PIERRE POTIGNON : PRETRE CURE DE LA PAROISSE D’ARCINGES AU XVIIIe SIECLE Communication de Monsieur Alain Sarry, BD, Tome LXV, Montbrison, 2006, pages 270 à 298.

 

 

I – Présentation du cadre historique de la paroisse
Arcinges est une toute petite commune rurale du canton de Belmont-de-la-Loire, située dans le nord-est du département de la Loire. Sous l’Ancien Régime, elle a dépendu successivement de la main du roi, puis au XIVe siècle, elle a été annexée à la province du Beaujolais par Guichard VI, sire de Beaujeu, tandis que du côté spirituel, elle a été rattachée à l’archiprêtré de Beaujeu dans le diocèse de Mâcon. Le prieur de l’abbaye bénédictine de Charlieu a nommé à la cure.
L’histoire de la paroisse d’Arcinges est liée à une maison forte du même nom dont il reste quelques vestiges situés au sein du petit bourg. Ils s’articulent autour d’une cour dissimulée par des constructions à l’usage d’habitations remaniées depuis la vente des biens des émigrés Vichy lors de la Révolution. Une tour ronde, massive, haute de huit à neuf mètres, sans ouvertures, couverte d’une toiture presque plate, a témoigné jusqu’en 1913 de l’aspect fortifié de cette demeure où se sont succédé les familles de Saint-Haon, d’Amanzé, Saint­-Georges et de Vichy.
Quant à l’origine de la paroisse, elle est antérieure à l’an mil. Une charte de Cluny , datée entre 987 et 996, mentionne l’existence de l’église, avec d’autres biens, qu’un homme prénommé Gui avait légués à l’abbaye de Cluny pour célébrer le repos des âmes de Blisardus, son père, Blimodis, sa mère, et Guichard son frère. Cette église est ensuite citée dans les pouillés antérieurs au XIVe siècle de la province de Lyon, publiés par Longnon . Cette paroisse beaujolaise, placée initialement sous le vocable de sainte Marie, se place ultérieurement sous celui de sainte Catherine .
Les noms des tout premiers curés nous sont inconnus . Edouard Perroy dans un article paru dans un bulletin de la Diana mentionne en 1494 : Jean Truchuat non seulement comme prêtre mais aussi comme notaire royal. Plus tard Jean Consoris est signalé prêtre de la paroisse dans un terrier du XVIe siècle de la terre de Montruchet où il déclare la reconnaissance suivante: … 4 sous, 6 deniers parisis, un demi livrou seigle. un ras d’avoine, une demie poule, manoeuvres, etc. sur les tenures constituées par le pré et la verchère appelée Sagnia, qui sont contigus au domaine d’Etienne Pastural et le long du chemin conduisant d’Arcinges à Cours…
L’église actuelle a succédé à l’ancien sanctuaire édifié à quelques dizaines de mètres du château vétuste. Cet édifice construit dans un style néo­classique du XIXe siècle ne présente pas d’intérêts architecturaux. Elle a remplacé une église trop petite pour le nombre des fidèles augmentés par la venue abondante d’une main-d’oeuvre étrangère, conséquence du développement de l’industrie textile régionale du moment.
Une pierre sculptée, en calcaire extrait des bancs du jurassique de la proche région de Charlieu, provenant de l’ancien lieu de culte a été remployée au-dessus de la grande porte et disposée au-dessous de l’oculus. Elle représente les armes de la famille de la Magdeleine de Ragny qui porte: d’hermine barrée de trois pièces de gueules, chargé de 9 coquilles d’or , soutenu par deux sauvages, avec une crosse posée en pal. La pierre est surmontée d’une inscription portant le millésime : 1840, date de la construction de l’église actuelle.
Le cimetière primitif entourait l’église comme le montre le plan du cadastre dressé à l’époque napoléonienne, avant d’être transféré à la fin du XIXe siècle au lieu actuel dans un terrain fort accidenté à la sortie du village sur la route conduisant à la commune du Cergne .
L’estimation du nombre de paroissiens d’Arcinges au cours du XVIIe siècle est délicate à définir. A la fin du XVIIe siècle Louvet , dans sa description de la province beaujolaise, relate pour cette paroisse comprenant aussi celle d’Ecoche le nombre total  de 126 feux.

