BD, Tome LXIV, SAVIGNEUX, HIER ET AUJOURD’HUI, Compte rendu par M. Philippe Pouzols-Napoléon, pages 257 à 265, La Diana, 2005.
SAVIGNEUX, HIER ET AUJOURD’HUI
Présentation par M.Claude Latta
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La naissance d’un livre est toujours un événement. C’est pourquoi Philippe Pouzols-Napoléon m’a demandé de faire la présentation de Savigneux, hier et aujourd’hui qui est paru en septembre.
La conception de l’ouvrage
En 2002, Pierre Gentil-Perret, maire de Savigneux, qui assiste à notre réunion et va devenir membre de la Diana , a pris l’initiative de mettre en chantier une histoire de sa ville, histoire qui n’avait jamais été faite. Savigneux fait partie de l’agglomération montbrisonnaise. Petit village devenu une commune suburbaine, Savigneux a souffert longtemps d’un manque de visibilité et a même, à plusieurs reprises failli disparaître, et encore en 1973, en tant que commune indépendante. On comprend donc que cette démarche de recherche historique correspond à la volonté d’affirmer une identité et de répondre à cette question que se posait le maire de la commune : Savigneux a-t-il une histoire ?
Pour la réalisation de cette histoire, Pierre Gentil-Perret s’est adressé à la Diana. A l’initiative de Philippe Pouzols-Napoléon, une réunion s’est tenue à la Diana à la fin de 2002 et un groupe de travail s’est mis en place, en liaison avec les éditions Maury qui se sont fait une spécialité de la publication de monographies communales. Ce groupe de travail a réuni des élus savignolais : le maire et deux ses conseillers municipaux, Christian Devaux Pelier et Mme de Robert, elle-même membre de la Diana , et aussi des Savignolais passionnés par leur histoire comme Alice Fréry ; des membres de la Diana , Joseph Barou, Francisque Ferret, Mme de Robert et moi-même, groupe avec lequel ont collaboré, par leurs communications, Philippe Pouzols-Napoléon, Jérôme et Sophie Sagnard, Martine Fabry, Muriel Jacquemont, Maurice Bayle. Il y a eu là des collaborations intéressantes, sur le plan historique, mais aussi une convivialité qui a rendu sympathique ce travail fait en commun.
Savigneux a-t-il une histoire ?
Premiers travaux et sources d’archives
Le terrain n’était pas vierge. Il existait des rapports de fouilles archéologiques, les Chartes du Forez pour la période médiévale, les recherches du comte de Neufbourg sur les dîmes, les travaux de François Tomas sur la plaine du Forez. Jean Cerisier avait publié en 1945 les registres de délibération du conseil municipal pendant la période révolutionnaire.
Enfin, en 1989, à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française et à la demande d’Edmond Brunel, alors maire de Savigneux, nous avions, Joseph Barou et moi, fait une conférence à deux voix sur l’histoire de Savigneux : Joseph Barou était parti à la recherche de l’identité savignolaise par l’étude de la période médiévale et par celle de la « résurrection » de la commune à l’époque contemporaine ; j’avais de mon côté tenté de retracer l’histoire de Savigneux pendant la période révolutionnaire. Cette conférence était devenue ensuite un numéro spécial de la revue Village de Forez . Des gisements d’archives existaient aussi : registres de délibérations des conseils municipaux et registres paroissiaux et registres d’état civil.
Notre travail a abouti en 2005 à un ouvrage qui plaira, je crois, aux Savignolais mais aussi à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du Forez. Ce n’est pas une histoire de Savigneux qui serait continue sur le plan chronologique, aussi l’ouvrage est-il intitulé plus modestement Savigneux, hier et aujourd’hui : ce sont des éclairages et des jalons pour une histoire en construction. Quels résultats avons-nous obtenu ? Comment vous donner envie de lire cet ouvrage ? Comment présenter Savigneux ?
