cette année

Le président précise aux membres de l’assemblée que “an 2000 oblige”, une excursion exceptionnelle pouvait être envisagée, sous réserve d’un minimum de participants. Le Conseil avait donc étudié la possibilité d’une excursion en Italie, et plus particulièrement dans la région de Bologne et de Mantoue. Cette région a retenu l’attention des membres du conseil d’une part parce que Claude d’Urfé, délégué du roi de France au concile de Trente, a beaucoup séjourné dans cette région et y a trouvé l’idée de la décoration du château de la Bastie, en particulier des marqueteries de la chapelle, et d’autre part parce que la Diana a actuellement en stage une étudiante italienne de l’Académie de Pavie, qui connaît bien la région et en particulier les marqueteries de l’église Saint-Dominique de Bologne, semblables à celles de la Bastie, réalisées par le même artiste. Celle-ci a acceptée de servir de guide aux éventuels excursionnistes. La date de cette excursion n’est pas fixée, mais elle pourrait être vers la mi-octobre.

Cette excursion exceptionnelle ne devrait pas empêcher la sortie habituelle, prévue cette année pour le 2 septembre, elle aurait lieu dans la région de Moulins. Les ducs de Bourbon furent pendant plusieurs décennies comtes de Forez. L’abbaye de Souvigny conserve les tombeaux de plusieurs ducs de Bourbon, comtes de Forez, et les souvenirs d’Anne de Beaujeu, comtesse de Forez, sont également présents dans la ville de Moulins même.

Intervention de Mlle Scolari

A la demande du président, Mlle Scolari, stagiaire à la Diana, dans les termes ci dessous, précise les motifs de sa présence en Forez et confirme son offre de servir de guide à une éventuelle excursion de dianistes dans la région de Bologne et de Mantoue.

Mesdames, messieurs,

Bonjour à tous, je suis ravie de faire votre connaissance et d’avoir l’honneur de participer à votre assemblée.

Je m’appelle Maria Luisa Scolari, je suis une étudiante italienne en histoire de l’art à l’Université de Pavie.

Je suis en France grâce à une bourse d’étude Erasmus de 6 mois, pour préparer mon mémoire de maîtrise.

En Italie je me suis intéressée à l’art français à partir d’un ouvrage récemment publiée en italien : Culture et Demeures en France au XVIe siècle par André Chastel. J’ai trouvé immédiatement le plus grand intérêt dans ce livre, au chapitre qui concernait un bâtiment à vous très cher, La Bastie d’Urfé, à ce jour encore peu connu dans mon pays, bien que ses formes et son inspiration soient issues du goût italien de l’époque.

Pour moi la Renaissance, son amour pour l’Antiquité, sa recherche d’un idéal de perfection classique, sa manière limpide et mesurée de concevoir les espaces construits, a toujours été un objetde grande séduction.

L’Italie, en ce domaine, s’est imposée dès le XVe siècle, comme le chef de file de cette esthétique, malgré, on ne peut l’omettre, les nombreux développements qui existent parmi les différentes Renaissances italiennes : Venise, Milan, Florence, le Sud, qui ont traduit tout à fait différemment au début cette sensibilité commune.

Je suis enchantée de pouvoir étudier quels ont été les rapports que la France, en particulier la Bastie d’Urfé a entretenus avec l’Italie. A ce propos je suis très intéressée par le projet que le Département de la Loire a adopté cette année et qui se présente sous le titre de : « Loire, terre d’Italie ». C’est curieux pour moi de retrouver les traces d’artistes italiens et je m’aperçois maintenant, de la place significative que mon pays a occupée hors de ses frontières.

La Bastie d’Urfé offre plusieurs intérêts. Ce qui est étonnant, c’est son esprit toscan : la galerie, la chapelle, puis les lignes grises sur le blanc des parois qui ne peuvent que me rappeler la sobriété de Brunelleschi et ses œuvres florentines.