II – Le curé Pierre Potignon
Plusieurs actes, conservés dans la série B des archives départementales de la Loire, nous font découvrir Pierre Potignon, ce modeste curé de campagne, personnage incontournable d’une communauté villageoise dans la première partie du XVIIe siècle.
Le curé Potignon est originaire de la province voisine de Bourgogne, plus précisément de la paroisse d’Oyé , distante d’une vingtaine de kilomètres au nord dans le département de Saône-et-Loire.
Le père de notre curé s’est marié avec Antoinette Vadon. Les enfants de cette union sont successivement : Benoît, qui à Oyé succédera à son père en qualité de maréchal-ferrant ; Benoîte, qui s’est mariée en premières noces à un autre Pierre Potignon, connu comme notaire royal à Oyé, puis en secondes noces à Antoine Fraichet ; Pierre, objet de la présente étude ; Georges épouse Ducroux; et finalement Jeanne, qui prend pour mari Jean Ducroux.
Comme nous venons de le constater, suivant la coutume, le fils aîné succède aux affaires de son père, mais que deviennent les autres enfants ? Apparemment toutes les filles se marient, quant à la destinée de Pierre quels critères orientèrent son choix d’entrer dans les ordres ? Bien qu’aucune certitude puisse être établie à son sujet, nous pouvons néanmoins avancer plusieurs éléments de réponse. Est-ce lui-même qui choisit délibérément cette voie ? Est-ce en fonction des recommandations de son père ? Exauce-t-il un vœu d’un proche parent par exemple un oncle, prêtre lui aussi ? Qui lui a payé ses études ? Nous ignorons tout du cursus de sa formation et de ses connaissances théologiques. Tout ce que nous savons, c’est qu’il a reçu ces lettres de prêtrise à l’âge d’environ vingt ans. Nous ne sommes pas en mesure d’avouer s’il a desservi auparavant dans une autre paroisse que celle d’Arcinges soit en tant que vicaire, soit en tant que curé. Il n’est pas possible d’évoquer ce prêtre par les actes d’état civil qu’il a rédigés pendant son sacerdoce car malheureusement les registres antérieurs au XVIIIe siècle sont irrémédiablement perdus.
D’après son testament, Pierre Potignon a célébré sa première messe au début de l’année 1610. Il est décédé à Arcinges en 1653. Il était alors âgé d’environ 63 ans. Par le même document il nous fait part qu’il était propriétaire de deux domaines dénommés Pranieux et Burnichon, situés tous deux dans le canton de Noailly sur la paroisse de Belmont-de-la­-Loire.
Le 2 mars de l’année 1624, nous trouvons Pierre Potignon, dit Rochette, prêtre curé d’Arcinges, et accompagné de Claude et Etienne Duperron, marchands de Chauffailles, sont tous les trois cités comme témoins dans l’acte d’acquisition faite par Claude d’Amanzé, seigneur et baron de Chauffailles, Vif, et Arcinges, contre Jean, fils de feu Antoine François, laboureur de la paroisse de Chauffailles consistant en une terre appelée de la Vesure et Desmaryon, sise au bourg de Chauffailles, contenant la semence de 6 mesures au prix et somme de 40 livres .
Dans la masse de documents du fonds d’archives Vichy, conservé à la médiathèque de Roanne, qui a été classé sommairement par Etienne Fournial en 1955 , existe une pièce se rapportant à Pierre Potignon. Elle est datée du 20 mars 1633. Elle consiste en un inventaire d’écritures provenant de Pierre Potignon. Ces papiers avaient été établis pour le profit du seigneur et baron de Chauffailles. Ils étaient déposés au cabinet de maître Antoine Perrade, qualifié de notaire royal résidant à Chauffailles. Cet inventaire a été réalisé à la suite du décès de ce notaire pour le compte de son successeur : Jean Decligny, habitant de Châteauneuf-en-­Brionnais. Ce dernier deviendra par la suite le principal homme d’affaires d’Antoine d’Amanzé, seigneur de Chauffailles . A l’indice 37 des 130 documents inventoriés est fait mention d’une acquisition par le seigneur de Chauffailles contre Antoine Billet et sa femme. Pierre Oin, Claude François, et Pierre Potignon du 27 novembre 1630.
Pierre Potignon apparaît en tant que témoin le 2 mai 1634 dans un échange de rentes et terres portant toutes justices hautes, moyennes et basses, situées en limite des paroisses de Mars, Arcinges et Cuinzier par Claude d’Amanzé, seigneur et baron de Chauffailles, Vif et Arcinges d’une part et Claude du Saix, écuyer, demeurant à Mars en Lyonnais d’autre part .
Le 19 avril de la même année, Pierre Potignon apparaît encore comme témoin dans quatre quittances passées à Chauffailles et reçues Perrade, Décligny, Thyvend, notaires royaux, totalisant la somme de 209 livres et produites par le seigneur de Chauffailles … contre Etienne du Troncy, huissier résidant à Chauffailles, ayant droit de Claude de Fontainier à l’encontre de François Symonnard, Jean Aulas, Pierre Verdier .
Etienne du Troncy, huissier général de Belmont, passe une quittance au profit du seigneur et baron de Chauffailles le 15 décembre de l’année 1639 pour les arrérages de la constitution d’une rente de 800 livres faite en la maison forte de Chauffailles en présence de Pierre Potignon, prêtre et curé, et Claude Boisson, notaire royal et greffier audit Chauffailles .
Assisté de Benoît Mercier, qualifié de marchand et habitant de Belmont, Pierre Potignon assiste en tant que témoin d’une obligation passée par devant Petit, notaire royal, par Etienne du Troncy, huissier et sergent royal de la paroisse de Belmont, au bénéfice d’Antoine d’Amanzé, écuyer, seigneur d’Estieugues, de la somme de 126 livres 18 sols pour la vente et délivrance de blé faite au chastel de Chauffailles .
En 1646, Pierre Potignon est cité dans un acte de remise de prébende contre Monsieur d’Estieugues .
Pierre Potignon était également le fermier de la terre de Noailly-le-Petit-les-Belmont, terre appartenant à cette époque à Monsieur César Béraud, seigneur de Ressins , Nandax, et Villers. De nos jours, ce lieu-dit forme un hameau à l’ouest de la commune de Belmont-de-­la-Loire aux confins avec celles d’Ecoche et de Saint-Igny-de-Roche. Sous l’Ancien Régime, Noailly était une seigneurie avec sa justice haute et basse. C’est justement dans le petit fonds de ces greffes conservé aux archives départementales de la Loire que plusieurs documents ont trait à Pierre Potignon. Nous le retrouvons à la fois témoin et victime de divers délits.
Le premier document date du 19 mars 1650. Il consiste en une sentence sur défaut prononcée contre François Magnin, qualifié de laboureur et habitant à Belmont, au bénéfice du curé d’Arcinges Pierre Potignon et de Claude Barriquand, fermier de Noailly-le-Petit.