Savigneux : la situation géographique
Savigneux est situé au pied des monts du Forez, sur la bordure occidentale de la plaine. Cette vaste commune ( 1919 hectares ) est limitrophe de Montbrison. Elle s’étale dans la plaine argilo-sableuse du Forez, jusqu’à la Loge , au Sud, au delà de Merlieu à l’Est et de Montrouge au Nord. L’étang de Savigneux est un élément fort d’identité : lorsqu’on le voit depuis les premières pentes des monts du Forez, il brille au soleil comme un éclat de verre. Aménagé, il est aujourd’hui au centre d’une zone de loisirs.
Savigneux était autrefois traversé par une voie romaine. Il a gardé ce rôle de voie de passage : la RD 496 qui le traverse va de Montbrison à Montrond ; la ligne de chemin de fer qui borde la limite de la commune emporte les voyageurs de Saint-Etienne à Clermont-Ferrand. Le canal du Forez est aussi un élément fort de l’identité de Savigneux ; il a été construit dans la 2 e moitié du XIX e siècle pour irriguer la plaine du Forez.
Savigneux est l’héritière d’une longue histoire qui a connu une alternance de périodes d’éclat et de stagnation, voire de déclin. Elle a retrouvé aujourd’hui une identité dont elle avait besoin pour se distinguer de sa toute proche voisine, Montbrison, sous-préfecture de 14000 habitants, ancienne capitale du comté de Forez.
Les voies antiques
Sophie Lefebvre-Sagnard, Muriel Jacquemont et Martine Fabry ont fait la mise au point concernant la période de l’Antiquité. Des découvertes d’objets faites par les archéologues en plusieurs lieux de Savigneux prouvent que, dès l’Antiquité gallo-romaine, il y a eu une occupation humaine : un atelier de potiers à Chantegrelet, des objets en bronze et des poteries découverts près de Bullieu. Le toponyme lui-même, Savigneux, de Savigniaco, apparaît au XIe siècle. Il vient du nom du propriétaire ( Sabinius ) d’un domaine gallo-romain (une villa ) : on ajoute –acum pour désigner le domaine lui-même. La voie romaine de Feurs à Usson, passant par Moingt traversait le territoire actuel de Savigneux
Le prieuré casadéen
Alors que Philippe Pouzols-Napoléon, grâce aux Chartes du Forez, faisait revivre les habitants de Savigneux au Moyen Age, il est revenu à Joseph Barou de montrer, avec beaucoup d’érudition et de style, les aspects originaux de l’histoire médiévale de Savigneux, petite localité située près d’un prieuré bénédictin passé, en 1116, sous l’autorité de la puissante abbaye de la Chaise-Dieu (on dit alors que c’est un prieuré casadéen, de Casa Dei , La Chaise-Dieu en latin). Ce prieuré et son église étaient à Bicêtre – le nom ; actuel de l’ancien Savigneux – où a été, en somme, le premier « centre » de Savigneux. Une belle église avait été construite qui fut à la fois l’église du prieuré et l’église paroissiale. Nous n’avons malheureusement aucun dessin de celle-ci mais Joseph Barou en a tenté, avec beaucoup de vraisemblance, une intéressante reconstitution.
L’un des prieurs de Savigneux, le Limousin Pierre Roger – qui ne resta à dire vrai que peu de temps – devint ensuite le pape Clément VI, installé à Avignon où il fit aménager somptueusement « palais des papes ». Les Savignolais ont donc eu, eux aussi, leur pape ! Le pontificat de Clément VI (1342-1352) – « Clément le Magnifique » – représente l’âge d’or de la papauté avignonnaise. Il fut un pape dépensier mais Charitable – il reste à Avignon pendant une épidémie de peste pour assister ses ouailles – et à l’esprit singulièrement ouvert – il protège les Juifs du Comtat-Venaissin. Le neveu de Clément VI, Pierre Roger de Beaufort fut pape lui aussi sous le nom de Grégoire XI et ramena la papauté à Rome, touché par les admonestations de Catherine de Sienne. Pour rattacher encore davantage ces deux papes au Forez, on peut ajouter que l’une des petites-nièces du pape Clément VI, Jeanne Roger de Beaufort, fut mariée à Louis 1er, comte de Forez. Les moines de Savigneux ont défriché ou fait défricher le territoire insalubre de la paroisse qui dépendait elle-même du prieuré. Comme celui-ci était l’un des plus anciens établissements religieux du Forez, il avait autorité sur les paroisses de Montbrison et des alentours. Le déclin, puis la disparition (1781) du prieuré casadéen et de la paroisse qui en dépendait semblèrent même annoncer la disparition de Savigneux, privé de clocher et de curé.
