BD, Tome LIX, Etude présentée à l’occasion du bicentenaire du Corps Préfectoral, pages 299 à 336, La Diana, 2000.

 

MONTBRISON PRÉFECTURE

1800 – 1856

Etude présentée à l’occasion du bicentenaire du Corps Préfectoral

Par M. Francisque Ferret

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Je me demande à quoi devait songer le préfet, Jean Ponsard, 23e préfet de la Loire de 1852 à 1856, le 1er janvier 1856, en préparant son départ. Il quittait, sans doute en un grand équipage de chevaux et voitures Montbrison pour Saint-Etienne, huit lieues plus au sud disait-on, nouveau siège de la Préfecture, transférée des vastes bâtiments d’architecture prestigieuse et son beau jardin. Il devait aller cohabiter à Saint-Etienne avec le Maire, dans l’actuel Hôtel de Ville de cette cité, à des conditions difficiles. Il abandonnait une paisible petite ville pour une métropole industrielle à l’Américaine et souvent agitée où l’un de ses successeurs, le Préfet de l’Epée, sera assassiné en 1871 à l’image de Monsieur Erignac récemment et en dehors des périodes troublées du conflit de 1940.

Ce nouveau Préfet (lui-même n’y restera que 4 mois) et ses successeurs devront attendre près de 40 ans … pour être dans leurs meubles avec l’achèvement de la préfecture actuelle bâtie entre 1895 et 1901 après de multiples péripéties et les trop grands projets de la Municipalité.

Ce prélude, pour évoquer dans la petite histoire Forézienne un transfert de siège de Préfecture, le seul à ma connaissance en deux siècles avec La Rochelle au 19° siècle au lieu et place de Saintes et récemment Draguignan supplantée par Toulon. Ces deux cas s’apparentent à Montbrison en raison des très grandes disproportions de population.

On célèbre dans la salle qui abrita plus d’un demi siècle le Conseil Général de la Loire, après avoir été la Chapelle des Oratoriens, le second centenaire du Corps Préfectoral, institué par Napoléon 1er, Corps demeurant de nos jours la colonne vertébrale de l’Etat.

C’est l’occasion, dans le cadre de l’histoire locale représentée par notre ancienne société La Diana (laquelle n’atteint pas ces 200 années car fondée seulement en 1862) de rappeler les polémiques dont ce transfert fut l’objet 25 ans durant.

Montbrison, cité fortifiée au Moyen-âge, fut capitale des Comtes de Forez et le demeura 7 ou 8 siècles avec les vicissitudes obligatoires et sans nombre, propres à l’histoire. A la fin du 18° siècle, elle comptait quelque 5000 âmes et était le siège de toute l’Administration Royale, au demeurant fort complexe, peu cohérente, édifiée de statuts en statuts par le Pouvoir Royal en vue de sa centralisation. La description de ses organisations civiles, religieuses, militaires, judiciaires ou administratives tient plus de quatre pages dans l’annuaire des Provinces de 1789, liste confuse de petits notables de tous ordres, du “gouverneur” Dugas au “greffier plumitif” Chavassieu !

Nous étions encore dans la Province du Lyonnais qui donnera en 1791 les départements de Rhône et Loire avec Lyon comme chef lieu, circonscription copiée sur la Généralité, elle-même composée de cinq Élections sous la tutelle de l’Intendant général de cette ville : Saint-Etienne, Montbrison, Roanne et Villefranche. Dans cet annuaire, on remarque à peine M. Roux de la Plagne (1), subdélégué de M. l’Intendant.

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1 – Ancienne famille Forézienne encore popriétaire de la belle demeure des Peynot, à Saint-Paul d’Uzore. Pierre Roux de la Plagne (1746 – 1789) devint maire et fut trouvé mort devant le clos Sainte-Eugénie à Moingt, en 1789.

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Or, ce subdélégué, rouage de cette accumulation de pouvoirs de l’Ancien Régime, n’est autre que l’ancêtre du Corps Préfectoral actuel, à la tête d’une circonscription fiscale à l’origine (l’Election) et dotée d’une armature de Conseillers titulaires de charges ou simples préposés.

Il n’avait pas les pouvoirs d’un Préfet tels que l’Empire les dota et probablement aucune demeure propre autre que son domicile, une grande maison encore existante située dans la Grande Rue (actuelle rue Martin Bernard N° 41).

Le Roi était en droit représenté par un Gouverneur de la Province et ses délégués, personnages qui avaient acquis cette charge plus au moins honorifique, comme, dans une moindre mesure la plupart des fonctions judiciaires ou administratives ; les gouverneurs conservaient des attributions militaires.

Les réformes de 1790 vont avaliser les circonscriptions d’Election, baptisées un moment Districts puis Arrondissements toujours au nombre de cinq. Il y aura encore l’avatar de la division de la généralité de Lyon, d’abord circonscription unique puis scindée, à la suite de la révolte de 1793, en deux départements : Rhône et Loire, avec chef-lieu à Montbrison, situation inchangée depuis deux siècles hormis le siège de la Préfecture de la Loire. Nul ne mit en doute à cette époque la situation du chef-lieu prenant la place de la capitale du Comté côte à côte avec le Bailliage. La volonté réformatrice bien nécessaire en un pouvoir bien défini pouvait facilement s’exercer ici, avec les bouleversements de 1789 qui avaient fait disparaître les grands bâtiments des Ordres religieux de la Ville.

En effet, le premier Préfet de la Loire Imbert, nommé en Ventose an VIII, s’installe dans les locaux de l’ancien Collège des Oratoriens où nous nous trouvons. Ces bâtiments établis au 17° siècle avaient été plusieurs fois détruits par des incendies et venaient d’être reconstruits petit à petit depuis 1780 par la Ville de Montbrison. Les Oratoriens partis, ils furent affectés au District tout d’abord puis au logement du Préfet. A l’occasion de la démolition des remparts et du départ des Clarisses, on avait rasé leur couvent situé en face, masquant le paysage au nord.

Les conditions dans des bâtiments inachevés devaient être assez précaires car on signale par exemple qu’en 1795 il fut impossible d’établir la bibliothèque de la Commune sur les “ruines” de la Chapelle, aile gauche de l’ensemble. Ce n’est que bien plus tard que cette chapelle, encore dénommée ainsi, devient la salle de réunion du Conseil Général du Département jusqu’en 1856. Les travaux très importants aboutissant à une transformation totale ont été effectués sous la Restauration et ont coûté, nous dit-on, plus de 800.000 f (Or, bien entendu) (2). L’aspect intérieur devait être tout à fait différent sans le grand escalier monumental et les salles de réception du rez-de-chaussée de très belle ordonnance.

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2 – il faut rappeler, pour se rendre compte, que le salaire d’un ouvrier se situait entre 1 ou 2 f par jour ouvrable en ville et bien moins en milieu rural. Un agent de police gagnait 700 f par an à Montbrison vers 1860. En 1854, le prix de la journée de travail était estimée dans un rapport de préfet sur Saint-Etienne à 1 f.

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La Ville de Saint-Etienne, en ce début du 19° siècle, aurait pu trouver des locaux identiques pour un Préfet et ses services, parmi les établissements religieux de cette Commune, encore plus nombreux qu’à Montbrison, mais ces propriétés furent beaucoup plus vite démembrées sous la poussée de la spéculation immobilière importante de St-Etienne déjà industrialisée et avoisinant les 20.000 habitants.

Les bâtiments de Oratoriens étaient assez vastes pour contenir les services préfectoraux au demeurant réduits et moins importants que de nos jours, même si le Préfet avait en son pouvoir le moyen le plus influent de la nomination des Maires jusqu’à la Loi de 1884. A ce sujet, il ne faut pas oublier que les élections jusqu’en 1848 se faisaient au suffrage censitaire. C’est ainsi qu’en 1846, selon un état que nous possédons dans nos archives, le 4° arrondissement électoral de la Loire, soit les sept cantons de la partie Est de l’arrondissement de 125.000 habitants environ, dénombrait 455 électeurs pour quelque 80.000 habitants. A ses côtés, siégeait un Conseil de Préfecture de quatre membres chargé d’assister le Préfet, un secrétaire général à la tête de deux divisions. Le Conseil Général voisinait aussi avec le Conseil d’arrondissement, organisme élu mais supprimé après la dernière guerre.

La Ville n’avait que 5.400 habitants au début du 19e siècle, rappelons le, dans un arrondissement de 105.000, contre 107 ou 103 aux deux autres. Dans cet équilibre, qui sera rapidement brisé, elle devait abriter les services de l’Etat eux aussi réorganisés. On y trouvait un Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, un Directeur de la Poste, quatre Directeurs des administrations financières : Enregistrement – Contributions directes et Indirectes, flanquées d’un Receveur Général (notre TPG), grand argentier du Département. Il fallait ajouter l’armée avec le Colonel d’état major et une caserne de 800 hommes (la seule à cette époque dans la Loire).

Les corps judiciaires regroupés en un Tribunal Civil, une Cour criminelle avaient émigré avec la Gendarmerie et son Capitaine dans un autre couvent, celui de la Visitation où le Tribunal siège encore.

