Inauguration de la chapelle de notre-dame de laval, Bulletin de La Diana, Tome VIII, Montbrison, 1895, pages 334 à 346

II.

INAUGURATION DE LA CHAPELLE
DE NOTRE-DAME DE LAVAL.

La chapelle de Notre-Dame de Laval a été rendue au culte le dimanche 6 octobre 1895. Plusieurs no­tes insérées dans le Bulletin (1) ont fait connaître dans quelles circonstances ce monument a été donné à la Diana, mis d’abord par elle à l’abri d’une ruine imminente, et finalement restauré d’une manière plus complète à la demande et aux frais des habi­tants de Saint-Germain-Laval ; au moment où cette oeuvre vient d’être heureusement menée à bien, il n’est pas inutile de les résumer brièvement.

Le sanctuaire de Notre-Dame de Laval, lieu d’un pélerinage célèbre avant la Révolution, vendu comme bien national le 9 février 1791, appartenait naguère par indivis à Mesdames Grizard et du Verne, l’une fille, l’autre petite-fille d’un homme de bien et de solides vertus, M. Pochin. Un établissement lointain les ayant déterminées à se défaire de leurs biens de Saint-Germain-Laval, elles désirèrent assurer l’avenir du vénérable édifice qui en dépendait et, dans ce but, l’offrirent à la Diana.

Le Conseil d’administration, avant d’accepter ce

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  1. Bulletin de la Diana, t. VII, p. 68, 71, 105, 339, 436 et 453

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don, voulut se rendre compte de l’état du monu­ment et de ce qu’il pourrait en coûter, non pour le restaurer, mais pour arrêter le progrès de dégrada­tions causées par un long défaut d’entretien et de_ venues menaçantes. Il fut constaté que les murailles étaient solides, mais que la toiture était effondrée de toutes parts et qu’une dépense immédiate de 1500 fr. était nécessaire pour la rétablir et conjurer ainsi la chute des voûtes, déjà profondément corrodées par les eaux pluviales. Cette somme ne pouvait être demandée au budget de la Société. Une souscription fut ouverte parmi ses membres et, en peu de jours, la somme requise ayant été réunie, la Société ac­cepta avec reconnaissance le don verbal de Mesdames Grizard et du Verne, qui fut converti en acte au­thentique le 19 septembre 1893 pardevant Me Veil­leux, notaire à Roanne, membre de la Diana, et homologué par décret du Président de la République du 28 mars 1894.

Cependant les travaux de réfection de la toiture étaient exécutés d’urgence, sous la direction aussi habile que désintéressée de M. Étienne de Paszko­wicz, architecte à Roanne, aussi membre de la Diana, par M. Boichon, entrepreneur. L’élégant édi­fice qu’entourent tant de souvenirs était sauvé dans sa grosse oeuvre pour de longues années.

Ces réparations furent vues avec une extrême sa­tisfaction dans la ville de Saint-Germain, où la vieille statue de Notre-Dame de Laval, transportée depuis la Révolution dans l’église paroissiale, n’avait pas cessé d’être l’objet d’une vénération particulière et d’être visitée par les pèlerins. Le voeu de la ramener dans son antique demeure se fit bientôt entendre, devint promptement universel, et la Diana fut saisie de la proposition d’une restauration proprement dite, dont les habitants de Saint-Germain offraient de faire les frais.

Une telle proposition, si respectable par les senti­ments qui l’inspiraient, si avantageuse au monument lui-même, rendu à la fois à son éclat premier et à sa destination historique, ne pouvait qu’être acceptée : elle le fut avec empressement. La souscription ouver­te à Saint-Germain produisit environ 4000 fr., somme que des dons ultérieurs devaient notablement accroî­tre. Les fonds étant faits par les habitants de la ville, il parut juste qu’ils fussent appelés à contrôler la dé­pense. En conséquence, une commission mixte fut formée pour présider aux travaux. Elle fut composée de MM. l’abbé Giraud, archiprêtre, Rajat, adjoint au maire, et Pierre Randin, représentant les souscrip­teurs, .Joseph Déchelette, Ernest Gayet et Vincent Durand, délégués par le conseil d’administration de la Diana. Cette commission se donna pour président M. Gayet, pour trésorier M. Randin. M. de Paszkowicz voulut bien encore mettre gratuitement son talent et ses soins au service de la Diana. Les travaux de ma­çonnerie furent confiés à M. Boichon, ceux de menui­serie à MM. Gathion et Cornet, ceux de serrurerie à M. Gerin, les peintures à M. Palley. En outre, de nombreuses journées de manoeuvres et d’attelages, fournies par des hommes de bonne volonté, furent employées, sous la direction de M. Randin, aux mouvements de terrain nécessaires à l’extérieur de l’édifice.