III – Braconnage de pigeons
Tout comme de nos jours la chasse était déjà très réglementée sous l’Ancien Régime. Les braconniers n’avaient pas froid aux yeux pour braver les droits seigneuriaux, provoquer et affronter les gardes nommés par le seigneur ou ses fermiers. François Vallet et Louis Duperron, ensemble ont chassé frauduleusement avec armes à feu des pigeons qui appartenaient à Pierre Potignon. En ayant eu connaissance, ce dernier a déposé une plainte reçue Deszigaulx, notaire royal, en date du 3 avril 1650 pour poursuivre les contrevenants en justice et demander réparations .
Quatre mois plus tard, jour pour jour, Pierre Potignon obtient une information contre François Giraud Valet et Louis Duperron, dit de la Font. Lors de cette audience, comparaissent successivement les témoins suivants : Philiberte Delafont, mariée à Etienne Devaux, journalier de Belmont, âgée de 25 ans, dépose … que le nommé François Giraud Vallet, demeure audit village Noailly, elle luy a vu plusieurs foys un fusil, a ouï tiré beaucoup de foys des coups d’arquebuzes, ne scait néanmoins qui les tiroit, ny à quy l’on tiroit… ; Barbe Déal, veuve de Clément Buty, âgée de 45 ans, déclare : … Peu auparavant la saint Jean-Baptiste dernière, estant à la compagnie de sont bestial, elle vit François Giraud Vallet et Louis Duperron, armé de grands fusils qui tiroit à une volée des pigeons du sieur Potignon…  ; Benoît Buty, fils dudit Clément Buty, âgé de 14 ans, n’ajoute rien de plus ; Pierre Auvolat, laboureur, âgé de 35 ans, cite : … A ouï dire à ses voisins qu’il était un fripon, qu’il ne valait rien…  : Antoine Marchand, fils de Benoît Marchand, laboureur âgé de 17 ans ; Jeanne marchand, fille de Benoît Marchand, âgée de 15 ans, confirme que ce n’était pas la première fois qu’ils chassaient les pigeons du demandeur ; Bartholomée Joanin, femme d’Etienne Buty, âgée de 25 ans. Voici un extrait de la déposition du dernier témoin en date du 3 août 1650 : … Elle vit un coup de fusil porté aux pigeons de messire Potignon par les nommés François Giraud Vallet et Louis Duperron. Et duquel coup, il en tua quatre, qui demeura sur la place. Lesquels ils prirent et transportèrent. Ni scait où et en quel endroit il les a mangé. Luy a vu plusieurs fois porté le fusil sur l’épaule. Elle a ouï dire qu’il y avoit un méchant garçon et qu’il faisait une grande guerre aux pigeons du sieur Potignon. Lequel Giraud tua lesdits pigeons au village de la Font, dans un  fond appartenant audit sieur Potignon
Tous les témoins sont unanimes et reconnaissent les faits de la plainte.
Les protagonistes n’en étaient pas à leurs coups d’essai puisque Barbe Déal dans sa déposition dénonce un méfait similaire de ces deux particuliers. Elle les accuse d’avoir tiré à plusieurs reprises sur ses propres poules et d’en avoir percées, blessées, renversées et tuées trois ou quatre dans un chemin à proximité de sa maison. Elle surprit Duperron en flagrant délit un dimanche matin lorsqu’elle revenait de la messe célébrée en l’église paroissiale saint Christophe-de-Belmont. Elle lui demanda à ce moment pourquoi il agissait de la sorte. Il lui répondit, tout en blasphémant le saint nom de Dieu, que s’étoit son plaisir et qu’il en tireroit bien davantage. Il dit de plus, que si elle le traînait en justice, il lui ferait un mauvais partie. Ayant ramassé ses gallinacés étendues mortes sur le chemin, et devant de telles menaces, elle vint aussitôt les exposer devant le procureur fiscal de Noailly .

IV – A propos d’un nouveau-né abandonné
Le 5 novembre 1650, le procureur fiscal de la juridiction de « Noailly-les-Petits », adresse un procès-verbal établissant l’abandon d’un nouveau-né de Benoîte Musset, fille d’Etienne Musset, au-devant de la porte de Benoîte Barriquand.
… Supplie humblement Benoite Barriquand, pauvre femme, veuve de Jean Sannerot, justiciable dudit Noailly, disant que dans la nuit entre le 7 et le 8 septembre du présent mois et an, pour et auparant le jour de mercredi, vint à sa porte Claude Bonnet, tixier dudit Belmont, lequel l’appela et luy ouïa « Benoîte levez-vous, il y a un enfant à votre porte! »  Qui fut cause que tout de suite, elle sortit de son lit, et ouvrit sa porte. Et furent que les voisins ouïrent que ledit Bonnet avait crié qu’il y avait un enfant à sa porte. Ils y accourussent aussy et virent ledit Claude Bonnet, lequel, voyant le nombre de personne s’évada. Et fut          l’enfant porté dans la maison de ladite suppliante à my mort de froid et sur-le-champ desmailloté pour le chauffé et pour qu’il ne mourut. Mais en le desmaillotant, fut trouvé sur son bras un billiet contenant trois lignes, fors difficile à lire. Par lequel billiet est contenu que ledit enfant est audit Claude Bonnet. Qu’il escrit à en prendre charge et qu’il n’estoit baptisé, qui fut cause que l’instant que ledit billiet fust trouvé on courut après ledit Bonnet, mais il fust mandé.
Il fust établi après avoir reçu ledit billiet, je baptise ledit enfant. Il.fùt nommé Benoît. Depuis, ladite suppliante ne scait trouver audit Claude Bonnet qu’il eut attesté ledit enfant, et avoir soing de !uy et de sa nourriture. Ladite suppliante n’ayant intérest audit enfant, ny moven de le nourrir. Mais ledit Bonnet est refusant de tenir icelluy enfant qui est la cause que la suppliante seront à vous par luy être
Depuis Pâques de l’année 1650, Benoîte Musset avait été placée comme domestique au service de Philiberte de Montcorgier résidante à Belmont. Claude Bonnet l’a rencontrée et l’a bonimentée et séduite. Abusée par cet homme, elle s’est retrouvée quelques semaines plus tard enceinte. Elle s’est arrêtée de travailler et a recherché du soutien auprès de son père. Mais celui-ci se sentant humilié a refusé d’accueillir sa fille auprès de lui. Désespérée par cet état de fait, elle trouve refuge auprès de l’une de ses sœurs, mariée et installée dans une autre paroisse, qui s’avère plus compréhensible.
Les mœurs au XVIIe siècle évoluent dans un carcan légiféré par le pouvoir de l’église catholique qui guide les actes privés de la vie quotidienne. A ce titre, le péché de chair est considéré comme un délit. Les filles mères ont été non seulement montrées du doigt, mais ont aussi été considérées généralement comme des filles de mauvaise vie. Ces critiques leur ont fermé bien des portes de leur avenir. En effet, mises à l’écart de la communauté, il leur est difficile de trouver un emploi, un mari. Si dans les villes importantes l’Hôtel-dieu et les ateliers de charité prodiguent des attentions à ces jeunes femmes. souvent innocentes et ignorantes des méthodes contraceptives, dans la campagne elles ne comptent que sur elles-mêmes. Ainsi Benoîte, n’a pas eu d’autres ressources que de solliciter un asile momentané auprès de sa soeur installée à Jarnosse. Là, après plusieurs semaines, elle accouche discrètement d’un garçon.
Quelques jours plus tard, elle en fit part au père de l’enfant. I1 refusa de la prendre pour femme. Par contre cette dernière, loin de se démonter et pour le contraindre et forcer à respecter ses engagements et promesses de mariage, lui confie son enfant pour qu’il l’élève et l’éduque. Sans doute sous l’emprise d’une panique de ne pas pouvoir assumer ces tâches, le père a préféré abandonner le nouveau-né en le déposant sournoisement devant une porte. Son geste semble prémédité, car il appela la résidante de l’habitation, où pensait-il l’enfant serait accueilli favorablement et convenablement. Cette maison était-elle connue de réputation pour être tenue par une nourrice généreuse. ou était-ce délibérément le hasard qui détermina ce choix lors de la fuite du père?
Quoi qu’il en soit. Pierre Potignon a baptisé l’enfant auquel on attribua le prénom du père.
Nous ne savons pas ce qui est advenu par la suite du père, de la mère et de l’enfant.