Par contre, on n‘y trouve pas d’Inspecteur d’Académie mais 22 piétons pour le service des “dépêches”(3) . Ceci s’explique par la nécessité des communications officielles. De même, il n’est pas fait mention d’un Commissaire de police, institution ultérieure et municipale seulement. Tous ces renseignements figurent dans un fort ouvrage de 585 pages écrit en 1816 sous le titre “d’Essai statistique du département de la Loire” par Monsieur J. Duplessy, sous-préfet de Nantua et ancien secrétaire général de la Loire. Ce livre contient une foule de documents de tous ordres : historique, économique, géographique et un annuaire complet des Communes avec leur Maire, les différentes administrations, etc…

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3 – Il se peut aussi que ce chiffre recouvre les expéditionnaires forcément nombreux, même si l’on recourait à l’imprimerie pour les circulaires.

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Montbrison, le chef-lieu, y est décrit d’une façon ambiguë : que l’on en juge “ Montbrison est mal bâti, ses rues mal percées avec des maisons basses et étroites ; les murailles qui l’entouraient jadis et les fossés infects rendaient son séjour malsain et peu agréable mais depuis que les murs sont abattus et les fossés comblés, qu’à leur place règne un boulevard sur lequel s’élèvent des maisons élégantes, cette cité a totalement changé de face. Dans les bâtiments religieux, nombreux, on comptait le collège des Oratoriens devenu un bel hôtel de Préfecture”. Combien cet hôtel abritait-il de fonctionnaires ? les recherches seraient difficiles ! De même, on ne sait pas où logeaient tous les services de l’Etat dont il est fait mention. L’époque voulait que chaque chef de service abritât ses bureaux avec le logement et la coutume subsistera dans les petites villes plus d’un siècle. C’est ainsi que les Ponts et Chaussées n’ont pu s’installer dans un immeuble, propriété de l’Etat, que vers les années 1960. Peut-être ces services s’étaient-ils installés dans les “élégantes maisons du boulevard” bâties après 1800 ou 1810 ?

Le Préfet Imbert sera le premier Préfet de la Loire, nommé en 1800 et resté jusqu’à sa mort prématuré en 1807 à 39 ans. On trouvera une étude de sa vie dans le numéro 81 de Village du Forez écrit (1992) par notre collègue, Pascal Chambon. Il venait de l’Isère et fut député de l’Assemblée des Cinq cents sous le Directoire. C’était un ancien révolutionnaire modéré, parfois critiqué par les notables foréziens qui l’entouraient, plus marqués par l’Ancien Régime.

Vingt deux autres titulaires vont se succéder à Montbrison, on en possède la liste. Leur moyenne de séjour ne dépasse pas trois ans. Quatre seulement exercent plus de cinq ans et une dizaine moins d’un seul, ceci aux périodes cruciales marquées par la Restauration, la Révolution de 1830, celle de 1848 où un court moment le Préfet devient commissaire de la République avec Eugène Beaune, en honneur duquel une place porte ici son nom. Leur recrutement se faisait à l’origine, dans les Républicains modérés comme Imbert, puis dans le personnel formé au Conseil d’Etat avec une connotation aristocratique ou bourgeoise prononcée jusque vers 1848. On trouvera la liste complète en annexe. Quelques uns ont laissé des souvenirs dans le Forez par un attachement plus prolongé ou de brillantes carrières nationales ultérieures.

Le Préfet Bureau du Colombier, 1807-1812, était une personne haute en couleur, descendant d’une famille de hobereaux des Finances (Enregistrement et Douanes) puis Baron d’Empire, dignitaire de la maçonnerie. Esthète de l’ancien régime, il était également lié au monde des affaires et, dit-on, avec les entrepreneurs des travaux départementaux. C’est le seul avec un autre à avoir possédé une demeure à sa mesure dans l’arrondissement : le château du Poyet sur la commune de Chazelles-sur-Lavieu où il mènera une vie fastueuse illustrée par un distique épicurien ornant le château. Il était marié à la fille d’un ministre des Pays-Bas ; le sous-préfet de St-Etienne, Sauzéa, était son beau-frère. La chronique du “Journal de Montbrison” rappelait avec grandeur ses faits et gestes et les repas à Chazelles étaient, paraît-il, servis par des domestiques en livrée bleu.

Après lui, l’éphémère Berthelot de Rambuteau, 1814-1815, laisse son nom comme Préfet de la Seine sous Louis- Philippe. Il fut aussi député, Conseiller d’état, membre de l’Institut. C’est lui qui organisa la défense du département durant l’invasion de 1814 et 1815. Trop lié à Napoléon, il fut écarté par la Restauration mais rappelé par Louis-Philippe, il sera Préfet de la Seine durant 15 ans en laissant un nom à Paris et des Mémoires publiées en 1905.

Tassin de Nonneville, 1815-1823, battit les records de longévité dans le poste. C’est durant son séjour que sera publié l’”Essai statistique” de Duplessy en 1816 et peut-être à son instigation. Il avait succédé à l’éphémère Tribert, durant les Cent Jours en 1815, destitué par Louis XVIII. On possède de lui un curieux petit ouvrage publié en 1828, recueil de ses courriers aux occupants Autrichiens de la région en 1815, notamment sur les énormes problèmes de réquisition les occupant… par exemple : sur 150.000 pièces de vêtements à livrer à l’armée de ce pays.

Un autre aristocrate, Rotours de Chanlieu, lui succède de 1823 à 1830 sans laisser de souvenirs particuliers.

Le Préfet Gasparin demeure moins de deux mois, c’était en 1830 il est vrai. Il deviendra plus tard Ministre de l’Intérieur en 1839 et laisse son nom à une rue de Lyon.

Non moins éphémère, le Préfet Marquet de Montbreton, 1831-1832, est remarqué pour une carrière à larges déplacements même si la fonction le veut. En effet, il va de Paris où il est né, s’exile en Suisse puis s’en va secrétaire général à Saint-Domingue ; de là, en Westphalie puis aux États Romains pour aboutir après la Dordogne, à Montbrison en éclair.

Un autre Préfet, Charles Rousset dit Rousset-Bey, aura une carrière un peu de ce style car il fut nommé auprès de Mehemet Ali pour organiser la comptabilité financière de l’Egypte en 1847 et se retrouve bien modestement ici de 1848 à 1851 mais décoré du titre de Bey par le Souverain.

Le Préfet Sers resté ici durant quatre ans, de 1834 à 1837, avait aussi un frère Préfet et ce fut lui qui commença à proposer le transfert de la Préfecture à Saint-Etienne.

Avant lui, Charles Bret est un cas curieux car il fut par deux fois Préfet de la Loire, de 1832 à 1833 et de 1851 à 1852. Il s’implanta dans la Loire par son mariage avec la fille du Maire de Montbrison, Lachèze, dont le fils était Président du Tribunal, puis tous deux députés plus tard. On disait alors que la raison sociale “Lachèze père et fils Bret Cie” disposait du Département. Bret mourut en 1860 dans son Château de Précieux où est installé maintenant le Lycée agricole.

Un autre Préfet éphémère, 1837-1838, Jayr4 deviendra Préfet du Rhône, Ministre des Travaux Publics en 1847 et parviendra probablement au titre de Doyen de nos Préfets car il mourut en 1900 à la veille de ses 99 ans …

J’ai cité Eugène Beaune qui, durant trois mois, exercera les fonctions de Commissaire de la République, appellation resurgie un moment en 1981.

Malgré le souci de me limiter aux Préfets ayant résidé à Montbrison, je ne résiste pas au plaisir de citer le Préfet Thuillier nommé à Saint-Etienne en 1856 qui venait de Corse. Le journal de Montbrison fait un éloge dithyrambique de Monsieur Thuillier lors de son passage dans cette île. Les assassinats de 1821 à 1852 avaient été de … 4319 dont 833 au cours des quatre dernières années mais après l’action vigoureuse du gouvernement et de Monsieur Thuillier ils avaient diminué des deux tiers. Sur 230 contumax, il en restait 14 dont 13 avaient péri les armes à la main tandis que 15 s’étaient rendu. La question Corse à l’ordre du jour n’est donc pas nouvelle ! Il faudrait citer également ses successeurs à Saint-Etienne dont le Préfet de l’Espée, nommé le 20 mars 1871 et assassiné le 25 mars, lors des émeutes de cette année. On n’oubliera pas non plus le célèbre Préfet Lépine, descendant d’une vieille famille montbrisonnaise par les Dulac et les Reymond, resté à Saint-Etienne de 1891 à 1893. Les Reymond furent une dynastie de constructeurs de chemin de fer en France et à l’étranger. Leur nom est rattaché à Francisque et Emile: Francisque, sénateur et député, son fils, Emile, également sénateur, pionnier de l’aviation tué en 1914.

Les jours avaient coulé, les ans avaient passé dans notre paisible préfecture mais le monde changeait rapidement avec l’avènement de l’ère industrielle surtout dans cette région, une des plus anciennes de France à cet égard et seulement à quelques lieues des vallées entourant Saint-Etienne. Cette activité n’était certes pas nouvelle puisque, déjà en 1789, Saint-Etienne et ses paroisses suburbaines dépassaient 28.000 habitants (Valbenoîte – Outre Furan – Montaud réunies plus tard en 1856) et cette population ne cessera de croître pour atteindre plus de 50.000 en 1827.