Ceci me paraît extraordinaire, si on le compare avec la conception très peu florentine des châteaux de François 1er dans le Val de la Loire. Claude d’Urfé a choisi en effet un modèle de classicisme bien différent et encore peu connu et apprécié en France à cette époque.

En ce qui concerne mon mémoire, le sujet concerne l’emplacement de la grotte. Mes recherches n’en sont qu’au début et j’espère bientôt commencer à développer des idées qui maintenant restent à vérifier et à mieux préciser : le système d’alimentation en eau, la typologie, l’imaginaire symbolique, le décor en grande partie disparu, (statues et leur emplacement), la relation sémantique et chronologique avec la chapelle.

Je sais que l’Association « La Diana » a en projet de visiter l’Italie : Bologne et peut-être Mantoue. Je m’en réjouis parce que c’est une occasion pour visualiser directement les lieux qui ont influencé sans doute la personnalité de Claude d’Urfé, qui ont alimenté son amour pour l’art italien. J’ai eu la possibilité de découvrir à Bologne la beauté des marqueteries réalisées par fra Damiano da Bergamo dans le choeur de l’ église Saint-Dominique, en outre ces œuvres sont en rapport très étroit avec celles qui ont été réalisées pour la chapelle de la Bastie. Il est sûr que c’est leur grande maîtrise qui a séduit Claude d’Urfé pendant son séjour dans la péninsule. Enfin Mantoue mérite une allusion spécifique pour moi, à cause de la grotte d’Isabelle d’Este : le chantier de Jules Romain, de Primatice et de leurs élèves a formé les équipes qui travailleront par exemple en France. C’est un chapitre important à l’aube du maniérisme européen.

Je termine ici ma présentation, car mon travail est à peine commencé, mais ma passion est déjà immense.

Toutefois je ne voudrais pas dépasser les limites d’une simple introduction.

Je vous remercie pour l’intérêt que vous m’avez gentiment accordé.

A la suite de cette intervention, Mme Beaudinat, sur l’invitation du président, mentionne les dons de livres et d’archives entrés dans notre bibliothèque depuis le mois de novembre dernier. Elle remercie tout particulièrement la famille de M. Périchon qui a remis à la Diana, les notes et archives de notre regretté disparu ainsi qu’une grande partie de sa bibliothèque.

Puis avant de passer la parole aux auteurs des communications prévues pour cette assemblée, M. de Meaux demande à M. F. Ferret de bien vouloir rappeler la mémoire de Mlle Barry, qui fut dianiste pendant de longues années. Les plus anciens membres se souviennent de sa présentation, lors d’une excursion, du combat des Égaux, et du château de la Roue, près de St Anthème, petite ville dont elle était originaire. On trouvera ci après un texte de M. Mignot qui lui rend hommage.

Communications présentées lors de cette réunion

Quatre communications sont prévues pour cette assemblée. C’est d’abord M. Jacky Nardoux, auteur d’un ouvrage sur la Franc-Maçonnerie en Forez jusqu’au début du XIXe siècle qui développe la présence de cette société dans le Roannais pendant cette période.

En l’absence de Mademoiselle Bernadette Carcel, M. Ph. Pouzols, lit une courte communication relatant les démarches de cette historienne au sujet de Valfleury, son pèlerinage et sa vierge.

A partir de quatre documents tirés des archives du service historique de l’armée de terre, déposées à Vincennes, M. Gardon raconte la mise en défense du département de la Loire en 1870, en insistant sur le manque de liaison entre les diverses autorités de l’époque, le département agissant seul sans concertation avec les départements voisins, Rhône, Saône-et-Loire ou Allier.

Enfin M. Philippe Pouzols, commente les données du recensement de 1999, en faisant ressortir l’accroissement de l’arrondissement de Montbrison, non seulement par rapport à celui de Roanne, mais également par rapport à celui de Saint-Etienne.

A la fin de cette réunion un vin d’honneur était offert aux participants dans la grande salle héraldique.

