BD, Tome 63,LA PRATIQUE DE LA DÉMOCRATIE DANS LE MONTBRISONNAIS EN 1845,Compte rendu par M. Philippe Pouzols-Napoléon, pages 173 à 210, La Diana, 2004.

 

LA PRATIQUE DE LA DÉMOCRATIE DANS LE MONTBRISONNAIS EN 1845

Communication de M. Francisque Ferret

 

Compte rendu par M. Philippe Pouzols-Napoléon

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L’immense brouhaha électoral que nous avons vécu en 2002, et son habituel cortège de grands élans oratoires amplifiés par nos omniprésents médias, avec les vieilles déclarations de : Liberté – Fraternité – Solidarité – jeu démocratique – citoyenneté, etc… Le tout agrémenté de programmes, déclarations sans fin peuvent nous laisser rêveurs.

Il invite l’amateur de la petite histoire à nombre de méditations forcément ambiguës, voire anachroniques, sur l’exercice du grand principe maintes fois ressassé de la Démocratie , associé ou non à la République !

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A l’occasion d’une étude sur Montbrison Préfecture, j’ai retrouvé dans les archives de la Société La Diana, des listes d’électeurs et des membres du Jury d’Assises manuscrites, antérieures à 1848, date de l’instauration du suffrage universel.

Cette naissance a très bien été traitée par notre confrère, Claude Latta, dans son ouvrage sur Montbrison 1 , d’autant qu’il est un spécialiste de cette époque. Il y faisait la synthèse de cette circonscription de moins de 150 électeurs et l’écrasante prédominance de la bourgeoisie alliée à l’aristocratie foncière. Il y avait d’énormes différences de situation de fortune au regard d’une misère de 90% peut-être de la population, la définition de la misère étant toujours relative. C’est en puisant

1 Claude Latta : Histoire de Montbrison. Horvath/ La Diana (1995).

à cette même source, mais pour la seule ville de Montbrison, qu’il décrit la situation sociale des électeurs, généralement d’âge mûr, 40 à 60 ans, élevé pour l’époque, 19% de sexagénaire et plus. Il y avait 53% d’électeurs dénommés simplement propriétaires, vivant de la rente foncière, 12% de fonctionnaires, chiffre très élevé aussi pour l’époque, dû au rôle de Préfecture et 16% d’hommes de loi. Il précise que seulement deux ou trois électeurs titulaires de grande fortune foncière paient plus de 2.000 f d’impôts et 64% sont entre 200 et 500 f . Le reste de la population est bien sûr en dessous.

On pourra juger cependant du bouleversement des habitudes si l’on compare le suffrage de 1848 à celui de 1845 par exemple qui fut le dernier de la Restauration.

Pour avoir une idée sans doute plus large, limitée à une seule circonscription électorale, j’ai analysé les listes établies en 1845, pour le 4e arrondissement électoral du Département de la Loire , sous les auspices du Préfet résidant encore à Montbrison.

La Loire comptait cinq circonscriptions pour ses 434.000 habitants au recensement de 1841 : Saint-Etienne, Saint-Chamond – Feurs – Montbrison et Roanne, circonscriptions ne correspondant d’ailleurs pas, comme de nos jours encore, aux limites des arrondissements, siège de Préfecture ou Sous-Préfecture.

Même restreinte, cette liste est instructive car elle amène à nombre d’interrogations sur l’exercice réel de la Démocratie au delà des simplifications, parfois et trop souvent abusives auxquelles on se livre. On voit nos élections comme un défilé de citoyens, persuadés plus ou moins de leur mission et de leur importance allant élire périodiquement leurs représentants aux diverses Institutions à caractère électif.

L’idée de démocratie est excessivement ancienne, puisqu’on la fixe souvent à la Grèce antique sans doute bien plus, car on en trouve trace dans la Bible elle­ même, mais son exercice dans la société est tout autre.

Sans que le principe soit fixé par une Loi générale, il existait sous l’Ancien Régime des consultations électives plus ou moins informelles dans les Communautés ou Institutions diverses. Dans ces Communautés, par exemple les conseils des Hôpitaux, on délibérait souvent de décisions prises par la « meilleure partie de la Communauté « , bien entendu les notables de celle-ci, constituant un embryon de démocratie, qui ressemble fortement à celui que nous observons dans ces élections de …. 1845. Le principe de suffrage universel a été proclamé dès 1793 mais ne sera jamais exercé au sens propre du mot, jusqu’en 1848, par le biais des suffrages censitaires permettant le gouvernement des notables, on dira plus tard des « bourgeois ».

Tout un mouvement est né des écrivains des Lumières, pour augmenter peu à peu le nombre des électeurs, surtout sous la Restauration. Il ne faut pas auparavant qualifier de système démocratique les élections des membres des États Généraux en raison de l’existence de deux Ordres aux effectifs très réduits, par rapport à un autre immensément majoritaire mais dont les représentants sont élus par une toute petite minorité dans ce Tiers État, et souvent, proches par leur fortune au moins de l’ordre de la Noblesse ce qui ne changera que très peu un demi-siècle après. En 1789, on établit un système d’élections plus ou moins imité des précédents remontant à … 1614 pour les États Généraux de cette époque.

On est donc resté jusqu’en 1848 au suffrage dit censitaire partant du principe, après tout défendable, que ce sont ceux qui acquittent le plus d’impôts qui doivent décider de la conduite de l’Etat au moins par le budget, élément nécessaire de la marche de cet état.

On discuta du montant de ce cens électoral assorti d’ailleurs d’autres conditions, d’âge notamment, à de nombreuses reprises à la Chambre des députés.

Le montant de l’imposition pour être électeurs, était en 1815 de 300 f (Or bien entendu) et de 25 ans d’âge, avec de nombreux textes en 1817, 1820, et également un système à deux degrés.

On a calculé, qu’en 1830 sur l’ensemble de la France , il y avait 90.878 électeurs payant plus de 300 f de contributions, pour une population de l’ordre de 23.000.000 d’habitants, soit quelque 0,25%.

Après la chute de la Restauration , sous la pression de la bourgeoisie montante et la révolution industrielle naissante, le système représentatif se libéralise et on autorise déjà l’élection des conseillers municipaux parmi lesquels le Préfet choisit Maire et adjoints.

Il y eut des délibérations orageuses à la Chambre , sur ce que l’on nommait les « capacitaires », c’est-à-dire les couches instruites de la population qui ne payaient pas ces 300 f d’impôts mais jouaient un rôle important dans la société. Il faut y ranger les professions libérales, les professeurs de lycée ou de faculté, les officiers sans fortune, les fonctionnaires importants. Notre époque a beaucoup de peine à comprendre cette exclusion il faut l’avouer, mais il faut la tempérer par le fait que peut-être hors l’armée, toutes les études au delà du primaire, et encore, restaient à la charge des parents donc les plus riches. Au surplus, on observe que les emplois du Ministère des Finances étaient soumis au versement d’un cautionnement préalable très important, remplaçant sous une autre forme atténuée, la vénalité des charges de l’Ancien Régime.

Après 1830, le cens électoral est modifié et abaissé à 200 f (Or, je le précise encore) d’imposition directe (contribution foncière, mobilière et patente) plus une place pour les capacitaires acquittant plus de 100 f . D’autre part, les députés devaient avoir au moins 30 ans et justifier de 500 f d’impôts.

Pour une chambre de 459 membres, il y aura en 1831 moins de 170.000 électeurs soit déjà presque le double de la période antérieure à la Révolution de 1830. Les électeurs principaux étaient 166.883 et les capacitaires seulement 3.000. Le pouvoir est bien ainsi aux mains des classes dirigeantes avec une différence dans l’unité du pays, réalisée efficacement par la Révolution et surtout Napoléon Ier, tandis que l’influence au moins visible du Clergé avait profondément diminué.

Ce phénomène est bien plus sensible d’ailleurs dans les régions rurales, notre arrondissement en est typique. Il n’en est pas de même dans les villes, Paris en tête bien évidemment ou Lyon dans notre province. La question sociale émerge vers 1830, avec l’influence certaine de la Garde Nationale dont la composition est faite dans ces villes d’artisans, commerçants, chefs d’atelier, employés ou autres. Ces catégories réclament des droits électoraux justifiés par leur fonction de gardiens de l’ordre.

Le système d’imposition était fait de telle façon que c’était la propriété foncière qui formait le socle du calcul des contributions. Or dans les villes les couches sociales montantes étaient peu touchées, la patente taxant l’activité industrielle n’avait qu’une importance limitée. Il faut souligner aussi que les députés n’étaient pas défrayés et supportaient les séjours au Parlement, avec de longs voyages, faute de communications rapides, celles-ci vont apparaître seulement vers ces années 1830 on le sait et l’arrivée du chemin de fer.

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Pour en revenir à notre histoire locale, j’ai analysé le document de 1845 pour cette 4e circonscription électorale.

Il est très bien rédigé, précédé d’une page de garde décorée, émanant de l’imprimerie lithographique Nublet, rue des jardins à Saint-Etienne, semblant différent du procédé d’imprimerie classique.

