BD, Tome VI, Découverte de l’emplacement d’une officine de potiers gallo-romains à Chantegrelet, commune de Savignieu. – Communication de MM. Huguet et Rochigneux., pages 355 à 358, La Diana, 1892.

Découverte de l’emplacement d’une officine de potiers gallo-romains à Chantegrelet, commune de Savignieu. – Communication de MM. Huguet et Rochigneux.

M. Rochigneux, au nom de M. Huguet et au sien, fait l’exposé suivant.

« On vient de découvrir sur le territoire de la commune de Savignieu, à environ cent cinquante mètres en nord-est de l’étang de ce nom, l’emplacement, au lieu dit Chantegrelet, d’un atelier de potiers de l’époque gallo-romaine. Les terres qui en recèlent les vestiges ont une superficie de plus de deux hectares partagée entre plusieurs propriétaires et sont situées sur un relief assez développé de la plaine où l’on jouit d’un air fort salubre et d’une vue agréable et étendue; elles portent le numéro 159, section C, et les n° 167 et 169 section F, du plan cadastral.

Cette officine s’est révélée d’abord au cours d’un premier minage exécuté par le sieur Roux, il y a plusieurs années (1), et surtout l’hiver dernier lors des défoncements entrepris par les sieurs Martin Brunel et Donjon son gendre dans une parcelle du n° 169 leur appartenant. Ces deux agriculteurs, intrigués dès le début de leur travaux par l’abondance insolite des débris anciens rejetés des tranchées, voulurent bien nous prévenir de leurs trouvailles et mirent ensuite, nous nous faisons un devoir et un plaisir de le signaler, la plus grande complaisance à faciliter nos recherches.

Voici quels sont les résultats de nos fouilles sommaires. Nous avons constaté que la couche végétale dissimulant les restes antiques présentait des épaisseurs très inégales et variant de 0m 40 à 1m 30 ; quant à la couche archéologique, de puissance également fort variable, elle comprenait outre de rares matériaux de construction, granit, calcaire et blocs de chaux, des amas d’argile tamisée, de sable pur, des monceaux de fragments de tuiles à rebords, de poteries paraissant brisées surtout par le tassement des terres, des rebuts de fabrication, de la cendre de four ; on y a rencontré aussi des portions de meules à bras, des moules en argile, des outils de potier (2), et sur des scories, des traces assez considérables de poudre de manganèse, etc., etc.

Ces témoignages d’industrie et l’absence de preuves certaines d’incendie font conjecturer que l’établissement a dû être abandonné pour quelque cause majeure, ou renversé en pleine exploitation à une époque que rien, toutefois ne peut nous permettre de préciser.

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(1) Nous apprenons au dernier moment qu`à cette époque les ouvriers avaient rencontré, dans cet endroit, des fondations de murs et trois foyers, ce que confirme partielment l’aspect actuel des lieux, couverts de cendre et de débris céramiques sur trois points surtout.

(2) Nous signalerons notamment un superbe polissoir en silex.

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Tous les genres de poterie plus ou moins grossière, grise ou rouge, se rencontrent à Chantegrelet ; les pièces plus nombreuses et d’un usage commun sont des amphores, des vases des genres seria, dolium, des lagènes, des urnes, des patères, des jarres, des réchauds trépieds, des plateaux, des assiettes, et surtout par des cruches, pichets ou vases à liquides, de modèles très divers, mais généralement de facture élégante. On devait même fabriquer à Chantegrelet de la vaisselle sigillée: nous en avons pour preuves un pain de terre grossière non cuite et pétrie dans un moule à reliefs, des fragments notables de grands bols très ornés, mais dépourvus d’engobe (1) ainsi que des coupes et assiettes décorées à la barbotine (2). En revanche, les vases à couverture bronzée ou plombifère y étaient rarissimes, nous n’en avons trouvé que quelques spécimens, ils portaient des ornements en creux.

Dans le voisinage immédiat de ces amas de poteries, nous avons recueilli plusieurs grandes ampoules de verre et des urnes en terre grise, le tout brisé, qui renfermaient des cendres et des ossements humains ; un de ces vases au moins avait été originairement placé dans un coffre de bois dont le terrain adjacent avait conservé l’empreinte et même quelques vestiges.

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(1) L’un porte la marque, du fabricant de moules EVTRIV.

(2) Plusieurs fonds de petits vases, ayant servi à obtenir des empreintes, étaient estampillés CVBEIIIO, avec un point dans l’O (Cubellii officina). La même marque figure sur des vases aux musées d’Annecy et de Vienne. V. Allmer, Inscriptions antiques de Vienne, p, 91, n° 1079.

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L’officine était desservie autrefois par le chemin, plus ou moins dévié aujourd’hui, qui conduisait de la voie Bolène à Bicêtre, par la, Croix de Sainte-Agathe ; nous avons des présomptions qu’un autre chemin devait en outre relier cet établissement à des groupes d’habitations échelonnées dans la direction du nord-est.

Des constatations trop superficielles ne nous permettent pas encore de formuler une opinion sur l’importance plus ou moins grande de la fabrique de poteries de Chantegrelet; nous estimons toutefois, en présence de découvertes incessantes, que la population de nos régions était jadis assez dense pour que les produits de cette industrie, même supposés considérables, aient pu trouver chez nous un écoulement facile et rémunérateur.