Ont participé à cette réunion :

Père Daniel Allezina, M. Ph. d’Assier, M. Noël Astier, M. Joseph Barou, M. Antoine Barrieux, M. Maurice Bayle, M. Hervé Béal, Mme Claude Beaudinat, Mme Annick Buisson, M. Pierre Cerisier, Mme Rolande Charlat, M. Roger Chazal, M.P. Chevalard, M. Edouard Crozier, M. Michel Daumas, M. Yves Delomier, M. Pierre Demathieu, M. Michel Desseignès, Mlle Karina Djellalli, Mlle Myriam Djellalli, Mme Louis Dubanchet, Mme Thérèse Eyraud, M. Roger Faure, M. Francisque Ferret, Mlle Isabelle Fontvieille, M. Gérard Gacon, M. Noël Gardon, Mme Henry Gatier, M. et Mme Gay-Pellier, M. Alain Gilibert, M. Charles-Henri Girin, Mme Marie Grange, Mme Joëlle Granger, M. et Mme Guiard, M. Vincent Guichard, M. Jean Guillot, M. et Mme Hafner, Mlle Muriel Jacquemont, M. Jean Joannard, M. Noël Jusselme, M. Antoine Kocher, M. Bernard Laroche, M. Le Connétable, Mme Josette Martin, M. Jean-François Mayère, M. Maurice de Meaux, M. Emile Meunier, Mme Suzanne Meyer, M. G. Mirande, M. Gérard Moncel, M. Jacky Nardoux, M. Luc Novert, M. Henry, Mme Danièle Pangaud, Mme Thérèse Paret, M. J. et Mme C. Pionnier, M. Philippe Pouzols, Mme Simone de Rivas, M. E. Roche, M. Michel Rousse, M. Jérôme Sagnard, M. Philippe Sentis, M. François Thiollier, Mlle Thérèse-Anne Vidiani, M. Michel Villard.

Se sont excusés de ne pouvoir participer à cette assemblée :

M. Dominique Adami, M. Gérard Aventurier, M. Charles Barry, M. et Mme F. de Benque, Dr. Michel Bertholon, Mme Boire, Mme Jean Bruel, M. Yves Bruyas, Mlle Bernadette Carcel, Me Claude Chambon, M. et Mme Jean-Claude Champeaux, M. Maurice Chaslot, Mme Coolen, Dr. et Mme Roger Colomb, M. et Mme Charles de Damas, Me Pierre Delair, M. Henri Delporte, M. Etienne Desfonds, M. et Mme René Dupuis, M. Richard Etéocle, Mme Marie-Hélène Foucher, le Dr. Henri Fulchiron, M. Pierre-Louis Gatier, Dr et Mme François Giroux, Mme Gisèle Gay, M. et Mme Bernard Grosgeorge, Mme Claudette Guillot, Mlle Odile Jacob, M. et Mme Claude Latta, M. et Mme Liénard, M. Jérôme Marcou, Mlle C. Pagne, M. Stéphane Prajalas, M. et Mme René Pralas, M. et Mme Revel de Lambert, M. Bertrand Rey, M. Noël de Saint-Pulgent, M. Olivier de Sugny, Me Françoise Thiers-Peurière, M. Henri-Laurent Ziegler.

HOMMAGE AU DOCTEUR

FRANCOISE BARRY (1907 – 1999)

par M. Dominique Mignot

Nous venons d’apprendre le décès de Mademoiselle Françoise Barry, qui fut dianiste pendant de longues années. Frappée par l’âge, mais aussi depuis quinze ans par une longue et pénible maladie, habitant la région parisienne, elle ne se rendait plus dans la région de son enfance, entre Ambert et Montbrison. D’ailleurs, les origines de sa famille remontent au XVIIe s., entre Viverols et Usson-en-Forez. C’est seulement au XIXe s. que ses arrière-grand-parents marchands de biens et médecins se fixèrent à Saint-Anthême. Je me souviens encore de l’amitié profonde qui unissait Me Banière et Pierre Barry, maire de la ville et conseiller-général du Puy-de-Dôme.