La liste est bien entendu établie par les services préfectoraux assistés de ceux du Trésor Public et par canton au nombre de sept, les trois autres de l’arrondissement votant dans une autre circonscription : Feurs-Chazelles et Saint-Galmier.

Celle en cause avec le chef-lieu du département et de l’arrondissement, comprend outre Montbrison, six autres cantons : St-Rambert – Boën – St-Bonnet-le-Château – St-Georges-en-Couzan – St-Jean-Soleymieux et Noirétable.

On la subdivise en quatre parties :

– les électeurs collégiaux.

– les membres du Jury d’Assises, mais non électeurs.

– une liste dite complémentaire pour les cantons n’atteignant pas un minimum de 50 électeurs collégiaux.

– une liste dite complémentaire et une liste de suppléants pour les élections du conseil général d’arrondissement.

 

Le total pour la révision 1845 – 1846 donne :

 

Canton

Electeurs

Jurés

Supp

Comp

Non électeurs

Boën

54

4

 

 

 

St Bonnet le Château

65

6

 

 

 

St Georges en Couzan

60

2

 

 

 

St Jean Soleymieux

32

1

10

17+10

 

Montbrison

140

19

6

 

 

Noirétable

44

 

3

3+10

3

St Rambert

51

 

1

 

5

Total

446

32

20

20+20

8

 

J’ai retrouvé dans l’annuaire de la Loire , publié sous l’égide du Préfet par Levet (Levet appartenant à une vieille famille montbrisonnaise qui possédait une partie du parc des Comtes du Forez jusqu’au XXe siècle), Conseiller de Préfecture et Secrétaire Général pour 1845, les listes de 1844 – 1845 donc un an avant, pour le département.

 

– Listes électorales et du Jury –

Electeurs-Jurés

1 er collège : St-Etienne 582 42

2° collège Saint-Chamond 607 22

3° collège Feurs 332 22

4° collège Montbrison 403 46

5° collège Roanne 481 40

Total 2 405 172

On y ajoute 13 membres au total pour les listes complémentaires d’élections au conseil général d’arrondissement et une liste complémentaire de 84 membres.

Ces listes sont sanctionnées par un arrêté préfectoral, en l’espèce le 14 août 1845, prescrivant leur affichage dans les communes de plus de 600 habitants. Les voies de recours sont également indiquées.

Elle se présente en diverses colonnes avec les nom, domicile, âge et qualité, la Perception intéressée, le détail des contributions directes, soit la contribution foncière, la cote mobilière, l’impôt des portes et fenêtres (cet impôt établi sous le Directoire et basé effectivement sur le nombre de portes et fenêtres des immeubles urbains était une sorte d’impôt sur les « signes extérieurs de richesse » comme encore de nos jours. Il a été supprimé avant 1914), la patente, la taxe vicinale, le tout totalisé.

La seconde partie du document, réservée aux électeurs du Jury ne comporte que les nom, prénoms et qualité, avec l’âge et le domicile.

Il ne s’agit évidemment que des impositions directes d’un montant supérieur à 200 f « Or ». Elles existent encore de nos jours et sont les plus connues du grand public qui les acquittent annuellement en principe par versement au Trésor, sous le nom générique d’impôts locaux. Elles sont encore calculées sur des bases plus ou moins forfaitaires ressemblant presque à celles de 1845.

On a sans doute supprimé la taxe sur les portes et fenêtres et la taxe vicinale instituée dès avant 1789 pour remplacer la corvée des chemins, encore qu’elle ait été pratiquée jusqu’à notre époque.

Ces prélèvements fiscaux semblent dérisoires par rapport à ceux que nous connaissons depuis une cinquantaine d’années et la masse est tout à fait différente dans le budget de l’Etat : l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la C. S. G. , l’impôt sur la fortune n’existaient pas. Les impôts indirects se limitaient aux droits notamment sur les alcools et le tabac, mais la principale des ressources de l’Etat moderne, c’est-à-dire la T.V .A. n’a été instituée qu’après ces années 1950, jointe à la célèbre taxe sur les produits pétroliers, de loin la plus productive en pourcentage. Il y avait à cette époque un beaucoup plus grand nombre de Perceptions que de nos jours, la structure était encore intermédiaire entre le Receveur des Tailles de l’Ancien Régime et le fonctionnaire au sens actuel du mot. Ils étaient nommés après le versement d’une importante caution correspondant peu ou prou à l’achat des anciennes charges de la Monarchie. Cette caution remplacée par une assurance existe encore en théorie pour les titulaires actuels. La rémunération des agents des Finances était d’ailleurs au pourcentage des recettes ; il faudra attendre le XXe siècle pour que l’Etat garantisse un minimum avant le pourcentage.

Sur cet arrondissement de sept cantons, il y avait encore dix sept perceptions au lieu de cinq actuellement dont plusieurs menacées. On en voyait de très proches comme par exemple près de Montbrison : Chalain-le­-Comtal, Précieux et Mornand.

Les prélèvements sur le capital, toutes proportions gardées, étaient moins importants que de nos jours.

Pour faire une comparaison d’ordre plus général, on connaît grâce aux documents du Conseil Général, le montant des impôts dans le département en 1844. On y percevait 9.289.000 f . ainsi répartis :

– Contributions directes (celles servant précisément au seuil électoral) 4.155.000 f

– Contributions indirectes 2.315.000 f

– Produits de l’enregistrement (droits de mutation) 2.818.000 f

Cette somme de 4.155.000 f ramenée à l’habitant pour les 430.000 du recensement de 1841 donne 9 f 57 correspondant peut-être à 40 ou 50 f par foyer fiscal de 4 ou 5 personnes. Toute comparaison avec notre XXe ou XXIe siècle est à peu près impossible avec l’énorme différence des modes de vie, des techniques et l’imbroglio incompréhensible des signes monétaires passés du Franc Or dit germinal au Franc Poincaré, au Franc Pinay et enfin, dernier avatar encore pire, l’Euro !

Pour nous, citoyens de l’an 2000, les chiffres donnent le vertige, et même s’ils sont lassants, on peut en citer quelques uns. Les budgets conjugués des impôts et charges atteignent 3.000 milliards de nos Francs, soit 300.000 milliards de Francs Or avant 1914, alors que vers 1850, le budget de l’Etat était de l’ordre de 1 milliard, la progression relève de l’astronomie. Ce genre de calculs n’est que rarement évoqué dans les divers médias. Je cite souvent l’exemple : un instituteur honorablement payé touchait environ 100 francs Or par mois !

A cette époque, le Conseil Général de la Loire fixe à 1 f du moment le salaire journalier de l’ouvrier, pour les prestations en nature, équivalent lointain de notre SMIG, les très bons ouvriers atteignaient 2 ou 3 f , pour les journées de 10 heures sans congés ni avantages sociaux ! Je laisse au lecteur le calcul du revenu minimal de 7.300 f brut plus 30% de charges, sur quelques 220 jours de travail annuel, aboutissant à plus de 500 f par jour à comparer avec notre 1 f Or de 1845 … 2 ­

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La population de ce 4e arrondissement électoral répartie en 7 cantons compte 89 861 habitants en 1841, soit :

– Boën

13.023

– Montbrison

17.888

– St-Bonnet

16.252

– St-Georges

7.964

– St-Jean Sol.

10.125

– Noirétable

8.321

– Saint-Rambert

16.288

2 En l’année 2000, le produit intérieur brut de la France (P. I. B.) était de l’ordre de 9.200 milliards de francs. Le budget de l’Etat et des collectivités locales de 4.866. Les prélèvements sociaux sont de 4.160. Dans les recettes de l’Etat, les recettes sur le revenu rapportent 360 milliards, les taxes indirectes 1.147 et celui des sociétés 296. La T. V. A. et la T. I. P. P. représentent plus de la moitié. Ces chiffres sont à méditer lorsque l’on sait que la part de la taxation sur les carburants est de 5 à 600% du prix ; que penser de notre fameuse gabelle si décriée ?

A titre anecdotique, le budget de la ville de Montbrison était en 1999 de l’ordre de 200 millions de francs pour 15.000 habitants. En 1789, les frais de Ville correspondant à ce budget étaient de 1.573 livres ….

Ce territoire groupant 99 communes, lesquelles n’ont subi que peu de modifications en un siècle et demi. Aux années 1950, on a détaché du canton de Boën, quatre communes proches de Feurs en les rattachant à ce chef-lieu : Nervieux – Cleppé – Mizérieux et Poncins, tandis que Saint-Thomas-la-Garde rejoignait Montbrison détaché de Saint-Jean-Soleymieux.

ANALYSE DE L’ ELECTORAT PAR CANTON

Plus au moins arbitrairement, j’ai divisé ces électeurs, en quatre catégories :

1) – ceux acquittant de 200 à 500 f de cote

2) – de 500 à 1.000 f

3) – de 1.000 à 2.000 f

4) – plus de 2.000 f

C’est-à-dire une ouverture de 1 à 10 dans ces 446 électeurs totaux sur une population de plus de 80.000 habitants, quelque 18.000 foyers et 9.000 hommes puisqu’il n’était pas question de suffrage féminin, chiffre que l’on retrouvera d’ailleurs après l’instauration du suffrage universel de 1848.