A la fin du mois de septembre 1895, l’oeuvre en­treprise touchait à son terme. Les travaux exécutés peuvent se récapituler ainsi. A l’extérieur, les murs et les contreforts rejointoyés partout où il en était besoin ; une immense lézarde qui sillonnait la façade, réparée ; le tympan et le trumeau du grand portail déposés et refaits ; de belles portes en chêne substi­tuées aux anciennes portes tombant de vétusté; un campanile à deux arcades construit et meublé d’une première cloche offerte par les habitants de Baffle et de Marcillieu ; un large passage déblayé au nord de la chapelle, l’esplanade au midi nivellée et élargie.

l’intérieur, les voûtes, préalablement recouvertes d’une chape en mortier, soigneusement rejointoyées et recrépies ; les murs également recrépis ; la pierre de taille lavée ; les fenêtres rendues à leurs propor­tions primitives par la démolition de la maçonnerie qui en obstruait la partie inférieure, garnies de verrières provisoires et protégées par des grillages ; un badigeon d’une teinte chaude, en harmonie avec le riche ton violet du granit, passé sur les murs et les voûtes ; le mauvais carrelage en briques relevé et remplacé par une aire en ciment (1); le tout complété par la pose de deux bénitiers et d’un autel en bois sculpté, peint et doré, meublé de candélabres et d’un somptueux parement de satin brodé, dons pieux de divers particuliers. Le nécessaire était fait ; ainsi restauré, rajeuni, le vieux sanctuaire était prêt à recevoir de nouveau l’image, exilée depuis un siècle, de sa sainte patronne.

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  1. On a profité de la réfection du pavé pour exécuter à l’inté­rieur de l’église des fouilles qui ont mis au jour partie des fondations de la chapelle primitive. Il a été rendu compte à la Diana, dans la séance du 3 janvier 1895, du résultat de ces fouilles, dont les frais ont été supportés exclusivement par la Société (Bulletin de la Diana, t. VII, p. 436 et suiv.)

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Mgr l’Archevêque de Lyon, président d’honneur de la Diana, avait bien voulu déléguer Mgr Déche­lette, vicaire général et membre lui-même de la Société, pour présider à la cérémonie de la transla­tion. Tous les membres de la Diana avaient été invités à y assister.

Le plus brillant soleil a éclairé cette fête, qui avait attiré à Saint-Germain et de plusieurs lieues à la ronde une foule nombreuse, parmi laquelle on re­marquait une députation de la paroisse de Balbigny, qu’un voeu séculaire ramène tous les ans aux pieds de Notre-Dame de Laval. M. Grizard représentait les donatrices.

A l’issue des vêpres chantées dans l’église parois­siale, Mgr Déchelette est monté en chaire et a pro­noncé ce discours :

Salve Regina, Mater misericordioe! Nous vous saluons, 6 notre Reine, ô Mère de Miséricorde 1

Mes Frères,

Nos pères se sont signalés par leur constante dévotion à la Très Sainte Vierge. Quand on étudie l’histoire des églises de notre cher pays de Forez, 0n a l’heureuse surprise d’en trouver un très grand nombre dédiées à Marie. Chez vous, c’est Notre-Dame de Lavai ; à quelques lieues d’ici, sur les bords de la Loire, c’est Notre-Dame de Vernay ; plus haut, dans les montagnes, Notre-Dame de l’Ermitage, à Noirétable. Et je ne fais ici mention, parmi ces sanctuaires, que de ceux qui sont les plus rapprochés de vous et les plus célèbres. Nos ancêtres avaient si profondément enraciné dans leur sol ce culte sacré, que l’un des comtes de Forez, Guy IV, crut répondre au sentiment public de ses sujets, en plaçant so­lennellement ses terres sous la protection de la Reine du ciel, et en lui élevant à Montbrison cette magnifique église que vous connaissez tous, Notre-Dame d’Espérance.

Parmi ces sanctuaires consacrés à Marie, l’un des plus vénérables est assurément le vôtre, celui de Notre-Dame de Laval, dont vous venez d’achever la restauration.