Erudite, je la revois encore compulsant des manuscrits photocopiés à la Bibliothèque Nationale. Elle aimait à déchiffrer les textes et chartes des XVe et XVIe s. Historienne, paléographe, juriste, elle alliait en elle de nombreuses et solides connaissances. Toutefois, ces connaissances de juriste firent d’elle un cadre dans une grande société internationale d’assurances.

Il parait donc regrettable, à première vue, que notre historienne du droit, des institutions et de la société, comme l’on dit actuellement au sein de la troisième section du C. N. U., n’ait pas accompli un cursus universitaire. Mais, point n’est toujours besoin d’être enseignant pour enfanter une oeuvre digne de ce nom ! Et c’est le cas de Mlle F. Barry.

D’après mes souvenirs immédiats elle alla poursuivre des études classiques à Valenciennes puis à la faculté de droit de Lille (licence, diplôme d’études supérieures ) où elle obtint, très brillamment, le titre de docteur en droit avec mention très-bien pour une thèse dont je parlerais plus bas qui portait sur le statut juridique de la Reine en France ( 1932 ). Je me souviens d’avoir lu cette étude publiée en 1934. Assurément, Mlle Barry fut donc l’une des premiers docteurs en droit, et elle fut appuyée par le Pr Simone Bongère qui marqua tant la faculté de droit de Paris au milieu de ce siècle.

Bien évidemment – et je m’en aperçois comme tout le monde a posteriori – Françoise Barry témoignait d’un certain féminisme à une époque où le statut de la femme était encore précaire, peut-être plus dans les mentalités que dans le droit. Et ce féminisme-là, apolitique, elle le défendait “ bec et ongles ”. Chrétienne convaincue, elle a défendu parfois avec courage ses opinions contre l’establishment qu’elle jugeait un peu trop masculin, notamment au sein de l’enseignement universitaire. Nous n’avons pas ici à juger les idées morales ou philosophiques qu’elle avance dans certains travaux, mais à nous souvenir d’un combat mené parce qu’elle le pensait juste.

Les travaux de Françoise Barry sont nombreux. J’ai eu autrefois l’occasion d’en parler avec le Secrétaire Jean Bruel qui aimait à souligner le “travail consciencieux et méthodique” de notre Auvergnate. Je ne saurais pour ma part les restituer dans un ordre chronologique, car les études, ouvrages, articles et monographies n’ont pas tous été divulgués. Certains travaux m’avaient été communiqués à charge de les rendre, d’autres me furent transmis par photocopies, d’autres ne me sont connus que par M. Ch. Barry, neveu de l’auteur, qui m’a lui-même transmis une liste non exhaustive ! La plupart des travaux seront transmis par la famille à la bibliothèque de la Diana qui se chargera ainsi de la conservation, voire de la promotion d’une oeuvre méconnue.

Pour ma part je retiens essentiellement ab initio la thèse portant sur Les droits. de la Reine de France (1932) et j’ai vu avec plaisir que le Pr. Ph.. Sueur (Univ. Paris XIII) cite ce travail dans son ouvrage sur l’Histoire du droit public français, (P. U. F., 1989, p. 181 ). Ce faisant on a raison d’affirmer que l’étude de F. Barry est la seule du genre à traiter de façon magistrale les droits et le statut de la Reine. Les rôles et fonctions de la  » souveraine  » ont été négligés et mal perçus. Seul, le juriste Luchaire avait cerné l’importance du couple royal et du “dauphin” sous la monarchie capétienne, n’hésitant pas à parler de “trinité capétienne”. Dans le fond, les deux premiers conseillers du monarque sont son épouse et le futur roi qui a vocation à prendre en main le fardeau de la Couronne ( de l’Etat ! ).

