M. Louis Monery, La date de l’édition originale de l’Astrée. – Panneau de bois provenant de l’ancienne galerie de Châteaumorand, Bulletin de La Diana, Tome VII, p.46 à 51

La date de l’édition originale de l’Astrée. — Panneau de bois provenant de l’ancienne galerie de Châteaumorand. — Communication de M. Louis Monery.

M. Monery a de nouveau la parole et s’exprime ainsi :

« Je vous demande la permission de rectifier une erreur de date, involontaire sans doute, touchant l’édition originale de l’Astrée, qui a échappé à M. l’abbé Reure, dans sa très intéressante communi­cation faite à l’assemblée générale du24 mai 1892.

J’y lis, page 236, du tome VI de notre Bulletin, que le premier livre de l’Astrée parut en 1609.

Déjà, à la page ’50 de sa remarquable Histoire du château et des seigneurs de Châteaumorand, M. l’abbé Reure avait dit de ce roman fameux que « le Premier volume parut en 1610 ». L’une et l’autre de ces dates sont inexactes.

L’édition originale de l’Astrée est de 1607, comme l’a étabi d’une manière péremptoire un de nos plus regrettés confrères, M. Aug. Benoît, conseiller honoraire à la cour ‘de Paris, dans sa notice, L’édition originale de la première partie de l’Astrée, est retrouvée (Revue forézienne, 1869, t. III, p. 269- 274).

Ce travail serait à reproduire en entier. Je me borne à en citer ce passage :

Ce précieux volume, découvert en Bavière, à Augsbourg, a fait son apparition, à la fin de septembre dernier, dans un catalogue à prix marqués de M. Tross, libraire à Paris; et il est allé immédiatement prendre place dans la riche bibliothèque d’un amateur distingué, M. James de Rothschild, avocat à là

cour impériale, qui a bien voulu me le communiquer.

Suit la description exacte du volume, dont voici seulement le titre :

Les dovze livres d’Astrée ov par plusieurs Histoires, et sous per­sonnes de bergers et d’autres sont deduits les diuers effets de l’honneste amitié. A Paris, chez Toussaints du Bray, du Palais, en la galerie des prisonniers, M. DC. VII, avec privilège du Boy.

Le précieux volumeest encore dans la bibliothè­que James de Rothschild, dont le catalogue a été dressé par M. Emile Picot. Vous savez tous que M. Emile Picot est le premier bibliographe de France et qu’il est l’aide choisi par Mgr le duc d’Aumale pour la publication du Catalogue du cabinet des li­vres de Chantilly.

Notre collègue, M. Léon Galle, qui a été reçu dans la bibliothèque de Chantilly par M. le due d’Aumale travaillant avec M. Emile Picot, pourrait vous dire quel culte on a pour les Lettres .et l’Histoire dans ce sanctuaire des beaux livres. Aussi n’hésité-je point à vous donner ici, comme com­plément apporté aux preuves données par M. Auguste Benoit, l’extrait suivant, relatif à l’édition originale de l’Astrée, du Catalogue des livres com­posant la bibliothèque de feu M. le baron James de Rothschild. Tome II, Paris, Damascène Morgand, libraire, 1887 in-8° :

ROMANS DE DIVERS GENRES
XVIe ET %Vile SIÈCLES

1527. Les Douze Livres I J d’Astrée, II ou II Par Plusieurs Histoires, et sous personnes de II Bergers et d’autres, II sont déduits les divers effets de II l’honneste amitié. II A Paris, II chez Toussaincts du Bray, au Pallais, II en la galerie des pri­sonniers, II M. DC.VII (1607) Il avec privilège du Roy. — (A la fin) A Paris, De l’Imprimerie de Charles il Chappellain, rue des il Amandiers, à l’Image Nostre-Dame. In-8 de 8 ff. non chiffr., dont le dernier est blanc, et 508 ff. chiff., mar. bl., fil., comp., tr. dor. (Trautz-Bauzonnet).

Edition originale de l’Astrée d’HONORÉ D’URFÉ ; elle ne con­tient que la première partie en douze livres.

Au titre, la marque de Toussaincts du Bray, avec la devise : Cultu fertilior.

Les ff. lim. sont occupés par une épître de « l’autheur à la bergère Astrée », la Table et l’Extraict du privilège.

Le privilège, daté du 18 août 1607, est accordé pour dix ans u à l’autheur du present livre », qui déclare en faire cession à Toussaint Du Bray.

L’édition originale de l’Astrée est restée longtemps inconnue, bien que M. Brunet en ait soupçonné l’existence. En décrivant l’édition de Paris, JEAN MICARD, 1610, l’auteur du Manuel du Libraire (V, 1014) renvoie, en effet, à un passage des Mémoires de Bassompierre qui se rapporte au mois de janvier 1609 et où il est dit : « Pendant la goutte du Roy, il commanda à W le Grand de veiller une nuit près de luy, Gramont une autre, et moy une autre, et nous relayer ainsy, de trois en trois nuits, durant lesquelles, ou nous luy lisions le livre d’Astrée, quy lors estoit en vogue, ou nous l’entretenions lorsqu’il ne pouvait dormir, empesché par son mal ». (Bassompierre, éd. Chantérac, I, 214), Le livre dont le roy se faisait faire la lecture est l’édition ch, 1607. Le présent exemplaire a été découvert par M. Edwin Tross, à Augsbourg, en 1869. Voy. une note de M. A. Benoist dans la Revue Forézienne, III (1869), 269.