Aussi dès la Restauration, la Ville de Saint-Etienne entame le projet de réunir des communes au chef-lieu de canton de Saint-Etienne. Elle y réussira en même temps que l’année du transfert de la Préfecture.

Sans doute les archives de la Loire et du Conseil Général donneraient une image plus complète des péripéties de cette action mais notre Société Historique siégeant à Montbrison a conservé parmi les ouvrages de sa bibliothèque, outre une partie des Délibérations du Conseil Général et du “Journal de Montbrison et du Département de la Loire” paraissant depuis 1810, un certain nombre de mémoires imprimés polémiquant sur la question entre 1830 et 1850 (5).

1 – Le premier en notre possession est intitulé “Demande de la Ville de Saint-Etienne”. Cet opuscule n’est pas daté ni signé mais le contexte annoté lui donne pour auteur Peyret-Lallier (6) , Maire de Saint-Etienne de 1831 à 1837 et le date de 1832. Sur une quarantaine de pages, il développe que la ville renferme 33.037 habitants et ses hameaux (les communes rattachées plus tard) 13.326, plus encore 6.000 avec d’autres faubourgs. En face, Montbrison n’a que 5.124 habitants et Saint-Etienne est la 10ème ville du Royaume ; son arrondissement est passé de 95.000 à 142.000 (chiffre rond) de 1821 à 1827 alors que celui de Montbrison passe de 97 à 118.000 seulement.

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5 – Je remercie vivement mon ami, Noël Gardon, notre érudit secrétaire général, qui a permis de retrouver ces textes et a établi une liste de nos préfets avec leur carrière.

6 – Peyret-Lallier (1780-1871), avoué, député, auteur de nombreux ouvrages et initiateur du projet pour la Ville.

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L’auteur donne ensuite quelques chiffres de rentrées fiscales ou annexes. Celles de l’Enregistrement et des Contributions Indirectes vont du double au quadruple pour les deux circonscriptions. L’activité postale est cinq fois supérieure à Saint-Etienne et curieusement synonyme “des jeux et du pain” la Loterie rapporte 99.000 f dans la grande ville contre 12.900 f sur Montbrison.

L’arrondissement Stéphanois avec le 1/5 du territoire possède les 2/5 de la population. La partie Orientale de la Loire, à droite du fleuve, a plus de 239.000 habitants dont 142.000 sur la partie Saint-Etienne contre 136.000 à la partie Occidentale sur 376.000 de l’ensemble. La question de la centralité doit passer, selon l’auteur, après celle de l’intérêt des populations et de la proximité des Pouvoirs. A cet égard, on souligne que Feurs, un moment Préfecture sous la Convention, est bien mieux situé. On n’évoque pas, mais la question sera cependant latente, le rétablissement du Département de Rhône et Loire institué à l’origine. Pourtant leur division en a fait des territoires fort modestes soi-dit en passant, le Rhône est le plus petit département de France avec 2859 km2 et la Loire le 81° sur 89 avec 4798 Km2. Géographiquement Saint-Etienne bénéficierait plus de la proximité de l’Isère et du Rhône. La centralité n’existe pas dans de nombreux autres départements écrit Peyret-Lallier en citant : Marseille – Nîmes – Strasbourg – Lyon et Rouen par exemple.

Un chapitre est consacré à l’économie de temps qui serait gagné dans les démarches nombreuses avec la Préfecture (déjà) à laquelle il faudrait ajouter le transfert du Tribunal Criminel (les Assises). Montbrison avait 9 juges contre 4 à Saint-Etienne, chiffre anormalement bas mais tenant certes à ce tribunal criminel. Il faudra encore un siècle pour voir le transfert des Assises ….. dans les avatars de la chute de la “Maison Montbrison”.

Montbrison mettait certes en avant la ruine que lui causerait le départ du Préfet (ce sera le cas) mais le Maire de Saint-Etienne fait valoir l’intérêt général de 60.000 habitants contre celui de 5.000. Cette décadence est tempérée, dit-il, par le maintien de la garnison puisque le chef-lieu n’aurait pas de caserne. Là encore on attendra un siècle pour le départ de l’armée de Montbrison. Pourtant on est persuadé que le pouvoir du Préfet dans la plus grande ville est nécessaire à la tranquillité publique. Celle-ci peut être facilement troublée par des émeutes populaires fréquentes “dont la dernière date du mois de mai où le Préfet dut faire intervenir la force militaire, cette ville ayant au surplus autant d’armes que toutes les autres manufactures en France.

Les Directions financières y auraient leur place puisque sur la ville seule, les droits indirects sont déjà 12 fois supérieurs. Quant à la Recette Générale (actuelle Trésorerie Générale), elle pourrait verser facilement sur Paris les effets commerciaux très abondants à Saint-Etienne. Peyret-Lallier évoque à peine la présence toute nouvelle du chemin de fer, circonstance pourtant favorable à la thèse.

Le Conseil Général n’a pas accédé à la demande de Saint-Etienne mais les cantons de cet arrondissement y sont mal représentés, sept sur vingt seulement (il en sera de même durant longtemps).

L’ouvrage se termine par un vibrant plaidoyer sur l’activité industrielle et commerciale de Saint-Etienne, base de sa prospérité, bien que n’étant pas chef-lieu, malgré sa situation de 10ème ville de France.

2 – Ce mémoire se conjuguait avec une demande correspondante concernant l’espace judiciaire car nous possédons un autre libelle intitulé “Réponse au mémoire de Monsieur Smith, procureur du roi à St-Etienne, par Monsieur Durand (7) , Vice-président du Tribunal civil de Montbrison datant probablement de 1832 également.

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7 – Au 19ème siècle, on retrouve nombre de Durand parmi les professions judiciaires à Montbrison ou dans le Forez.

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On le mentionne car les deux sont liés et pour les mêmes raisons. Monsieur Smith demandait le rétablissement d’une seconde chambre au Tribunal de Saint-Etienne, laquelle avait été créée en 1826 puis supprimée en 1830. L’arriéré des causes à Saint-Etienne était alors de 703, mais Monsieur Durand souligne que ce Tribunal rendait beaucoup de jugements par défaut : 128 sur 252 en 1831. La vaste population de Saint-Etienne n’attire que des causes commerciales et non civiles. Cette population dit l’auteur est “élastique voire véritablement nomade qui suit la prospérité industrielle”. Selon les statistiques de la Chancellerie, il y eut de 1801 à 1826, 8896 affaires judiciaires à Montbrison, soit 768 de plus qu’à Saint-Etienne. Montbrison est le 4ème des 58 tribunaux de 9 juges. Le maintien de la Cour d’assises à Montbrison est un hommage rendu à son baillage si ancien illustré par les grands jurisconsultes du Forez : Papon et Henrys “l’installation à Saint-Etienne, ville vouée à l’impatience de l’esprit de commerce, causerait une distraction préjudiciable à ces activités” !! Il est bon d’isoler la Justice de la “fermentation des masses comme dans cette affaire récente où une émeute avait détruit une nouvelle machine à forer les canons. Les séditieux réclamaient les prisonniers qui furent heureusement jugés dans la sérénité à Montbrison en 1832”.

On trouve dans cette ville un vaste palais de justice, avec trois auditoires, dont l’un pour les Assises, et de nouvelles casernes (8) sont attendues pour la gendarmerie, l’ensemble décrit avec une particulière emphase. A Saint-Etienne, la vie étant le double de celle de Montbrison, la vie judiciaire ne saurait résister à cette augmentation !! L’éloignement serait encore plus grand pour les Roannais, si l’on sait qu’en 6 ans on a jugé 224 affaires criminelles dont 82 sur l’arrondissement de Saint-Etienne, 56 pour celui de Montbrison et 86 sur Roanne.

3 – Au premier mémoire de la Ville de Saint-Etienne, une réponse est faite en 1832 et signé par Monsieur de M., en fait le marquis Montaigne de Poncins (9) , sur une trentaine de pages.Ce document imprimé est concomitant à celui de Monsieur Durand, les deux auteurs étant liés. Le mémoire reprend les arguments des Stéphanois tenant à l’importance de leur ville, avec des arguments assez spécieux, il faut le reconnaître, sur l’adjonction des “hameaux” à la population légale de Saint-Etienne et le grand nombre d’enfants trouvés sur cette ville. En 1830, 651 venaient des deux arrondissements de Roanne et Montbrison et 647 pour le seul Saint-Etienne. Les calculs sur la population sont d’après lui hasardeux, car Saint-Etienne avec les fluctuations de la classe ouvrière est plus “un grand atelier qu’une grande ville”. Il y a des pages qui nous paraîtraient bien noires de nos jours sur ces myriades d’ouvriers suivant le flux des prospérités comme le disait Monsieur Durand. La véritable population est politique et administrative, électeurs et notabilités sociales : il y a 110 jurés à Montbrison et 358 à Saint-Etienne pour un écart de population quatre fois supérieure. Tandis que les gens sans travail forment des “bandes de mendiants” inondant la campagne à 8 lieues à la ronde”. Sans doute Saint-Etienne acquitte 3.200.000 f (or) de contributions sur un total de 7.778.000 f mais l’auteur développe des considérations un peu mythiques sur les bienfaits comparés de l’agriculture et de l’industrie, la première fournissant plus de pain aux pauvres, dit-il.