 

CANTON DE BOËN

Il s’étendait entre la Loire et la côte des Monts du Forez sur plus de 28.000 ha avec 13.023 habitants et 54 électeurs outre une liste complémentaire de 4. J’ai noté qu’il avait été amputé de quatre communes en bordure de la Loire , après les années 1945.

 

De 200 à 500 f :

On compte 44 électeurs s’échelonnant de 211 à 448 f avec une moyenne de 300 f environ, en un total de 13.000 f environ pour 44 personnes.

La plupart du temps, la seule qualification est celle de « propriétaire » à laquelle on ajoute un titre de titulaire de fonction élective ou de profession libérale. Dans le fil de la liste, la plus connue est Marguerite (sic) Campredon de Gouttelas, officier de la Légion d’Honneur, rentier en ce château, ce personnage n’a acquitté que 632 f d’impôts alors qu’il avait une grosse fortune au moins en mobilier et objets d’art ; Dessagne, adjoint au Maire de Trelins, Jean-­Louis Jacquet, suppléant du Juge de Paix à Saint-Etienne-le-Molard (à cette époque et jusqu’à la seconde guerre, le Juge de Paix fonctionnaire était assisté d’un notable désigné par son aptitude pour le suppléer : notaire par exemple ou ancien fonctionnaire), très probablement l’ancêtre de Michel Jacquet, député de la Loire aux années 1960 ; Claude Labrosse qui possède une rue à Boën est qualifié de notaire, Jean Laurent est adjoint au Maire de Sainte-Agathe ; François Mondon est avocat et Maire de Marcilly ; Jean Reboux est Maire de Saint-Laurent-Rochefort. Il y a encore Chazelle à Domois, Juge de Paix à Ailleux, qui n’est autre que l’ancêtre du premier Secrétaire de La Diana , Vincent Durand. Vincent Coupat est notaire à Saint-­Laurent, de Puy Pagnon. Il n’y a aucune mention de qualification de commerçant ou artisan.

De 500 à 1.000 f d’imposition :

Ils ne sont que trois, pour 1.754 f d’ensemble et des contributions entre 516 et 526 f .

On retrouve un Coupat, Maire de l’Hôpital-sous-Rochefort et sans doute frère du Notaire. Plus étonnant par la modicité de la taxation à 613 f de Louis de Chabert, rentier à Boën mais propriétaire du grand château de cette Commune, qui l’a acquis et entièrement rénové. Nous trouvons encore Jean-Claude Rivière-Fay qui est Maire de Boën et acquitte 626 f , pour clore cette catégorie.

De 1.000 à 2.000 f :

On en compte quatre dont deux au moins sont désignés en tant que notables : Dumont Claude, Maire de Bussy-Albieux, imposé à 1.269 f ; Philippe de Fontanes (on ne relie pas cette vieille famille vers Boën car elle est originaire du Jarez, région de Pélussin ou Monts du Lyonnais) à Sainte-Foy-Saint-Sulpice, rentier sur Nervieux principalement, pour 1.329 f ; Dutreyve de Saint Sauveur, Maire de Sainte Agathe-la-Bouteresse, pour 1.359 f (qui n’est autre que l’ancien propriétaire de l’Abbaye de Bonlieu vendue au moment de la Révolution à un grand bourgeois de Saint-Etienne) ; le Percepteur Picon à Leigneux, imposé à 1.054 f , a moins laissé de trace ; enfin Antoine Puy ­Pagnon de Boën, propriétaire et 1.098 f d’imposition ; il faut peut-être le rattacher à la famille des notables de la région de Saint-Georges-en-Couzan ou aux anciens minotiers de Montbrison. Le total est de 6.109 f d’imposition pour les quatre.

Au delà de 2.000 f :

On en trouve seulement trois, tous de grands propriétaires dont deux aristocrates. Le plus riche est Charles Simon-Quirielle ou de Quirielle, possesseur du château de Say à Marcilly dont la famille le détient encore de nos jours. Il paie 3.172 f de contributions. Il est suivi de Camille Meaudre de Nervieux, Conseiller Général, cette famille avait un grand château, à l’orée du bourg, conservé par elle jusqu’au années 1950 je crois. Enfin Jean Roche à Trelins, imposé pour 2.401 f . Ce patronyme est très répandu dans le secteur et encore dans la commune, avec probablement un ancien Conseiller Général du canton.

Ces trois personnes représentent 8.325 f d’impôts, près de 40%, sur quelques 20.000 f pour les 54 votants, alors qu’il y en aura 2.867 lors de l’instauration du suffrage universel en 1848 !

La lecture de ces imposés donne lieu à beaucoup d’interrogations. Tout d’abord on ne trouve dans ce canton de 13.000 habitants avec un petit chef-lieu de 1.600, que cinq imposés à la Patente (notre Taxe Professionnelle frappant commerces et industrie) dont trois à Boën, avec l’aristocrate propriétaire du château, un à Saint-Agathe et un à Trelins. Le total est seulement de 183 f . Faut-il supposer que le grand nombre des artisans ou commerçants se situait au dessous de la limite de 200 f , ce qui semble un peu étonnant.

Ensuite sur les seize communes intéressées, on découvre de larges omissions et peu de cohérence, par rapport à l’étendue du territoire.

C’est ainsi qu’à Nervieux, vaste commune de près de 2 000 ha. et de 8 à 900 habitants, il n’y a que trois votants et quatre à l’Hôpital-sous-Rochefort de 115 ha. et 300 habitants. Sur la première, on trouve bien Monsieur Meaudre (de Sugny) mais pas un seul cotisant pour les immenses propriétés foncières de la famille Palluat de Besset déjà implanté au château de la Salle à cette époque. Il en est de même sur Arthun où il n’y a pas un seul électeur taxé à plus de 200 f . Or la grande propriété de la famille de Neufbourg, largement connue à La Diana , était aussi présente au château de Beauvoir (entièrement réhabilité par ses derniers propriétaires après la mort de Monsieur de Neufbourg).

On peut multiplier les exemples ; le plus curieux est l’absence de la famille de la Bâtie , propriétaire du château qui était flanqué pourtant de plus de 250 ha alentours.

Sur la partie plaine, on trouve aussi l’absence de contribuables, sur Montverdun ou Marcilly le Châtel, notamment autour du château de Chabet ; le seul électeur avec Simon (de) Quirielle est le sieur Mondon qualifié d’Avocat et Maire.

Ces discordances sont étranges ; il était possible, je pense, de se domicilier ailleurs pour les listes comme de nos jours en distinguant résidence principale ou secondaire. C’est fort possible pour les Palluat, grande fortune minière de Saint-­Etienne, ce l’est moins pour la famille de la Bâtie , le mystère demeure.

Avec les électeurs à la Chambre , on énumère également les membres du Jury, que l’on qualifie de « capacitaires ». Boën compte trois membres du Jury. Dans la 4° catégorie intitulée « Docteurs en médecine, licencié des facultés de droits, sciences et lettres, Membres de l’Institut (sic) et Sociétés Savantes », il y a trois médecins (Puy, Rousset et Lenfant) correspondant presque curieusement autant en proportion que de nos jours pour une population double où l’on dénombre sept ou huit !

A la liste du Jury, on ajoute un notaire, le sieur Pauche, à Nervieux. Cette liste de Jury – non électeur, précisons-le, comporte bien plus de professions libérales que celle des électeurs. Les patronymes de 1845 se retrouvent pratiquement tous de nos jours dans le secteur à l’exception des propriétaires de grands domaines qui ont disparu. On ne trouve que cinq imposés à la patente, comme je l’ai déjà mentionné, et sans aucune profession désignées autres que propriétaires, y compris Monsieur de Chabert, propriétaire du château. Il est probable que lui et les autres avaient des moulins sur la rivière, cette industrie étant d’une façon générale, à cette époque, la grande base de cet impôt.

 

CANTON DE SAINT-BONNET-LE-CHÂTEAU

On est dans la montagne ouest du Forez, dans un secteur différent de Boën plus tendu vers la plaine. Il compte dix communes seulement sur près de 19.000 ha. et 16.252 habitants en 1841. La répartition territoriale est assez incohérente avec un chef-lieu de 187 ha . en étendue et, une commune du plateau de plus de 4.000 ha . (Usson), avec une population supérieure également de l’ordre de 3.700 âmes au lieu de 2.100 à Saint-Bonnet. La caractéristique de ce canton a été son dépeuplement massif à notre siècle puisque la population a diminué de 70% notamment Usson qui ne compte plus que 1.250 habitants.

On y dénombrera 65 électeurs dont la cote dépasse les 200 f . Il y en aura 2.649 en 1848 ….

 

Électeurs entre 200 et 500 f :

Ils sont 58 de loin les plus nombreux, s’étalant de 208 à 479 f , pour un total voisin de 14.500 f et une moyenne de 250 f environ. Les deux communes de Saint-­Bonnet et Usson ont plus de la moitié de ces contribuables et Usson a 16 électeurs contre 10 à Saint-Bonnet. Sur le chef-lieu, réputé déjà « industriel » et commerçant, on rencontre, le Notaire Buhet, le Juge de Paix Baleyguier, un avocat de même nom, le médecin Berthet, plusieurs négociants et un serrurier seulement, alors que la ville en vivait. Il y a également des négociants à Usson dont un marchand de bestiaux, Chouvelon, le Notaire Vissaguet à Estivareilles. Il y avait à cette époque cinq notaires dans ce canton. Il reste une étude d’associés. On retient deux Maires, Grillet à Apinac et Faure à Saint-Hilaire. La plupart des électeurs sont qualifiés de propriétaires mais il y a un meunier et un cultivateur, non désignés comme propriétaires.