Est-ce à moi de vous en rappeler, même brièvement, les origines ? Son histoire n’est-elle pas ici présente à tous les esprits et à tous les coeurs ?

Nous possédons des témoignages irrécusables de sa haute antiquité. Dans le très curieux et très intéressant testament de Renaud, comte de Forez, mort en 1270, une ligne est des­tinée à Notre-Dame de Laval, une ligne seulement ; mais comme elle est éloquente dans sa concision !

Ce très pieux seigneur, dans l’acte qui contient ses derniè­res volontés, ordonne qu’une lampe brûle constamment devant l’image de Notre-Dame de Laval, selon la coutume ancienne, dit-il, sicut consuetum est ab antiquo (1).

Ainsi, déjà au XIIIe siècle, on pouvait appuyer sur la plus solide tradition l’antiquité du culte de Notre-Dame de Laval.

Je ne m’étonne plus que votre cher sanctuaire ait vu sa renommée s’étendre au loin, et qu’il ait été visité en ces âges de foi par une multitude innombrable de pèlerins, accourus non seulement de tous les points du Forez, mais du Lyonnais, du Bourbonnais, de l’Auvergne et même de provinces plus éloi­gnées encore. Au fond de ce gracieux vallon de Baffie, la foule se pressait pour vénérer cette Vierge noire que nous avons sous les yeux, et qui, s’il faut en croire la tradition, vous aurait été ap­portée par saint Louis, revenant de la croisade.

Dans la suite des temps, 0n s’aperçut que les prêtres de la paroisse ne pouvaient suffire à toutes les exigences de ces pèle­rinages si fréquents et si nombreux. C’est pourquoi, au XVIIe siècle, 0n fit appel au zèle des Récollets, dont la maison conven­tuelle subsisté encore parmi vous. Où trouver une preuve plus évidente que la chapelle de Notre-Dame de Laval était l’une des plus vénérées de notre région ?

Hélas ! un jour vint où la tempête révolutionnaire, qui dans notre France devait ébranler si fortement ce qu’elle ne ren­versa pas, ferma tout à coup cette église, témoin séculaire de

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  1. La Mure„ Histoire du pays de Forez, p. 197.

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tant de merveilles. Toutefois, disons-le bien haut, car c’est à l’honneur de vos pères, Saint-Germain sut encore, au milieu de la tourmente, protéger Notre-Dame de Laval. Des mains pieuses devancèrent les mains sacrilèges et purent mettre en lieu sûr la précieuse statue, tandis qu’une pétition courageuse, signée par un grand nombre d’habitants, sauvait de la destruc­tion l’antique chapelle.

Il fallait cependant se résoudre à la voir fermer, et pendant tout un siècle elle est demeurée presque ensevelie dans l’oubli.

Mes Frères, ce sera votre gloire d’avoir préservé ces murs vénérables d’une ruine définitive, et de leur avoir restitué leur splendeur d’autrefois.

L’honorable famille qui les avait en sa possession a eu l’heu­reuse inspiration de les faire entrer dans le domaine de la Société de la Diana, cette gardienne aussi autorisée qu’éclairée des monuments, des traditions, de l’histoire de notre Forez. Votre zèle et votre générosité ont permis d’achever l’oeuvre si bien préparée. Je vous dois à tous les plus sincères remerciements. Je les adresse en particulier à votre excellent pasteur, qui a parfaitement compris tout l’intérêt que présentait pour sa pa­roisse une pareille entreprise. Je les adresse aussi à ces hommes de goût, à ces chrétiens dévoués qui ont accepté la délicate mission de relever de ses ruines votre gracieux monument ; en le visitant, il y a quelques heures, je ne me lassais pas d’admirer avec quel art et quel succès ils ont rempli leur tâche : c’est bien votre vieux sanctuaire qu’ils vous 0nt fidèlement rendu, avec sa noble architecture, avec ses lignes harmonieuses, avec son caractère de virginale simplicité qui convient si bien aux églises de Marie.

Tout à l’heure, au nom du premier Pasteur de ce diocèse, qui a pris lui-même une part si importante à cette restauration, j’aurai la joie vive et profonde de rouvrir au culte cette insigne chapelle.