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8 – Il s’agissait d’une fraction du grand ténement de la Visitation entre le tribunal actuel et l’ancienne prison, auourd’hui reconverti en école de musique. J’ai retrouvé une statistique sur les prisons de la Loire en 1852. il y avait 129 prisonniers ici dont 13 femmes, pour 125 à Saint-Etienne et 63 à Roanne, total 317 occupant 7 gardiens suelement!!!

9 – Montaigne de Poncins, ancienne famille Forézienne encore représentée. L’auteur est sans doute Jean-Pierre de Poncins (1775-1842), notable connu à la tête d’une grande fortune. Il fut Président de la Société d’Agriculture et de Commerce de Montbrison. Un de ces fils, Gabriel de Poncins, sera Président de la Diana.

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De Poncins reprend aussi l’argument de la reconstitution de Rhône et Loire avec Lyon comme chef-lieu, puisque Lyon est trois fois plus peuplée que Saint-Etienne. Les communications de Lyon à Saint-Etienne sont plus faciles d’où des économies de temps considérables, tandis que les accès à Saint-Etienne se font depuis le Nord par des routes défoncées par le roulage !

Suit un chapitre aussi sombre sur “l’épaisse fumée de l’atmosphère Stéphanois, la poussière des rues, la malpropreté des auberges, la prolifération des insectes, la mauvaise répartition des places”. La ville ne possède aucun édifice pour servir à l’Autorité préfectorale, car endettée de 800.000 f, elle est incapable de faire face à la construction d’une préfecture, alors que Montbrison est largement dotée. Les deux mémoires se répètent l’un l’autre mais celui-ci formule en conclusion 26 arguments pour défendre ses thèses contenues dans l’ouvrage, ceux de sécurité publique, d’inconvénients sociaux tenant à la population, la fausse illusion de l’importance de Saint-Etienne ! et la ruine inéluctable de Montbrison en cas de transfert (ce qui fut d’ailleurs le cas).

4 – Le débat n’est pas clos puisque la même année, la Ville de Saint-Etienne produit un autre factum d’une trentaine de pages d’un ton moins polémique, se contentant de répondre point par point aux 26 arguments de Monsieur de Poncins. La lecture en est certes lassante mais l’auteur appuie, à juste titre, sur l’importance de la population tout en admettant une diminution en 1830, diminution momentanée dit-il et due à l’augmentation des “hameaux”. Curieusement on assiste à ce même phénomène 160 ans après. Il fait appel à Adam Smith pour affirmer que la richesse manufacturière apporte une amélioration de l’agriculture dans les régions où elle progresse.

La triste question des enfants trouvés tient au fait “que les filles-mère honteuses de leur état vont en secret dans les villes populeuses se débarrasser en secret et sans crime de leur progéniture”.

L’argument des impositions et leur nombre de cotes foncières dans le Montbrisonnais tient au fait que celui-ci est bien plus vaste et parcellisé.

En réponse à l’éloignement de Saint-Etienne, on évoque davantage l’arrivée du chemin de fer qui progresse vers Roanne. En effet, depuis 1827, il joignait Saint-Etienne et Andrézieux (ligne à cheval) sur 20 km. Il se poursuit plus tard en direction du Nord avec maintes difficultés. Il faudra attendre 1865 pour relier Saint-Etienne à Montbrison puis plus tard Clermont, après un échec cuisant entre 1838 et 1844 d’une ligne de tramway à cheval, entre le chef-lieu et Montrond où passait le chemin de fer de Roanne. Il est ainsi facile de reprendre l’argument de l’isolement de Montbrison. Autre argument rétorqué, celui des voies tortueuses de Saint-Etienne, alors que cette ville a des voies larges et récentes de 10, 12 ou 16 m. de large ; c’était assez vrai semble-t-il.

De même Saint-Etienne possède, contrairement aux dires de Monsieur de Poncins, de vastes bâtiments. Les fonctionnaires déplacés trouveraient facilement à se loger, même au delà des 12 à 15 familles qui suivent la Préfecture (effectif paraissant bien maigre !) mais au moins 200. Les loyers n’y sont pas plus chers et la Ville vient de prendre en location pour servir de caserne destinée à 500 hommes un bâtiment à 3.000 f de loyer. Il y a selon lui en constructions récentes : Hôtel de Ville et Palais de Justice (ces bâtiments étaient à peine terminés en 1830 et tellement emplis de malfaçons qu’on dût les reprendre des années durant). La Justice rendue en Assises à Saint-Etienne “sortirait celle-ci du huis clos où elle se déroule à Montbrison”, pour lui donner une plus grande audience.

Encore au titre des avantages, le Maire de Saint-Etienne commente benoîtement que le transfert évitera aux Montbrisonnais “l’accroissement du luxe, assurera une douce retraite dans le silence et la solitude dont ils jouissent déjà. Ils ne seront plus détournés de l’étude, de la méditation et de l’agriculture, occupés qu’ils sont à faire leur cour au Préfet”. Il est difficile d’être plus méchant ! L’affirmation aura, hélas, 25 ans plus tard à s’affirmer.

Enfin, en vision d’avenir, la Ville de Saint-Etienne voit réunir à son arrondissement toute la partie Ouest de la vallée de l’Ondaine et de la Loire en Haute-Loire avec la région de Monistrol, Saint-Didier-en-Velay et pourquoi pas celle d’Annonay. Cette réunion, jamais réalisée, était à vrai dire au moins pour la Haute-Loire assez réaliste vue de nos jours.

5 – Il semble que le débat s’atténue un ou deux ans durant mais les archives du Conseil Général ou de la Préfecture prouveraient sans doute le contraire. La polémique reprend en 1834 ; elle est justifiée par un projet de Loi soumis à la Chambre des Députés et appuyée par le Préfet du moment, Sers (1833 – 1837). Contre ce projet, un nouveau mémoire écrit par Henri Levet, Conseiller de Préfecture, Secrétaire Général, publié à Paris chez Didot. Monsieur Levet (10), d’une vieille famille Montbrisonnaise devient plus tard Préfet puis Député.

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10 – Levet Nicolas (1799-1869) était le fils de Joseph Levet, maître chirurgien. Cete famille a été étudiée par Claude Latta dans le bulletin de la Diana (1986) où l’auteur mentionne cette brochure. Levet était fort riche en biens fonciers notamment l’immense parc Levet (ancien parc des Comtes jouxtant la caserne sur une dizaine d’hectares) abritant de nos jours la banque du Crédit Agricole et plus tard démembré et loti. il eut un fils Georges (1834-1911) maire de Montbrison de 1876 à 1884 et député 31 ans durant. Lui-même n’eut qu’un fils, Henri Levet dont une rue à Montbrison porte le nom, mort jeune et poète connu de la mouvance parisienne au début du 19° siècle.

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Le ton de quarante pages encore un peu à l’image des autres est emphatique, presque pamphlétaire. En effet, il est écrit au moment des grandes émeutes sanglantes de Saint-Etienne en 1834. La thèse de Levet est de minimiser l’aspect révolutionnaire de ces émeutes. Selon lui, les ouvriers étaient surtout des mutualistes passementiers ou mineurs, les seconds disposant déjà de leur caisse de secours mutuel mais “travaillés par l’esprit républicain 30 ou 40 agitateurs, la plupart étrangers à la ville, excitèrent la révolte à un moment favorable, Lyon étant dans une situation critique”. Il donne une description lyrique des manifestations qui aboutirent à mort d’hommes (6 tués selon l’Histoire du mouvement ouvrier de P. Faure, soit par la troupe, soit entre émeutiers).Toute l’époque était déjà travaillée par la question sociale née précisément de la rapide industrialisation génératrice d’inévitables abus.

L’ordre fut rétabli par le Préfet accouru après le départ du Sous-Préfet. Levet entame une longue digression sur l’autorité hiérarchique et le maintien de l’ordre entre les mains du Préfet et non du Maire. C’est lui qui est seul à même de déclencher la force armée, en l’espèce l’Armée, la garde nationale ne s’avérant pas toujours sûre (ce fut le cas en 1834). Or, depuis ces événements, on a placé, pour un temps, à Clermont, la résidence du Général commandant la subdivision militaire de la Loire séparée de Lyon d’où une erreur évidente et fâcheuse.

On ressort la liste des villes Préfectures moins importantes que les plus peuplées : Draguignan en tête ou Privas ; il y en a une bonne dizaine. Leur histoire selon l’auteur, et c’est sans doute exact, étroitement liée à celle des Provinces de l’Ancien Régime dont les subdivisions secondaires sont devenues chefs-lieux de département. Il cite en Languedoc proche du Forez, où la capitale du Velay devient celle de la Haute-Loire, tandis que pour le Gevaudan, Mende sera préfecture de la Lozère, par contre Viviers n’est pas capitale du Vivarais mais Privas. Levet ne peut moins faire qu’accepter le cas de Marseille mais dans l’ensemble le législateur avait voulu rattacher autant que possible les anciens droits au nouvel ordre. Pourquoi ajoute-t-il ne pas réclamer dans la Loire un autre siège : Feurs, plus central, pourrait y prétendre en déclenchant d’autres querelles.

Saint-Etienne étant une ville industrielle et commerciale, l’Autorité n’a rien à voir dans ses affaires. Je passe sur les arguments de distance par rapport au bassin fermé de Saint-Etienne ; il regrette que ce département ait vu passer cinq Préfets depuis 1830 et douze depuis sa formation, leur action ne peut être efficace en de si courts séjours, au demeurant on ne peut que souscrire sur ce point de politique générale.

