BD, Tome LXIV, PROJET DE 1691 POUR LE PONT A ROANNE, Communication de Monsieur Noël Gardon, pages 343 à 363, La Diana, 2005.

 

 

PROJET DE 1691 POUR LE PONT A ROANNE

 

Communication de Monsieur Noël Gardon

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Le pont de Roanne dans les écrits locaux

Pour aller de Lugdunum (Lyon), ou d’un Forum Segusiavorum (Feurs ou Saint-Symphorien-sur-Coise) à Rodumna (Roanne) il faut traverser la Loire. Les Romains construisirent-ils un pont à proximité de cette dernière ville ? Nul ne le sait. S’il y en eut un, les traces en ont complètement disparu parce que la Loire a depuis changé de lit aux abords de la ville, et que ses nombreux débordements n’ont pu qu’en emporter les fondements. Ce n’est qu’à partir de la fin du XVIe siècle que des éléments précis permettent de suivre l’évolution de l’idée de la création, puis de la réalisation, d’un tel ouvrage. Reliant rive droite et rive gauche du fleuve, prolongeant le grand chemin traversant le bourg de Roanne, c’est un passage fréquenté d’une des routes reliant l’océan Atlantique et la mer Méditerranée.

Plusieurs auteurs ont écrit sur l’histoire de Roanne. J’en retiendrai quatre qui se sont tout particulièrement intéressés aux constructions et reconstructions de ce pont. Le premier de ces auteurs est Alphonse Coste qui, dans la revue L’Ancien Forez de novembre 1884, signe un article (pages 265 à 270) intitulé Documents inédits relatifs à la construction du pont de bois de Roanne . L’essentiel de cet article est constitué par la publication d’un arrêt du Conseil, du 13 juin 1659 (référencé Arch. Nat. V. 6385), qui ordonne la remise en état du pont de Roanne.

Le deuxième est Francisque Pothier qui dans la revue Le Roannais Illustré, 2e série, 1885, pages 25 à 37, publie quelques lignes sur le Pont de Roanne . Dans cet article il fait un rapide survol de l’histoire des ponts sur la Loire à Roanne, puis il s’étend beaucoup sur l’inondation de 1790 et fait une présentation critique du pont de pierre. C’est, en fait, une reprise plus étendue de ce qu’il avait déjà dit, en 1868, dans son livre Roanne pendant la Révolution , pages 68 à 73.

Le troisième est le chanoine Reure qui, toujours dans la revue Le Roannais Illustré, mais dans la 7e série, pages 131 à 152 donne un article sur La ville de Roanne dans les Itinéraires et guides et dans les relations de voyage . Dans cet article, pages 136 et 137, se trouve l’État du pont de Roanne tel que l’a vu en 1668, l ‘ingénieur Ferdinand Seguin.

Enfin le quatrième est l’abbé Prajoux qui dans son ouvrage Roanne autrefois et aujourd’hui publié en 1921, parle du Pont de Roanne, aux pages 125 à 133, en faisant la synthèse des articles précédents.

D’autres écrivains ont écrit sur l’histoire de la ville de Roanne, de Guilhien à Gonindard en passant par Labouré ou l’abbé Canard, mais aucun de ceux que j’ai lus n’apporte d’éléments nouveaux à ce sujet.

 

Survol de l’histoire des ponts de Roanne

Pour résumer rapidement l’histoire de ces ponts il suffit de rappeler qu’en 1586, Jeanne de Cossé, veuve de Gilbert Gouffier, duc de Roannais, fait dresser les plans et établir les devis pour la construction d’un pont reliant les deux rives de la Loire à Roanne. On sait, qu’à cette époque, la Loire était à Roanne séparée en deux bras par une île. Le bras entre l’île et Roanne était le bras vif toute l’année, l’autre entre l’île et Le Coteau était à sec une partie de l’été. Après avoir intéressé la Cour à son projet celui-ci tourne court à la suite d’une inondation, extrêmement violente, survenue en septembre de cette année-là.

Quarante ans plus tard, en 1626, Christophe Marie Entrepreneur général des ponts de France reprend le projet. Les travaux commencent en 1630. Ils durent un peu moins de dix ans. Le 22 janvier 1641 une crue oblige à des réparations qui durent huit mois. Une nouvelle crue en 1643 entraîne de nouveaux travaux, le pont est quasiment entièrement remis à neuf et il est remis en service en 1645. En 1657 il est emmené par une nouvelle crue. Les Roannais découragés renoncent à leur pont, mais le Conseil du Roi, à Paris, prend une ordonnance pour imposer la reconstruction. Cette ordonnance reste lettre morte, et, en 1668, l ‘ingénieur Seguin constate que la partie du pont côté du Coteau est en très mauvais état, et que celle du côté de Roanne est entièrement ruinée.

Il semble que le pont ait alors été réparé. Il aurait servi pendant une dizaine d’années, mais de 1680 à 1750 il n’y eut plus qu’un bac à traille pour relier l’île à Roanne. A cette date un nouveau pont est construit et il résiste pendant 35 ans. En 1785 la partie de ce pont comprise entre l’île et le Coteau est endommagée. On la supprime, elle est remplacée par une levée de terre. En 1790 une inondation emporte le pont et détruit la levée. Un nouveau projet voit alors le jour, un pont de pierre est construit entre l’île et le Coteau, et une levée établie entre l’île et Roanne. La période révolutionnaire, les difficultés de l’opération, le manque de crédits font que les travaux ne sont terminés qu’en 1834. Depuis l’année précédente le lit de la Loire a été « rectifié » au moyen d’une digue de terre afin de faire passer le fleuve sous le pont de pierre.

Une des difficultés pour construire un pont de pierre est évidemment de pouvoir établir des fondations solides au fond de la rivière, sous le niveau de l’eau. On voit ici comment ce problème fut contourné : on construisit d’abord le pont sur le bras mort de la Loire , puis on détourna ensuite le fleuve pour le faire passer sous ce pont. Cependant cette technique obligeait à ne travailler que pendant les basses eaux, ce qui est un élément de plus pour expliquer la durée des travaux de construction.

