UNE ORDONNANCE DE 1748 CONCERNANT UN LEGS DE MESSIRE JACQUES DE BERULLE, Communication de Mme Marie Grange, BD, Tome LXV, Montbrison, 2006, pages 211 à 220.

 

 

Un document, issu du fonds du notaire Thoynet et conservé dans les archives de la Diana, mérite quelque attention. Cet acte notarié, daté du 11 décembre 1748, est intitulé : Ordonnance de Mr le Comte de Bouillé concernant un legs de Mre Jacques de Bérulle entre les paroisses dépendantes du Prieuré de Saint-Romain-le-Puy.
           
Le prieuré de Saint-Romain-le-Puy :
             Dans le roman l’Astrée, Honoré d’Urfé évoque un temple édifié en l’honneur de Vénus, déesse de la beauté et de l’amour, sur un mont relevé dans la plaine vis-à-vis de Monseu à une lieu de Montbrison.
            Cet endroit était fort bien choisi, dominant la plaine, et ce plateau basaltique pouvait être utilisé comme lieu de culte. Les druides s’en servirent en premier lieu, suivis par les romains. On a retrouvé sur ce site des colonnes anciennes réutilisées pour un édifice chrétien. Mieux encore, saint Martin, le grand thaumaturge des Gaules, y passa, selon la tradition. Il y fonda, dit-on, dans la seconde moitié du IVe siècle, une modeste chapelle qui devint un centre de dévotion. Ce furent là les prémices de la construction d’un village dont le nom est encore inconnu.
            Un seigneur, du nom de Boschitaleus (nous le traduirions par Bouchetal) remplaça le pauvre édicule par une église de pierre consacrée à saint Martin. Il fit don de ce fief en l’an mil à l’abbaye d’Ainay de Lyon. Le document latin relatant ce don est daté de 1017 et précise que depuis quatre cent trente et un ans l’église dudit st Romain avec tous les droits qui lui reviennent ont été donnés à l’église d’Ainay, bâtie en l’honneur de saint Martin, dont était abbé Dom Astier. Jacques de Bouthéon expose que la totalité du mont Saint Romain et tout ce qu’il possède à l’entour sont donnés à l’abbaye d’Ainay.
            Les donations réunies de Lancaan et de son épouse Raymonde ainsi que son frère Jocerand permirent de construire un monastère conventuel sous la règle de saint Benoit. Le prieur reporta le vocable sur une nouvelle église édifiée au bas du mont, à la place où elle est de nos jours. Celle-ci fut dédiée à saint Romain, martyr d’Antioche en 305. Le monastère et le village prirent le nom de Saint-Romain-le-Puy.

Jacques de Bérulle :
            Jacques de Bérulle fut le vingt-neuvième prieur de Saint-Romain-le-Puy. Il avait les titres de chevalier Vicomte de Séant-sur-Othe (Aube), Conseiller du Roy en ses conseils de 1693 à 1704. Il était clerc du diocèse de Paris lorsqu’il obtint ses provisions au prieuré de Saint-Romain-le-Puy, le 6 juin 1693.
            Avant d’entrer en possession de ce bénéfice, Jacques de Bérulle dut soutenir un long procès avec Messire Bénigne Brelet qui s’était également fait nommer prieur de ce même prieuré de Saint-Romain-le-Puy. Il faut croire que ce dernier fut contraint par son puissant adversaire de se désister car Jacques de Bérulle devait jouir en paix de son prieuré pendant onze années.
            Lorsque Jacques de Bérulle mourut le 27 juin 1704, il fut fait état des revenus et fut reconnu que les recettes comprenaient :
1/ la ferme d’Azieu pour un revenu annuel de 240 livres.
2/ les fermes de Précieu, Boisset et Saint Priest pour 1200 livres
3/ Saint-Georges-Hauteville rendait 399 livres 19 sols
4/ Saint Christophe-en-Jarez 1600 livres.
5/ Les communaux d’Ugnas 120 livres.
6/ Saint-Jean-Solémieu et Saint-Nizier (de Fornas) 2350 livres.
7/ Lezignieu 540 livres.
8/ Saint Romain 595 livres.
Soit un total de 7544 livres et 19 sols.
Les dépenses étaient le 10e pour le chapitre d’Ainay soit 700 livres.
La portion congrue du curé de Soleymieu pour 390 livres.
12 décimes  de subvention au clergé de Lyon qui en 1702 et 1703 avaient été annulés pour une somme de 1068 livres.
Charges déduites le revenu net s’élevait à la somme de 5386 livres et 19 sols.
            Au décès de Jacques de Bérulle, le prieuré demeura en litige jusqu’en 1711. Ses revenus furent affermés par Paul Antoine Gay sieur de la Tour, séquestre de la Généralité du diocèse de Lyon.