L’activité en nombre des “affaires administratives” sans trop savoir ce que ce terme recouvre, est plus soutenue à Montbrison avec 137 affaires contre 74 à Saint-Etienne et 109 à Roanne ; les arrêtés préfectoraux sont plus nombreux dans l’arrondissement de Montbrison : 230 contre 208 sur celui de Saint-Etienne et 182 pour Roanne (chiffre de 1820).

En conclusion, le mémoire, après avoir évoqué aussi le problème de Lyon dont les ressources fiscales sont de 28.000. 000 f par rapport à 6.700.000 f pour la Loire, rejette le transfert au prétexte qu’il provoquera une augmentation de charges pour le Département “dont l’impôt atteint les plus extrêmes limites … “ Rien de nouveau sous le soleil …

6 – La querelle parait s’apaiser jusqu’en 1840 soit pendant une demi douzaine d’années où l’on voit paraître un nouveau factum également signé P. L. c’est-à-dire Peyret-Lallier.

Son argumentation sur 24 pages seulement ne change guère sauf que l’écart continue à se creuser entre les deux villes et les arrondissements. Celui de Saint-Etienne compte en chiffres ronds 167.000 habitants dont 67.000 pour la ville et ses faubourgs équivalent à 160 au km2. Celui de Montbrison , 124. 000 pour un chef-lieu de 6.300, Roanne totalise 125.000 habitants. Un chiffre intéressant avec la moyenne des impositions par habitant 75 f l’an sur Saint-Etienne et 10 f pour les deux autres, (statistique de 1839) dans un total de 8.671.000 f de contributions pour 574.000 habitants.

L’apport du chemin de fer considérablement développé depuis les dernières années est davantage souligné, en vue de la concertation des deux Préfets des grandes villes : Lyon et Saint-Etienne pour la facilité du déplacement éventuelle des forces armées. En effet, écrit l’auteur “les masses arriérées qui composent presque entièrement Lyon et Saint-Etienne, outre la vallée du Gier, forment plus de 100.000 ouvriers qui descendent dans la rue. Aussi faut-il diriger 30.000 soldats pour empêcher les scènes de 1831 ou 1834”.

7 – La coutume bien ancrée voulait que Montbrison répondit par son propre libelle, rédigé encore par Levet ; il est un peu plus court, en 15 pages. Il réfute particulièrement le rapport du Préfet Sers, concluant au transfert pour des raisons de sécurité publique, option refusée par le Conseil Général.

La question financière revient en leit motiv, car la “pression y atteint ses plus extrêmes limites, notamment l’entretien des routes où le million emprunté est déjà consommé”. Par ailleurs la Ville de Saint-Etienne demanderesse se refuse à un impôt extraordinaire. Elle devrait emprunter au delà de 800.000 f, la translation se monterait à 3.000.000 au moins. Un tableau instructif est annexé à l’opuscule. On y découvre que cette ville avait des budgets d’investissement énorme de 6.100.000 f dont 1.100.000 pour un collège, 500.000 pour une caserne, 800.000 pour un théâtre outre le transfert de la Préfecture chiffré à 1.500.000 f (n’oublions pas qu’il s’agit de franc or à une époque où la journée d’un ouvrier tourne autour de 1 à 2 f).

Cette Commune ne dispose que d’un legs de 550.000 f, de la vente de son collège 200.000 f et d’un emprunt de 800.000 f soit loin du compte. On remarquera que tous ces travaux furent bel et bien réalisés tant bien que mal plus tard…..

8 – Un autre Montbrisonnais : Chavassieu, membre du Conseil Municipal de Montbrison et d’une très ancienne famille du cru, dont Jean-Baptiste député en 1848, apporte sa contribution en réponse en 1840 (11).

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11 – Les Chavassieu, vieille famille Montbrisonnaise de juristes. L’auteur Laurent Chavassieu (1789-1879) fut maire de Montbrison en 1848-1849, député de 1848-1851, il a laissé sa fortune à la ville. Il était le fils d’Antoine, assassiné par les conventionnels en 1793 et le père de Jean-Baptiste (1814-1891) également maire et député puis sénateur.

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Elle est intitulée “ Des inconvénients de la translation de la Préfecture à Saint-Etienne pour les classes ouvrières de la Ville” ce qui prouve à nouveau l’importance de la question sociale en ces années de règne de Louis-Philippe.

Saint-Etienne compte 25.000 ouvriers, femmes et enfants compris, or dans les différents écrits des partisans de transfert ceux-ci seraient muets sur les avantages de ce transfert pour ces ouvriers. Chavassieu donne à cette occasion une bonne analyse de l’industrie rubannière. En effet, selon lui “dispersés autrefois dans les petites communes du Lyonnais et du Pilat, ces ouvriers étaient également des ruraux vivant aussi de leurs maigres terrains”. Puis, au début du siècle “ les fabricants ont groupé les manufactures dans les villes pour mieux les surveiller. Les ouvriers renoncent alors à l’agriculture et tous les plaisirs de la ville et les coûts de toute sorte imposeraient de nouveaux tributs et des habitudes d’oisiveté, les journées de travail diminuent de moitié et les dépenses doublent”. On peut douter, soi dit en passant, de cette affirmation lorsque l’on connaît les horaires des fabriques à cette époque même parfois exagérés par les écrivains engagés. Cette misère ouvrière s’aggrave avec l’entassement, en période de crise, où ceux-ci sont contraints de mendier et parfois se révolter. De même le fabricant frappé par la concurrence étrangère doit réduire les salaires (qui nous parle de la mondialisation actuelle !!!)

L’installation à Saint-Etienne de 1.500 et 2.000 personnes tenant à la Préfecture va produire une inévitable hausse des loyers tandis que le coût du transfert qu’il estime à 2.000.000 de francs qui seront à financer par l’Impôt, sachant que Montbrison de ce chef a coûté en transformation du couvent des Oratoriens 800.000 f sans parler des autres bâtiments publics nécessaires.

L’auteur observe vertueusement que dans le produit des impôts sur Saint-Etienne, l’alcool et le tabac représentent la moitié des 3.127.000 f de recettes. Suivant des colonnes de chiffres d’où il résulte que cet abus de consommation de produits nocifs aboutirait à Saint-Etienne, pour le chef d’une famille de quatre personnes à une dépense de 692 f en boissons auxquels s’ajoutent 200 f d’impôts dont 16 f pour le tabac. Après ces 892f, il lui faudrait subvenir à tous ses besoins. Dans les autres arrondissements, il eût payé 40 f d’impôt et sa consommation en alcool et tabac bien plus faible, soit une économie de 7 à 800 f l’an assurant à elle seule son existence !

L’argumentation semble un peu hasardeuse mais là aussi on se croirait encore de nos jours dans le cadre des campagnes contre “les drogues” !

Il faudrait cesser de transférer les fabriques à Saint-Etienne mais seulement dans les communes rurales ; on éviterait ainsi “à ces populations épuisées par des travaux excessifs, la privation d’air ; la contagion du vice précoce, malgré la loi sur le travail des enfants et auxquels tous ces enfants s’adonnent avec la pipe et les liqueurs fortes ou débauches de leur âge”.

Après cet écrit on retrouve encore une délibération du Conseil Général du 29 Août 1840 précédée d’un rapport d’une douzaine de pages reprenant par la plume des rapporteurs les arguments des uns et des autres : la sécurité publique, l’impossibilité financière de Saint-Etienne à financer le transfert surtout mis en avant. Par 19 voix contre 9 sur 28 votants le transfert est refusé par l’ assemblée.

Mais la question continue de cheminer en haut lieu ; la révolution de 1848 passe par là et surtout l’Empire tandis que Saint-Etienne poursuit sa croissance et Montbrison sommeille.

Le Journal de Montbrison, seul journal du cru, simple hebdomadaire en quatre pages, suit le dossier. Il faut cependant attendre encore neuf ans pour le voir resurgir, moment où le Conseil d’Etat, le 15 novembre 1849, approuve le transfert, assorti d’ailleurs de mesures de police propres au Rhône et à la Loire, avec sans doute en visée sous-jacente la reconstitution du département de Rhône et Loire. Dès avant cette date, Saint-Etienne avait renouvelé son offre de construction d’une préfecture tandis que le journal “l’Avenir de St-Etienne” polémiquait de semaine en semaine avec le Journal de Montbrison.

En 1850, c’est la presse Parisienne qui fait mention de la question avec un journal “La Patrie” entraînant les protestations de notre hebdomadaire rappelant le vote négatif du Conseil Général. Durant deux mois de cette année 1850 le journal nous tient au courant du débat instauré cette fois à l’Assemblée Nationale et non plus au Conseil Général. Le rapport très long fait à l’Assemblée, présente bien la chronologie des événements vieux maintenant de 20 ans …

– 1830 : Première revendication de Saint-Etienne et refus du Conseil Général.

– 1834 : Nouvelle demande suite aux émeutes de cette année avec avis favorable du Préfet et nouveau refus de l’assemblée départementale mais aussi curieusement des Directeurs d’Administration.

– 1850 : Encore à la suite des événements insurrectionnels de 1848, avec l’instauration de l’état de siège, nouvelle demande nouveau refus.