Entre 1680 et 1750 il n’y a donc qu’un bac pour traverser la Loire à Roanne, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y eut pas des tentatives pour construire un pont. C’est de l’une d’elles dont on trouve la trace aux archives de l’armée, à Vincennes dans le registre des archives anciennes coté dans les années 1980 : Reg. A-1115, les pièces sont datées de janvier à mars 1691.

 

Projet du pont prévu en 1691

En 1690, M . Mathieu architecte ordinaire des bâtiments du Roy, commis par sa Majesté à la conduite et réception des ouvrages publics des Ponts et Chaussées des Généralités de Moulins, Lyon, Riom, partie d’Orléans et Bourges est chargé, par l’intendant de la Province de Lyonnais, Forez, Beaujolais, de faire les plans d’un pont sur la Loire à Roanne.

Cet architecte établit donc les plans et devis d’un tel ouvrage et en rend compte en mars 1691. Il a prévu un pont de pierre dans l’alignement de la grande rue de Roanne de l’époque et du pont de bois qui subsistait du côté du Coteau. Ce pont devait avoir 62 toises de long (environ 120 mètres ) 1 , il était composé de sept arches, celle du milieu ayant 8 toises, les deux adjacentes 7 toises et demie, les deux suivantes 7 toises et enfin les deux touchant les culées, chacune 6 toises. Les piles, assises sur pilotis, avaient 2 toises d’épaisseur, disons de largeur face au fleuve, sur 5 toises de corps, c’est-à-dire de longueur dans le sens du courant. Elles étaient protégées par des avant-becs tant à l’avant qu’à l’arrière, en forme d’éperon triangulaire. Le pont avait 15 pieds de haut (environ 5, 25 mètres ) 2 , ou environ, au niveau des culées et s’élevait à 21 pieds au milieu de l’arche centrale, au dessus des basses eaux estimées à une hauteur de 6 pieds environ.

La chaussée avait 5 toises de largeur (environ 9,50 m .), était pavée et bordée de parapets de 3 pieds 14 pouces de haut (environ 1,40 m ), protégés tous les 12 pieds par des bornes semi-cylindriques de 18 pouces de diamètre et dépassant la chaussée d’environ autant. Les pierres supérieures du parapet

1 La toise vaut 1, 9490 mètre .

2 Le pied vaut 0, 3418 mètre .

devaient être bombées à leur partie supérieure et reliées entre elles par un long fer plat chevillé sur chacune d’elles.

L’architecte explique qu’il n’a pas voulu donner une plus grande largeur aux piles pour ne pas obstruer le lit de la rivière, ni donner au pont une plus grande hauteur pour ne pas enterrer un grand nombre de maisons, vers les culées.

 

Raisons probables de l’avortement du projet

Ce projet n’eut apparemment pas de suite. Deux éléments semblent avoir influé sur son abandon. Le premier est le coût de l’opération ; en effet, dans les documents réunis figure un devis où le coût de la construction est réduit par rapport au devis initial par la réduction des batardeaux aux seules dimensions nécessaires lors des basses eaux, ce qui entraînait un moindre coût, mais engendrait des délais plus longs 3 .

Le second élément qui a pu faire abandonner le projet est la mort du duc de la Feuillade survenue subitement en septembre 1691. Le projet était en partie secret, il fallait sans doute le lui présenter dans de bonnes conditions, on sait que François d’Aubusson, comte de la Feuillade , maréchal de France, était un personnage important. Il retirait un bénéfice du bac et n’était peut-être pas hostile au projet du pont, et prêt à en financer une partie, sous réserve que ses intérêts soient sauvegardés.

Sept ans plus tard, en 1698, l ‘intendant d’Herbigny remarque que le rétablissement du pont de Roanne serait une chose utile. Dans son mémoire sur la Généralité de Lyon il écrit : Rien ne serait plus utile qu’un pont à Roanne. C’est un des plus grands passages du Royaume, souvent il est dangereux, même impraticable par les débordements de la

3 Les batardeaux sont les constructions provisoires faites pour contenir l’eau afin de permettre l’assèchement du fond de la rivière, aux endroits des piles, pendant l’établissement des fondations.

Loire, tant de provinces en profiteraient et devraient par conséquent y contribuer que la dépense quoique grande deviendrait imperceptible. On perçoit dans ces remarques la difficulté du financement que l’Intendant ne voudrait pas faire supporter à la seule Généralité de Lyon, ce qui en complique l’ordonnancement. Mais, apparemment, ce souhait resta alors au niveau des voeux pieux.

 

Un pont de bateaux en 1701

Au tout début du XVIIIe siècle, l’utilité de ce pont apparut encore plus nécessaire tant à l’intendant du Lyonnais, qu’au ministre de la guerre. Et, nécessité faisant loi, on établit un pont de bateaux ; c’est ce qui résulte d’une lettre adressée par d’Herbigny au ministre, elle est conservée dans le registre d’archives anciennes de l’armée, côté A – 1524 dont elle constitue la pièce 82, elle est datée du 5 mars 1701. Ce pont de bateaux avait été construit sur ordre de M. Danes Dinous, lieutenant d’artillerie au département de Lyonnais-Forez-Beaujolais, par ordre de la Cour , pour faciliter le passage des troupes, et celui de « Messeigneurs les Princes ». M. Danes Dinous venait souvent à Saint-­Etienne pour les épreuves des canons de fusils. Évidemment ce pont ne pouvait être que provisoire, mais il existait encore, semble-t-il, en 1702.

 

 

 

 

 

Pièces justificatives

 

Archives de l’armée, à Vincennes ; Reg. A – 1115

Pièce n° 70.

16 Janvier 1691

Devis des ouvrages à faire pour la construction d’un pont de pierre à faire à Roanne sur la rivière de Loire pour le passage de Paris à Lyon et description suivant ce qu’il sera ci-après dit.