Entre 500 et 1.000 f :

Il y en a sept, tous négociants ou propriétaires à Saint-Bonnet, Usson, Estivareilles et le Maire Simand de Saint-Maurice. Plusieurs de ces électeurs ont laissé des noms connus plus tard : la famille Blanc par Pierre Blanc­ Brioude, 974 f , dans les affaires, Poncetton, 758 f , dans le barreau ou Bouchetal Laroche, 919 f , Maire de Saint-­Bonnet, et Rony Louis, notable, 827 f .

Au delà de 1.000 f :

Il s’agit de l’unique plus gros contribuable de Saint Bonnet en la personne de Jean Avril, négociant imposé pour 1829 f . sur trois perceptions : Usson, Périgneux et Saint Bonnet. Cette famille va également essaimer plus tard dans les offices ou le commerce.

Malgré la fantaisie paraissant régner dans la confection des rôles de patente, il fait remarquer que le caractère industriel, au sens de l’artisanat de la petite métallurgie, sur la région se manifeste avec dix neuf imposés acquittant près de 900 f au total, chiffre à comparer avec le secteur de Boën où il y en a trois pour 180 f . Le plus imposé ( 106 f ) est le sieur Avril, lui-même le plus haut contribuable du lieu. La grande majorité à l’exception d’un marchand de bestiaux est intitulé négociant, propriétaire ou serrurier.

On observe qu’il n’y a aucun grand propriétaire foncier comme il y en a beaucoup en plaine, c’est une caractéristique de la montagne de Forez où la terre reste aux mains des ruraux.

La liste du Jury est intéressante pour l’organisation sociale du pays. On y inscrit dans une catégorie de « fonctionnaires nommés par le Roi à des fonctions gratuites » deux adjoints à Usson et un suppléant de Juge de Paix ; dans celle des « Officiers ayant plus de 1.200 f de pension », Jean-Claude Allamand de Saint-Bonnet qui avait 73 ans ; dans la catégorie des diplômés, deux « licenciés en droit », Barjon et Jean Avril d’Usson et Saint-Bonnet, sans profession indiquée (chiffre remarquable en 1845 pour un chef-lieu de canton écarté).

Les soixante cinq électeurs paient ensemble 23.842 f d’impôts dont 1.829 pour le seul sieur Avril, 4.541 les imposés entre 500 et 1.000 f , 17.422 les autres.

On peut faire quelques remarques sur les impositions ; Monsieur Avril le plus important avec ses 1.813 f paie à lui seul autour de 8% des 65 imposés électeurs, répartis ainsi :

– 17.472 f pour les 58 entre 200 et 500 f

– 4.541 f pour les six entre 500 et 1.000 f

Soit le total de 23.842 f . Une recherche des impositions totales du canton serait possible peut-être mais infiniment longue. En raisonnant sur quelques 4 000 foyers fiscaux à 50 f l’un, on obtiendrait 200.000 f ; de la sorte, les 65 plus gros contribuables paient plus de 10% alors qu’ils représentent moins de 1,5%. Il est vrai qu’à cette époque, nul ne connaît, même de loin, les revenus réels. On peut penser néanmoins que les « riches » n’étaient pas si bien traités par l’administration.

Autre observation, la liste des noms patronymiques de 1845 se retrouve en plus grande partie, si l’on en croit un rapide sondage à travers l’annuaire du téléphone : les Blanc, les Faure, Chatain, Chouvelon, Gagnaire, Carret, Rochette, Simand, Reymondon, etc… se retrouvent encore. Par contre, des notables sauf Avril encore nombreux ont disparu pour Saint-Etienne ou ailleurs : Baleyguier, Buhet, Poncetton, Rony, Vissaguet.

 

 

 

CANTON DE SAINT-GEORGES-EN-COUZAN

Cette région de la montagne du Forez, est très vaste, peu peuplée, artificiellement découpée lors de la création des départements avec le point culminant de celui-ci, elle est isolée et pauvre.

En 1845, elle regroupe neuf communes pour seulement 7.964 habitants sur plus de 20.000 hectares de superficie, à comparer avec le secteur de Saint-Bonnet qui a le double d’habitants avec une surface moindre.

Là aussi, en un siècle et demi, la population a chuté de plus de la moitié puisqu’il n’y a plus sur ces neuf territoires que 3.830 habitants (1999). Il y avait 1.957 habitants à Saint-Bonnet-le-Courreau, plus de 1.100 à Chalmazel et Saint-Georges, chef-lieu théorique. Curieusement Sail-sous-Couzan, dans la partie un peu plate, n’était pas devenue « cité industrielle » au XXe siècle pour disparaître d’ailleurs aux années 1980.

Les caractéristiques de cette région montagneuse se retrouvent dans la répartition des contributions.

Il n’y a en effet que 60 électeurs, dont seulement trois dépassent le cap des 500 f , l’imposition globale de 18.272 f pour environ 2.000 foyers impliquant une imposition moyenne très faible à la charge des moins imposés.

En effet, il n’y a qu’un seul contribuable acquittant plus de 2.000 f de cote ( 2.415 f ), en l’espèce d’un sieur Antoine Picon 3 de Sail, dont le nom est étranger à la commune et possède d’ailleurs ses biens à Nervieux et Saint-Sixte. Ce nom ne paraît pas avoir laissé de trace à Sail. Il aurait habité une grande maison bourgeoise proche de la route de Palogneux. Il n’y a aucun imposé entre 1.000 et 2.000 f ,

3 M. Prajalas, membre de la Société et auteur de recherches sur Sail-sous-Couzan, m’a précisé que ce plus gros contribuable aurait vendu en 1863, les bâtiments de la Société des Eaux minérales. Cet Antoine Picon se domiciliait à Leigneux, où l’on trouve un autre Picon, percepteur. Etait-ce Antoine pourtant né en 1788, vendeur en 1863 ?

celle de 500 à 1.000 f , un sieur Grange à Saint-Georges-en-Couzan et un Rondel de Saint­-Bonnet-le-Courreau.

Par contre, il y a cinquante sept noms entre 200 et 500 f avec une moyenne de 260 f .

Dans cette catégorie la longue kyrielle des « propriétaires » flanqués parfois d’une étiquette de notable local. Il en est ainsi pour Duchamp Maire de Saint-Just-en­-Bas, Mollen de Palogneux et Rimaud, Maire de Sail. C’est l’auteur d’un médecin de Montbrison ou lui-même connu au XIXe par ses écrits sur les sources. La famille n’en possédait cependant pas à Sail. Il y a un ancien notaire Bourge à Saint-Georges, le sieur Roue, Conseiller d’arrondissement à Sauvain et le percepteur Cisterne, au nom peu connu dans la région de Sail.

On trouve sur ce canton neuf contribuables inscrits à la patente, pour un total de 268 f . A l’exception de Bourge, meunier de son état, et fort curieusement le Percepteur Cisterne 4 susnommé ( 32 f ), tous sont des « propriétaires », avec en tête le sieur Rimaud.

En ce qui concerne les patronymes, on retrouve de nos jours la presque totalité des noms de 1845, sans doute en raison du caractère rural encore marqué avec la présence d’exploitants de ferme, bien moins nombreux mais présents. Ces noms sont tous répandus en Forez : Combe – Laurendon et Laurent – Murat – Chambon – Guillot – Grange – Rondel – Chazelle et Cellier. Par contre le plus notable, Rimaud, a disparu pour Montbrison et le percepteur Cisterne… ou encore le plus imposé Picon.

On ne mentionne pas Monsieur de Talaru, l’unique aristocrate du canton, propriétaire du château féodal de Chalmazel et de vastes forêts. Il est vrai qu’il était domicilié ailleurs. La propriété a été donnée aux religieuses Saint ­Joseph en 1850 pour y tenir un hospice.

4 Selon la même source de notre confrère, les Cisterne étaient, en 1865, des hôteliers du lieu installés dans une partie des bâtiments de l’ancien Prieuré bénédictin abandonné à la Révolution.

Il n’y a sur ce canton que deux « capacitaires » à la liste de Jury, le médecin Reynaud à Saint-Bonnet-le-Courreau, où cette profession disparaîtra longtemps jusqu’aux années 1980 et le notaire Coiffet également sur cette commune. Il y avait deux autres notaires, l’un à Chalmazel et l’autre à Saint-Georges (il en reste un seul à Saint-Georges) mais on n’en fait pas mention.