Le rapport à l’Assemblée Nationale reproduit ceux du Conseil Général, avec l’omniprésence de la sécurité et les aspects financiers. Saint-Etienne dont la croissance marque un instant un étiage, est montré fort lié à Lyon ce qui pose comme le suggérait le Conseil d’Etat une Réunion des deux chefs-lieux . Il y a 60.000 voyageurs sur Lyon contre 45.000 sur les autres lignes du département. “L’Avenir républicain” de Saint-Etienne et “le Siècle” à Paris sont les avocats du transfert.

Le débat se déroule en janvier et chaque intervention des députés orateurs est développée par notre journal. Il annonce triomphalement le rejet du projet soutenu par le Gouvernement par 327 voix contre 258 en première lecture. On poursuit, en second lecture au mois de février 1850 où le député Levet prononce un pathétique plaidoyer pour sa ville. On y entend aussi le général de Grammont qui commanda Lyon, chaud partisan du transfert pour lutter contre ce “berceau de la charbonnerie qui a pris naissance dans les puits de mine faisant de Saint-Etienne un foyer du socialisme après le carbonarisme”.

Malgré ces interventions, le projet est encore refusé. Le triomphe très provisoire de Montbrison est fêté avec éclat d’après le journal : “les maisons d’éducation ont donné congé, l’autorité militaire accorde une permission, le canon a été tiré, les cloches ont sonné et la musique de la garde nationale a exécuté des symphonies et donné des sérénades, l’Hôtel de Ville est illuminé et un grand bal est annoncé”.On ne pouvait faire mieux.

On trouve encore dans une délibération du Conseil Général du 26 août 1852 que celui-ci autorisait l’acquisition de sept maisons misérables situées à l’ouest du jardin de la Préfecture sur la petite rue Bourgneuf (12) moyennant un crédit de 12.500 f . Cet acquit sera réalisé plus tard ne préjugeant pas de l’avenir de la Préfecture mais améliorant sérieusement le jardin de la Sous-Préfecture.

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12 – On les voit très bien sur le plan cadastral de 1810.

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BULLETIN LOCAL

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Montbrison, 5 février 1832.

Par décret du Président de la République, du 1er février,

M. Bret, préfet de la Loire, est appelé à la préfecture de la Haute-Garonne, vacante par suite de la nomination de M. Piétri aux fonctions de préfet de police.

M. Ponsard, secrétaire-général de la préfecture de la Nièvre, est nommé Préfet de la Loire.

Les regrets de nos concitoyens suivront M. Bret dans le poste éminent où il est appelé.

La haute capacité et le dévoûement de M. Bret assuraient une bonne administration au département, dont il connaissait la situation, les intérêts, et dans lequel son influence obtenait les résultats les plus importants.

Son autorité ferme, mais loyale, et sa bienvieillance éclairée avaient été, dans les graves circonstances que nous avons traversées, un véritable bienfait pour notre pays, qui en conservera un souvenir reconnaissant et plein d’affection.

Bernard.

Extrait du “Journal de Montbrison” de février 1852.

 

Proclamation du Préfet.

Montbrison, le 15 février 1852.

Habitants de la Loire,

Appelé par le gouvernement à l’administration de votrebeau et riche département, j’arrive au milieu de vous, animé du plus sincère désir du bien de tous.

Etudier vos besoins, les prévoirs même; travailler sans relâche à vos intérêts; favoriser de tout mon pouvoir l’agriculture, les différentes branches du commerce et de l’industrie; leur donner une nouvelle impulsion ; paralyser, détruire le mal partout où il tenterait de se montrer ; étouffer les doctrines perverses ; telle est ma tâche : J’y consacrerai tout mon temps, tout mon zèle ; heureux si je parviens un jour à mériter votre confiance et vos symapthies.

Un autre administrateur aussi habile qu’éclairé, qui emporte et laisse parmi vous de bien légitimes regrets, m’a legué un noble exmple à suivre. Je m’efforcerai de l’imiter.

Honoré de la confiance du Prince-Président, du sauveur, de l’élu du pays, vous trouverez en moi le plus ferme soutien de ses actes, des ses institutions, toutes inspirées par son amour de la patrie, par son unique pensée, le bonheur de la France.

Dans les élections qui se préparent, vous choisirez des hommes en parfaite harmonie d’idées, de sentiments et d’intérêts avec le chef de l’Etat, le neveu de l’empereur, à qui vous avez donné mission de faire une constitution.

Organe de son gouvernement, c’est à nous qu’il appartient de vous éclairer, de vous guider dans vos choix, tout en respectant la liberté des consciences et des votes.

Nous le ferons hautement : nous vous dirons loyalement ce que nous attendons de votre sagesse et de votre raison; vous y répondrez par un vote de confiance, qui sera en même temps un vote de patriotisme et de dignité.

Habitants de la Loire,

Le devoir fut toujours ma loi suprême ; votre prospérité sera également désormais ma seule ambition.

Le préfet de la Loire, H. Ponsard

Autre extrait du “Journal de Montbrison”

 

BULLETIN LOCAL

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Montbrison, 19 février 1832.

M. Ponsard, préfet de la Loire, a voulu, à son arrivée dans le département, se mettre en rapport avec les magistrats invetits de l’autorité publique, avec les hommes dont le concours pourra lui être utile pour l’administration du pays.

Dimanche, M. le Préfet, qui avait déjà fait une visite dans l’arrondissement de Roanne, a reçu, à la préfecture, les autorités, les fonctionnaires, un grand nombre de notabilités, qui ont apprécié la bienveillance de l’accueil de M. Préfet et ses vues pour la bonne direction de l’administration.

M. Bouvier, maire, accompagné de MM. Bournat et Rey, adjoints, à la tête du corps municipal, a adressé à M. le Préfet, au nom de la ville, le discours suivant :

Monsieur le préfet,

Le conseil municipal et MM. les officiers en retraite s’empressent de venir vous offrir leurs hommages ; pour lui comme pour eux le premier magistrat de leur département est toujours un objet de prédilection, d’estime, de dévoûment et d’avenir.

En accordant tous leurs regrets au magistrat distingué qu’ils viennent de perdre et qui avait toutes leurs sympathies. Ils ont la consolante pensée qu’il est remplacé par un honorable fonctionnaire que ses éminentes qualités, son courage et son énergie dans de récentes et périlleuses circonstances, ont su faire distinguer et apprécier.

Monsieur le Préfet, le département de la Loire s’estime heureux de vous recevoir comme chef, et c’est avec la plus grande confiance que notre ville de Montbrison et notre arrondissement se placent sous votre égide, votre protection et votre justice.

Les regrets que vous laissez dans la Nièvre, Monsieur le Préfet, nous font l’assurance q’une paternelle et bienveillance administrative, protectrice des droits de tous, et ne laissant après elle que reconnaissance et remerciements.

Acceptez surtout, Monsieur le Préfet, notre désir de vous conserver longtemps avec nous pour y faire tout le bien qu’une administration plus prolongée et ayant le temps d’étudier peut apporter et conclure.

M. le Préfet a remercié M. le Maire des sentiments qui lui étaient exprimés.

Appelé, a dit M. le Préfet, à la préfecture d’un département important, où des intérêts sérieux et multiples réclament tout ela sollicitude de l’administration, je serai heureux de mettre le dévoûment avec lequelj’ai pu faire quelque bien dans un autre poste, à justifier la confiance de chef de l’Etat, de continuer l’oeuvre de mon honorable prédécesseur, et je m’appuierai avec empressement de votre concours.

M. le Préfet s’est plu à rappeler le séjour qu’il a fait dans la localité, comme officier de l’armée, il y a plusieurs années, et il a félicité M. le Maire sur des améliorations exécutées depuis cette époque, qu’il avait remarqué dans la ville.

Le soir la société philharmonique a donné une sérénade à M. le Préfet.

M. le Préfet, après une visite dans l’arrondissement de Saint-Etienne, est rentré à Montbrison.

Bernard.

Extrait du “journal de Montbrison”

 

BULLETIN ADMINISTRATIF

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Montbrison, le 10 février 1852.

Adieux du Préfet.

Mes chers concitoyens,

Un décret récent m’appelle à l’administration du département de la Haute-Garonne.

Au moment où je quitte la Loire, permettez que je vous remercie du vienveillant concours que j’ai trouvé en vous.

Nous avons traversé des moments pénibles. Grâces au bon esprit qui anime les habitants de la Loire, grâces aux mesures énergétiques prises par le divine Providence, ces temps d’orages ne laisseront parmi nous que de rares souvenirs douloureux.

Puisons dans ce passé, mes chers Concitoyens, des leçons pour l’avenir. Unissons-nous dans une pensée commune, celle du bien de notre chère Patrie. Oublions nos tristes dissentiments et secondons de nos efforts les intentions réparatries du Prince auquel le pays s’est confié.

J’aurai voulu vous y aider. J’aurais été heureux de consacrer ce que Dieu m’a laissé de forces au bien d’un département que j’ai adopté par les liens les plus chers. Partout on peut se rendre utile, et partout mes voeux et mes affections appartiendront au département dont deux fois j’ai pu apprécier les éminentes qualités.

Recevez Messieurs et chers Concitoyens, l’expression de tout mon attachement.