V – Les droits du moulin de La Font
Nous retrouvons ensuite Pierre Potignon le 25 février 1651 dans une sentence de la juridiction de Noailly-le-Petit-les-Belmont qui est prononcée contre Louis Duperron. laboureur dudit Belmont au sujet d’un ancien droit du moulin de la Font édifié sur la rivière de l’Aaron .
… Il est dit ayant égards aux insinuations faites par le demandeur et offre du demandeur jouira du droit de molage, mauvage et battage au molin appelé de la Font appartenant audit deffendeur, en tout temps, et à perpétuité, sans aucun droit. Et, si faisant pourra moudre son bled, et son huille, battre son chanvre et tous ses autres grains et choses en même quantité et poursuit feuEtienne, fils et héritier de Vincent Buty, et Benoîte Duperron, dit Dumont, pour l’estimation de quoyles parties nommeront et conviendront de prud’hommes dans la quinzaine; autrement en sera, par nous pris et nommez d’office, si mieux ledit deffendeur Magnin laisse.jouir ledit demandeur sans misayre du susdit droit de molage, mauvage et battage pour l’usage de leur maison. En recquérant par ledit demandeur après celui qui aura molu, ledit deffendeur néantlmoingt pressé, et bien avant pour le demandeur et l’intérest dudit moulin sans y fournir aucun matériaux, et en consignant de ci fera ledit deffendeur entretien audit moulin, jouira de tout outil nécessaire à icelluy audit demandeur à sa première réquisition ; auquel demandeur nous avons avons. fait défens à l’avenir de voyes de fait, sauf au prières de droit, et au surplus avons .fait hors de cour, sans dépens, dommages, ni intérêts, ni instance .
Signe : Demontchanin,  juge.

VI – Acquisition d’une terre
Pierre Potignon accroît ses propriétés. Il achète le 3 juillet 1652 à Pierrette Durix une terre appelée de la Coste et de la Panneterie située sur la paroisse de Belmont .