Ainsi donc, M. Emile Picot, le savant rédacteur du Catalogue des livres de feu M. le baron James de Rothschild, renvoie, pour la description de l’édi­tion originale de l’Astrée, à celle précédemment donnée par M. Aug. Benoit. L’excellence du travail bibliographique publié par lé regretté membre de la Diane ne me paraît pas pouvoir être mieux dé­montrée.

M. l’abbé Reure n’a pas été le seul à commettre l’erreur de date que je viens de vous signaler. Vous savez tous quelle longue liste on ferait des travaux consacrés à l’Astrée, que tous les critiques s’accordent à considérer comme la source du ro­man descriptif. Pour augmenter cette liste, et citer les auteurs les plus récents qui parlent de l’Astrée, je vous dirai que la même date fautive (1610) a été donnée par M. Ch. Seignobos, maître des confé­rences à la faculté des lettres de Paris, dans son

Anthologie des oeuvres de J. Michelet, 1888, in-12, p. 269.

La date de 1610 est donnée également par M. André Le Breton, dans son beau livre sur le Roman

au dixseptième siècle. Paris, 1890, in-12, p. 2.

« Le premier volume avait paru en 1609 » dit M. Renée Doumie, agrégé des Lettres, professeur de rhétorique à Stanislas, dans son Histoire de la Litté­rature française Paris, 1892, p. 303.

Et en tout dernier lieu, — décembre 1892

date de 1610 est donnée par M. Paul Morillot, professeur de littérature française à la faculté de Grenoble, p. 14 de son livre sur le Roman en France depuis 1610 jusqu’à nos jours. Paris, 1892.

Sur ce point de détail, tous ces auteurs ont né­gligé de recourir aux sources et ont oublié que Brunet avait, comme nous tous, vieilli de 32 ans Quant à moi, il ne m’a pas semblé possible de laisser se perpétuer dans le Bulletin de la Diana une erreur sur un fait acquis. Et d’ailleurs mon excuse sera dans cette pensée que notre très aimé collègue M. Vincent Durand emprunta un jour à Michel-Ange : « Signaler une erreur, si petite soit elle, c’est encore se rapprocher de la perfection A.

Mais je ne suis pas venu à la Diana pour me poser en Aristarque. Aussi me permettrez-vous encore de volis signaler en quelques mots un panneau provenant de l’ancienne galerie de Châ­teaumorand.

Le 5 novembre dernier, j’ai vu chez un archéo­logue éclairé et fort artiste, M. Ernest La Couture, à Vellat, commune de Franchesse, par Bourbon- l’Archambault, une dizaine de peintures venant d’Arfeuilles, — où les La Couture, originaires de Combrailles, se sont établis au milieu du XVIIe siècle, ont exercé presque tous la profession de notaire et ont été possessionnés jusqu’à ces der­nières années —, et provenant, d’après une tradi­tion de famille en laquelle j’ai foi, de l’ancienne galerie de Châteaumorand.

Mon attention s’est portée sur un très beau portrait de Gaston d’Orléans, et surtout sur un panneau,de bois, de Om 70 x Oui 92, représentant une dame de Lévis, en costume d’apparat, agenouillée devant la Vierge et l’Enfant Jésus, auxquels elle présente sept jeunes enfants agenouillés derrière elle. L’artiste a peint des portraits et représenté une scène de tradition : la famille de Lévis rendant visite à la Sainte Vierge.

Je ne me hasarderai pas à vous dire les noms, des personnages, ou plus exactement de la famille représentée sur ce curieux panneau, d’autant plus que des quatre écussons qui pourraient nous donner le mot de l’énigme, le contour seul est visible. A part cet accroc et un coup de pinceau malheureux encadrant la figure de la Vierge, et qui fut donné par un enfant devenu depuis M. le professeur Cornil, sénateur de l’Allier, le tableau est en bon état de conservation. Une restauration intelligente et je l’espère prochaine, permettra de découvrir les écussons enfumés et de nommer les personnages, que désignera peut-être une pièce des archives de Châteaumorand. En attendant, je me borne à dire que ce panneau peut être daté, grâce aux costumes, des dernières années de la Renaissance ou des premières années du XVIIe siècle. Il ne pourrait être en de meilleures mains. Son possesseur M. Ernest La Couture, est l’heureux inventeur de la ravissante statuette en marbre blanc représentant le bon duc Loys agenouillé, dont vous possédez un moulage au Musée de la Diana

La séance est levée.

Le Président,

Vincent DURAND.

Le membre faisant fonction de secrétaire,
Éleuthère BRASSART.

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