CANTON DE SAINT-JEAN-SOLEYMIEUX

Cette circonscription ressemble tout à fait à la précédente de par sa situation en côte et montagne s’étendant en ouest forézien sur plus de 10.000 ha. et une population en 1841 de 10.125 habitants, chutée elle aussi de plus de la moitié (à 4.373 en 1975) mais avec une commune de moins rattachée à Montbrison aux années 1950. Il s’agit de Saint-Thomas-la-Garde. Ce canton, à la différence de celui de Saint-Georges, paraissant irrémédiablement condamné, amorce une remontée par un repeuplement de ce que l’on nomme les « rurbains » à quelques kilomètres de Montbrison (5807 habitants en 1999).

Selon la liste il n’y a que 32 électeurs acquittant plus de 200 f d’impôts. Cette circonstance a nécessité selon la loi électorale une liste complémentaire de 18 inscrits car le minimum par canton est de 50 ; en fait 17 seulement en comptant sans doute l’unique capacitaire en la personne de Jean Robert, Notaire et Maire de Saint-Jean-Soleymieux. Ce Notaire est la tige d’une petite dynastie politique locale, terminée avec le Sénateur Robert qui vivait encore à notre époque, à la fois à Montbrison et Saint-Jean-Soleymieux où réside encore sa famille collatérale.

La liste complémentaire va de 122 f à 188 f d’imposition et, comprend trois Maires de douze communes : Chazelles-sur-Lavieu, Luriecq et Gumières, preuve que ce secteur était véritablement pauvre.

 

Entre 200 et 500 f :

On trouve vingt six contribuables entre 200 et 500 f , pour un total de quelque 7.600 f avec une moyenne de 292 f . Comme ailleurs, la plupart sont qualifiés de propriétaires mais avec plus de mention de profession que sur Saint­-Georges. On y trouve le notaire Avril de Soleymieux, l’arpenteur Bealem de Saint-Thomas, deux meuniers : Bergeron à Chenereilles et Begon à Boisset Saint-Priest. Le Juge de Paix de Saint-Jean, Bouvier et son suppléant, Morel à Margerie Chantagret. On mentionne aussi deux Maires, Pierre Faure à la Chapelle et Lombardin à Saint­ Thomas la Garde. On repère un nom peu connu, Gustave Dobler, pour 366 f , ancien négociant à Lyon, propriétaire du beau château de Chenereilles advenu au 20 e siècle à la famille d’Assier.

Entre 500 et 1.000 f :

Il y a quatre électeurs, Jourjon à Saint Thomas, propriétaire du château de La Garde , Montet à Montarcher, Collomb à la Chapelle et plus curieusement Courbon de Faubert, curé de Villefranche sur Saône domicilié à Marols et propriétaire sur cette commune du château de Chassagne et ancien curé de Saint Louis à Saint-Etienne. Ces Courbon, dispersés en nombreuses branches étaient et demeureront les grands propriétaires de forêts.

Plus de 1.000 f :

Un seul contribuable paie plus de 1.000 f de contribution ( 1 327 f ) en la personne d’Aimé Pierre Marie d’Assier à Marols, ancien Officier de la Maison du Roi. Il s’agit du seul membre de la noblesse et qui est encore représentée de nos jours.

Les patentables ne sont que quatre pour 97,14 f dont trois meuniers et l’arpenteur. Les patronymes communs à toute la montagne se retrouvent de nos jours, sauf par exemple, Bealem, l’arpenteur ou Dobler, le châtelain. Mais les Bayle, Berger, Bruyère, Bufferne, Lombardin, Surieux, Damon, Fréry, Rigaudon ou Brouillet, Montet sont encore représentés malgré les émigrations fort nombreuses, ne serait-ce que par curiosité, celle d’une famille Brouillet qui donnera naissance à l’Ambassadeur Brouillet, grand féal du Général de Gaulle.

 

CANTON DE MONTBRISON

Il s’agit certes du plus gros canton de ce secteur électoral encore chef-lieu du Département pour quelques années, cet arrondissement compte alors plus de 126.000 habitants. Les vingt communes de ce canton sur quelques 29.000 hectares ont en 1841, 17.888 âmes ; il y en a 26.600 de nos jours avec le rattachement de Saint-Thomas-la-Garde. La ville comptait encore plus de 7.000 habitants qui vont chuter avec le départ du chef-lieu, et descendre de 20% en quelques années à la fin de l’Empire, pour remonter sensiblement à notre époque.

C’est bien entendu à Montbrison qu’il y a le plus d’électeurs avec 140 votants et 19 sur la liste du Jury, ceci en raison du nombre important de membres des professions libérales liées au Tribunal, et de fonctionnaires de chef-lieu de Département, bien que fort restreint par rapport à l’explosion moderne de la Fonction Publique depuis un demi-siècle.

On peut comparer ces 140 électeurs sur 18.000 habitants avec le secteur de Saint-Jean, voisin où, pour 10.000 habitants, il n’y a que 32 électeurs, plus que du double en pourcentage, signe d’évidente richesse supposée. Le montant de l’impôt global de ces électeurs est d’environ 66.500 f , soit 475 f par foyer. On peut le comparer aussi à une moyenne de quelque 20 f seulement pour l’ensemble des habitants du canton.

Dans la répartition adoptée, sur ces 140 imposés au delà de 200 f , on compte : 99 entre 200 et 500 f , soit 70% environ acquittant un peu moins de 300 f en moyenne. De 500 à 1000 f , ils sont 21 pour presque 15.000 f ensemble et 760 f par foyer. De 1.000 à 2.000 f , ils sont 15 imposés pour 20.800 f environ, pour 1.300 f par électeur. Enfin quatre contribuables sur l’ensemble du canton et ses 18.000 habitants acquittent pour plus de 3.000 f en moyenne et un total de 13.500 f environ.

C’est ainsi qu’une vingtaine de contribuables seulement participent à la moitié environ de l’impôt global.

La richesse avant tout foncière, présentait certes des inégalités profondes surtout dans une région de plaine vouée aux grands domaines aristocratiques, mais il est aussi difficile de soutenir l’idée reçue que les « riches ne payaient pas » lorsque l’on compare la fourchette de 20 f à peu près pour l’immense majorité aux 3.000 f annuels de quatre contribuables.

Cotes de 200 à 500 f :

Sur la centaine d’imposés, on trouve certes la plus fréquente et majoritaire mention de propriétaire, mais sur Montbrison, la liste est plus instructive pour les professions commerciales, artisanales, fonctionnaires et libérales d’ailleurs souvent liées. On a une idée un peu moins floue de l’organisation sociale bien que nous ne connaissions que ces contribuables de plus de 200 f , et sans doute avec des revenus lointains de la réalité.

Parmi les artisans et commerçants, on trouve trois meuniers ce qui est normal avec le grand nombre de moulins sur la rivière, un tuilier, un ferblantier et le tanneur Hatier qui était assez riche pour payer 476 f et signe aussi de richesse un orfèvre, le sieur Berger taxé à 223 f .

Il y a par contre 27 fonctionnaires de l’Etat, ce qui est fort peu par rapport à notre époque, comme je l’ai dit, mais il est vrai que n’existaient pas les énormes ministères de l’Education ou de la Santé formant le plus clair de la fonction publique.

Il y a deux Officiers du 7e régiment de ligne basé à cette époque sur Montbrison, l’aristocratique Capitaine d’Argy et le chef de bataillon Faure, dont les propriétés étaient d’ailleurs dans l’Allier.

Le ministère des Finances est très représenté, par deux Percepteurs des Contributions Directes, Jacquet et Perrin. Leur Inspecteur est Micault de Vieuville dont la fortune est en Côtes du Nord.

Il y a deux Receveurs et un Directeur de l’Enregistrement, tous deux appelés Faure et dénommés Directeurs, ce qui est anormal car il n’y en a qu’un seul sur un département. Il y a aussi un Receveur, Philippe Portier, de la famille prolifique des Portier bien implantée à Montbrison. On mentionne aussi Pierre Richard de Laprade, fils de médecin et grand oncle de l’Académicien. Puis Claude de Quérezieux, à Verrières, de la non moins prolifique famille Dupuy avec quelques représentants dans l’industrie et lui-même Député conventionnel, ami de Javogues et poursuivi de ce fait par la suite.

Parmi les professions libérales judiciaires, qui étaient très nombreuses, on retrouve un seul notaire sur cinq : Martin, deux avoués : Rochat et Mejasson, deux avocats sur dix neuf (sic) dont deux Rony, le greffier du Tribunal, Vimal et un seul huissier : Goure. On peut noter le nombre très élevé de ces professions d’Avocat et d’Avoué, trente pour la ville, deux fois plus que de nos jours.

Il y a un géomètre en la personne de Godfin et un agent d’affaires du nom de Tobertin, patronyme peu connu en Forez. Un médecin en la personne de Balthazar Martel.

Parmi les autres représentants de l’Etat : le vice ­président du Tribunal Civil, Lambert, le Conseiller de Préfecture, Berger-Fillon, mais point le Préfet ou ses assistants directs, le Maître de Poste, Jean Baptiste Madinier ; on peut encore citer le conducteur des Ponts et Chaussées : Escaille-Girin.

En parcourant cette liste entre 200 et 500 f , on relève seize commerçants. Parmi les plus nombreux, les aubergistes cafetiers ou maître d’hôtel, un limonadier par exemple Poy-Tiphaine, ou encore trois épiciers, un confiseur, un liquoriste, un pâtissier mais pas un seul boulanger ou boucher, c’est peu pour cette ville, en s’interrogeant une fois de plus sur la valeur des taxations.