Le Préfet de la Loire, Bret.

Extrait du “Journal de Montbrison”

 

Montbrison, le 14 octobre 1854.

Le charme et l’éclat des grandes soirées données par M. Ponsard, préfet de la Loire, et Mme Ponsard, ont laissé un heureux souvenir, une vivifiante impulsion.

Vendredi dernier une de ces fêtes a réuni à la préfecture une société brillante et choisie. Tout le département y était représenté par ses notabilités et les familles les plus considérées du pays. Les vastes et élégants salons de la préfecture se trouvaient étroits pour recevoir la foule aimable qui s’y pressait.

M. le comte et Mme la comtesse de Persigny, qui se trouvent (ainsi que nous l’avons annoncé) en visite de famille à Montbrison, favorisaient cette fête de leur présence. M. Bret, sénateur, plusieurs membres du corps législatif, des magistrats invetis de fonctions administratives, qui ont conservé des relations d’maitié dans le département, assistaient aussi la soirée.

Le gracieux théatre de la Préfecture avait été rouvert. Ses artistes charmants et dévoués ont obtenu un nouveau succès dans l’Héritière, où Gourville, Gustave et Agathe ont eu le talent et la finesse de jeu que Scribe pourrait désirer. après une bouffonne chansonnette, l’incomparable Bilboquet, Zéphirine, dont le début a été des plus heureux, Atala, Gringalet, Ducantal se sont aussi assuré un nouveau triomphe dans l’odyssée devenue classique en son genre de Dumersan et Varin.

Une spirituelle feuille, qui , sous le nom de l’Entr’acte, est comme un Moniteur du plaisir, a été distribué aux spectateurs, et avidement lue.

Après le spectacle la fête s’est continuée dans les salons.

M. le comte et Mme la comtesse de Persigny ont été entourés des respects les plus empressés et les plus affecteux, auxquels ils ont répondu avec une affabilité pleine de grâce.

La courtoisie et les soins nobles et de bon goût avec lesquels la société de Mme et M. Ponsard est toujours accueillie, ont donné à la fête un attrait qui en fait prolonger la durée fort avant dans la nuit.

Extrait du “Journal de Montbrison”

 

BULLETIN LOCAL

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Montbrison, le 4 janvier 1855.

De mombreuses réceptions ont eu lieu à la Préfecture, à l’occasion du renouvellement d’année.

Le 1er janvier, de midi à une heure, M. le Préfet a reçu officiellement les autorités civiles et militaires et les fonctionnaires.

Le corps municipal, ayant à sa tête M. C. Durand, maire, et MM. Du chevalard et De Belleperche, adjoints, s’est empressé d’aller présenter ses hommages au premier magistrat du département.

M. la Maire a exprimé à M. le Préfet les entiments respectueux et affectionnés des habitants, leur reconnaissance pour l’amdinistration de M. Ponsard, et leurs voeux pour que le bienfait en soit continué au département de la Loire. M. le Maire a prié M. le Préfet de vouloirbien toujours conserver au pays tout son intérêt dans les questions qui intéressent sons avenir et sa prospérité.

M. le Préfet a rmercié M; le Maire des témoignages d’affection qui lui étaient donnés ; il a exprimé avec une haute et affectueuse dignité, la sollicitude avec laquelle il s’occupe dans l’administration qui lui est confié par le Gouvernement de l’Empereur, des intérêts et des besoins de département, qui pourra toujours compter sur sa justice et ses soins dévoués.

Extrait du “Journal de Montbrison”

Hélas la Roche Tarpienne est près du capitole car la liesse ne durera que 5 ans. En 1853, on lit dans “le journal de Montbrison” le retour du projet de réunion Rhône et Loire.

Enfin, en 1855 sonne le glas de la Préfecture dans notre ville. Un simple rapport publié au “Moniteur” signé du secrétaire d’Etat Billard exécute Montbrison au profit de Saint-Etienne qui, avec la réunion des communes suburbaines, Valbenoîte, Montaud et Outre-Furan, va atteindre 80.000 habitants, obligeant au maintien de l’ordre public et contrairement à l’avis de l’Assemblée de 1850 justifiant “un pouvoir fort, dit ce texte, au profit de la paix publique ne saurait hésiter à réaliser une mesure demandée par Saint-Etienne, j’obéis au principe d’intérêt politique en y fixant la résidence du Préfet”. D’ailleurs une loi de 1854 avait confié la police des villes de plus de 40.000 habitants au Préfet et non plus au Maire. Et le 20 juillet 1855 le décret Impérial met fin à 25 ans d’un combat sans doute perdu d’avance.

Le Conseil Municipal de la ville va bien entendu donner sa démission sans aucun succès comme dans tous les cas de décision du Pouvoir central. La nouvelle organisation était, elle, inéluctable, comme le sera un siècle plus tard Draguignan dépossédé au profit de Toulon. Cependant elle porta à Montbrison un coup fatal dont elle se relève à peine au second millénaire.

La population de 1851 était de 8.048 habitants, elle chute en 1856 à 7.456 puis à 7.021 et encore à 6.475 en 1866, soit une perte de 20% en dix ans et la baisse continuera. En effet Montbrison vivait énormément de la présence du Préfet qui amenait tout un monde de fonctionnaires, notables en animant la presse locale. Il n’est que de lire quelques extraits du Journal de Montbrison célébrant en 1852 sur ses quatre petites pages bi-hebdomadaires la nomination du Préfet Ponsard et le départ de son prédécesseur avec discours et éloges d’usage dans le style de l’époque. Je les joins en annexe où l’on pourra les lire. Saint-Etienne atteindra 100.000 habitants aux années 1900 près de 150.000 avant la première guerre pour amorcer un déclin déjà plus sensible l’an dernier avec 179.000 habitants.

Au même moment Montbrison amorce une remontée significative à 17.000 âmes, avec la fusion de la commune de Moingt il est vrai. Il en est de même de son arrondissement en croissance de quelque 10.000 habitants (160.000) alors que celui de Saint-Etienne décroît de plus de 20.000 (415.576).

Pourtant le départ du Préfet n’était qu’un épisode dans le déclin de l’ancienne capitale et surtout au 20e siècle qui vit la suppression des Assises et corrélativement de la prison, second élément du Pouvoir : le judiciaire, celui-ci étant périodiquement remis en question. Après les Assises, l’Ecole Normale d’Instituteurs, base de tout le système de l’Education Nationale, aux années 60. La garnison, avec l’effectif de plusieurs centaines de militaires, était partie aux années 1920, pour être remplacée par la gendarmerie mobile, avant que l’on démolisse aux années 1980 l’ancienne caserne assez représentative du 18e siècle et qui aurait fort bien pu être réhabilitée en lieu et place des constructions sans grâce et sans grand intérêt autre qu’utilitaire qui y furent implantées.

Il est vrai aussi qu’en ces années 1970-1980 l’ancienne Préfecture bénéficie de nouveaux services fort développés : Lycée, Hôpital moderne, suivis de la centralisation des services fiscaux (elle-même au détriment d’ailleurs des chefs-lieux de canton de la partie nord et ouest de l’arrondissement vouée à la mort lente).

On pourrait soutenir que dans la sinusoïde des mouvements de centralisation et décentralisation, grand sujet banal des études politiques, Montbrison ne serait plus affectée par la manie centralisatrice cachée un moment par la grande décentralisation de 1982 qui manqua un moment emporter le Corps préfectoral débaptisé de son titre et mué en Commissaire de la République, sans oublier la création des Préfectures de Région, dans les années 1940.

A l’orée de ce siècle la vitesse des communications, le changement des modes de vie, l’étouffement des grandes cités devraient favoriser le maintien de structures de pouvoir dans cet arrondissement, poumon d’air de l’agglomération stéphanoise en déclin.

En contrepartie cette ville aurait tendance à soutenir une nouvelle campagne de suppression, cette fois, de la Sous-Préfecture elle-même et du Tribunal pour redorer un blason industriel terni et dépassé. Les tentatives ont jusqu’à présent échoué par la volonté des pouvoirs publics d’une proximité plus grande devant la complexité de la vie administrative, sans cesse plus bureaucratique. Cette volonté est tempérée cependant par la substitution aux communes rurales à faible population de communautés plus larges, mouvement sans doute nécessaire mais porteur d’effets pervers nombreux à l’image de toutes les concentrations et luttes de pouvoir.

Au surplus, les pouvoirs préfectoraux affaiblis par la décentralisation ont retrouvé dans le rôle de conseil et de représentant exclusif de l’Etat auprès des Collectivités un équilibre précieux d’arbitrage, entre les intérêts divergents, liés à l’économie ou l’urbanisme par exemple.

On sait que la devise d’un Préfet que j’ai glanée quelque part aurait été “de tout faire faire, ne rien laisser faire” méditation ironique ayant quelque valeur sans doute synonyme de beaucoup de travail en réalité, dans l’équilibre et la mesure difficile à trouver, dans toute organisation de ce bas monde.

 

ANNEXE 1

Liste des Préfets de la Loire ayant résidé à Montbrison

IMBERT François – 1768-1807 – mort en poste à Montbrison, cité ci-avant.

