LE PLONGEON : UNE UNITE DE MESURE LOCALE MECONNUE, Note de M. Stéphane Prajalas, BD, Tome LXV, Montbrison, 2006, pages 81 à 83.

 

 

            La France d’Ancien Régime se caractérisait par une extrême diversité dans les systèmes de mesures usités.
            Les mesures étalons variaient d’une province à une autre, parfois même à l’intérieur d’une même province.
Cette variété infinie et la complexité résultant de ces divers systèmes de mesures locaux constituaient une entrave aux commerces intra-provinciaux en particulier.
L’historien se trouve confronté fréquemment aux problèmes de conversions, d’appréhension des quantités de produits échangés ou de surfaces mentionnées dans les actes notariés de l’époque moderne.

Quelques documents citent pour les paroisses de Saint-Georges-en-Couzan et de Saint-Bonnet-le-Courreau une unité de mesure qui ne semble avoir été employée que très localement : le plongeon.
Le plongeon est utilisé pour désigner un amas important de gerbes de céréales. 
Marcel Lachiver, dans son Dictionnaire du monde rural1, précise que le terme de plongeon était usité dans le Massif-Central et le Bourbonnais s’appliquaient aux meules de gerbes qui demeuraient dans les champs jusqu’au moment du battage. De façon plus générale on parle de gerbier ou de meule en France.
Cet auteur ne précise cependant pas de combien de gerbes se composait un plongeon.
Cette unité de mesure n’est pas non plus répertoriée dans les tables de conversion publiées à la fin du XVIIIe siècle, suite à l’instauration du système métrique.
L’étude croisée de documents d’époque permet cependant d’avancer une hypothèse pour tenter de préciser le nombre de gerbes d’un plongeon.
Nous savons que dans la haute vallée du Lignon, les dîmes2 étaient prélevées à la douzième gerbe (la dîme ne représentait donc pas un impôt correspondant à un dixième des productions, mais un taux de prélèvement de « seulement » 8,30 %).3
Un document en date du 04 septembre 17264, précise quant à lui,  que la dîme due par certains habitants du cruaux représentants des religieux bénédictins de la Chaise –Dieu s’élevait à raison d’une quantité de vingt-cinq gerbes par plongeon.
Au regard des renseignements fournis par ces deux actes on peut donc estimer que le plongeon dans la haute vallée du Lignon était constitué de trois cents gerbes de céréales (chaque fois que l’on a 12 gerbes on en prélève une, donc 25 gerbes prélevées sur un plongeon représentent 25 x 12 = 300 gerbes).
            On imagine aisément que cette unité de mesure pouvait permettre aux contribuables de frauder lors de la collecte de l’impôt en nature (en particulier lors de la perception de la dîme qui se faisait sur les champs). On pouvait en effet, au choix, grossir le nombre de gerbes d’un plongeon (le nombre de gerbes versées au titre de la dîme sur trois cents gerbes de l’unité faisait ainsi baisser le taux d’imposition), on pouvait aussi mettre des gerbes plus grosses au cœur du plongeon alors que les gerbes prélevées par les dîmiers sur les pourtours étaient de facture plus réduite. 

Grâce à ces actes que nous connaissons un peu mieux ce à quoi pouvait correspondre le plongeon dans la haute vallée du Lignon. Comme nous l’avons dit précédemment la métrologie variait extrêmement d’un point à l’autre du royaume. Le plongeon était-il constitué de 300 gerbes dans l’ensemble des provinces où il existait ? Le plongeon était-il d’ailleurs de valeur homogène à l’intérieur même de la province de Forez ? Seules des études comparatives pourront permettre de répondre à ces deux dernières questions.


1 Lachiver Marcel : Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé. Fayard (1997).

2 Prajalas Stéphane : Les dîmes de Cruzolles au XVIIIe siècle. Bulletin de la Diana, Tome LX n°4, 4° trimestre 2001.

3 Prajalas Stéphane : Les dîmes de Davoissenne au XVIIIe siècle. In Saint-Georges-en-Couzan. Notes et Documents volume 2. Village de Forez(2006).

4 Transaction entre les vénérables relligieux bénédictins de la Chaize dieu passé a claude massacrier et symon de la cellery. Acte passé devant le notaire royal Bochetal (Archives de la Diana).

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