La plupart figurent à la liste des patentables qui sont une vingtaine pour seulement 1.650 f environ de produit global, parmi lesquels le meunier Blanc figure, à lui seul, pour 313 f et l’on ne sait pourquoi le Percepteur Perrin.

 

De 500 à 1 000 f :

Il y a vingt six noms, ce qui est beaucoup et marque de richesse des notables, acquittant à eux tous 18.000 f environ d’impôts. On y repère nombre de familles aristocratiques ou bourgeoises ayant laissé trace de leur nom et souvent pourvues de charges ou de fonctions, au delà de la seule mention de propriétaire. On peut citer: dans les propriétaires, Damien Battant de Pommerol, Monsieur Jean Baptiste d’Allard, bien connu à Montbrison, mais seulement taxé pour 868 f alors qu’il possédait une énorme fortune dont son hôtel particulier devenu le musée. Ces familles possédaient de belles maisons dont celle incluse dans l’Institution Victor de Laprade (de la Noërie ) ou un vaste hôtel particulier rue des Légouvé famille de Marcilly, Denis de la Noërie (en fait Noërie), Charles et François Chassain de Marcilly, Sauvade du Perret à Savigneux. Parmi les professions libérales ou fonctionnaires, le Juge Boudot et son frère, intitulés propriétaires, l’Avoué Bourrat et le Président du Tribunal, Désiré Lachèze, pour 913 f , dont le nom reste sur l’un des boulevards de Montbrison, le Juge de Paix, Sijean, deux Percepteurs, Reynaud et Darlempde, l’Avocat Dusser. On cite aussi Barthélemy Gonyn, grande famille de la Plaine et surtout Laurent Chavassieu pour 868 f dont la famille a joué ici un grand rôle au XIXe siècle.

Il y a également le sieur Vial, meunier à Essertines, 510 f , et plus curieusement le jardinier Chaul, pour 604 f .

Entre 1.000 et 2.000 f :

La richesse de ce canton est confirmée par quinze contribuables, dont le total des cotes atteint environ 21.000 f , soit 1.440 f en moyenne chacun. Le niveau social est le même que pour la série précédente et on y retrouve des membres des mêmes familles aristocratiques ou bourgeoises, liées comme on le sait.

Il y a deux conseillers de Préfecture (Les conseillers de Préfecture sont les adjoints du Préfet, mélangeant Secrétaire Général et Cabinet. Ils sont, à cette époque, recrutés par les affinités), Benoît Desarnaud, 1.066 f , Henry Levet, 1.195 f , dont le nom est resté au parc de ce nom, ancien domaine des Comtes, Joseph Barban, 1.186 f . Il y a un seul Juriste en la personne de Dulac, Avoué dont la famille conservera jusqu’à nos jours une grande maison sur le boulevard Lachèze, 1.611 f .

Les autres sont tous de grands propriétaires aristocratiques : Courbon de Saint-Genest loge dans le grand hôtel particulier devenu le parc de Montchenu et une maison diocésaine. Il avait, surtout dans le Pilat, une énorme fortune forestière ; Claude et Camille Durand, qualifié d’Avocats, 1.395 et 1.293 f , seront représentés jusqu’à nos jours et possédaient une vaste demeure rue Martin Bernard. Avec eux, tout le vieux quartier Saint Pierre, dont les de Saint Pulgent, 1.205 f , Chassain de Marcilly, 1.753 f , Battant de Pommerol à Chambéon, 1.820 f , De Meaux Régis à Savigneux, collatéral de notre Président, Gemier des Perichons qui eurent aussi la belle maison de la colline devenue propriété de l’Institution Victor de Laprade, La famille Roux de la Plagne à Saint Paul d’Uzore, 1.765 f , encore représentée. On trouve encore Antoine Rater, propriétaire du château de la Corée qui est un financier Lyonnais.

Plus de 2.000 f :

Ils ne sont que quatre mais paient 13.500 f d’impôts soit 20% de tous les électeurs, chiffre considérable. Ils font partie de l’aristocratie foncière et l’un d’entre eux est le Receveur Général des Finances (Le Receveur Général, issu de l’Ancien Régime est notre actuel Trésorier payeur général ; c’était et demeure un homme puissant), Richard de Soultrait dont la fortune taxée à 3.611 f semble dans la Nièvre. Le record est atteint avec Adolphe Murard de Saint Romain, propriétaire de la terre de Magneux, restée, bien que divisée, dans la même famille avec le château imposant de ce village, 4.895 f . Après lui, Gaspard de Vazelhes à Grézieux le Fromental, il est aussi qualifié de Juge au Tribunal et paie 2.375 f . Sa famille est encore représentée de nos jours. Par contre la famille de François Souchon du Chevallard, très ancienne lignée, taxée à 3.660 f , a disparu du Montbrisonnais.

La seconde partie de la liste, celle du Jury est beaucoup plus étoffée à Montbrison, de par sa population : il y a quatre officiers en retraite d’au moins 1.200 f de pension, somme considérable en 1845 surtout pour une retraite, tous Capitaines : Chavassieu d’Audebert (ce membre de la famille avait ajouté d’Audebert à son patronyme) ; il fait partie de cette famille déjà citée qui jouera un rôle important et dont le dernier léguera sa fortune aux Hospices ; Laurent Chavassieu, Député puis Sénateur. Dans ces officiers, un seul vétéran des guerres de la Révolution , François Latil âgé de 80 ans, les autres ont moins de 60 ans : Durret et Gérossier.

Dans la catégorie des diplômés, il y en a dix sept. On cite quatre docteurs en médecine, dont aucun n’acquitte 200 f d’impôts : Briard, Guigrand, Gérentet et Rey, ces deux derniers connus dans l’histoire locale, le premier avec la possession de domaines dans la Plaine , le second par ses écrits. A titre anecdotique, il n’y avait 100 ans après que six médecins. Par contre il y a abondance de licenciés en droit, due à la présence du Tribunal ou autres autorités. Ils sont dix sept, sans indication de profession, mais on retrouve des noms de familles imposées ici ou ailleurs : Avril, Bouvier (l’un d’eux fut Maire de Montbrison), Bourboulon, Delachaise (avocat), Faure, Lafay, Nermond et Portier. Les Notaires non imposés sont au nombre de deux : Chantemerle et Clairet, la ville en comptait cinq en tout.

En fin cette liste se clôt par des suppléants au Jury de six membres, tous magistrats ! trois Juges dont l’un de 81 ans et trois membres du Parquet.

On se demande comment ces listes étaient établies. En effet, on ne trouve aucun électeur sur les communes de Moingt alors existante et celle d’Ecotay l’Olme, ne serait-ce que pour la grande demeure de Quérezieux et son domaine appartenant depuis assez longtemps à la famille de Meaux, propriétaire déjà au XIXe siècle. Toutefois, Régis de Meaux, oncle de Camille de Meaux, était imposé à Savigneux au château de Merlieu, autre propriété de la famille.

Les patronymes à Montbrison sont forcément bien plus variés par l’importance du chef-lieu et son activité commerciale et publique générant une plus grande mobilité relative. Sur les 140 votants, j’ai retrouvé environ une trentaine de noms locaux parmi les plus fréquents existants encore. Par exemple : les Berger, Faure, Chambon, Dupuy, Griot, Morel, Peragut, Perrin, Drutel, Soleillant, Vial, etc…. Les noms des membres de la Fonction Publique ont évidemment disparu. Quant à ceux des riches familles locales, on les retrouve encore dans le secteur mais hors la ville avec ceux qui ont conservé des résidences. Toutes, à l’exception d’une seule, ont cédé au XXe siècle, voire avant, leurs grandes maisons de ville.

CANTON DE SAINT RAMBERT SUR LOIRE

Cette partie méridionale du Forez est presque aussi peuplée que le canton du chef-lieu du département. Il a près de 16.300 habitants sur quatorze communes s’étendant sur 22.000 ha . en gros. Déjà ce secteur est en progression démographique et il atteint de nos jours, malgré la réunion théorique d’Andrézieux au canton de Saint Galmier, le double de 1845. Cette partie du Forez, à l’orée des gorges de la Loire , s’étend davantage dans la Plaine fertile que sur les Monts du Forez.

Le montant des impositions est de 24.015 f , avec seulement 51 contribuables acquittant plus de 200 f d’impôts.

Entre 200 et 500 f :

Il y a trente sept imposés. La plus grande majorité figure certes sous la qualification habituelle de « propriétaire ». On repère cependant deux Maires : celui de Chambles, Bonnefond, imposé à 231 f , et celui de Boisset-­les-Montrond, le sieur de Rostaing, personnage tout à fait différent, descendant de la grande famille forézienne rendue célèbre par sa participation au siège de Lyon en 1793, 410 f de cote. On a un géomètre du nom de Matrat à Saint Marcellin, imposé à 268 f . Les meuniers qui sont, je le répète, les plus « riches » sont au nombre de trois : Duport à Saint Rambert, Jacod à Sury et Berthollet à Chambles. On a aussi trois commerçants ou artisans identifiés en la personne du boulanger Pinaud à Sury le Comtal, le cafetier Rolland et l’aubergiste Just à Saint-Just. On peut citer aussi Mellet Mendard imposé à 492 f dont le nom reste attaché à l’Hospice ainsi dénommé à Saint-Just en souvenir de la bienfaisance de cette famille qui était également constructeur de bateaux sur la Loire.

