EXCURSION ANNUELLE du 2 septembre 2006, VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, Compte rendu par Mme Claude Beaudinat, BD, Tome LXV, Montbrison, 2006, pages 321 à 335.

 

            Pour sa 105e sortie annuelle, depuis sa création, la Diana était invitée par l’Académie de Villefranche-en-Beaujolais. Cette société savante vit le jour vers 1677. Elle tint sa première assemblée le 25 août 1680 et sa devise fut : « Mutuo clarescimus igne ». Elle fut érigée en Académie royale par Lettres patentes de Sa Majesté Louis XIV en 1695.
            Les dévoués membres de l’Académie nous guidèrent lors de visites fort variées et intéressantes, à savoir le collège de Mongré, la chapelle de l’ancien hôpital, le musée de la conscription, le siège de l’Académie et de très belles cours Renaissance. Le déjeuner fut pris au collège de Mongré, service rapide qui fut apprécié.

            A propos des villes franches
            Les chartes de franchise apparaissent dès le 11e siècle, elles se multiplient aux 12e et 13e, se font plus rares aux 14e et 15e siècles.
            Face à l’essor des villes, sous la pression de la population, le seigneur est contraint d’accorder une charte de franchise garantissant des droits à « sa bonne ville ». On connaît celle de Saint-Bonnet-le-Château accordée en 1223 par Robert de Saint-Bonnet, celle de Châteldon (1285), celle de Charroux concédée en 1245 par Archambaud de Bourbon etc.
            Le cas du Midi de la France est plus singulier. Les consuls, nés au sein d’une oligarchie urbaine, prirent le pouvoir en douceur en général (citons une exception célèbre, à Carcassonne, ou Trencavel mit fin à une tentative des chevaliers en 1125).
            Autres furent les créations de villes, soit par le roi, soit par les seigneurs, qui comprirent qu’une cité fortifiée, élevée en un lieu stratégique, pouvait être un soutien de leur indépendance, une protection contre des voisins aux intentions trop évidentes et une source de prospérité. Pour peupler cette ville en y attirant nomades, serfs, habitants des alentours, artisans, il fallait octroyer des libertés et des privilèges. Telle fut l’origine des Villefranche, Villeneuve, Villeréal.
            Ces villes créées par des chartes de franchises prédominent entre Seine, Loire et Saône. Au 12e siècle elles furent plus nombreuses que les communes. Les chartes royales apparurent toujours comme les meilleures garanties des avantages obtenus.
            En France, subsistent quelques dix cités dont le toponyme est Villefranche, environ une vingtaine de Villeneuve (dont Villeneuve-lès-avignon, fondée à la fin du 13e siècle par Philippe IV le Bel) et une Villeréal en Lot-et-Garonne, fondée au 13e siècle.
            Villefranche-sur-Saône aurait eu plusieurs chartes de franchises successives donnant une idée du soin jaloux avec lequel les bourgeois veillaient à leurs privilèges et essayaient d’augmenter leurs libertés.
            Humbert III le Vieux, seigneur de Beaujeu (1137-1193), est considéré comme le fondateur de la ville ; en la créant il l’aurait constituée libre et gratifiée de libertés et de franchises, ceci, solennellement juré avec vingt chevaliers.
            Aucune trace écrite de cette charte n’est connue.
            Son petit-fils, Guichard IV (+ 1216), la fit rédiger et la jura avec vingt chevaliers. Le fils de ce dernier, Humbert V (+ 1250), connétable de France, confirma les franchises au bas desquelles il apposa son sceau.
            Lui succéda Guichard V, son fils, qui fit rédiger en 1260 une nouvelle charte qu’il jura avec vingt chevaliers et y apposa son sceau. Cette charte est considérée comme la mise bout à bout des chartes précédentes . Elle contient tous les privilèges accordés aux habitants de Villefranche dès sa fondation.
            En 1332, Edouard Ier, petit-fils de Louis de Forez (seigneur de Beaujeu en 1272), fit rédiger une nouvelle charte qui comprend 94 articles.
            La charte d’Antoine (fils d’Edouard et de Marie du Thil), date de 1370 et est écrite sur un rouleau de six parchemins collés bout à bout. Le plus important des nouveaux privilèges accordés est le droit pour les bourgeois de nommer eux-mêmes leurs échevins.

            Le collège de Mongré
            En 1842, Mademoiselle Bottu de la Barmondière lègue son domaine de Mongré, situé à côté du vieux château, à la Congrégation jésuite afin qu’y soit construit un collège. Le château de Mongré fut la propriété de la famille Fyot, originaire de Châtillon-sur-Seine, attestée en Bourgogne dès 1382 où elle posséda des fiefs importants. Le 23 février 1664, Laurent Bottu de la Barmondière épouse Marguerite Fyot, fille de Laurent et de Claudine d’Espiney. Il succède à son beau-père comme procureur du roi au bailliage de Beaujolais.
            Mongré appartint à la paroisse puis à la commune de Gleizé et fut rattaché à Villefranche en 1852 .
            La construction du collège débuta en 1848. En 1913 le tribunal de Villefranche procéda à la vente du domaine qui fut racheté par une société civile d’anciens élèves. En 1914 le collège fut transformé en hôpital militaire et en 1939 il fut réquisitionné par les allemands. Actuellement il est sous la tutelle des religieuses d’Assomption de France.
            Le collège possède deux chapelles dont la visite nous fut savamment détaillée. Le parcours des longs couloirs replongea certains de nos sociétaires dans leur studieuse jeunesse alors que d’autres furent surpris par la sévère austérité des lieux.