La famille de Bérulle :
            On lit dans l’almanach historique de Sens publié en 1784 : Bérulles était une petite ville composée de deux paroisses : Bérulles et Beurs entourée de murs et de fossés, en état de soutenir un siège. Il y avait au moins trente hameaux dans ces paroisses. Séant appartenait au roi et la justice s’y exerçait en son nom. Tous ces lieux ont été aliénés avec toute la forêt d’Othe au duc de Nevers, en faveur de son mariage avec Jeanne de Bourbon. Jeanne de Bourbon, duchesse de Nevers vend la terre de Séant-en-Othe environ en 1552 à M. Galas de Bérulle(s) dont la famille l’a toujours possédée depuis. Me Pierre de Bérulle a fait ériger une partie de ses terres en marquisat. Il n’y a jamais eu de château à Bérulles. Les seigneurs habitaient ordinairement Cerilly, à 4 kilomètres de Bérulles.
            Le Dictionnaire des familles françaises cite : Bérulle, famille noble originaire de Champagne. Claude de Bérulle Conseiller au Parlement eut de Louise Séguier : Pierre de Bérulle né le 4 février 1575 fondateur et premier Général des Prêtres de l’Oratoire en France, il mourut le 2 octobre 1629. Leurs autres enfants furent : Jean, Charles qui fut le père de Pierre de Bérulle nommé le 20 mai 1694 premier président au Parlement de Grenoble ; il avait deux frères : Thomas lieutenant général des armées du Roi et Jacques seigneur Vicomte de Séant-en-Othe, prieur de Laval, Saint Valérien, Châteaudun et Saint-Romain-le-Puy ; maître des requêtes de l’Hôtel, décédé en 1704.
            Le prieur commendataire de Saint-Romain-le-Puy était donc le petit-neveu du fondateur de l’Oratoire ; et, si on remonte encore dans le temps, proche de Jeanne de Bourbon Comtesse de Forez.

            Notre histoire locale est pleine de rebondissements et de trouvailles. Pour l’actualité, nous pourrions citer ce petit texte tiré du premier volume du bulletin de la Diana, à la page 400 : Les vignes existaient en Forez sur les pentes du mont de St-Romain. L’empereur Domitien ordonna de les arracher dans la crainte que la liqueur qu’elles procurent n’attirât les barbares. Etrangers à cette crainte Probus et Julien les firent replanter. Depuis, elles n’ont jamais cessé d’être cultivées dans nos contrées ; les cartulaires en fournissent la preuve. Elles étaient composées en partie de Gameys. Au milieu du siècle précédent on les remplaça à Saint Romain par le Gamey de Fontvial à trois ceps, beaucoup plus robuste et productif. C’est dans la continuité de l’Histoire que la Diana honore les pentes du mont de Saint-Romain en y possédant sa vigne… et son cru…

Annexe :

Ordonnance de Mr le Comte du Bouillé et Mr le Procureur du Roy du Montbrison touchant le partage des sommes provenantes du legs de Mr de Berulle entre les paroisses dépendantes du prieuré de Saint Romain le Puy du 11e Xbre 1748
Expédié à Mr Thoynet et Messieurs les curés de St Romain, St Jean, St Georges, Sury, Précieu, St Christo, Lérignieux, Boisset, St Nizier, Crintillieu, Unias, Meylieu.