Sous le nom de propriétaire, on retrouve les Souchon du Chevallard au château d’Aubigny pour 438 f d’impôts.

Le montant total de ces trente sept personnes est 12.600 f ou 340 f en moyenne.

 

Entre 500 et 1.000 f :

On compte cinq électeurs pour un montant global de 3.431 f avec 700 f environ chacun. Il y a deux familles anciennes: les Battant de Pommerol à Saint Romain le Puy, où ils ont encore le beau château de la Bruyère ; par contre les Sagnard de Sasselange, propriétaire de celui de Veauchette, ont cédé leurs propriétés aux années 1980, où se sont installées diverses Associations ou la Commune , avec des destins contrastés.

Le Notaire Crozet Duplan, Maire de Saint-Rambert, est présent avec 501 f d’imposition et plusieurs autres membres de cette famille. On trouver aussi l’avocat Rony, de Périgneux, mais exerçant à Montbrison, et encore représentée de nos jours, 641 f de cote.

Au delà de 1.000 f :

Ce sont seulement trois familles aristocratiques et grands propriétaires fonciers, avec Jacques Jordan de Sury, le plus imposé de tous à Sury le Comtal au taux de 4.806 f soit à lui seul 20% de tout le canton, cette famille possède de nos jours le château de la commune. On voit également la famille de Mazenod, propriétaire encore de l’un des châteaux de Saint Marcellin, 1.587 f . La famille des Xavier Boyer du Montcel, imposée à 1.159 f , a disparu de la commune.

Pour les membre du Jury, il y a parmi les fonctionnaires du Roi, André Elbizet, adjoint à la Mairie sans aucune fonction, puis un Docteur en médecine : Bravard et dans la catégorie Notaire, trois : à Saint Rambert, Sury et Périgneux.

En ce qui concerne les patentés, il y en a seulement pour 437 f ensemble. Les meuniers traditionnels au nombre de trois, un aubergiste et un cabaretier, outre deux propriétaires plus un marchand. Il n’est nulle part question par exemple des transporteurs par bateau sur la Loire , pourtant cette activité en déclin déjà en 1845 occupait encore du monde à Saint Rambert.

Les patronymes ont beaucoup plus évolué sur ce canton par rapport à notre époque, en raison du brassage des populations avec Saint Etienne proche. On retrouve cependant les noms typiques de Barbier à Chambles, Bournat, Clavier, Rolland ou Couchet (lignée de Notaires à Périgneux. Il n’y a aucun nom à consonance étrangère.

 

CANTON DE NOIRETABLE

Perché au Nord Ouest de la circonscription, aux limites de l’Auvergne et même au delà du versant des Monts du Forez, ce canton de 15 755 ha . avait, en 1841, 8 300 habitants répartis en une dizaine de communes, territoire qui sera légèrement modifié avec la création d’une commune à La Chamba : la Chambonie et le détachement de Saint Thurin de l’arrondissement de Roanne. Sa population actuelle décimée par l’exode rural et la création de l’autoroute de Clermont est en 1999 de 4.007 habitants.

Bien que Noirétable forme un petit centre qui fut assez actif, après le presque abandon de Cervières, le nombre d’électeurs au dessus de 200 f d’imposition est seulement de quarante quatre d’où la nécessité de nommer six électeurs de plus pour arriver à la limite de cinquante.

Il n’y a même que huit électeurs dont l’impôt dépasse 500 f , cinq entre le minimum de 200 et 500 f , trois entre 1.000 et 2.000 f , aucun au delà.

Six contribuables paient entre eux 4.454f et trois, 4.438 f , tandis que les trente cinq autres acquittent globalement 9.603 f .

Entre 200 et 500 f :

On trouve deux médecins, Anet Beringer, 249 f , et Pierre Pastural à Saint Julien le Vêtre, 423 f , trois Maires en la personne de Bouchetal, 209 f , à la Valla , Dumas à Saint Priest la Vêtre , 420 f , et Trapeau à la Côte en Couzan, 207 f . Il y a aussi le Greffier de la Justice de Paix de Noirétable : Gros, 368 f . Un seul négociant du nom de Vimort et le meunier de Saint Jean : Bourganel.

Entre 500 à 1.000 f :

On décompte six électeurs, tous des notables au surplus grands propriétaires : Perdrigeon, Juge de Paix, 924 f , et son parent, le Notaire inscrit pour 761 f . Ils sont la tige de riches bourgeois alliés à l’aristocratie et existant encore jusqu’à une époque très récente. Il y a un Beringer, rentier, représentant d’une vieille famille de Cervières qui fut la « capitale » judiciaire du canton, 855 f . Encore un médecin du nom de Pastural à Noirétable, 763 f . A cet égard, on peut remarquer qu’outre les trois cités, il y avait deux autres médecins figurant dans la liste du Jury seulement, soit cinq, chiffre très important à cette époque, et plus qu’aujourd’hui. Il y a deux propriétaires en la personne de Charbonnier, famille encore représentée, et un sieur Janvier Jacques, patronyme non courant.

Plus de 1.000 f :

Il y a trois électeurs dont deux grands propriétaires fonciers de forêts : Gabriel Coste, notaire, propriétaire du château des Salles, 1.254 f , et les Dubessey de Villechaize, propriétaire, Maire de Saint-Julien, sont encore présents de nos jours tant aux Salles qu’à Noirétable. On note aussi curieusement dans la commune si éloignée de La Chamba qu’un nommé Georges Bertrand est inscrit pour 1.292 f mais payant surtout dans le Puy-de-Dôme à Job.

Dans la seconde partie de la liste au titre des membres du Jury, le chef de bataillon Antoine Vaillant (né en 1775) et encore un médecin, Rivelon, à Saint Didier, plus un officier de santé, Barge, à Noirétable.

Il y a encore trois électeurs dits complémentaires payant moins de 200 f et dix suppléants entre 116 et 167 f .

En 1845, il faut observer que Saint Didier-sous­-Rochefort avait près de 1.500 habitants contre 1.900 à Noirétable et que La Chamba La Chambonie en comptait 600 au lieu de 99 en l’an 2000.

Il n’y a que six imposés à la Patente dont le négociant Vimort, le meunier Bourganel, le Maire de Saint-Priest-la­-Vêtre, Dumas et plus curieusement Gros qui est le Greffier de la Justice de Paix, le total monte à 142 f seulement.

La plupart des patronymes rencontrés subsistent de nos jours : Bourganel, Bouchetal, Chaffal, Chossonery, Charbonnier, Essertel, Curtil, Trapeaux, Therre, Verdier, Roze et on note un Luzine, peut-être emprunté à un lieu-dit de Saint-Didier.

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Quels furent les résultats des votes de ces 446 électeurs en 1845 ?

Le 2 août 1845, le 4e arrondissement électoral séant à Montbrison sous la présidence de Monsieur Lachèze a 449 inscrits (et non 446 résultant de la liste) et seulement 256 votants soit moins de 60% des inscrits, de telle façon que l’on voit que quelque soit le mode de scrutin l’abstention règne.

Le candidat député sortant sera élu avec 249 voix et 4 à Monsieur d’Assier, ce scrutin ne semble pas très ouvert puisque Lachèze est reconduit avec la presque unanimité.

J’ai recherché pour étendre l’étude des résultats des autres circonscriptions :

1 ° – Saint-Etienne :

Monsieur Lanyer, député sortant est élu avec 325 voix sur 603 inscrits contre 184 à son opposant Royet. A titre comparatif, la ville de Saint-Etienne avait 48.500 habitants, sans compter les communes rattachées peu après : Valbenoite (6.702), Beaubrun (3.620), Montaud (3.573), Outre-Furan (3.862), soit plus de 64.000 habitants.

2° – Saint-Chamond :

Mathon de Fogere est élu au troisième tour avec 334 voix sur 630 inscrits, 552 votants au premier tour et 374 au troisième seulement contre Smith qui avait eu au départ 166 voix.

3° – Feurs :

Le vote est comparable à Montbrison où Monsieur du Rozier sortant est élu avec 179 voix sur 188, pour 351 inscrits.

4° – Roanne :

Il y a 531 inscrits et 476 votants, donc un vote ouvert nécessitant un second tour, où le baron Baude sortant est supplanté par Monsieur de Rainville avec 277 voix sur 475 et 186 au baron Baude.

On constate déjà que malgré le nombre de suffrages si restreints, les secteurs déjà urbanisés révèlent un aspect de poussée « démocratique » plus accentuée : Saint-Étienne, Saint-Chamond et Roanne tandis que sur Montbrison et Feurs, encore ruraux, triomphent les candidats officiels.

Également bien instructif, les premières élections au suffrage universel, trois ans après, lors de la Révolution de 1848 où le même secteur va passer de 446 à 17.551 électeurs, soit près de 40 fois plus, chiffre des votants publiés par le journal de Montbrison.