Ledit pont sera fait à l’alignement de la grande rue de Roanne et du pont de bois du côté de Lyon à l’endroit de l’ancienne culée en la longueur de 62 toises entre deux culées composé de sept arches dont celle du milieu aura 8 toises, les deux à côté chacune sept toises et demi, encore sept toises les deux suivantes et les deux dernières attenantes les culées six toises, et de six piles de chacune deux toises d’épaisseur sur cinq toises de corps quarré le tout au dessus des retraites à la superficie des basses eaux de l’esté, de quinze pieds de haut depuis cette hauteur jusques sur le cordon à l’endroit desdites culées élevées de six pieds dans le milieu, plus les deux bouts pour la pente des eaux avec avant et arrière becqs de triangle esquivalent suivant les mesures plus précises des plans et élévations, et des matières, façons et qualités qui seront ci-après déclarées.

Seront faits tous les batardeaux nécessaires pour les fondations desdites piles et culées et murs en aisles autant solide qu’il conviendra. Composés de deux rang de pieux de six pieds de largeur hors oeuvres des longueurs suffisantes, de onze a douze pouces de grosseur en couronne restant de six pieds de hauteur au dessus des basses eaux d’esté pour soutenir les crues à l’idée de pouvoir travailler sans discontinuer. Lesquels pieux seront tous espacés de deux pieds et demi de milieu en milieu et ferrez s’il est besoin, d’un fer à quatre branches pesant, avec les clous, douze à quinze livres pour percer dans le tuf et bon terrain, d’environ six pieds de base, garnis de happes et planches d’esvantillemment 4 de deux pouces d’épaisseurs au moins lesquelles seront pareillement ferrées si besoin est d’un fer pesant quatre à cinq livres le tout battu à la sonnette au refus du mouton 5 principalement les pieux à force de quinze hommes,

4 Les planches d’esvantillement, sont des planches, ou palplanches pouvant servir de vannes. Elles sont généralement un peu plus épaisses que les 2 pouces indiqués ici, et ont environ 22 cm de large, et forment une cloison continue.

5 Le battage des pieux se faisait avec un marteau, ou mouton, d’environ 70kg levé par quatre hommes. La sonnette est un appareil qui permet de lever un mouton plus lourd, et de le guider dans sa descente. Plusieurs câbles servaient à hisser le mouton, chaque câble étant tiré par un homme. Une sonnette à 15 hommes correspond à un mouton de 200 kg environ. Le mouton était levé de un mètre environ, on battait les pieux par volée de 25 coups, dans la journée de 10 heures un atelier de 15 hommes battait 120 volées, soit 5 coups à la minute. On dit qu’il y a refus lorsque le pieu ne s’enfonce plus que de 5 mm par volée.

limendés 6 et entretoisés de deux cours de limendes l’une sur l’autre à fleur des basses eaux, et à un pied de leurs têtes contreventées 7 , et faire généralement tout ce qu’il conviendra pour les rendre bons et solides et seront ensuite vidés tous les sables, décombres et immondices jusque sur le bon et solide fond pour être rempli avec bon carroy 8 pétris et battus au pilon, et lattis de bois, en telle sorte que les eaux du dedans du dit batardeau puissent être étanchés pendant tout le temps qu’il conviendra, faire tous les pilotis et élever la maçonnerie à la hauteur des crues de la rivière observant néanmoins une largeur de neuf pieds depuis les pilotis jusqu’au premier rang de pieux intérieurs dudit batardeau pour y faire toutes les manoeuvres et poser tous les moulins 9 , chapelets 10 , basculles 11 , pompes, augets et autres machines propres a estancher les eaux et rendre place nette et à sec jusques sur le bon et solide fond ainsi qu’il est requis.

Lesdits batardeaux étant de la qualité ci-devant dite de la profondeur qu’il conviendra seront enfoncés tous les pieux des pilotis des longueurs nécessaires, de la largeur figurée et proportions cotées par les plans et élévations lesquels pieux seront de bon bois de chaine de buisson autant que faire se pourra, d’un droit fil et au moins un pied de grosseur en couronne 12 sans aubie 13 , des longueurs suffisantes, espacés tant plain que

6 Une limende est une planche longue et étroite.

7 Un contrevent, appelé aussi contre-fiche, est une pièce de bois inclinée qui relie le poinçon d’une charpente à une panne, ici les pieux aux limendes.

8 Quartiers de pierres, liés avec de l’argile.

9 Vis sans fin tournant à l’intérieur d’un cylindre et servant à remonter des sables et petites pierres.

10 Il s’agit ici de ce que nous appelons aujourd’hui noria .

11 Il peut y avoir ici deux sortes de bascules. La première est un engin permettant de lever une charge de pierres. C’est en fait un madrier pivotant autour d’un axe médian, à une extrémité il y a une espèce de panier que l’on charge, et que l’on monte en tirant sur l’autre extrémité. La seconde est une pièce de la sonnette qui permet de modifier la hauteur de levée du mouton ou d’en modifier la trajectoire.

12 En couronne c’est-à-dire en tête, en haut du pilotis. Les arbres sont enfoncés à l’envers, la différence entre la surface supérieure et la surface inférieure doit être de moins du tiers.

13 L’aubier est le bois jeune qui n’a pas acquis les propriétés et caractères du bois au coeur de l’arbre.

vide, bien affilez par les bouts et ferrés d’un fer à quatre branches 14 pesant avec le clou au moins quinze livres battus et enfoncés à la sonnette au refus du mouton tirée à force de vingt hommes, pesant environ six cents 15 , observant de commencer par les rangs de dehors 16 et continuer toujours en remplissage à plein et d’alignement suivant le plan de chacune pile, observer aussi que le rang qui recevra les racineaux 17 soit espacés de six en six pieds traversant la pile en large pour estre ensuite le tout bien recepez 18 à fleur du bon terrain de la profondeur dessus dite et de niveau tant en chacune pile et culée en particulier qu’en général, bien entendu que lesdicts rangs de pieux sur lesquels seront posés lesdits racineaux seront recepez de neuf pouces plus bas que tous les autres après quoi seront ôtées les terres et décombres que le battage d’iceux aura ébranlé et fait tomber le plus bas que faire se pourra pour y estre mis des cailloux de vigne ou gros gard 19 d’environ trois pouces de gros avec mortier de ciment enfoncés à la pince ou masse de fer.