L’an mil sept cent quarante huit et le onzième jour du mois de décembre, nous, Nicolas du Bouillé Chanoine de l’Eglise Comte de Lyon et Vicaire général de son Eminence Monseigneur le Cardinal de Tencin archevêque de Lyon, ministre d’état, ordonnons qu’en conséquence de la procuration à nous passée par sa ditte Eminence le troisième août de l’année présente reçue Bellieu et Bontemps notaires à Paris par laquelle il nous donne pouvoir de régler définitivement avec Monsieur le Procureur du roy en la sénéchaussée de Forest tout ce qui concerne l’exécution du legs porté par le testament de feu Mr Jacques de Bérulle maître des requêtes, prieur commandataire du prieuré de Saint Romain le Puy de ce diocèse en date du dix sept juin mil sept cent quatre, Reçû Bonhomme et son confrère notaires à Paris, led legs consistant en la rente de quinze cent livres au principal de soixante mil livres sur les aydes et gabelles au proffit des fabriques et pauvres des paroisses dépendantes dud prieuré
De donner tous consentements à ce necessaire, passés tous actes requis, de terminer l’employ desd quinze cent livres, tant par rapport aux arréages échus que pour l’avenir et générallement de faire pour l’objet dont il s’agit circonstances et dépendances tout ce que son Eminence Monseigneur le Cardinal de Tencin feroit ou pourroit faire si elle était sur les lieux. Vû Barrés Rendu en la Cour de Parlement de Paris le sept septembre mil sept cent trente cinq collationné et signé par la chambre du franc au rapport de Messire Jacques Dumony Coner en lad Cour. 
appert la transaction dont expédition des autres pour en avoir été homologuée pour être executée suivant sa forme et teneur. Extrait et collationné par les nores à Paris soussignés sur l’original en parchemin dud arrere rendu ce jourd’huy sept novembre mil sept cent trente cinq signé D’huirone et de Savigny.
Dans la vüe de nous conformer en plus grande connaissance de cause aux dispositions dudit testateur et à la transaction passée entre les héritiers et les curés des paroisses dont il s’agit en date du troisième septembre mil sept cent trente cinq reçu de Savigny nore à Paris duement homologuée par arrêt du Parlement de Paris du septième novembre de la même année.
Qu’avant de procéder à la délivrance du legs fait par le testateur, visitte serait préalablement faitte dans les paroisses de Saint Romain le Puy, Précieux et Grézieux son annexe, Lézignieu, St Georges hauteville, St Jean de Solemieux, St Nizier, Boisset St Pierre, St Cristo en Jarres, Sury, Meylieu, Crintilleu Unias et son annexe de l’Hopital, au cas qu’il appere que led prieur de St Romain y perçoive quelques portions de dixme, toutes lesquelles paroisses sont dépendantes du prieuré de St Romain le Puy. Et pour fair lad visitte avions commis monsieur Genis Payet curé de Moing près Montbrison à l’effet de dresser procès verbal de chacune des choses nécessaires au service divin : de l’état des batiments qui tombent à la charge du gros décimateur ensemble de celles des fabriques comme aussy de la quantité de pauvres qui sont dans les susdittes paroisses et générallement de tout ce qui peut contribuer a former une répartition juste et proportionnée de lad rente de quinze cent livres, lesquels procez verbaux nous ayant été rapportés et au sieur Procureur du roy en la sénéchaussée de forest par led sieur curé de Moing dans lesquels en conformité de notre ordonnance après s’estre transporté dans les susdittes paroisses accompagné de sieur Dupont curé de St Thomas les nonains et y avoir examiné les vases sacrés, tabernacles, ornements, livres, linges, réparations de chœur, en quoy qu’ils puissent consister et générallement touttes autres, lesd procez verbaux bien et duement signés des curés qui se snt trouvés à la visitte et de plusieurs parroissiens, nous aurions en conséquence procceddé au régalement et repartition desd quinze cent livres et ce conformément et en égard au plus ou au moins des revenus que led sieur abbé de Berulle testateur en sa qualité de prieur de St Romain percevoir dans chaque paroisse dépendante dud prieuré.
Lequel regalement et repartitions faitte en présence des sieurs Curés duement appellés a cet effet nous aurons ordonnés la delivrance des arrerages a chacune desd paroisses a prorata de ce qui luy en revient ainsy que de la rente des quinze cents livres dont la distribution est par nous réglée de la manière qu’il suit pou chacune desd paroisses a raison par chaque année scavoir
Primo au curé de St Romain le puy la somme de cent cinquante six livres cy 156 #
2° au curé de St George hauteville cent dix sept livres cy 117 #
3° au curé de Precieu et Grezieu son annexe deux cent seize livres cy 216 #
4° au curé de Boisset et St Priest soixante sept livres cy 67 #
5° au curé de Lezignieu nonante neuf livres cy 99 #
6° au curé de St Jean de Soleymieux deux cent vingt sept livres cy 227 #
7° au curé de St Nizier deux cent treize livres cy 213 #
8° au curé de St Cristo en jarret trois cent cinquante huit livres cy 358 #
9° au curé d’Unias quatorze livres cy 14 #
10° au curé de Crintillieu douze livres cy 12 #
11° au curé de Meylieu une livre cy 1 #
12° au curé de Sury le Comtal vingt livres cy 20 #
Toutes les sommes faisant ensemble celle de quinze cent livres portées par la transaction passée entre les héritiers de feu monsieur l’abbé de Bérulle et messieurs les curés des paroisses cy dessus nommées, lesquels ont recûs pareilllement les arrerages cy devant échûs a compter du jour de la transaction et de l’abandon qui leur a été fait des contrats sur les aydes et gabelles lesquels arrerages ont été repartis suivant et conformément a la distribution cy dessus réglee convenue approuvée et signée par lesd sieurs curés au bas de notre ditte ordonnance, il a été prealablement pris les sommes employées pour les frais occasionnés par le procès, transaction, homologation, frais de recette, droits, controlle, visitte de paroisses et autres lesquels frais ont été supportés par messieurs les Curés, et en diminution de ce qui leur revenoit des arrerages
Et attendu que par le procès verbal de visitte des reparations à faire dans chacune des cures, il est nécessaire de pourvoir à ce qu’elles soient faittes nous avons ordonnés que chacun de Messieurs les Curés feroient les diligences necessaires pour que dans lespace d’une année a compter de ce jour lesd reparations, fournitures de vases sacrés, ornements et linges et generallement tout ce qui peut regarder la succession de Mr l’abbé de Berulle en sa qualité de prieur de St Romain le Puy pour que aud terme la visitte en puisse être faitte de nouvau et en fournir une décharge aux héritiers de sa succession.
Et comme par led testament du Sieur Abbé de Berulle il est expressement dit que les legs faits par luy regarderont les fabriques et pauvres de chacune desd paroisses nous avons crû devoir nous en rapporter à la sagesse et prudence de messieurs les curés en ce qui concerne en particulier pour leur paroisse d’en faire la distribution en faveur des pauvres et ce en leur âme et conscience. Bien entendu qu’ils auront un registre particulier uniquement destiné pour rendre compte de l’employ qu’ils auront faits de la somme qu’ils percoivent chaque année. Fait à Montbrison le 11me décembre 1748.
Thoinet Pierre Conseiller du Roy                  Chappuis curé de St Georges Hauteville      Bouillé Comte de Lyon
Durand curé de Précieu    Tixier curé d’UniasGuillot curé de Crintilleu
Thinet curé de St Romain Barrieu curé de Lezignieu