Le 29 pluviôse an 5, le prieuré est vendu à un quincaillier de Montbrison. Il fut ensuite dépôt de mendicité sous le premier empire puis, en 1825, asile d’aliénés tenu par les frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu : aliénés et frères de Saint-Jean-de-Dieu furent décimés par une épouvantable épidémie de typhus.
Une population frappée par les « fièvres »
La présence du prieuré n’attira guère une population peu tentée par les conditions de vie difficiles dans une plaine humide et ingrate qui a, alors, la réputation d’un « mauvais pays », en opposition avec les monts du Forez (la réputation s’inverse à la fin du XIX e siècle parce que la plaine est assainie et irriguée). La population, formée presque uniquement de grangers (métayers), était régulièrement décimée par les « fièvres » et les famines : Savigneux fut particulièrement touché par celles de 1693-1694 et de 1709 qui fit passer la population de 65 à 50 feux . Entre 1701 et 1706, il y a 146 décès et seulement 37 naissances. Au XVIIIe encore, il y a plus de décès que de naissances et la population est réduite à 300 habitants environ. L’habitat rural était pauvre et dispersé. Grâce aux registres paroissiaux, nous avons tenté d’étudier cette histoire démographique de Savigneux au XVIIIe siècle.
La population était dispersée : les paysans se groupaient autour de grands domaines : aujourd’hui encore la présence de plusieurs maisons fortes ou petits châteaux rythme le paysage savignolais. Si les châteaux de Crémérieux et de Forys ont disparu, la maison noble de Merlieu (1300) a été transformée en château au XVI e siècle, le manoir de Montrouge (XVI e s.), bien entretenu, est situé dans un paysage d’eau et de feuillus qui lui donne beaucoup de charme ; le petit château du Vergnon, plus modeste garde une belle bâtisse. Tous ont fait l’objet d’une étude de Jérôme Sagnard.
De nouvelles chances de développement
Savigneux trouve, aux XIX e et XX e siècles, de nouvelles chances de développement urbain :
– La construction de la route Montbrison-Montrond vers 1790, puis du « premier tramway de France » – qu’étudie Francisque Ferret – et qui reliait les deux mêmes villes, entraîne un début d’urbanisation le long de leur tracé, faisant de la nouvelle agglomération une sorte de « village-rue ». En 1912, on construit une église neuve et la paroisse renaît : autre élément fort d’identité. Des écoles sont construites après les lois Jules-Ferry de 1881-1882. L’arrivée, longtemps différée, du chemin de fer (1866), moyen et symbole de la modernité au XIX e siècle, et la construction de la gare de Montbrison stimulent l’activité économique. Pierre Gentil-Perret évoque la construction et le passage à Savigneux du canal du Forez.