            La chapelle de l’ancien hôpital
            L’Hôtel-dieu, dont la construction débuta en 1644, doit son existence grâce aux legs de François de Nanton, de M. Gay, curé de Notre-Dame-des-Marais et de Guillaume Corlin, greffier au bailliage de Beaujolais. La chapelle, dédiée à Sainte-Madeleine est bénie en 1669 par Alexandre Chaillard, curé de Notre-Dame-des-Marais, en présence de Monseigneur Camille de Neuville, archevêque de Lyon.
            La chapelle, de plan octogonal, est couverte d’un plafond à compartiments ornés de peintures sur toile tendue sur un châssis en bois. Le cortège céleste occupe le plan horizontal. Les quatre petits trapèzes sont réservés aux évangélistes Jean, Luc, Marc et Matthieu.
            L’iconographie des scènes des quatre grands trapèzes est empruntée au livre de Daniel (pour trois) et à l’évangile selon saint Matthieu pour la quatrième.
1ère scène : refus des compagnons de Daniel d’adorer la statue d’Or.
2e scène : Nabuchodonosor et le songe de l’arbre abattu.
3e scène : trouble de Balthazar au cour du festin.
4e scène : visite des Rois Mages au roi Hérode.
En arrière plan de chacune de ces quatre scènes un monumental portique à l’antique de trois arches symbolise la puissance de la Trinité. Ce plafond aurait été réalisé entre 1671 et 1700, par un auteur inconnu. Il fut classé en 1978 .

            Les vieilles demeures
            A la fin du Moyen-âge la demeure à tendance à s’organiser autour d’une cour séparant une maison-avant, en bordure de rue, d’une maison-arrière, avec parfois des corps de logis latéraux. Pour entrer dans la demeure il faut gagner la cour par un large couloir, souvent suffisant pour qu’un cheval ou un attelage puisse l’emprunteur. C’est dans la cour qu’est construit l’escalier, droit ou à vis, d’où partent des galeries donnant accès aux différents corps de logis.
            Au cœur de la demeure se crée ainsi un espace privatif à l’écart du bruit et de l’insalubrité de la rue. Cet espace vide est, à coup sûr, un signe de richesse puisque le propriétaire peut se permettre de le garder libre de construction au sein d’un parcellaire bien rempli , enserré dans une enceinte de fortifications.
            C’est un espace agréable, avec un puits, des fenêtres et portes ouvragées, des piliers, des contre-fiches, des arcades, etc.
            De nombreuses villes possèdent encore des cours de l’époque médiévale ou de la Renaissance, telles Thiers, Riom et Villefranche-sur-Saône. Dans cette dernière cité, de belles cours vont du 15e au 18e siècles .
            Nous avons apprécié cette visite qui nous donnait l’illusion de pénétrer dans l’intimité de ces familles aisées : la maison aux deux cours aux armes de Pierre II de Bourbon et d’Anne de Beaujeu ; la maison des Gayand avec culots sculptés portant « d’Azur à quatre losanges d’argent » ; la demeure des Roland de la Platière dont la cuisine a une monumentale cheminée ; l’hôtel des Mignot de Bussy où Louis XIV fut accueilli en 1658 ; la maison à galerie de bois du 15e siècle (ces galeries furent abandonnées à cause des incendies) ; l’auberge de la Coupe d’Or dont la première mention est de 1391, avec ses aériennes ferronneries, sa tourelle et son puits ; une maison avec cour à galerie en pierre et brique, à charmante tourelle d’escalier, dont la beauté était sublimée par des plantes grimpantes.

            Notre journée s’acheva au collège de Mongré, où des rafraîchissements furent servis dans une cour ombragée. Là, en présence des membres de l’Académie et de la Diana, fut solennellement remis par notre secrétaire à Madame le Secrétaire perpétuel de l’Académie Yvette Cochin, à titre de remerciement, une pièce d’archive datée de 1802  à 1829 contenant constitution de rente par Madame Bottu de la Barmondière à son fermier de Mongré, Antoine Savigny, pour services rendus, rente prévue en vivres. Sur la couverture, un dessin contemporain, représentant Madame Bottu de la Barmondière, remettant physiquement à son fermier de Mongré le service de cette rente.

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            Le vice président de l’Académie en remerciait vivement la Diana, cette pièce étant d’un intérêt de premier ordre pour Villefranche, où elle aura désormais sa place.
            Nous songeons, dès maintenant, à établir un programme aussi riche pour la venue des membres de l’Académie de Villefranche qui, nous l’espérons, nous ferons l’honneur de nous rendre à nouveau visite.