VII – Son testament
Le document majeur de cette série consacré à Pierre Potignon est constitué par son testament rédigé le 9 mai 1651. Il décède quelques mois plus tard. Il est alors âgé de 63 ans.
Le 31 octobre 1652 les biens de Pierre Potignon sont sommairement inventoriés et sur plusieurs de ses meubles sont apposés des scellés par le procureur de la justice de Noailly.
Après ses funérailles, l’ouverture de ce document a été consigné dans un procès-verbal qui nous est parvenu. La lecture du testament a été faite par le notaire en présence des parents et de témoins.
Le document est rédigé recto verso d’une écriture ronde et régulière, hormis le verso du dernier feuillet qui est blanc. L’encre traverse par endroit le papier. Le testament comptabilise 12 pages papier, format 20 x 28 cm. que lie ensemble un fil de ligature en lin. Les signatures de Pierre Potignon et de Thivend , greffier de la justice d’Arcinges sont apposées à la fin du texte. Le document conservé aux archives départementales de la Loire concerne une minute du testament original qui avait été scellé à la cire rouge du sceau personnel de Pierre Potignon.
Sept témoins ont assisté à la rédaction du testament. Six d’entre eux, originaires de la paroisse de Belmont, sont des laboureurs. Ils se nomment : Louis Boisson, Pierre Perroux. Claude Thomas, Benoît Marchand, surnommé Berthière. Pierre Michel de la Four et Noël Barbier. Le septième témoin, Jean Prunier, est un clerc de la paroisse de la Clayette.
Les dix-neuf dispositions contenues dans le testament dévoilent non seulement le souci du testateur de s’acquitter honorablement de ses devoirs devant Dieu pour le bien de son âme, mais visent aussi la distribution de legs en numéraire envers les membres de sa famille, règlent ses funérailles et répartissent les dons pieux au clergé et les aumônes à distribuer aux pauvres.
Le testament débute de la sorte:
… Au non de Dieu, amen, par devant le notaire tabellion royal, héréditaire, … résidant en la paroisse de Belmont, soubsigné en présence des témoingts après nommés, constitué et établi en personne véritable, et dit cette personne messire Pierre Potignon, prestre curé d’Arcinges, lequel déclare estre son testament cy joint attaché et recognu noir, contenant trois feuillets de papier tant plein que vuide. Lequel il veux et entend estre bon et vallable par toutes les formes, teneurs et articles mesmes des feuillets qui sont par luy signé et contresigné, sans qu’il veuille n’y entendre aultre testament, valloie qu’icelluy olographe, duquel il veulx et entend son héritier par icelluy dénommez de .jouir plainement, paisiblement, et possessionelement sans qu’il soit troublé d’aulcun parrentz ou alliez, en leur parant les légats par ledit testament apposé par lediti sieur Potignon. Il veux et entend et appelant ledit sieur Potignon, ledit testament, il sortira son plein et entier effet appartenant les nullités iceluy mêmes de tout ce qu’il se trouvera escrit, tant lignes que contrelignes, sans que les héritiers avant aucune caution de ses parents et alliez ; mêmes lesdits parrents ne puissent passer aulcunes cessions, transports, remise des droitz à luy donner par ledit testament de tout ce qu’il pourroit prestendre advenir. Et en cas de remise, les destitutions de ses héritiers et désavoïent par ses parrents suivant ledit testament sus déclarez. Par soit testament et ordonnance de dernière vollonté comme bien qu’il soient escrit en plusieurs fois, et de dernier aucun aultre bon vallable comme cy ycelluy avoit esté rendu par plusieurs notaires, disant n’avoir, jamais faict aultres testaments qu’il puisse divisé les mois, les clauses rogatoires. Veulx et prétend celui présent estant  mesme le sus nominé scellé, soit par son plain et entier effet, tant toutes les fois que l’ouverture ne sera auculnement faicte qu’après le décès dudict sieur Potignon, et en continuant après iceluy, veulx et entend iceluv sera ouvert au paravant sa sépulture ; et pour l’ouverture d’icelluy les parents estre assemblez avec le notaire que bon leur semblera, dues et devoir à chascun d’eulx ce qu’il leur appartiendra, cassant, révoquant et annulant tous aultres testaments qu’il pourraient avoir cy devant faict. Veulx et entend ledit testateur estre ses dernières volontez, priant, requérant les témoins à luy connus, faits à fait en avoir bonne mémoire, et tenir les volontez testamentaires écrites jusque après son décèz, et après lequel testateur à qu’il appartiendra, et audit notaire royal, soubsigné, en baillé une ou plusieurs expéditions de qui requis.sera, faict et passé en la maison dudict sieur Potignon, après midi le 28e jour du moys d’octobre 1652…
Après cette longue introduction, très courante dans ce type de document, Pierre Potignon continue son testament par ces mots :
… Jésus, Maria in nominé patris fils espéritus et paradis qu’il leur plaise de vouloir intercesder pour moy le bon Dieu qu’à la fin de mes .jours, en ce mortel monde, mon âme puisse estre avec eulx en paradis. Et qu’il plaise à Dieu, et que mon âme estan séparée de mon corps pour aller au paradis…
La première disposition énoncée indique à ses héritiers le choix de sa sépulture :
… Que mon corps soit enterré à la grande porte, principale entrée de l’église parroichiale d’Oyé, lieu de ma naissance, du costé de midi, au tombeau de feu Pierre Potignon, et d’Antoinette Vadon, mes pères et mères, dire absolu, ou bien au coeur de l’église dudict Arcinges, au choix de mes bons parents et amys…
Il poursuit :
… Ordonnant que mon enterrement, quarantaine et bout de l’an, il y soit appelé dix prêtres du voisinage,  je prie de dire toute la sainte messe… les vigiles des morts tout au long et une grande messe des saints, amen…
Cette présence de prêtres en nombre est une coutume bien établie dans la région depuis plusieurs décennies. Marie-Thérèse Lorcin dans son ouvrage Vivre et mourir en Lyonnais du XIVe au XVIe siècles dépeint dans le déploiement du cortège funèbre les aspects sociaux du défunt. Par le nombre plus ou moins important de célébrants, de messes, d’aumônes. le testateur attire sur lui, après son décès, le regard de la foule. Cette tendance de plus en plus grande d’offrir des messes en nombre pour s’octroyer. se garantir. une part de paradis va s’accentuer. Tant et si bien que le nombre de prêtres réclamés, soit pour assister aux funérailles, soit pour dire les messes deviendra insuffisant au cours du XVIIIe siècle. Cette situation provoquera alors une crise parmi le clergé. Cette coutume, par la suite tombe en désuétude, mais persiste avec un nombre de messes réduit.
Le testament se poursuit de la sorte :
Nomen, domini, bénédictum, testament et ordonnances des dernières volontez faict par moy Messire Pierre Potignon, prétre curé d’Arcinges, escrit et signé de ma main. Premièrement faisant encore le vénérable signe de la croix devant ma face, disant au nom du père, du fils et du saint Esprit, amen. Recommandant mon âme à mon Dieu, le créateur tout puissant, et à Jésus ­Christ, mon saulveur, au saint Esprit, et à la très sainte Trinité, avoir pitié de ma pauvre âme, et par intervention de la très sainte Vierge Marie, de monsieur saint Pierre mon parrain monsieur saint Claude, avant le jour de la .feste, le 6e jour de l’année 1610 célébrée ma première messe, moi indigne, et aussy de Monsieur Cosme et d’Arnisy, et à tous les saints et saintes trépassez…
Ces façons de se présenter, de remercier ses saints patrons et de se signer sont très habituelles dans ce type de document. Il continue:
A haulte voix de dire aussi les vespres des morts, et après la prose stabat mater, avec les trois oraisons interminiat, deus qui inter apostolier et fidélium tout au long….
Dans une autre disposition il déclare qu’il donne en tout 9 livres de cire : soient 3 livres pour le jour de son enterrement, 3 livres le jour de quarantaine, et 3 livres supplémentaires pour le jour de bout de l’an pour être employées à la confection des cierges et chandelles qui brûleront pendant le divin service.
Il demande à ses héritiers de payer les prêtres qui viendront assister à son enterrement, quarantaine et bout de l’an, à chaque fois la somme de 12 sols et s’ils restent à dîner, ils recevront chacun seulement 5 sols. Il oblige ses hoirs à distribuer les mêmes jours que dessus trois aumônes pour les pauvres. Elles consistent en un repas. Pour ce faire, il donne la quantité de 12 mesures blé-seigle pour la confection du pain, et 2 mesures de fèves cuites. Il recommande qu’elles devront être salées et bien conditionnées.
Ensuite il ordonne la confection d’un drap mortuaire:
Qu’il soit faict un drap de mort en futaine noyre, avec la croix blanche de mesme estoffe, pour mettre sur un banc qui demeurera jusque au bout de l’an. Voulant qu’après l’an passé, ledit drap de mort soit pris par mes parrents et héritiers pour s’en servir pour les morts de leurs maysons, sans que jamais il puissent estre diverti à autre chose …
Les lignes suivantes sont consacrées à la création d’une fondation dans les églises paroissiales d’Oyé et d’Arcinges. A ce sujet l’auteur du testament lègue :
Je veux et donne à perpétuité, par fondation, la somme de 100 livres en principal (c’est à dire la somme totale), sou la rente annuelle et perpétuelle de 5 livres par an, à la rente aux sieurs curés restituteturs et sociétaires de ladicte esglise paroissial dudict Oyé, à la charge qu’ils seront tenus, les en priant très humblement pour le service de Dieu et de la sacré Vierge Marie, de chanter à haulte voix la prose stabal mater tout au long, tous les, jours et festes et dimanches de l’ année avant ou après la célébration de la grande messe ou vespres dudict Oyé. Comme aussy chanter ladicte prose tout au long tous lesdits jours, soirs de caresme, commençant le jour des cendres et finissant la veille de Pacques. A la fin de ladicte prose, dire les vespres et responds et les trois oraisons inter médias déus qui inter apostolier et fidélium, tout au long aussy à haulte voix et chant. Que lesdits sieurs curez et sociétaires dudict Oyé feront le divin service en la chapelle de Notre Dame de Sansénet les jours et festes de Notre Dame, les dimanches et les jours de samedi. Et, je les prie aussy de dire et chanter la susdicte prose avec les oraisons suivantes cy dessus ordonnées, afin de prier Dieu pour mon âme et de tous les bons trépassez. Idem, le veux et ordonne et donne à perpétuité par fondation, tant la susdicte fondation, que la présente à la meilleure forme que donation et fondation ne peulx faire, aussy la somme de 100 livres au principal, soubz la rente annuelle et perpétuelle de 5 livres par an à l’advenir au sieurs curez restituteurs de l’esglise dutdict Arcinges, à la charge qu’ils seront tenus, les en priant aussy très humblement pour le service de Dieu, et chanter la prose stabat mater loin au long, tous les dimanches et festes de l’année et tous les soirs, et tous les jours de caresme à perpétuité, aussy à haulte voix avec les vespres et réponds, et l’oraison inter médiat qui inter apostolier et fidélium, aussi, tout au long et haulte voix, pour prier Dieu, tant pour le salut de mon âme et des fidèles trépassez…