Seront posés lesdits racineaux de six en six pieds sur lesdits pieux d’une seule pièce de bois de chacune portant douze à quatorze pouces de grosseur pour les mentonnières 20 sortant de quinze pouces hors le corps dudit piloti et neuf pouces entre les deux mentonnières sur ladite largeur de 12 à 14 pouces , chevillés et arrestez sur chacune pieux avec une bonne cheville de fer de 18 pouces de long et de grosseur proportionnée pesant au moins deux livres enfoncée à tête perdue et sur toutes lesdites pièces seront aussi posées les plates formes ainsi que sur lesdits racineaux pareillement de bon bois de chaisnes sans aubie de quatre pouces d’épaisseur, sans

14 La pointe des pieux, qui doit avoir une longueur égale à une fois et demie le diamètre du pieux, est ici armée d’un fer forgé en forme de cône sur lequel sont fixées quatre pattes qui sont rabattues et clouées sur le pieu.

15 Environ 300 kg .

16 Cette technique, moins usitée que celle qui fait commencer l’enfoncement des pieux par ceux du centre, a l’inconvénient de comprimer le terrain à l’intérieur, et par conséquent de rendre plus difficile l’enfoncement des pieux, le refus vient plus vite et les pieux sont moins enfoncés, mais elle a l’avantage de rendre le sol plus compact et donc plus solide.

17 Un racinal est un madrier reliant les têtes des pilotis.

18 Receper est couper tous les pieux à hauteurs égales au ras du lit de la rivière.

19 Gard , pour galet.

20 Aujourd’hui on dit mentonnet. C’est une sorte de tenon pratiqué sur la tête d’un pilotis pour y fixer à l’aide de chevillettes les madriers ou plates-formes.

flachage 21 , de quatorze à quinze pouces de large pour joindre les uns contre les autres de quinze à dix-huit pouces de long et plus s’il se peut ferrez en échiquier pour faire liaison sur tous lesdits racineaux et toute la superficie de chacune pile chevillés sur iceux et sur lesdits pieux avec bonnes chevilles de fer d’un pied de long aussi enfoncées à tête perdue pesant environ une livre et demi. Comme aussi piloter les bouts de murs en aisles joignant au culées de deux toises de long à chaque bout sur six pieds d’épaisseur des qualités ci-devant dites.

Lesdits pilotis étant construits de la manière qu’il est ci-dessus dicte seront érigés dessus les premières assises de quartiers de pierre de taille sur leurs lits de carrières en retraite de deux pouces sur les pilotis élevé en l’allure 22 de deux pouces par assises jusques à hauteur et superficie des dites basses eaux à laquelle hauteur toutes les mesures ci-devant expliquées seront observées tant les largeurs des arches que les épaisseurs des piles et culées aussi en retraite sur ces dernières assises de deux pouces tout autour desquelles piles seront depuis cet endroit élevées à plomb à la hauteur de trois pieds pour le pied droit des arches pour commencer à cette hauteur les premières retombées d’icelles arches.

Les deux premières assises de dessus les pilotis seront continuées dans l’épaisseur des pilotis ainsi que dans les faces qui en seront entièrement revestues hors entre les banderests et couronnement des piles qui ne seront que de moellons taillés proprement à lits et à joints quarrés par assise tous lesquels cartiers de pierre de taille seront de carrière d’Igarande ou autre de pareille ou meilleure qualité s’il est possible, de la plus dure, non gélisse 23 sans moye 24 , s’il n’y délits 25 , bien esbousinéez 26 et

21 Flachage, vient de flache qui est une partie restée brute d’écorçage sur une pièce de bois insuffisamment équarrie.

22 En l’allure veut dire que chaque lit de pierres est en retrait par rapport à celui qui le supporte de deux pouces (6 à 7 cm ) sur tout le pourtour.

23 Gélisse , on dit aujourd’hui «gélive» c’est-à-dire qui ne s’effrite pas sous l’action du gel.

24 Moye , ou mouille , dans certaines régions on dit fontaine . C’est une partie de la roche qui est moins dure que celle qui l’entoure, qui s’effrite plus facilement sous l’action du burin.

25 Une pierre est en « délit » lorsqu’elle est placée, dans la maçonnerie, dans une position différente de celle qu’elle avait dans la carrière. Cette position favorise la dégradation de la pierre taillée par délitage c’est à dire par la séparation, par effritage, de couches successives de faibles épaisseurs.

26 Esbousiner une pierre c’est enlever la partie susceptible de se décomposer à l’action de l’air et de l’humidité.

taillées jusqu’au vif, des plus grands cartiers qui faire se pourra de trois pieds et demi à quatre à cinq pieds de long. Les plus courts seront employé en boutisse 27 et n’auront pas moins de trois pieds sur deux à deux pieds et demi de tête. Les carreaux 28 de dix-huit à vingt pouces de lits portant tous régulièrement, d’un pied de haut pour les plus basses assises d’égale hauteur sans comprendre le mortier qui n’aura au plus que quatre lignes 29 pour les joints des lits et les montants deux lignes. Lesquels quartiers seront employés entre deux carreaux, une boutisse de suite et par assise alternativement, les unes sur les autres en bonne liaison d’au moins quinze pouces dans les faces sur neuf à dix pouces de joints quarré en dedans sans démaigrissement dans les lits, ni aux derrières des carreaux et queues des boutisses. Observer que dans les joints des avants becs et épaulements il soit mis des carreaux d’un plus grand échantillon que dessus portant partie des corps quarrés et flancs des avants et arrières beqs, le tout proprement taillez et layes à lits et joints quarres et maçonnés à quatre pouces près des faces dans leurs lits pour être mieux garnis et fichez dessous les mortiers seront moitiés à chaux et l’autre de ciment de thuilleaux et non de brique avec lequel seront posés toutes les assises des parements à la hauteur de douze pouces depuis le dessus des plates formes aussi les deux premières assises qui seront toutes de cartiers tailles à lits et joints quarrés garnis et maçonnés en bonne liaison le surplus au dessus avec gros libages 30 bien gisant sans trousis 31 de huit à dix à la voye maçonné avec mortier d’un tiers de chaux et deux tiers de sable. Bien entendu que toutes les assises et parement seront cramponnés à tous les cartiers de la hauteur de douze pieds sur leurs lits avec crampons de fer et carillons 32 d’un pouce, de quinze pouces de long sur trois pouces de crochets non compris l’épaisseur du fer, encastrée tout entière de leur épaisseur dans la pierre et soudées au plomb le tout bien fichés, coulés et jointoyés avec ledit mortier de ciment de l’épaisseur de trois pieds et avec cales de pierre dure entre les joints par le