Savigneux a ainsi des voies de communication et aussi de la place à offrir aux entreprises lorsque commence l’industrialisation de l’agglomération. A la fin du XIXe, des ateliers s’installent et deviennent parfois des usines. L’installation, en 1917, des établissements Chavanne-Brun ( la Clecim actuelle) – Maurice Bayle évoque cette histoire de la métallurgie – met dans le décor de Savigneux, mais loin du centre, des bâtiments qui ressemblent aux usines des grandes villes industrielles. L’entreprise de maçonnerie Brunel, les établissements Bichon qui, devenus Beckers industrie, ont pris une dimension européenne, Decitre, Peyer et Garnier, les sièges Gégé, les pépinières Berger – et d’autres – ont fait, par l’intermédiaire des emplois offerts et des taxes versées à la commune, la richesse de Savigneux, lui ont donné un rôle économique important et ont provoqué son élan démographique : en un peu plus d’un siècle, Savigneux passe de 450 habitants en 1851 à 1567 habitants en 1960. Alice Fréry, qui connaît bien Savigneux, nous parle de l’histoire de ces entreprises. Aujourd’hui, l’agriculture traditionnelle – bœufs charolais et chevaux – côtoie les activités artisanales, commerçantes, industrielles (métallurgie, peinture, agroalimentaire, mécanique)
La vie au XIXe et XXe siècle est étudiée par Louison de Robert à travers les registres du conseil municipal. J’ai aussi évoqué les deux guerres mondiales en faisant le bilan de leurs morts, tant de jeunes hommes fauchés dans la fleur de l’âge et qui revivent un instant par leur nom et les circonstances de leur mort grâce à l’exploitation des registres d’état civil et des archives du Ministère de la Défense mises en ligne sur internet.
L’indépendance de Savigneux et l’aménagement d’un véritable centre
Savigneux est restée une commune indépendante de celle de Montbrison, refusant la fusion avec la ville-centre en 1972-1973. Lorsque le conseil municipal a examiné le projet de fusion l’un des conseillers municipaux demanda un vote au scrutin secret et le projet de fusion fut repoussé… à une voix de majorité ! Ce sont les incertitudes de la démocratie.
Savigneux, après cette manifestation d’indépendance, voulut se donner un véritable centre et reconquérir ainsi une identité jusque-là fragile. Il est peu fréquent cependant que le centre d’une commune se soit déplacé aussi radicalement qu’il l’a fait à Savigneux : du Bicêtre dont le souvenir est presque perdu jusqu’à une situation de village-rue le long de la route Montbrison-Montrond. Savigneux s’est redonné un centre autour de la place de la mairie, réaménagée au début des années 1990 et tournant désormais, symboliquement, le dos à la « route de Lyon » :
L’expansion industrielle et la création de plusieurs lotissements et de nouveaux immeubles, permettent d’accueillir une nouvelle population : Savigneux qui avait 1841 habitants en 1975 en comptait 2615 au recensement de 1999 et a dépassé le cap des 3000 habitants.
Savigneux dans la Communauté d’agglomération Loire-Forez
Le développement de Savigneux lui a donné l’assurance nécessaire pour aborder la phase nouvelle, désormais encadrée par la loi, du regroupement intercommunal. La constitution d’agglomérations dont l’expansion se joue des frontières communales nécessitait des regroupements, d’autant qu’il fallait équilibrer la puissance de Saint-Etienne-Métropole, tentée par un espace forézien qui serait uniquement sa zone d’influence et de peuplement. Savigneux est devenu membre de la communauté d’agglomération Loire-Forez, organisée autour de ses deux pôles de Montbrison et de Saint-Just-Saint-Rambert. Les jumelages de communes sont l’occasion de s’ouvrir sur l’extérieur : Savigneux s’est jumelée avec deux autres communes d’Europe, de taille comparable à la sienne : Savignano en Italie, dont le nom évoque celui de Savigneux, est une cité d’Italie du Sud ; Essenbach, en Allemagne, est une petite ville bavaroise de 10 000 habitants.
Vous avez pu constater que nous avons balayé toute l’histoire et aussi parlé du présent. Mais, le présent, c’est l’histoire de demain. A Savigneux, l’histoire continue, avec une actualité qui s’enracine désormais sur une meilleure connaissance du passé.
Pour commander
Savigneux, hier et aujourd’hui , parution en septembre 2005 :
Souscription par chèque postal ou bancaire à l’ordre du Trésor public (24,00 € + 4,50 € de port éventuel) à : Bibliothèque municipale, Mairie, 42600 Savigneux.