Par la suite. les héritiers de Pierre Potignon pour s’acquitter et recouvrir la rente suite au legs de 100 livres envers les prêtres sociétaires de l’église d’Oyé passent une transaction avec Jean Maréchal, marchand de la paroisse de Coublane .
Le testateur alloue la somme de 40 livres, dont il précise que la moitié est destinée pour la réalisation de deux pierres tombales. Les mesures des deux pierres sont semblables. Elles seront en pierre taillée de la longueur de 6 pieds (1,95 mètre) et de 3 pieds et demi de largeur (1.15 mètre) et d’environ 1 pied d’épaisseur (0,32 mètre). Elles seront gravées d’une croix imprimée sur le dessus. Les 20 livres restantes seront employées à la taille de deux autres pierres de 2 pieds et demi de large et hautes de 1 pied et demi (0,48 mètre) et de même épaisseur que les deux pierres précédentes. Une inscription en grosses lettres sera rédigée sur les deux dernières pierres. Sur celle où il sera enterré le texte sera le suivant :
En ce lieu est enterré Messire Pierre Potignon, prestre curé d’Arcinges, lequel est fondé en cette église, de chanter la prose stabat mater tous les dimanches et festes de l’année et tous les soirs les jours de caresme. Ayant donné 10 livres en principal, soubz la rente annuelle et perpétuelle de 5 livres par an, ainsy qu’il est porté par son présent testament.
L’inscription sera complétée par la date du testament.
Quant à la deuxième pierre. elle sera placée contre l’église où il ne sera pas enterré et l’on lira : … Messire Pierre Potignon, prêtre curé d’Arcinges a fondé en cette esglise…  la suite du texte est identique à la première inscription.
L’une des pierres sera plantée à Oyé, au même lieu où son père et sa mère sont enterrés. Un écriteau sera posé et inséré dans la muraille au-devant de la grande porte de l’église d’Oyé, du coté sud et proche de ladite tombe, un petit bénitier de pierre sera aussi fixé au mur. La seconde pierre tombale avec son écriteau. sera placée au devant de la grande porte de l’église d’Arcinges. Elle sera enfoncée dans le mur du côté sud et disposée au dessous des armes de la Magdeleine. S’il est nécessaire l’attache dans le mur de ces pierres est assurée avec de bonnes assises de fer, pour qu’elles demeurent à jamais pour primer et édifier lesdites fondations. Ces deux pierres tombales et les deux inscriptions ont-elles été réalisées conformément à la demande du testateur par les héritiers ? Dans l’état de nos connaissances, nous ne saurons l’affirmer ou l’infirmer, car cette disposition n’a malheureusement laissé aucun vestige que cela soit à Arcinges. où à Oyé.
La pratique de graver son testament dans la pierre est attestée depuis l’antiquité. Au XVIIe siècle. elle est confirmée par plusieurs exemples connus. Il n’est pas rare de voir encore dans des églises actuelles des inscriptions de cette nature. Il en est ainsi de celle du curé Virieu. contemporain de Pierre Potignon conservé à l’intérieur du collatéral gauche de Saint Chef , plus près de nous citons celle du curé de Renaison .
Aux marguilliers des trois paroisses d’Arcinges, d’Oyé et de Belmont Pierre Potignon cède la somme de 100 livres pour la sonnerie des cloches.
Sa sœur, Jeanne, femme de Jean Ducroux, laboureur d’Oyé, reçoit la somme de 30 livres qui ne lui sera payée qu’après décès. I1 lègue la somme de 30 livres à chacune de ses trois nièces. Elles sont toutes filles de Benoîte et se nomment : Bathélémye Potignon, veuve de Denis Rajaud, Jeanne Potignon, mariée à Gaspard Basset, et Benoîte Potignon, femme de Perroux.
Il poursuit ses largesses en nommant Hugues Potignon , qu’il qualifie son petit nepveu, fils de Pierre Potignon exerçant le métier de notaire à Oyé, et de Benoîte Potignon sa sœur. Il lui octroie la coquette somme de 1000 livres et précise à ce sujet :
Hugues jouira des intérests de ladicte somme pendant sa minorité. Laquelle somme sera payée en obligation par mes héritiers après nommés. Et la rente de ladicte somme sera employée pour entretenir ledit Hugues aux escoles. Et jusque à ce qu’il aye actain l’âge de vingt cinq ans, ou qu’il sera marié. Et ou ladicte somme de 1000 livres sera employée à la fermeture des deltes de feu son père. Les biens délaissés par sondict père seront chargez de ladicte rente pour estre entretenue comme suit est dict. Et, ou ledict Hugues venait à décéder sans enfant, je substitut le susdit légat de 1000 livres à Louis Potignon, son frère, et en cas que ledit Louis se substitut ou bien aille aussi à décéder sans enfant, je veux et entends que le susdit égal de 1000 livres revienne tombé par droit de substitution audit Benoist Potignon, mareschal, mon frère, ou à son héritier qu’il aura institué pour l’hoirye …
Voici une situation toute classique d’un ecclésiastique soucieux de faire bénéficier son neveu d’une formation intellectuelle. Dans cette disposition le curé Pierre Potignon prend toutes les garanties pour que sa dotation n’échappe pas au lignage des Potignon.
Le notaire Pierre Potignon après le décès de Benoîte la sœur de Pierre Potignon, curé, épouse en deuxième noces mademoiselle Antoinette Fraichet avec laquelle il eut deux enfants prénommés Louis et Marguerite. Ils sont donc les demi-frère et demi-soeur de Barthélémye, Jeanne, Benoîte et Hugues. Le testateur accorde à Louis et Marguerite la somme de 50 livres. S’ils viennent à mourir avant Hugues, le legs est redistribué au bénéfice de ce dernier. Il conclut en disant :
Et moyennant les susdits légats faits auxdicts Louis et Marguerite, enfant dudict feu Potignon et d’Anthoinette Fraichet, leur père et mère, que je demeure quitte de la somme de 300 livres que j’ay donné audict, feu Pierre Potignon, notaire, contractant mariage avec, ladicte Fraichet.
En bienfaiteur, Pierre Potignon délaisse à Bernard et François Février, enfants d’Edmond Février et de Benoîte Ducroux, sa nièce, fille de Georges Potignon, sa sœur, à chacun la somme de 33 livres. Il note au sujet de cette disposition :
Laquelle somme ledict Edmond Février, leur père m’est obligé, et lequel leur en payera la rente aussy depuis la création de l’obligation, s’il est bon père envers ses enfants. Substituant légat faict audit Février en cas qu’il n’a vent d’enfans de l’un ou de l’aultre, et l’obligation en quoy leur père m’est obligé, leur sera donné pour s’en servir, et pour estre payé sur les biens d’Edmond Février, leur père…
A tous les enfants, tant garçons que filles de Benoît Potignon, maréchal à Oyé, Pierre Potignon lègue la somme de 30 livres qui leur sera versée lorsqu’ils se marieront.
Il ajoute que tous ses autres parents qui prétendront droit en son héritage toucheront chacun la modique somme de 20 sols sur prétention et preuve de leur droit.
Le testament ne s’arrête pas là. Le testateur accorde d’autres legs. A Marie Pradon, veuve d’Anthoine Littière, de son vivant cordonnier de Marcigny, il accorde la jouissance, pendant sa vie durant, de la moitié de tous ses immeubles situés à Belmont. Ces biens fonciers consistent nous l’avons vu au début de cette étude en deux domaines et sont constitués en maisons, fonds et héritages. Le donateur ajoute à cet ensemble l’usufruit des commendes qu’il possède dans les paroisses d’Arcinges et Ecoche. Par contre elle est tenue de payer par moitié les servis et tailles répartis sur les fonds. De même elle aura par moitié accès et usage de tous les meubles et ustensiles de ménage. sans comprendre ses obligations en argent et commende. Il souhaite que tout revienne à ses héritiers, trois jours après son décès. A ce sujet il nous indique :
sans que jamais, il s’en fasse un inventaire par justice. Et ou l’on voudrait faire un inventaire, je luy donne lesdits meubles, ustensiles, commendes susdites de pur don. Et est pour le payement de leur salaire et récompenses des services que j’ay reçuz d’elle depuis l’année 1635…
Nous constaterons plus loin que l’ensemble de la seconde moitié des biens est hérité par le fils de Marie Pradon, et Jeanne Potignon sa femme, nièce du curé Potignon. Par cette disposition simple il assure une protection sociale à Marie Pradon pour ses vieux jours.
A son frère Benoît il remet tous ses habits et ornements sacerdotaux. Ils comprennent calice d’argent, corporal de bure, voile, aube, surplis, bonnet carré, robe, manteau, etc. Il prie son frère de bien vouloir les réserver pour le premier de ses enfants qui deviendra prêtre, ou des enfants de Pierre Potignon, notaire royal, son neveu, ou des enfants de Jeanne Potignon.
Avant d’achever son testament, Pierre Potignon cite en dernier ses héritiers universels :
Je nomme pour la permission de Dieu, et de ma propre bouche, par moy escrit : Gilbert Littière ; fils dudict. feu Anthoine Littière, vivant cordonnier de la ville de Marcigny,         et de ladicte Pradon ; et Jeanne Potignon, fille dudict Benoist Potignon, mon frère, femme dudict Gilbert Littière, ma niepce. Sçavoir, ladicte Jeanne Potignon, héritière soubsigné de tous mes biens, immeubles restant audict Belmont consistant en deux domaines l’un appelé Burnichon et l’aultre appelé des Pranieulx, tant d’offyce, maisons, chambres, greniers, granges, colombier, cours, aysances, prez, terres et généralement quelconques, ci quelques lieux que mesme immeubles soient situez ou assis. Sans que ladicte Jeanne Potignon, puisse en aucune façon divertir mes biens, immeubles à elle donné par mon présent testament. Et nomme héritier pour mes biens, immeubles, le nommé Gilbert Littière. Je nomme aussy mon héritier avec ladicte Jeanne Potignon, sa femme, pour mes meubles qui consistent en obligations et constitutions de rente, chascun polir une moitié et escale portion. A la charge de payer toutes mes deltes se faire mes frais funéraux payer tous mes légats et clauses passées et d’accomplir tout le contenu de mon présent testament…
En homme d’église avisé, Pierre Potignon continue son testament en s’entourant des précautions suivantes:
Et ou ledict Littière et ladicte Jeanne Potignon, nommé, comme suit est dict pour mes héritiers par moitié de mes meubles, et ladicte Potignon soubz héritière pour mesme immeubles vendroit a décédez sans enfants de leur présent mariage. Je veux et ordonne que tous mes biens à eulx advenuz après mon décès par mon présent testament, que après le décez de ladicte Jeanne Potignon, je leur substitue par droit de substitution, et à son deffaut, a ses héritiers ou héritier qu’il aura délaissé après luy comprise ladicte substitution des biens que j’ay cy-devant donné à Jeanne Potignon, lors du traité de mariage avec ledit Littière, rendu Destre, notaire royal, … … laquelle donation à cause de ladicte substitution. Je ne l’auroit nommé mon héritière particulière, priant et ordonnant que ledict Benoist Potignon, mon .frère, s’il est vivant soit exécuteur de mon présent testament, le priant d’en accepter la charge et de faire et accomplir tout le contenu en mon présent testament sans que rien qu’il en puisse tirer aucun sallaire que le légat que je leur ayt faict. Je les soustrait dudict légat…
Il adresse une dernière requête à son frère, ou à ses héritiers : faire rédiger deux copies de son testament vidimé. l’une pour être enregistrée au greffe d’Oyé, et l’autre au greffe d’Arcinges. Il prie ensuite les officiers, les curés des églises d’Oyé et d’Arcinges de faire le service et de tenir la main à ce qu’il soit faict des dispositions énoncées dans son testament. Toutefois si les curés des deux paroisses ne peuvent assumer les fondations: notamment réciter le stabat mater et dire vingt messes tous les ans, ils les feront faire par les révérends pères cordeliers de Charlieu.
Priant le bon Dieu d’avoir pour agréable mon testament, à ses parrents, bons parents son exécution sans rien oublier. Faict et signé de ma propre main en tous les feuillets, et au bas, par deux de mes signatures pour l’approbation du tout. En ma maison de paroisse de Belmont le 9e jour de mai 1651. En, foi de quoy, j’ai signé au bas deux foye, aussi signé an bas de la minute par deux foyes : P. Potignon, et au bas de chaque feuillet : P. Potignon.
Ce testament, signé par Thivend, ne relève aucun critère d’originalité propre. Il est le reflet d’un grand nombre de documents analogues de séculiers de cette période. Il a le mérite de pallier les carences documentaires pour l’établissement de la généalogie de la famille Potignon, mais aussi de brosser sommairement le portrait d’un curé de campagne et de corroborer nos connaissances des pratiques religieuses à l’occasion de l’enterrement d’un prêtre résidant dans la partie septentrionale du département de la Loire au cours de la première moitié du XVIIe siècle.

