Henri BEDOIN (1924 – 2005) Eloge funèbre par M. Francisque Ferret, BD, Tome LXV, Montbrison, 2006, pages 6 à 10.

 

 

A notre dernière réunion, j’avais tenté de mettre un peu d’atmosphère amicale et nostalgique en évoquant le souvenir de François Giroux, administrateur de la société. Aujourd’hui, ce n’est qu’avec une profonde amertume devant le destin inéluctable que je dois m’attrister de la disparition de son successeur en la personne de Henri Bedoin qui a joué un rôle important à La Diana, en tant qu’administrateur de la Bastie, de 1980 à 1991.
Henri Bedoin, qui demeura à Boën-sur-Lignon la plus grande partie de sa vie, à deux lieues dirait-on de La Bastie, avait une ascendance paternelle en cette cité, mais ses parents avaient émigré, sans aucune expression péjorative à la mode, sur Paris où son père était ferronnier-serrurier. Il est né ainsi à Paris en 1924.
Ce n’est qu’après les vicissitudes de la guerre et la mort de son père qu’il revint au pays de ses ancêtres pour s’y fixer définitivement. Une excellente formation d’autodidacte curieux lui avait permis d’intégrer les cadres des usines Gauchon, entreprise métallurgique majeure de la région, hélas disparue à notre époque dans le vertige européen. C’est aussi la mort accidentelle de l’un de ses dirigeants qui aggrava la situation dans une atmosphère sociale difficile. Il y occupa les fonctions de chef du personnel avant que l’on invente le titre de D.R.H. aux consonances vaniteuses mais peut-être pas plus efficace.

Henri Bedoin avait, dès  sa jeunesse, un très grand sens du bénévolat, de l’action généreuse au profit des autres, alliée à une grande rectitude morale. En effet, si j’en crois les lignes écrites par monsieur Gourgouillon, historien boënnais lui aussi, il avait milité à Boën pour l’œuvre dite des Petits Poulbots, bien connue aux années 1940. Il les guidait dans notre région durant les vacances. C’était d’ailleurs le scoutisme qui l’avait porté à s’occuper de cette association. Le scoutisme était à lui seul une école des valeurs de l’homme bien décriées de nos jours. A Boën-sur-Lignon, lors de son arrivée, il aura, au plan éducatif, une grande activité en dehors de ses fonctions professionnelles à Sail-sous-Couzan, époque où il pouvait jouer un rôle important.
Il n’avait pas la formation de son successeur, le Docteur Giroux, mais davantage, sans doute, sentait-il la présence de l’histoire. Je l’ai moins connu mais cette curiosité semblait vaste. Il participait aux soirées de bienfaisance tant pour l’organisation du décor que de l’animation et je l’ai vu plus tard dresser les panneaux des expositions d’ouvrages pour les fêtes du livre.
Dans ce cadre bénévole, il était membre de la Croix Rouge depuis longtemps et en devint délégué local puis départemental de 1991 à 2003. Cet engagement à la Croix Rouge le reliait à la Banque Alimentaire et autres organisations. Au plan scolaire, il sera administrateur du lycée d’enseignement professionnel privé de Boën-sur-Lignon, établissement qui a compté pour beaucoup dans la région dotée de deux usines métallurgiques prospères. Il verra malheureusement, avec la crise de ces usines, la disparition de cet établissement.
Au-delà de ce dévouement, il s’intéresse à l’histoire locale car dès 1955 il adhère à La Diana.
A cette époque, il va publier des ouvrages sur Couzan dont il était un grand admirateur. Ces ouvrages s’échelonnent de 1957 à 1994, parfois en réédition et tous axés sur la région – on en trouvera la liste en annexe-

Ces recherches l’amènent à s’intéresser à cet autre fleuron de La Diana, le château de La Bastie d’Urfé dont il sera administrateur de 1981 à 1991, gestion autonome de la société, après monsieur François Thiollier. On peut s’arrêter un instant sur cette charge. Le château sauvé par La Diana aux années 1900 était administré par un comité animé entre les deux guerres par monsieur Marius Delomier soutenu par un généreux et discret mécénat de quelques donateurs dont la famille Guichard et à cette époque non vantés par les médias. Les Monuments Historiques du moment participaient aux travaux dans une large mesure et moins de paperasses mais les monuments classés étaient peu nombreux. Les autres subventions étaient à peu près inexistantes. Pourtant, le château qui recevait autant de visiteurs que maintenant employait uniquement un couple et un auxiliaire temporaire, à la fois guide, gardien et jardinier, il faut le souligner.
Le temps passait, la situation des bâtiments ne pouvait que difficilement se soutenir avec les outrages du temps, malgré les bonnes volontés et aussi la disparition du mécénat.
Monsieur Bedoin prenait ainsi une situation aléatoire en ces années 1980 et durant plus de dix ans. Il lui fallait assurer, parmi ses nombreuses activités, la tenue des comptes, les ennuis quotidiens, les tentatives de vol et autres difficultés, ceci même avant sa retraite.
Sa gestion comme celle de ses prédécesseurs visait à une stricte économie financière. Elle ne pouvait plus répondre à la nécessité des travaux sur le château, de plus en plus urgents.
Des difficultés amèneront sa démission d’administrateur du château en 1991, après avoir participé à la négociation d’un bail emphytéotique avec le Département de la Loire. Celui-ci permettra des travaux de restauration extrêmement importants et coûteux qui donneront un nouveau visage aux bâtiments et jardins.
Bien que restant membre de la société, il sera remplacé par François Giroux dont j’ai dû rappelé la carrière hélas.
Cette présence à La Diana va se concrétiser en 1997, plusieurs années après, par un don exceptionnel en importance qu’il nous fit obtenir pour la restauration de la chapelle du château de Couzan alors en piteux état mais qu’il entendait maintenir à l’usage du culte pélerinaire de jadis. Les travaux ont été exécutés sous l’égide de monsieur d’Assier, conformément à son intention et il doit en être remercié avec émotion.
On le voyait moins depuis son départ du château encore qu’il assistait régulièrement à nos réunions. La dernière fois que je le vis était dans la circonstance bien particulière de la célébration du centenaire de notre ancien président, le comte de Sugny, où il était parmi les familiers de cette cérémonie. Je sais qu’il avait apprécié.
Ses activités locales continuaient à la Croix Rouge. Il était assidu aussi à la fête du livre de la commune.
Néanmoins, ses travaux lui avaient valu, outre le mérite social, la décoration assez enviée de l’ordre des Palmes Académiques et diverses autres distinctions.
Madame Bedoin, fidèle assistante, reste seule à Boën-sur-Lignon ; leurs deux enfants et petits-enfants sont éloignés.

Je lui renouvelle mon émotion sincère, dans cette tranche de vie au milieu de notre histoire ; je formule le souhait qu’enfin Henri Bedoin puisse savoir, dans le ciel auquel il croyait, la suite de cette petite histoire où tous peuvent accéder avec le goût qui leur vient au fil de la jeunesse ou de la vieillesse en dehors de toute situation d’origine.

Liste des ouvrages rédigés par Henri Bedoin :
– Ceux de Couzan (1957)
– Visage du Lignon (1967)
– Le pays de Lignon en gravures (1976)
– Couzan nous est conté (1989 pour la 2e édition)
– Mélanges foréziens (1991)
– Leigneux en Forez nous est conté (1992)
– Croyances et foi foréziennes (1994)

Henri Bedoin (1924-2005)

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