BD, Tome VI, Excursion en 1891., pages 47 à 51, La Diana, 1891.

 

Excursion en 1891.

Il est temps de désigner la partie du département où la Société a l’intention de faire son excursion annuelle. L’arrondissement de Saint Etienne qui n’a pas été visité depuis nombre d’années paraît devoir être choisi de préférence.

Une excursion dans le canton de Bourg Argental ou dans celui de Pélussin est votée par l’Assemblée, qui nomme pour commissaires chargés de la préparer MM. F. Thiollier, président, Gachet, Gonnard, Poinat et Tardieu. Sur la demande de M. F. Thiollier, M. E. Brassart est adjoint à cette commission.

De l’origine des diocèses épiscopaux dans l’ancienne Gaule, par M. l’abbé Duchesne. Feurs a t’il jamais été un évêché ? – Communication de M. Vincent Durand.

M. Vincent Durand s’exprime ainsi:

M. l’abbé Duchesne vient de publier, dans le Le volume des Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, une dissertation capitale sur l’origine des diocèses épiscopaux dans l’ancienne Gaule. Les conclusions auxquelles est arrivé le savant abbé nous touchent de fort près, et je vous demande la permission de vous les indiquer en peu de mots.

Vous n’ignorez pas quelles vives discussions se sont élevées de nos jours, entre les partisans de ce que l’on a appelé l’école historique et ceux de l’école traditionnelle, sur l’époque à laquelle on doit faire remonter la prédication de l’Évangile et l’établissement de la hiérarchie ecclésiastique dans notre pays. Les arguments pour et contre semblaient épuisés, M. l’abbé Duchesne a trouvé le moyen de jeter de nouvelles lumières sur la question, en discutant et comparant les catalogues épiscopaux que possèdent la plupart des églises et dont plusieurs sont fort anciens. Ces catalogues, plus ou moins longs, se réduisent à la vérité à une simple nomenclature que n’accompagne aucune date. Mais, d’ordinaire, quelques uns au moins des prélats qu’ils mentionnent sont connus par l’histoire ou par des actes auxquels ils sont intervenus et très particulièrement par les souscriptions des conciles. L’ordre chronologique dans lequel ces prélats se sont succédé est il conforme à celui observé dans le catalogue de leur église ? Ne manque t’il dans celui ci aucun évêque dont l’existence est bien établie par d’autres documents ? N’y relève-t’on, au contraire., aucun nom parasite et manifestement emprunté à la série des évêques d’autres sièges ? L’intervalle entre les personnages que l’on sait avoir vécu à une époque déterminée est il proportionné à la durée qu’il est raisonnable d’assigner à l’épiscopat des prélats qui les séparent ? le catalogue doit être tenu pour sincère et complet et en s’aidant des échelons connus, on peut, par interpolation, fixer approximativement la date à laquelle florissaient les évêques sur qui l’histoire et les titres sont muets, et finalement remonter à l’époque probable où vivait le fondateur du diocèse.

Appliquant cette méthode avec une critique sévère et en soumettant les résultats au contrôle des témoignages historiques les plus surs, M. l’abbé Duchesne, après avoir mis de côté la région du bas Rhône et de la Méditerranée, où la foi paraît avoir été annoncée de bonne heure, se croit autorisé à conclure que dans le reste des Gaules il n’existait au IIe siècle qu’une seule église, celle de Lyon. Lyon fut donc à l’origine le chef lieu d’un diocèse immense embrassant le surplus de la France actuelle, la Suisse., la Belgique, la Hollande et une partie de l’Allemagne. Vers le milieu du IIIe siècle seulement, apparaissent dans quelques grandes villes, Toulouse, Vienne, Trèves, Reims, de nouveaux sièges épiscopaux. Le nombre s’en accroît un peu aux approches de l’an 300. Mais ce n’est guère qu’au IVe siècle, vers le temps de Constantin au plus tôt, que la plupart des cités reçoivent un évêque particulier. Quelques évêchés paraissent même avoir été fondés beaucoup plus tard. Celui de Mâcon, par exemple, dont le territoire est aujourd’hui compris pour partie, dans les limites de notre département, n’a pas d’attestation antérieure au Vle siècle et il est fort possible qu’il n’ait été érigé que dans le courant du Ve.

Ce petit nombre de diocèses et leur vaste étendue sont faits pour étonner, lorsqu’on considère la multitude de sièges épiscopaux dont furent couvertes d’autres parties du monde chrétien, notamment l’Italie méridionale et l’Afrique. Mais M. l’abbé Duchesne montre que cette règle n’était pas générale et que plusieurs pays ont, comme la Gaule, été divisés d’abord en un fort petit nombre de diocèses. C’est le cas de la Haute Italie, où les sièges de Ravenne, Milan, Aquilée, Brescia et Vérone sont les seuls qu’on puisse faire remonter par des arguments sérieux au-delà du IVe siècle, les deux premiers paraissant, au plus, contemporains de ceux de Lyon et d’Arles. Un curieux texte de Théodore de Mopsueste, auteur de la fin du Ve siècle, fait allusion à la subdivision récente d’un certain nombre de diocèses d’Occident.

Ces magnifiques résultats devaient vous être signalés.

La doctrine de M. l’abbé Duchesne nous fournit, si je ne me trompe, la solution d’un problème qui intéresse directement le Forez.

On s’est plusieurs fois demandé si Feurs, capitale d’une cité florissante, dans une région où l’Évangile était prêché dès le Ile siècle, n’aurait point été, comme la presque universalité des autres chefs-lieux de cité, le siège d’un évêque particulier. On avait proposé d’introduire cette question dans le programme du congrès archéologique de Montbrison. Elle en fut écartée, comme de nature à réveiller des tempêtes mal assoupies et à compromettre l’ordre public, le bureau ne disposant d’ailleurs d’aucune force armée, et le règlement du congrès ne prévoyant pas de petit local pour recevoir les orateurs trop intempérants. Après les recherches de M. l’abbé Duchesne, il n’est guère possible de la résoudre autrement que par la négative. À l’époque tardive qui vit les diocèses se multiplier, empruntant aux cités du même nom leur circonscription territoriale, Feurs, situé à une distance peu considérable de Lyon et où, par conséquent, une telle création avait dû jusqu’alors sembler moins nécessaire encore que partout ailleurs, Feurs était probablement fort déchu de sa splendeur première, ou même ruiné. Ce ne paraît pas avoir été dans l’antiquité une ville fermée, et les graves indices qui portent à croire que Moind, Lezoux et d’autres lieux habités de la région subirent vers l’an 260 une dévastation complète, laissent présumer aussi que Feurs, dont les inscriptions s’arrêtent au règne de Gallien, dont le sol garde les témoignages de violents incendies, fut enveloppé dans le même désastre. C’est à cette époque peut être qu’il perdit son rang de capitale de la cité Ségusiave, désormais absorbée dans la civitas Lugdunensium. Ainsi, Feurs n’avait pas reçu d’évêque auparavant, parce que les diocèses étaient fort peu nombreux, et, quand prévalut un nouveau plan d’organisation ecclésiastique attribuant un évêque à chaque cité, il ne se trouva plus en état d’en obtenir le bénéfice.

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