VIII – Où encore Pierre Potignon et sa famille sont concernés dans des documents postérieurs à son décès
Après son décès, le prêtre Potignon est encore cité dans plusieurs documents.
Le samedi 7 décembre 1652, un acte de répudiation d’hoirie est fait par ses héritiers : Gilbert Littière et Jeanne Potignon sa femme. I1 est fort vraisemblable de penser que l’héritage de ce prêtre se révèle bien modeste et présente en conséquence plus d’inconvénients que d’avantages pour ces héritiers, ce qui les aurait obligés à des dépenses imprévues, voire contracter des emprunts.
Bazille d’Amanzé, nommé d’Estieugues était le fils d’Antoine d’Amanzé, baron, seigneur de Chauffailles, Vif , Conchouard, Estieugues , Corcelles et Aiguilly , et de Françoise de Damas d’Estieugues. Il est notamment connu dans la région du Haut-Beaujolais pour avoir commis plusieurs méfaits sur les chemins où il détroussait les marchands à la tête d’une bande d’hommes armés . I1 semble avoir vouer une haine farouche aux hoirs de Pierre Potignon. Il les a traqués dans la ville de Charlieu d’où il les a chassés. Réfugié avec sa famille à Marcigny. Gilbert Littière, rattrapé par Bazille, subit de nouvelles exactions de sa part et faillit bien perdre la vie dans la Loire. Quelles motivations ont poussé Bazille à s’en prendre à la famille du prêtre d’Arcinges? A-t-il agi de la sorte par vengeance, qui sait ? Quoi qu’il en soit les plaintes à son sujet affluent dans les greffes des justices de la région. Son dossier a été évoqué lors des Grands Jours de Clermont, car depuis on perd sa trace dans la contrée.
Le 26 juin 1664, Perrichon, juge de la justice de Noailly, prononce une sentence au bénéfice de Gilbert Littière, qualifié de marchand qui réside à Belmont ; à l’encontre de Pierrette Durix, veuve de Jean de la Pannetery et Dominique Grisard, son gendre, accusés d’avoir récoltée les semailles dans une terre acquise par Pierre Potignon en vertu d’un contrat d’acquisition passé le 3 juillet 1652. Pour ce délit ils sont condamnés solidairement à payer la somme de 100 livres .
Bernard Migrat (Mignat?), prêtre d’Oyé, dépose une supplique en date du 25 avril 1671, par l’intermédiaire de son procureur Claude d’Aigueperse. huissier de la ville de Charlieu, contre les héritiers de Pierre Potignon, pour l’exécution du legs à son profit établi dans le testament du curé d’Arcinges . En effet, dans celui-ci, le curé d’Arcinges n’avait-il pas donné une fondation de 100 livres à l’église d’Oyé ? L’a-t-il touchée ultérieurement? C’est peu probable car Gilbert Littière et Jeanne Potignon s’étaient désistés de l’héritage de leur oncle après son décès.

