Souvenir de M. l’Ambassadeur François de Quirielle, Par M. Philippe Pouzols-Napoléon, BD, Tome LXV, Montbrison, 2006, pages 205 à 210.
François de Quirielle, bien que d’origine forézienne et plus anciennement bourbonnaise, est né le 23 octobre 1911 à Rufieu en Savoie, où il passe une partie de son enfance. Dès l’âge de 17 ans, il travaille à Lyon chez un avoué tout en faisant ses études de Droit, puis il s’inscrit au barreau de Lyon.
A la fin de l’Entre Deux-guerres, il travaille à Paris et rejoint en 1940 à Londres les Forces Françaises Libres, d’où il est envoyé en Afrique, notamment au Tchad, pour fidéliser à la France Libre les troupes et populations.
A la Libération il est reçu au Ministère des Affaires Etrangères et épouse, en 1946, Anne Béchetoille, annonéenne, en la chapelle de Varagnes. A leur grand chagrin, ils n’auront pas d’enfant.
Il est successivement nommé Attaché d’ambassade à Rio de Janeiro, Conseiller à Varsovie, Consul de France à Casablanca, Ambassadeur de France au Cameroun, puis le 26 mars 1964 au Gabon où il connaît les démêlés suivants tout à son honneur, dont les détails viennent d’être rendus publics :
Aujourd’hui on affirme le contraire, à savoir que Monsieur de Quirielle avait raison et était en avance sur son temps, car « LE PECHE CAPITAL DE POLITIQUE ETRANGERE DE LA FRANCE EN AFRIQUE FUT LA PROMISCUITE » .
En 1967, il est envoyé par le Général de Gaulle comme délégué de la France à Ha-Noï, dans le but d’établir des relations diplomatiques solides et paisibles avec le Nord Vietnam. Période difficile, dangereuse et exaltante, alors que commence l’escalade militaire américaine contre Ha-Noï. Il révèle aux autorités françaises que « le gouvernement nord-vietnamien a mis en œuvre, au début du mois d’août, le programme de dispersion des populations et des industries concentrées jusque-là dans les villes. Le voilà donc, désormais, prêt à sacrifier le développement économique de son pays aux impératifs d’une guerre qui peut durer ».
« En février 1967, j’allai à Nam Dinh, ville de la région des évêchés. C’était une cité industrielle avec d’importantes usines textiles… Un récent bombardement avait touché le cimetière français de Nam Dinh. Alerté par les autorités locales, j’étais venu constater l’ampleur des dégâts. Ce que je vis, et ce qui me fut dit, était affligeant. Trois bombes de 500 livres étaient tombées sur le cimetière. Une centaine de tombes avaient été anéanties. Je ne pus déceler alentour aucune installation, qui justifiât ces destructions. Dans la ville même, ce n’étaient que ruines, toitures effondrées, pans de mur branlants, rues obstruées par des tas de gravats. 60 % de la population avait été évacuée, l’activité économique réduite à presque rien. La cathédrale offrait une image sinistre. Eventrée, criblée d’éclats, elle résumait les horreurs, dont cette ville était la victime. En face, sur la place, se dressait intacte une statue de la Vierge portant sur son socle l’inscription Regina Pacis. » .
Son dernier poste sera celui d’Ambassadeur de France en Malaisie, à Kuala-Lumpur, où il a été nommé le 1er octobre 1971.
Lors de sa retraite, entre Paris, Annonay et sa propriété de Say à Marcilly-le-Châtel, son épouse et lui renouent les liens amicaux et familiaux que de longues absences diplomatiques avaient distendus. Il se consacre à la lecture, l’écriture, la généalogie, les recherches historiques notamment pour le bulletin de la Diana. Il participe à la publication du Colomba de Mérimée , illustré par le graveur Jean Chièze, et s’occupe activement des célébrations Marc Séguin, tant à Paris qu’à Annonay.
En 2001, son épouse décède alors qu’ils viennent d’élire domicile à la maison de retraite protestante d’Annonay, c’est pour lui un immense chagrin dont il se relève après une bonne retraite spirituelle dans la Drôme. Il a ensuite la joie d’être rejoint en Annonay par ses deux sœurs.
Il s’est intéressé tout particulièrement aux Apprentis Orphelins d’Auteuil, aux Œuvres Hospitalières de Malte et aux Petits Frères des Pauvres, voulant ainsi montrer par sa générosité son souci des enfants – lui qui n’en n’avait pas – et des plus démunis.
« Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » .
La Diana fut également l’un de ses centres d’intérêt. Il y adhère le 15 novembre 1974, présenté par le comte Olivier de Sugny et Philippe Thiollier, lui-même Ambassadeur. Il signe une communication magistrale lors de l’assemblée générale de l’association en juin 1993 sur le marquis de Talaru, Ambassadeur de France en Espagne .
C’est en 1996 que j’ai commencé à le rencontrer, d’abord lors de ses visites à Montbrison, puis dans sa maison d’Annonay. Il avait en permanence le souci du devenir de ses biens afin qu’ils puissent servir à ceux qui en avaient besoin. Un jour, à l’occasion d’une discussion dans son bureau, il me demande si j’ai lu Saint-Simon (l’entier). Je lui réponds que non. Il est stupéfait. J’ajoute « nous ne l’avons même pas à la Diana ! » De suite, il m’invite dans sa bibliothèque et me montre sa collection de 43 volumes reliés de belle façon et me les propose. J’accepte. Une poignée de main suffira, et me voilà de retour à la Diana avec cette collection – qui depuis est si visitée par nos sociétaires – ainsi qu’une cinquantaine d’autres volumes qu’il me dit « aller ensemble ».
Une autre fois, il me demande de venir le rencontrer avec le président de Meaux. Nous nous y rendons. Il veut donner à la Diana la statue de Persée qui se trouve dans son jardin, et une huile sur bois représentant Athéna, oeuvres qui décoraient la chambre de Claude d’Urfé au château de la Bastie. Quelle surprise ! la statue avait été achetée quarante ans auparavant à Montbrison… Le même jour, il nous propose une édition du 17e siècle de l’Astrée, que nous acceptons avec une presque impolie rapidité pour la Diana. Elle est illustrée et enrichit de fait notre collection.
Avant qu’il ne quitte sa maison, il me demande de retourner le voir sans autre motif. Cette fois-ci c’est pour donner à la Diana environ mille pièces d’archives privées des 17e et 18e siècles concernant le Montbrisonnais et les familles de l’époque. Mon seul regret est de n’avoir pas eu encore le temps de les classer, avis aux amateurs !
Merci M. l’Ambassadeur pour ces dons. Les sociétaires de La Diana adressent à ses proches et à sa famille leurs sincères condoléances et nous prient de leur faire savoir qu’ils n’oublieront jamais leur collègue François de Quirielle.
M. l’Ambassadeur François de Quirielle
Cliché remis par sa sœur, Mlle Delphine de Quirielle
AN, 5 AG 1 – 424, note n°400 du 5 août 1966, direction des Affaires politiques du ministère des Affaires étrangères. Voir aussi De QUIRIELLE (F.), A Hanoï sous les bombes américaines. Journal d’un diplomate français (1966-1969), Paris, Tallendier, 1992, p.189-193.