27 Une boutisse est une pierre taillée qui occupe moins d’étendue en parement c’est à dire en partie visible, qu’en queue, ou profondeur.

28 Un carreau est une pierre qui a plus de largeur dans le sens du parement d’un mur que de queue dans le sens de l’épaisseur.

29 Une ligne correspond à une épaisseur d’environ 2, 37 mm .

30 Un libage est un moellon en pierre dure servant généralement pour les fondations des murs.

31 Un trousis est un renflement, une grosseur qui empêche la pierre taillée de se poser bien à plat.

32 Carillon, ou fer carré.

derrière des façons et qualités requises aux meilleures oeuvres de cette nature.

La maçonnerie de toutes les piles et culées étant ainsi élevée de la hauteur où doivent commencer les voussures des arches seront posées six fermes de charpentier dans chacune desdites arches garnies de tous leurs assemblages nécessaires, de grosseurs, largeurs, façons, et qualités qu’il conviendra suivant le dessin qui en sera remis à l’entrepreneur des largeurs ci-dessus dites et des hauteurs ci-après déclarées, lesquels cintres seront laissés autant de temps qu’il conviendra pour donner le temps au mortier de faire corps et lors que les cintres seront ôtés seront aussitôt rebouchés les trous qui auront été observés pour y poser les tirants des fermes avec quartier de pierre de taille d’une seule pièce avec mortier de ciment.

Seront continuées d’élever les faces de la hauteur de douze pieds depuis le pied droit jusque et y compris le cordon à l’endroit des culées, ce qui donnera quinze pieds de haut depuis les basses eaux et vingt et un pieds en tout à l’endroit de l’arche du milieu, les avants et arrières becs de neufs pieds ce qui donne le pied jusque dessous leur couronnement, leurs couvertures finissant sous le cordon. Les arches seront fermées d’une seule portion de cintre coupée suivant les mesures de la rampe et pente du pont, les épaisseurs des voûtes seront réglées par les banderets qui auront trois pieds d’estradosses; les voussoires seront des mêmes échantillons cy dessus dites employés un long en tête et l’autre en douelle en bonne liaison suivant leurs coupes formant l’estradosse de trois pieds dans l’aire de sa circonférence. Les joints des avants et arrières becs seront arrondis d’un diamètre de neuf pouces et leurs couvertures de grands cartiers de pierre de taille à joints recouverts de trois pouces les unes sur les autres suivant leur glacis posés, fichés et jointoyés avec ledit mortier de ciment les remplissages au dedans seront fait de bon gros moellons durs, non gelisse esbousinés et bien gisant par assises et liaisons maçonnées avec ledit mortier de chaux et sable, les résidus des faces entre le couronnement et banderet seront ainsi qu’il est cy-devant dit, de moellons piqués de six pouces de haut, de neuf pouces de long sur six pouces de tête et de lite,au moins, employés en carreaux et boutisses taillés proprement par assise et bonne liaison à petits joints au plus de deux lignes pour le mortier si mieux n’aime l’entrepreneur y employer des petits quartiers comme des rebuts des échantillons ci-dessus, bien maçonnés de pareille qualité de trois pieds d’épaisseur avec bons arrachements pour bien lier cette maçonnerie avec celle de remplissage.

Les voûtes seront formées ainsi qu’il est cy-devant dit d’une seule portion de cintre et dans icelles seront observées trois chaines de pierre de taille outre celle des fermetures, des échantillons de cartiers ci­devant dit en carreaux et boutisses, les résidus entre icelles seront dépendant de moellons portant neuf pouces et un pied de haut et six à sept et huit pouces en quarré pour assise et bonne liaison de sorte que deux rangs feront la hauteur d’un quartier continu de pareille qualité en corps de l’épaisseur de trois pieds avec arrachements pour faire liaison ainsi que les faces avec lesdits remplissages des reins des voûtes qui sera fait de la hauteur du dessous des clefs desdites arches à l’endroit des piles à gagner le carreau au commencement d’icelles avec bon moellon à bain avec ledit mortier de chaux et sable et bonne liaison et les deux culées de pareille hauteur de maçonnerie que dessus. Eslever aussi les bouts des murs en aisles ou de quay à la hauteur dudit cordon avec pierre de taille dans l’angle finis d’une chaine dans le bout de pierre de taille de neuf pieds de haut au dessus des basses eaux et le surplus jusques sous les cordons avec moellons de qualité cy-devant dite réduit à l’épaisseur de trois pieds par le haut pour être le tout continué plus long de pareille qualité si besoing est.