Ce travail original a été approfondi et amplifié dans les années soixante par la rédaction d’un ouvrage au titre modeste et caractéristique, La reine de France (éd. Scorpion, 1964, 607 p.). L’auteur reprend en partie l’argumentation exposée dans sa thèse originaire, mais surtout avance de très solides hypothèses sur l’apparition tardive de la loi salique, exhumée au début du XIVe, et dont Evrard de Frémingeon – sans doute – a repris la substantifique moëlle dans sa curieuse étude intitulée Le songe du Vergier. Dès lors, c’en est fait, la Reine peut jouer un rôle capital en période de régence, disposer de sa propre chancellerie, exercer à l’instar du souverain un droit de grâce méconnu, mais elle demeure dans l’ombre du monarque, son seigneur et maître…

Personnellement, j’ai eu également sous les yeux une très importante monographie, ronéotypée, une sorte de tétralogie portant sur les origines, l’apogée et le déclin d’une famille seigneuriale régionale, celle des (de) la Roue. Or, l’intérêt de cette saga consiste à connaître non seulement la généalogie d’un lignage puissant entre Auvergne et Forez, mais encore de mettre au jour le tissu des relations vassaliques entre un arrière-vassal et deux seigneurs directs puissants. Le jeu des hommages ( liges ou demi-liges ) et des services de guerre et de conseil fait apparaître un monde surprenant et parfois terrifiant. Il y a beaucoup à apprendre à partir des quatre tomes intitulés : 1°) Dunières et la Maison de la Roue ( 1952 ), 2°) Espinasse et Cormatin et la Maison de la Roue, 3°) Aurec et la Maison de la Roue et enfin 4°) Adieu à la Maison de la Roue . Certains chapitres sont d’inégale valeur, mais il demeure que la somme des renseignements qui y figurent permettrait à des étudiants désireux de recherches désintéressées d’entreprendre d’utiles travaux de troisième cycle.

Naguère j’ai pu consulter un manuscrit traitant d’une Introduction à l’histoire du Velay remis à la Société académique du Puy. Il serait utile de le reprographier et de le transmettre également soit aux Archives départementales, soit à La Diana.

Parmi les autres travaux que j ‘ai eu en ma possession je dois citer un long article très curieux qui a trait au christianisme sous la dynastie des Flaviens (69 – 93). Cette étude témoigne incontestablement des connaissances de l’auteur en épigraphie romaine. Celle-ci va jusqu’à proposer des traductions nouvelles, en tout cas des interprétations qui renouvellent, à mon sens, la manière de concevoir l’évolution du christianisme, non seulement à Rome, mais également au sein de la maison impériale. Ainsi, s’explique-t-on les condamnations nombreuses de philosophes et de gens instruits et clairvoyants dans l’entourage de Domitien entre 89 et 90 ; ainsi s’explique-t-on davantage la poursuite des chrétiens en province d’Asie et les lettres destinées aux Eglises citées dans l’Apocalypse de St. Jean (même époque selon la datation communément admise). L’auteur se penche également sur la condamnation pour “athéisme et juiverie” du cousin de l’empereur, Clemens, qu’elle entend identifier – ainsi que d’autres historiens anglais et allemands – au pontife Clément, l’un des successeurs de Pierre sur le siège romain. L’étude très poussée de la lettre de Clément aux chrétiens de Corinthe (la Prima Clementis) reprend l’ensemble des données historiques connues sur la question à ce jour. On plaidera donc pour que ces travaux de haute facture universitaire ne sombrent pas dans l’oubli des temps et qu’ils soient un jour publiés !

Enfin, dernière étude transmise dans les années quatre-vint , on doit faire état d’un article assez original sur une person-nalité jugée hors du commun en Angleterre du XIIIe s., à savoir Roger Bacon surnommé doctor admirabilis. Moine savant, évêque, il fut emprisonné. Ses idées, trop en avance sur son temps, tendent à substituer l’autorité du grand Aristote à celle de l’expérience. Au plan des idées, il serait opportun de connaître davantage la pensée politique du franciscain devenu cardinal, Bacon, l’inven-teur, dit-on, de la poudre à canon. Cet article est paru dans un bulle-tin de l’Académie des Belles-Lettres et Arts d’Auvergne (vers 1970).