Controllé à Montbrison le 11 janvier 1749 reçu 120 livres Grailhe

La présente ordonnance m’a esté remise en dépôt le douze janvier 1749
Pr en délivrer expedition Barrieu N R
Contll Montbrison ce 13e jan 1749 R douze 3 Grailhe


            Nous avons pu dresser un tableau partiel de la généalogie de la Maison de Bérulle grâce aux précieuses indications de la Société Académique de l’Aube dont le siège est à Troyes et à celles des Archives Départementales de l’Aube. Cette Maison, originaire de Champagne, remonte ses preuves en 1440, avec une filiation plus ou moins assurée depuis 1346. Elle a donné son nom à la paroisse de Séant-sur-Othe, en Champagne, lorsqu’elle prit possession de la seigneurie par étapes successives de 1559 à 1570, après les maisons de Nevers, Foix et Beaufort.

BDt6520-1

 

 

Bibliographie sommaire pour la généalogie de la Maison de Bérulle
Archives départementales de l’Aube : paroisse de Bérulle 4E42-1/2
Archives départementales de l’Aube : fichier Chandon, dossier « de Bérulle ». 
Armoriaux Dubuisson et Riestap. La famille porte « de gueules au chevron d’or accompagné de trois molettes [d’éperon] de même ». Mais il s’agit d’armes imposées à la fin du 17e siècle et c’est la raison pour laquelle elles sont identiques à celles d’une famille forézienne imposées en 1689 : Barrieu de Prandières.
H. Jougla de Morenas : Grand Armorial de France, tome II, p. 105
De La Chenaye-Desbois et Badier : Dictionnaire de la Noblesse, tome III, p.51-52
C. d’E.-A. : Dictionnaire des familles françaises, tome IV, p. 151-154
M. Monchausse : Essai de statistique sur le canton d’Aix-en-Othe, Mémoires de l’académie de l’Aube, tome 22, année 1858 p. 249-490

A. Roscrol : Dictionnaire historique de la Champagne méridionale, p. 168-171.

Pour Montsupt à Saint Georges Hauteville.

Histoire du Prieuré de Saint-Romain-le-Puy. Révérend du Mesnil, Bulletin de la Diana, tome I.

Histoire du prieuré…op. cit.

Commende : dépôt d’un bien ecclésiastique à un clerc ou à un séculier qui percevait les revenus de celui-ci mais confiait le pouvoir spirituel à un délégué appelé prieur claustral. La commende se développa surtout du XVe au XVIIIe siècle.

Grâce à la maîtrise de l’art viticole et œnologique de M. Mondon.

Mme Marie Grange et M. Philippe Pouzols-Napoléon.