Le nombre des ces votants est de :

– Montbrison 3.428 au lieu de 140

– Boën 2.967 au lieu de 54

– Saint-Bonnet 2.649 au lieu de 66

– Saint-Georges 1.528 au lieu de 60

– Saint-Jean-Soleym. 1.756 au lieu de 32

– Noirétable 1.959 au lieu de 44

– Saint-Rambert 3.264 au lieu de 51

A l’Assemblée constituante de 1848, il y eut trois Montbrisonnais Républicains de la Ville et de ce secteur, Martin Bernard, Chavassieu Laurent et Etienne Baune ; curieusement, ces trois députés au fond assez éphémères, ont laissé leur nom à des rues, places ou boulevards.

Il en sera de même en 1849, la Loire aura même trois députés dits de la Montagne en leurs personnes, flanqués du modéré Levet et de Persigny, Bonapartiste dont on connaît plus tard le destin de Duc et Ministre de l’Empire.

Mon étude limitée peut s’arrêter là mais on peut comparer avec les dernières élections de l’année 2002, où le candidat Chossy représentant la majorité dite présidentielle aura dans ce secteur 64% des voix avec 92.000 inscrits et 50.000 votants, face au candidat socialiste. La tendance reste en gros identique à celle de 1846.

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Que conclure de ce long assemblage de chiffres fastidieux, ne reflétant que les banales constations des historiens, grands et petits, sur l’influence de cette classe sociale, éminemment ambiguë et diffuse, à la consonance variable avec les siècles et que l’on qualifie en bien ou en mal de bourgeoisie.

Ce qui a été souligné par Claude Latta dans son histoire de Montbrison est confirmé dans ce secteur électoral où moins de 500 personnes sur près de 90.000 habitants, représentent la Démocratie.

Pourtant si l’on compare ces données avec celles contenues dans une étude que j’avais publiée dans le bulletin de La Diana en 1996 sur l’imposition des Montbrisonnais en 1789, la Taille et Vingtième, nous constatons, à plus d’un siècle d’écart, une évolution dans le sens de l’égalité si ce n’est celui de la démocratie. Vaste sujet théorique, abstraction faite de la grandiloquence des Rhéteurs propre aux grandes épopées de l’histoire venant tout démolir, massacres à la clé. Les effets pervers ne ralentissent pas le choc et c’est ce qui se passera en 1789 et en 1848 au moins, voire en 1870.

La Révolution et surtout l’Empire avaient réalisé les réformes déjà en cours sous l’Ancien Régime mais dans l’incohérence d’une monarchie à bout de souffle, déjà à partir des États Provinciaux de 1787 dont l’influence un peu méconnue a été certaine. Les réformes ont en effet notamment aboli les fameux privilèges, sujets commodes de donneurs de leçons toujours à la mode de nos jours. En effet, une immense part de ces privilèges fiscaux ou autres avaient disparu.

Pour la seule ville de Montbrison et son canton, on retrouve une douzaine d’imposés à forte ou très forte cote qui sont tous descendants d’anciens privilégiés exempts de Taille en 1789, et sont des grands propriétaires fonciers dans la plaine : Chamboduc de Saint-Pulgent, Chassain de Marcilly, Courbon de Saint-Genest, d’Allard, Gemiers des Perichons, de Vazelhes, de Meaux, Leconte, Murard de Monteynard, Souchon du Chevallard, de Soultrait, Roux de la Plagne , leur imposition est de l’ordre de 22.000 f , le tiers de l’impôt total des 66.500 f des électeurs.

Cette douzaine de privilégiés, tous aristocrates, ne représentent pas l’ensemble, car selon la liste de 1789 ils figurent à Montbrison pour près de 100 sur 900 contribuables. En effet il faut y comprendre, les nombreux fonctionnaires du Roi ou assimilés, les Officiers de Justice, de Finances ou leurs subalternes, dans des proportions plus ou moins équivalentes. J’ai rappelé que la Capitation dont les privilégiés étaient frappés, atteignaient dans l’Intendance de Lyon 26% du contingent – 1 488 000 livres sur 4 871 000. Les privilégiés acquittaient aussi les frais de ville, ou budget communal, d’ailleurs minimes.

On ne retrouvera en 1845 à l’imitation de 1789 aucun membre du Clergé, ce qui est à souligner. On sait que ce Clergé était taxé avant la Révolution par un assez lourd impôt collectif, baptisé dans l’hypocrisie des Pouvoirs : don gratuit ! !

On peut dire aussi quelques mots sur le cheminement de la démocratie, outre le fait que l’âge électoral est de 25 ans, réservé aux hommes bien entendu et dont tous les domestiques sont exclus (plus de 150 à Montbrison soit 3% de la population)

Lors des États Généraux de 1789 date admise encore que sujette à caution comme celle de la naissance du suffrage universel, on sait que l’on vota par ordre : Noblesse, Clergé et Tiers Etat. Si les deux Ordres votaient par personne pour élire leurs délégués, le Tiers État, c’est-à­-dire au moins 95% de la population, élisait les délégués en cause, soit dans les campagnes à « son de cloche » et à raison de deux pour les paroisses de 200 feux ou moins, trois de 200 à 300 feux, ainsi de suite, soit dans les villes par les Corporations, et un système proportionnel à leur nombre.

Ce système parfaitement inégalitaire, d’autant qu’il était aussi assorti d’un cens de trois livres semble-t-il, se faisait par vote public à plusieurs degrés. Il avait d’ailleurs été calqué sur les Assemblées provinciales de 1787 prologue intelligent à la Révolution générant des réformes administratives qui commençaient à être mises en œuvre, et l’aurait sans doute évité.

Les élections de 1789 envoient à l’Assemblée constitutive des États Généraux, en mars 1789, 738 délégués du Tiers État, 135 membres du Clergé et 84 comparants pour la Noblesse (sur 150 membres environ). Le Tiers État décida de réduire ses délégués au quart pour je ne sais quelle raison, peut-être simplement de place à la chapelle des Pénitents. Une élection interne réduit le nombre à 186. L ‘ensemble des délégués fera la synthèse des 292 cahiers de doléances rédigés par les paroisses. Il y avait au seul Bailliage de Montbrison, sans compter celui de Bourg-Argental, 364 parcelles fiscales analogues en gros aux communes. Ces délégués élisent ensuite les députés, quatre pour le Tiers État et deux pour chacun des deux autres ordres, le tout dans un grand enthousiasme de consensus, dirions-nous de nos jours, enthousiasme qui ne durera guère.

La démocratie élective est encore utilisée en 1792 pour les élections à la Convention , avec deux avancées aux nuances démagogiques ; 1’abaissement du vote à 21 ans et la suppression du cens. Elles se firent à l’échelle non plus du Forez mais du nouveau département créé de Rhône et Loire avec 8.578 votants élisant 14 députés à la Convention. Il est manifeste que ces élections ont été faites sous la poussée des Montagnards en pleine période de troubles et avivées par l’invasion de la France , générant le grand mythe de la levée en masse, début des guerres incessantes jusqu’en 1815.

Au delà encore du sujet limité de cette étude locale, on peut s’interroger sur l’histoire et les destin du suffrage universel et son corollaire de la démocratie, sacralisée de nos jours.

La Révolution de 1848, après ces élections de 1845, va les enrichir de façon caractéristique, pour aboutir d’ailleurs dans l’habituel retour de l’histoire aux révoltes, massacres de Paris et l’arrivée du second Empire. Cet Empire va au contraire affaiblir cet élan, sauf peut-être avec la pratique des référendums remis à l’honneur de nos jours. Cette période sera paradoxalement l’une des plus brillantes périodes économiques en France. Elle aboutira, elle aussi, à un désastre en 1870 et la perte de l’Alsace Lorraine. Cette perte sera en grande partie génératrice des poussées nationalistes de 1870 à 1914 conduisant à cette affreuse guerre, voire à celle de 1939 ! ! !

Il n’en reste pas moins que l’interminable débat se poursuit avec les innombrables modifications des modes d’élection ou de forme de scrutins dans le sens ou non de la proportionnalité avec toutes les manipulations pour les prises de pouvoirs, tout en laissant le progrès social se poursuivre.

Cependant l’immense complexité de l’économie moderne allant croissant, entraîne une difficulté de jugement pour des « citoyens » tant nommés ou sollicités, avec la pression de ce que l’on a baptisé les médias, touchant une population plus instruite. Il y a sans cesse hésitation entre l’individualisme traduit au « café du commerce » et l’intérêt général qui devrait être amélioré par l’exercice de la démocratie et son corollaire du suffrage universel. Au surplus la recherche de l’honnêteté du vote a été poussée à un tel point de contrôle parfois ubuesque ; notamment le contrôle tatillon des dépenses de campagnes faisant annuler l’élection de personnalités souvent très connues, et dont l’électeur se désintéresse. La difficulté d’analyse est à son paroxysme. Enfin et encore plus haut dans une synthèse, n’oublions pas que le système démocratique est resté un emblème dans la majorité des pays du monde, rendant ainsi toute sa valeur à notre décision démocratique dans nos pays et provinces. Nous sommes loin des 449 votants de 1845 et j’en resterai là.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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