D’autres travaux dignes de considération sont connus : il s’agit par exemple d’un Essai portant sur La généalogie des Rochebaron (1957). L’auteur avait d’ailleurs guidé une visite des confrères de La Diana lors d’une excursion annuelle sur le site même du château de Rochebaron près Bas-en-Basset (limites sud du Forez). Egalement, j’ai eu communication d’une étude très détaillée sur le règne de Constantin, étude dirigée par le Pr. de Courcelles et présentée en soutenance à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. J’ignore à ce jour où se trouve cette recherche (1) et je ne sais pas si elle fut couronnée de succès. Toutefois, ce travail me paraît tardif et remonte à la fin de la septième décennie voire au début des années quatre-vingt. L’ auteur concluait in fine dans le sens de la décadence de la législation du Bas-Empire qu’elle jugeait trop volumineuse, trop touffue notamment aux plans fiscal, économique et criminel. Pensons seulement à l’Edit du Maximum fixant le tarif des services et des denrées ! Faisons-nous mieux de nos jours ? De plus, il me semble que notre Auvergnate constatait déjà la baisse générale de culture si cruelle au IVe s. et dénoncée par St Augustin !

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1 – Ce texte a été remis à la Diana par M. Ch. Barry (n.d.l.r).

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Nous citerons maintenant pour mémoire un nombre importants de travaux mal recensés, dont on ignore la teneur. Entre autres notons : 1°) L’art roman et les églises de pèlerinages, 2°) Isabelle de Hainault (fille de Philippe II), 3°) Courte biographie de deux évêques d’Amiens, 4°) des Considérations sur le Palais du Miroir, 5°) un travail intitulé A propos du manuel de Dhuoda, 6°) une étude d’une centaine de pages sur la révolution en Auvergne-Livradois dont le titre approximatif est le suivant : L’âme de la Révolution Française de 1789 et des autres révolutions (texte en la possession de la famille), 7°) des Considérations sur les croisades et les rapports entre les Musulmans et les Chrétiens suivi d’un mémoire sur Mahomet et le Coran, (1993, 161 p.), 8°) une étude très fouillée, mystique voire quelque peu millénariste concernant la fin des temps et la parousie dont le titre évocateur interpelle le lecteur : A la quête des confidences, de Anne Catherine Emmerich à Clément Bretiano (631 p. – en possession de la famille ). Enfin, 9°) et cela ne constitue pas un hasard, l’auteur lègue la profondeur de sa pensée dans un pseudo-testament dénommé Le mal dans le Monde dont je n’ai eu des échos que par l’intermédiaire d’échanges épistolaires.

Pour conclure – même “s’il est imbécile de conclure”, comme disait Sainte-Beuve – je dirais que Françoise Barry me paraît être un auteur hors du commun. Son oeuvre – ou en tout cas ce que j’en connais – est dominée par une philosophie tout occidentale, romaine, qui témoigne d’un réalisme assez percutant Les analyses historiques s’appuient sur une connaissance impressionnante qui fait appel à ce que l’on appelle de façon bizarre les sciences auxiliaires : ancien droit, droit romain, latin, anglais, allemand, paléographie et même épigraphie.

Mais à ce réalisme, à cette froideur des données qu’elle expose et des notes assez nourries formulées en bas de page, s’ajoute une lumière qui domine la matière, qui éclaire son discours. A la rigueur de la Lettre et des froids commentaires on devine un Esprit intelligent, profondément cartésien, c’est-à-dire, chrétien, le seul qui permet d’affiner le raisonnement et de conduire vers la démonstration. On a pu reprocher à Françoise Barry cette rigueur qui vient d’un autre siècle, un style parfois très académique. Il est vrai. Mais, aussitôt on doit admettre avec notre regretté Secrétaire J. Bruel, que cet auteur était un vrai chercheur, un vrai professionnel qui a pendant toute une vie combattu deux fléaux qu’elle jugeait capitaux : l’erreur et l’oubli.

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