            Ont participé à l’excursion :
Mme Yvonne André, M. Gérard Aventurier, M. et Mme Daniel Baby, MM. Gérard Bacot, Bernard Barrieux, Mme Anne-Charlotte Barrieux, Mme Claude Beaudinat, MM. Jean-Marie Bellin, Jean Berthéas, Mme Renée Bertholin, Docteur et Mme Michel Bertholon, Mmes Danielle Bory, Martine Brossier, Melle Michelle de Bruignac, Mmes Colette Canty-Berthéas, Françoise Castaner, Joëlle Chalancon, Marie Chartre, M. Roger Chazal, Mme le Secrétaire perpétuel de l’Académie de Villefranche Yvette Cochin, M. et Mme Jean Croizier, M. Edouard Crozier, M. et Mme Jean-François David de Sauzéa, M. Claude Marie Déal, M. et Mme Pierre Demathieu, Mmes Anne-Marie Demulsant, Andrée Deschamps, M. André Dumas, M. et Mme Henri Dupayrat, Melle Yvonne Dupuy, M. Christian Durand, M. et Mme Jean-Claude de Fay de La Roche, MM. Philippe de Fay de La Roche, Dominique Forissier, M. et Mme Marc Fumat de Sauverzac, M. et Mme Justin Galtier, M. et Mme Yves Gallice, M. et Mme Michel Garnier, M. Jacques Genevois, M. et Mme Bernard Gérossier, Mme Paulette Giraud, M. Jean Guillot, M. et Mme Jean-Pierre Gutton, M. et Mme Leslie Hutchins, M. et Mme Jean Julien-Laferrière, M. Jean-Paul Lafond, M. et Mme Florent Lambert, Mme Laur, M. et Mme Serge Laverroux, Mme Jeannine Meaudre, MM. Mathieu Méras, Emile Meunier, Mme Marie-Andrée Morra, Mme Paulette Lefebvre, M. Jean-Pierre Malleval, MM. Louis Manger, Patrice Mathey, Christian Moulin, Jacques Neyret, Mmes Andrée Peyer, Andrée Pouzeratte, M. et Mme Pierre Pouzeratte, M. Philippe Pouzols-Napoléon, M. et Mme Robert Rodriguez, M. et Mme Bernard Sabatier, MM. Alain Sarry, Peter Stap, M. et Mme Marcel Thévenon, Mme Suzanne Viallard, Melle Hélène Villié, Mme Eric Vincent, M. Gaspard Vincent, Mme Colette-Anne Walter

            Etaient excusés :
Le Père Daniel Allézina, comte Philippe d’Assier, M. François de Becdelièvre, M. et Mme Joël Chazal,  baron et baronne de Damas, comte de Damas, M. et Mme Francisque Ferret, M. et Mme Jean-Marc Ferret, M. le Sénateur Fournier, M. Michel Garreau de Labarre, comte Gaudart de Soulages, MM. Pierre Gentil-Perret, Alain Gilibert, Robert Guillot, Mme Aimée Julien, M. et Mme Claude Latta, MM. Louis de Longevialle, Franck Segrétain, comte Gaudart de Soulages, vicomte et vicomtesse Maurice de Meaux, Mme Charlotte Mercier, M. Roland Piron, M. et Mme Guy Poirieux, Mme Suzanne Pommier, M. Paul Pouzols, Melle Anne Saby, M. et Mme Jean-Claude Saby, M. le maire de Montbrison Philippe Weyne.

 

Les clichés des pages suivantes ont été pris par
MM. Claude Marie Déal et Edouard Crozier

 

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Collège de Mongré, entrée principale

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Collège de Mongré, l’une des deux cours

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Collège de Mongré, la bibliothèque

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Chapelle principale du collège de Mongré

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Entrée intérieure de la chapelle de Mongré

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Dans les greniers, le séchoir
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Un des couloirs à l’intérieur de Mongré

 

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Entrée de la chapelle de l’Hôtel-dieu

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Sur une façade, armes de Bourbon

 

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Quelques détails de cours Renaissance de Villefranche

 

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A l’Académie de Villefranche-en-Beaujolais

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Portail de l’église Notre-Dame-des-Marais


  Les chartes de franchises de Villefranche par Abel Besançon, article paru dans le bulletin n°29 (1907) de la Société des Sciences et arts du Beaujolais (pages 34 à 45).

  Une partie des archives Bottu de la Barmondière se trouve à la Diana sous les cotes 2 E 219 et 2 B 4/1 pour la période de 1650 à 1894. Parmi les fiefs appartenant à cette famille : La Barmondière, Mongré, Saint-Fons, et Limas.

  Voir La chapelle du château de Mongré et sa prébende, par L. de Longevialle, Villefranche, 1902.

« Le plafond de la chapelle de l’ancien hôpital de Villefranche-sur-Saône » par Marc Pabois.

« La ville au Moyen-Age. L’exemple français » par Yves Esquieu. Ed. A. Sutton, 2001, p. 149.

  Certaines l’été servent à des restaurateurs, ce qui authentifie le vieux vers « d’Anse à Villefranche, la plus belle lieue de France ».

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