A la susdite hauteur sera mis un cordon portant treize pouces de haut taillé en rond, des plus grands quartiers que faire se pourra ayant depuis trois pieds de long jusques à quatre pieds et cinq pieds, de deux pieds de lits au moins posé d’alignement suivant la pente dudit pont coulés fichés et jointoyés avec ledit mortier de chaux et sable et continuer pareille assise de cordon sur le bout des murs de quay en retour, sur lequel cordon seront élevés de petits murs d’appuis ou parapets de pierre de taille de quatorze pouces de parpins 33 en toute la longueur dudit pont et murs de retour de trois assises portant un pied chacune de hauteur, sans le mortier, dont la dernière servira de bahut 34 formant une plainte d’un pouce et demi par le dehors sur le mur desdites faces et un pouce en dedans ce qui lui donnera seize pouces et demi de large bombée de trois pouces pour l’égoutement des eaux et sept pouces de haut à la plainte, le restant de l’assise au dessous étant deux pouces achèvera le mur dudit parapet avec les deux assises au dessous, lesquels cartiers de bahut seront de cinq à six pieds de long sur lequel bahut sera mis pour cramponner toutes les pierres ensemble une barre de fer d’un pouce d’épaisseur sur un pouce et demi de large d’une seule pièce, les bouts rivés ensembles, encastrée de son épaisseur dans la pierre, boulonnée en deux endroits a chacun quartier avec boulons de six pouces de long d’un demi pouce gros soudés au plomb, tous les dits cartiers posés, fichés et jointoyés avec ledit mortier de chaux sable et ciment.

33 Un parpin est une pierre faisant toute la largeur du mur. Les parapets avaient donc une largeur d’environ 45 cm .

34 Le bahut est l’assise supérieure du mur de quai ou du parapet.

Au devant desdits parapets seront mises des bornes espacées de douze en douze pieds dans le milieu, de trois pieds et demi de haut compris la fondation qui sera de quinze pouces et le surplus au dessus, de dix huit pouces de diamètre par bas taillée proprement en pointe ronde dans la face et plate du côté du mur d’appuis au bas desquelles sera fait un pied de maçonnerie avec moellon et mortier de chaux et sable. Plus sera fait le rapport des terres sur ledit pont de la hauteur du couronnement desdites voûtes entre les murs de faces en la longueur dudit pont, quant aux avancées sera fait un autre marché ainsi que pour le pavé qu’il conviendra y faire, sur lequel rapport sera mis un pied de sable de rivière pour y asseoir le pavé qui sera fait en forme de chaussée, de trois toises deux tiers de large ou environ, avec deux ruisseaux des deux côtés bombée dans le milieu de sept pouces et les revers de même hauteur contre les murs d’appuis. Lequel pavé sera de bonne pierre dure de Roche bien sain, taillé et esquarry d’eschantillon de six à sept pouces en quarré sur sept à huit pouces de haut suivant ses rangs de liaison battue à la hie ou demoiselle jusques à son refus sans bosse ni concavité.

Tous lesquels ouvrages seront bien et duement faits et parfaits par l’entrepreneur suivant et conformément au devis ci-dessus et aux mesures cotées sur les plans et élévations qui seront remis lors de l’adjudication pour l’exécution desquels il fournira toutes sortes de matériaux et peines d’ouvriers et fera tous les batardeaux qu’il conviendra pour détourner et étancher les eaux, vider tous les sables décombres et immondices jusque sur le bon et solide fond, lesquels batadeaux il tiendra à sec pendant tout le temps que l’on enfoncera tous les pieux des pilotis et élèvera la maçonnerie au dessus des eaux de la rivière comme aussi de tous les échafaudages, cordages, engins, sonnettes, bascules, chapelets, moulins, pompes et autres machines nécessaires pour la vidange et bacquettement 35 des eaux et de tous les cintres de charpente, fer, plomb, pavé, chaux, sable et généralement toutes choses pour l’entière perfection de son entreprise pour raison de laquelle il commencera aussitôt que l’adjudication lui en sera faite à tirer la pierre de taille et le moellon pour leur donner le temps de jeter leur humidité avant que d’être employé et même de passer l’hiver pour faire le rebut de celles que la gelée aura endommagée, pour cet effet lui sera permit de tirer ou faire tirer lui-même ses matériaux par ses ouvriers dans les carrières d’Igarande les plus prochaines de son ouvrage ou autres pourvu néanmoins qu’elles soient de la qualifié requise au présent devis et de l’agrément de ceux qui en auront la conduite en payant par ledit entrepreneur les dégâts des héritages si aucuns se trouvent faits par les

35 Le bacquettement consiste en l’épuisement des eaux d’infiltrations qui noient les fouilles.

fouilles ou voiture sur le pied de l’argent suivant qu’il est porté par les règlements des arrêts rendus en faveur des ouvrages publics. Ne pourra ledit entrepreneur discontinuer de travailler avec bon nombre d’ouvriers suffisant pour rendre le tout entièrement fait dans le temps porté par l’adjudication qui lui en sera faite au rabais qu’au cas qu’il n’arrive quelques empêchements légitimes comme crues d’eau extraordinaires et autres accidents imprévus ne venant pas de sa faute desquels il ne sera pas responsable. Lesquels ouvrages il garantira un an après leur entière perfection le tout à ses périls et fortunes jusqu’à ce temps sans qu’il puisse rien prétendre autre chose que le prix de son adjudication.

Fait par moy soussigné architecte ordinaire des bâtiments du Roy commis par sa Majesté à la conduite et réception des ouvrages publics des ponts et chaussées livrées et levées, des généralités de Moulins, Lyon, Riom partie d’Orléans et Bourges.

Ce seize janvier mil six cent quatre vingt onze. MATHIEU.