DU COLOMBIER Jean-Pierre – 1807-1812 – déjà cité pour avoir défrayé la chronique avec les fêtes données dans son château du Poyet. On peut ajouter qu’il était vénérable d’une loge Franc-maçonne de Saint-Etienne et Baron de l’Empire, originaire d’une vieille famille de Valence ayant des charges municipales ou dans l’Administration, notamment celle des douanes. Il fut nommé en 1812 à la Préfecture de Marengo en Italie.

HOLVOET – 1763-1838 – Préfet de la Loire de 1812 à 1814. Il était issu du Conseil d’Etat et originaire de Malines en Belgique.

BERTHELOT de RAMBUTEAU – déjà cité – 1814-1815. Il vécut de 1781 à 1863. C’était un ancien élève de Polytechnique, marié à Mlle de Narbonne, familier de Napoléon Ier. Il est resté célèbre pour avoir été 15 ans, préfet de Paris. Louis-Philippe le nomma Pair de France.

TRIBERT – 1781-1853 – Il fut préfet durant les Cent jours, destitué à la Restauraation et poursuivi pour avoir été nommé par « l’usurpateur ». Il fut député des Deux Sèvres de 1829 à 1848.

TASSIN de NONNEVILLE – déjà cité – 1775-1834 Préfet de 1815 à 1823.

ROTOURS de CHAULIEU – 1781-1852 – Préfet de 1823 à 1830. C’était un membre du conseil d’état.

GASPARIN – déjà cité – 1783-1862 – préfet en 1830.

MOURGUE – 1772-1860 – Préfet de la Loire en 1830-1831, envoyé en Dordogne. Il était fils d’un ministre de la Convention.

MARQUET de MONTBRETON de NORVINS – 1769 1854 – déjà cité, Préfet de 1831 à 1832.

BRET Charles – 1791-1860 – déja cité – Préfet en deux fois en 1832 puis 1851.

SERS Louis – 1791-1865 – déjà cité – Préfet de 1833 à 1837, envoyé dans le Bas Rhin.

JAYR Hyppolite – déjà cité – Préfet de 1837 à 1838. Nommé dans la Moselle puis dans le Rhône et plus tard, Ministre.

FAYE André – 1793-1875 – Préfet de 1838 à 1839.

BARTHELEMY Hyacinthe – 1787-1868 – Préfet de 1839 à 1841, nommé dans l’Aube. Il eut une carrière à éclipses le menant de la préfecture de Lille en 1815 à la Sous Préfecture de Sainte Menehould en l817…Révoqué en 1822, il redevient Préfet en 1830 et plus tard membre du Conseil d’Etat.

DAUNANT de PARADES Antoine – 1797-1874 – Préfet de 1841 à 1847, nommé en Charente inférieure en 1847.

ZEDE Pierre – 1791-1863 – Préfet l’année 1847. Issu du Conseil d’Etat. Devient Directeur des Ports et Arsenaux.

COURNON Gilbert – 1794-1867 – Préfet de 1847 à 1848, époque où il démissionne.

BAUNE BARTH2L2MY – 1790-1880 – Figure de la Révolution de 1848 et nommé commissaire du Gouvernement en remplacement du Préfet jusqu’au 2 mai 1848. Sa biographie a été écrite par Claude Latta.

SAIN Pierre – 1814-1862 – Préfet en 1848 au 2 mai au 9 août …

ROUSSET Charles – déjà cité – né en 1802. C’est lui qui, après son séjour au Ministère des Finances, fut détaché auprès du Roi d’Egypte. Préfet de la Loire de 1848 à 1851. Nommé à la cour des comptes jusqu’à sa retraite.

PONSARD Jean – 1809-1887 – Issu du Ministère des Finances lui aussi. Nommé à Montbrison le ler février 1852, ce fut le dernier Préfet en résidence jusqu’au ler janvier 1856 où il est nommé dans l’Isère.

 

ANNEXE 2

Listes des Sous-Préfets de Montbrison

MM. TEZENAS 1859-1860
  LARRIBE 1860-1864
  BLANC Octave 1864-1870
  CROZET 1870-1871
  DUCHENE 1871 (avril-mai)
  ROUX André 1871-1873
  COPIN Paul 1873-1875
  CHAVANNE François 1875-1876
  de LAMURE 1876-1877
  de LABORDE LASALLE 1877-1879
  LEPINE Louis 1879-1880
  MAURAS Régis 1880-1888
  CLESSE Frédéric 1888-1891
  SALVADOR Jean 1891 (janvier à mai)
  MARAUD Pierre 1891-1896
  DUPRE Jacques 1896-1901
  GOGGIA Antoine 1901-1905
  DELBARRE Léon 1905 (décembre)
  ROUSSELOT Aristide 1905-1906
  ALDEBERT Adolphe 1906-1907
  DAVID Lucien 1907-1909
  ICARD Jean-Baptiste 1909-1911
  MATHIVET Paul 1911 (mai à novembre)
  TAVERA Pierre 1911-1912
  de LAVENAY Humbert 1912-1913
  BEAUGUITTE Ernest 1913-1915
  BODENAN Marcel 1915-1918
  CADIOT 1918-1919
  VIE Charles 1919-1921
  OUVRE Maurice 1921 (mai à juillet)
  BOUTROUE Marcel 1921-1922
  VARENNE Francisque 1922-1923
  BIZARDEL Paul 1925-1928
  JOUVE Augustin 1928-1930
  FLACH Xavier 1930-1932
  DESTARAC Henri 1932-1934
  MATHIEU Elie 1934-1939
  ARCHE Gabriel 1939-1943
  FALLER Eugène 1943 (mai à août)
  BRIENS Jacques 1943 (août à décembre)
  AUBERT Pierre 1943-1944
  GIDON Lucien 1944-1946
  DUPOIZAT Georges 1946 (mai à décembre)
  de SAINT-JORRE 1946-1951
  GRANGE Maxime 1951-1953
  RUDLER Raymond 1953-1954
  PERREAU André 1954-1956
  COUTANSON J.-Michel 1956-1960
  MOURET Roger 1960-1962
  HAMONIC Henry 1962-1966
  GRAND Jean 1966-1972
  COEFFE Jacques 1972-1974
  MAILLOCHEAU Jacques 1974-1979
  de FOLLIN Christian 1979-1982
  LAIGROZ Pierre 1982-1987
  CHERVET Philippe 1987-1991
  VILLEREY Yves 1991-1994
  VERHNES Marc 1994-1996
  BONNETAIN J.-Paul 1996-1998
  MOUROU Michel juillet 1998

 

ANNEXE 3

Liste des Préfets en résidence à Saint-Etienne

MM. THUILLIER C. 22 mars 1856
  MONZARD-SENCIER L. 14 décembre 1860
  LEVERT 22 février 1866
  CASTAING 30 décembre 1866
  BERTHOLON César 4 septembre 1870
  MORELLET Alphonse 4 mars 1871
  L’ESPEE (de) 20 mars 1871
  DUCROS 6 avril 1871
  TRACY J. (de) 28 mai 1873
  SANDRANDS (de) 20 décembre 1873
  BLIGNIERES E. (de) 10 avril 1875
  PIHORET Armand 13 avril 1876
  DONCIEUX S. 28 mai 1877
  RENAUD F. 21 décembre 1877
  THOMSON Charles 17 novembre 1880
  GLAIZE P. 19 novembre 1882
  FILIPPINI 11 mai 1885
  BARGETON E. 14 mars 1886
  GALTIE 12 juin 1889
  LEPINE Louis 1er juin 1891
  CHRISTIAN Ar. 5 juillet 1893
  LAROCHE Hyppolyte 1er mars 1894
  COHN Léon 11 octobre 1894
  JOUCLA-PELOUS 28 février 1896
  GRIMANELLI P. 23 mai 1896
  MASCLEE Frédéric 24 septembre 1900
  LARDIN DE MUSSET 30 juillet 1906
  HUARD Henry 4 avril 1908
  BRELET Théodore 3 août 1909
  LALLEMAND Charles 20 octobre 1911
  FRANCOIS Georges 3 décembre 1917
  CECCALDI François 27 juillet 1922
  MINIER 15 septembre 1925
  GENEBRIER Pierre 19 février 1929
  ROCHARD Léon 6 février 1931
  GRAUX François 8 août 1931
  ANDRIEU 8 novembre 1934
  LABAN Francis 4 octobre 1935
  LEMOINE Marcel 17 septembre 1940
  POTUT Georges 10 février 1941
  BOUTEMY André 14 mai 1943
  MONJAUVIS Lucien 18 novembre 1944
  FAUGERE Henri 17 septembre 1947
  MORIS Roger 28 avril 1948
  DUMONT Pierre 1er janvier 1952
  COLLAVERI François 11 décembre 1959
  GRIMAUD Maurice 11 septembre 1961
  GRAEVE Francis 21 janvier 1963
  CAMOUS Paul 16 mars 1969
  COUZIER Bernard 3 janvier 1974
  TERRADE Jean 1er octobre 1976
  BADAULT Georges 1er janvier 1979
  BOOT François 15 juillet 1980
  DOMINE Jean 21 mai 1982
  BENAZET 27 mars 1985
  MARTY Jean-Paul 10 août 1987
  MAGNIER Patrice 27 janvier 1992
  DAUBIGNY Jean 21 juin 1993
  AUDOUIN Jean-Yves 9 décembre 1996
  BUR Dominique 19 juillet 1999