IX – Quelques notes au sujet de son successeur à la cure d’Arcinges
A Arcinges, le curé qui succède à Pierre Potignon se nomme Henri Legrand. Lui aussi est mentionné dans les greffes de la justice de Noailly-le-Petit-les-Belmont dans une intervention sur les criées poursuivies sur les biens d’honnête Henri Legrand, à la requête d’Etienne Pinet et Suzanne Legrand, sa femme .
Plus tard, le curé Legrand, conjointement avec le curé de la paroisse de Belmont, seront confrontés avec la justice de Noailly. Car à la tête d’une troupe d’hommes armés de fourches et de faux. l’un et l’autre avaient soustrait des gerbes dîmées provenant des récoltes d’un champ situé dans la paroisse de Belmont, au nez et à la barbe des fermiers du seigneur Béraud à qui elles appartenaient .
Le tisseur Louis Duperron, résidant à Belmont et Henri Legrand, curé d’Arcinges, sont condamnés par une sentence rendue le 26 mai 1671, de la justice seigneuriale de Noailly, à verser solidairement la somme de 900 livres, suite à une obligation contractée en date du 30 janvier 1671 et passée par devant Ducarre , notaire royal, au profit et bénéfice de François Béraud, chevalier, seigneur de Ressins, Pierrefitte, Nandax, Villers, Noailly-le-Petit-les-­Belmont. conseiller général de ses finances en la Généralité de Lyon.

BDt6525-1

 

Signature de Pierre Potignon

 

 

BDt6525-2

Blason de la famille de la « Madeleine de Ragny »
sculpté sur le fronton de l’église d’Arcinges.
(Dessin de l’auteur)


L’abbé Petiot, curé de Thizy, a publié entre 1910 et 1925 dans les bulletins paroissiaux de Thizy plusieurs chroniques d’histoire locale. L’auteur a annoté un manuscrit de l’abbé Petiot portant le titre suivant : La Dame d’Arcinges, annexion en 1308-1309 du fief d’Arcinges par Guichard VI, sire de Beaujeu, publié de nouveau en 1994 p. 4l à 48 dans Chroniques du pays Beaujolais. Bulletin de l’Académie de Villefranche-sur-Saône.

Cette abbaye a été fondée en 872. Elle a été rattachée à l’ordre de Cluny, puis au XIIe siècle réduite en prieuré.

Chartes de Cluny n° 1775.

Longnon A., Pouillé de la province de Lyon, voir chapitre: archiprêtré de Beaujeu – procuration, p.193.

Cartulaire de Savigny, voir p. 1037.

L’abbé Vachez dans son ouvrage Les paroisses du diocèse de Lyon, cite page 30 seulement les noms de trois curés : Chalier, Vernay et Pegon, qui se succédèrent à la cure d’Arcinges au XVIIIe siècle avant

 

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