 

Pièce n°72

Toisé estimatif des ouvrages contenus au pont à construire à Roanne sur la rivière de Loire

Premièrement – Charpenterie de bastardeaux et pilotis pour fondations

Les batardeaux qu’il convient de faire pour la fondation de six piles et de deux culées contenant aussi des bouts de murs de quay, font ensembles 220 toises courants à 50# la toise ; ce qui fait audit prix 11000 £

Les pilotis de 6 piles et de deux culées compris les bouts de murs en aisles ensemble font 145 toises 1/2 quarrées à 110# la toise cy…16005 £

Le recepement des pieux et le degravagement entre leurs têtes remplis de gros cailloux avec mortier de ciment d’environ deux pieds d’épaisseur pour araser les pieux les 145 toise et 1/2 qui a 15 £ la toise faite au dit prix; cy……………………………………………………….2182 £10

Les pattins 36 servants de racinaux de neuf pouces d’épaisseur sur un pied de large avec mentonnière ainsi qu’il y est requis au devis font

36 Les « pattins » sont les pièces de bois que l’on couche horizontalement sur le sommet des pilotis pour y établir la plate-forme, c’est un synonyme de racinaux.

ensemble 170 toises de long à 50 # la toise compris façon et chevilles de fer fait audit prix………………………………………………………….. 425 £

Les plates formes sur lesdits pilotis chevilles sur tous les pieux et racineaux contiennent ensemble 145 toises et ½ qui à 12# la toise;cy 1746 £

Maçonnerie

Les deux premières assises de pierres de tailles de deux pieds de hauteur en toute la superficie des piles et culées sur les pilotis cramponnées dans leur lit ainsi qu’il est expliqué au devis contenant 135 toises qui à 45 £ la toise cy ……………………………………………………………………..6075 £

La maçonnerie au dessus desdites assises de pierre de taille jusqu’à la retombée des arches dans tout le pourtour des piles et faces des culées sur la rivière cramponnées de trois pieds d’épaisseur y compris les murs en aisles 147 toises qui à 60 £ cy….. ………………………………………………..8820 £

Les deux faces du pont jusques et y compris le cordon, avants et arrières becs et leurs couvertures aussi de trois pieds d’épaisseur, le vide des arches rabattu, avec les murs des aisles des qualités expliquées au devis, 266 toises qui à 50 £ la toise fait audit prix ………………………………..13300 £

La fermeture des arches comprenant leurs voûtes de trois pieds d’épaisseur ainsi qu’il est énoncé au devis 290 toises qui a 40 # la toise fait audit prix ………………………………………………………………………………11600 £

La maçonnerie cube des piles culées et rins des voûtes montée à la hauteur de leur couronnement réduite dans le milieu de chaque pile à la hauteur du dessous des voûtes ce qui ensemble revient à 223 toises cube à 30 £ la toise fait ……………………………………………………………………….6690 £

La maçonnerie cube du dedans des piles et derrières des culées jusques à la hauteur des premières retombées avec gros libages depuis les deux assises en remplissage contient ensemble 72 toises cube à 40 £ fait audit prix ………………………………………………………………………………..2880 £

Les parapets en pierre de taille de trois assises de haut compris une barre de fer régnant sur le bahut pour les cramponner 132 toises courantes à 20 # la toise fait audit prix…………. ………………. 2640 £

Le report des terres sur ledit pont fait tout à 90 toises cube à 2 £ total fait au dit prix…………………………………………………………..180 £

Le pavé sur ledit pont en toute sa longueur du dehors d’une culée à l’autre contient en tout 322 toises 2/3 qui à 5 £ la toise fait ……. 1613 £ 6s 8d

Pour soixante huit bornes à 7 £ la pièce compris taille et scellement fait ………………………………………………………………….476 £

Pour 24 fermes de charpenterie pour les fermetures des arches avec leurs couches estimées chacune à 125 £ fait …………………………..3000 £

Plus pour les baquettements et vidages des eaux sables et décombres pour les fondations de toutes les piles et culées et murs en aisles compris les machines, engins sonnettes, basculles, bateaux et autres ustensiles et faux frais pour ce estimé à la somme de ………………………………………………10000£

Total …………….98 632 £ 16s. 8d.

Fait et arrêté par moi architecte ordinaire des bastiments du Roy

Le 7 mars 1691. MATHIEU

 

Pièce n° 74

Calcul à quoi reviendrait les ouvrages à faire pour la construction du pont de Roanne sur la rivière de Loire fondés sans batardeaux à fleur des plus basses eaux d’été.

Premièrement

Pour 72 toises quarrées de piloris compris les madriers et racineaux le tout chevillé ensemble à raison de 100 £ la toise. les pieux feront depuis 15 pieds jusques à vingt pieds de long, la somme de ….7200 £

La maçonnerie cube des quatre piles et des deux culées revestues de pierre de taille et deux assises posées en massif l’une sur l’autre sur les plattes formes 238 toises cube à raison de 80 £ la toise……… 19040 £

Les crèches 37 au pourtour des quatre piles et des culée contiennent ensemble 104 toises courantes à raison de 50 £ ……………………….5200 £

37 Les crèches sont les maçonneries, entre deux files de paleplanches, descendues plus profondément que le surplus des fondations pour préserver l’ouvrage des infiltrations.

Les murs en aisles sur pilotis de 20 toises de long sur 3 toises de haut produit 60 toises quarrées pour accompagner les culées du côté de la ville un mur de quay et du côté de Lyon un mur de chaussée à raison de 40 £ la toise quarrée……………………………………………………………….2400 £

Pour la charpenterie des cinq voûtes contenant 60 toises deux pieds compris les piles entre deux culées sur la largeur de trois toises à l’endroit des arches et quatre toises à l’endroit des piles le tout suivant que l’est figuré au dessin revenant à 4700 pièces de bois réduite en général à raison de 400 £ le cent eut égard à la qualité des bois de chaine qui seront de grande longueur et aux échafaudages pour fermer lesdits arches fait…………………………………………………………………….18800 £

Plus pour la ferrure des cinq voûtes montant à dix milliers façonnés en chevilles boulons, estriers, asparre, plates bandes, équerres rondelles, clavettes et tout ce qu’il conviendra à raison de 150 £ le millier fait la somme de.. …………………………………………………………………1500 £

A l’égard des faux frais si aucuns se trouvent c’est à l’entrepreneur de prévoir

Fait et arresté par moy soussigné architecte ordinaire du roi ce 12 mars 1691.

MATHIEU

 

Pièce n° 75

14 mars 1691

Monsieur,

Vous me donnez l’honneur de vous donner avis que j’ai adressé à M. l’Intendant des projets et devis pour le pont de Roanne, ce que je n’ai pu faire plus tôt cet ouvrage n’était pas ordinaire et méritait une explication sérieuse ce que j’ai fait le mieux qu’il m’a été possible. Il n’y a que quinze jours que je suis de retour les glaces m’ayant occupé jusques ce temps pour les faire casser autour des ponts et pour les voir partir entièrement de crainte que s’il arrivait quelques dangers aux levées on y remédie sur le champ. Je ne vous déduirait point, monsieur les suggestions que j’ai eu pour ne pas élever ce pont davantage le peu d’élévation des culées en était la règle ce que j’ai bien voulu faire. On peut l’élever davantage, mais pour cela il faudra enterrer beaucoup de maisons et de plus il ne paraît pas absolument nécessaire la rivière ayant une décharge de l’autre côté dans ses creux.

Je marque à monsieur l’Intendant que si vous appreniez et jugiez qu’il soit nécessaire de l’élever de trois pieds cela se peut faire sans changer le projet donnant plus de pied droit ce qui élèvera d’autant les premières retombées. L’augmentation sera de 4000 £ plus que mes estimations.

Je n’ai osé, monsieur, vous adresser le paquet d’abord sous l’enveloppe de M. le président de crainte qu’il ne trouve mauvais d’autant plus qu’il vous remet le tout et que c’est à vous qu’ils s’en rapporte. Je vous prie monsieur de ne rien laisser sortir de ce projet de vos mains, que ceux à qui vous le ferez voir soit pour y mettre des prix ou autres choses le fasse en votre présence et chez vous.

Vous devez avoir reçu monsieur vos appointements je l’en appris de M. de Bragelongne. Pour nous il nous est encore dû depuis 1689 jusques à présent l’état est fait mais le fonds n’est pas ordonné.

Pinard est en cette ville qui sollicite faire faire le fonds des ouvrages dont il est fourny de réception il y en a pour 6000 £ au moins pour le Bourbonnais. Cependant si tôt que je verrai le temps favorable pour achever son oeuvre des crèches apprenant que le Rhône soit bas je le renverrez, si vous avez agréable de me le mander j’en seray encore plus seure.

Continuez moi, monsieur, l’honneur de votre estime c’est la seule grâce que j’attends de vous étant sans réserve, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

MATHIEU

A Paris le 14 mars 1691

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Pièce n° 76

Le 14 mars 1691

Monsieur,

J’ai du chagrin d’avoir été si longtemps à vous envoyer les dessins et devis su pont que vous m’avez fait l’honneur de m’ordonner de faire pour Roanne. Je

m’assure, monsieur, que vous me pardonnerez lorsque vous saurez qu’il n’y a pas quinze jours que je suis de retour. J’ai toujours été occupé sans avoir pu trouver le temps propre pour un ouvrage de cette importance qui méritait ample application, de plus les glaces étaient survenues qui m’ont occupé pour les faire casser autour des ponts.

Peut-être monsieur que le pont vous paraîtra un peu bas, mais les avenues tant du côté de Roanne que de celui de Lyon qui l’est encore davantage m’y ont assujetti, et on ne peut absolument pas l’élever davantage sans enterrer des maisons ce que je n’ai pas cru devoir proposer si pourtant, Monsieur, vous le jugiez à propos on lui peut donner trois pieds de pied droit sous les premières retombées ce qui élèverait d’autant sans rien changer à la disposition de ce projet et la dépense pour l’augmentation ne peut aller qu’à 4000 £ de plus que l’estimation ci-jointe, ce que j’ai fait avec le plus d’exactitude qu’il m’a été possible.

Vous remarquerez, monsieur, que je lui ai donné cinq toises de largeur à cause du fréquent passage et aussi pour lui donner plus de force les piles n’ayant que douze pieds d’épaisseur, ce que je fais pour ne pas trop diminuer le lit de la rivière.

Je me suis informé du droit de M. de la Feuillade relevé pour sa part du bac, cela ne peut aller qu’à 1200 £ par année suivant la supputation que j’en ay faite sur ce que j’en ai appris.

Je souhaite fort, monsieur, que vous soyez satisfait de mon application et de pouvoir mériter toujours l’honneur d’être avec un profond respect.

Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

MATHIEU

A Paris le 14 mars 1691

 

Pièce n° 77

Le début de cette pièce est identique à celui de la pièce n° 74, jusques à la somme de 1500 £. La fin est remplacée par :

Revenant les dits ouvrages ensemble à la somme de cinquante quatre mille cinq cents livres

Observez que les piles construites suivant le dessin et des qualités qui vous seront expliquées au devis pourront servir à fermer des arches avec pierre de taille de la manière figurée par celle ponctuée à l’arche du milieu du devis et ne reviendra qu’à 70000 £ en tout et à toute extrémité à soixante quinze mille livres.

MATHIEU.

Archives de l’Armée, registre coté A1-1524, pièce 82 (extrait)

Lyon le 5 mars 1701

Monsieur,

 

Lorsque je reçus le dossier que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser pour la construction d’un pont de bateaux à Roanne, M. Camus lieutenant d’artillerie et de l’arsenal de Lyon y était allé pour former le projet de cette construction et à son retour il m’a répondu d’y donner tous ses soins et que cet ouvrage serait aussi bien fait et aussi solide qu’il convient pour le sujet auquel il est destiné. Je lui fis voir le dessin et il s’en aidera ; il a fait de plus tout ce qui pouvait de mieux pour en ménager la dépense en sorte que la chose ne paraissant pas pouvoir être en de meilleures mains, si vous avez agréable, monsieur, de l’y laisser il ne sera point nécessaire que le sieur Mathieu vienne à Roanne pour cela, mais vous ne m’avez point marqué de quels fonds il vous plaît que ce fasse cette dépense. Je suis obligé de vous en demander l’ordre à cause que ce faisant par économie pour avoir bon marché il faut avoir l’argent à la main…..

En note il est indiqué : M. le trésorier faite avancer les fonds par le receveur général.

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