A ce moment solennel, vous ferez entendre vos acclamations joyeuses en l’honneur de la Sainte Vierge. Vous emprunterez pour chanter ses louanges les formules de la liturgie sacrée. Arrêtez-vous de préférence aux deux invocations qui m’ont servi de texte : Salve Regina, mater misericordioe, nous vous saluons, ô notre Reine, ô mère de miséricorde

Reine, Marie l’est dans le ciel, par le rang qu’elle occupe auprès de Dieu, par la prééminence qui lui a été attribuée sur l’assemblée des élus tout entière.

Reine, elle l’est aussi sur la terre. Partout où l’on dresse un autel, c’est-à-dire un trône à Notre-Seigneur Jésus- Christ, partout on en élève un autre à Marie. Partout on l’invoque, partout son image est saluée, aimée, honorée. Ah I murs vénérables du sanctuaire de Notre-Dame de Laval, parlez nous donc de l’admirable royauté que Marie exerça jadis en ces lieux! Faites passer devant nos regards la ravissante vision de ces scènes de foi et de piété que connurent les temps anciens ! Répétez-nous les paroles embrasées d’amour, les transports enthousiastes, les cantiques d’action de grâces dont nos pères faisaient retentir les airs en l’honneur de Marie! Montrez-nous ces pèlerins, pleins d’ardeur et d’élan, se pros­ternant le front dans la poussière, pour accomplir les pieuses promesses de leurs longues pérégrinations, et se relevant tout joyeux, avec la douce certitude que la Sainte Vierge les avait exaucés ! Redites-nous les prodiges éclatants, les merveilles de grâces qui se sont accomplis dans la suite des siècles, en ce sanctuaire privilégié ! Et que cette touchante évocation, en nous rappelant la souveraineté de Marie, nous donne une nouvelle confiance en son puissant patronage. Un roi, une reine, en montant sur leur trône, ont pour leurs sujets des dons de joyeux avénement. Notre-Dame de Laval, en reprenant possession de son temple, et de son autel, vous accordera sûrement des grâces de choix; disposez donc vos coeurs à les recevoir.

Mais Marie n’est pas seulement la Reine du ciel et de la terre ; elle est aussi la Mère de Miséricorde, et je vous invite à l’invoquer aussi sous ce second titre.

Vos pères sont venus dans ce sanctuaire de Notre-Dame de Laval solliciter les touchants effets de la miséricorde de Marie. Ils y sont venus sans distinction de classe, ni de rang. Les grands y ont apporté les sollicitudes et les responsabi­lités de leur position. Les humbles et les petits de ce monde y ont présenté leur dénûment et leur misère. Toutes les con­ditions, tous les états de la vie humaine se sont rencontrés et mêlés dans cette chapelle visitée par des foules nombreu­ses : la gloire, la richesse et la sainteté, comme aussi le péché, la maladie et la douleur. Que de fois, je me plais à le rappeler, le péché y a été effacé, la maladie y a été guérie, la douleur y a été soulagée !

Venez à votre tour, mes Frères, invoquer dans son sanc­tuaire la Mère de Miséricorde. Faites de Notre-Dame de Laval la confidente de vos aspirations chrétiennes. Depuis quelques années la foi est violemment attaquée dans les âmes : il faut que les âmes soient assez vaillantes pour la défendre : c’est elle qui est leur lumière. Chose remarquable et conso­lante aussi, tandis que d’obscurs sophistes essaient de souf­fler sur ce flambeau sacré indispensable à l’humanité, nous voyons au contraire les plus grands génies lui demeurer fidèles, témoin cet illustre savant à qui la France faisait hier de ma­gnifiques funérailles (1).

Demandez donc à Notre-Dame de Laval de vous conserver l’héritage de foi que vous avez reçu de vos ancêtres. Pères et mères de famille, confiez-lui l’éducation et l’avenir de vos enfants. Jeunes gens, suppliez-la de vous mettre à l’abri des séductions du siècle. Tous, qui que vous soyez, appelez sur vous sa maternelle protection.

O Notre-Dame de Laval, votre peuple, ce peuple fidèle, se prépare à vous escorter dans une marche triomphale jus­qu’aux portes de ce temple qu’il est si heureux de vous res­tituer. Tandis que vous traverserez ses avenues et ses places, étendez vos mains tutélaires sur cette paroisse, attachée à votre culte depuis des siècles. Veillez au bonheur de cette population qui entend rester chrétienne. Auguste patronne de ces lieux, faites-y fleurir toujours l’honneur, la foi, la vertu, et que tous ceux qui, pendant leur vie, auront eu la consolation de vous invoquer dans votre sanctuaire, aient la joie de vous contempler un jour au ciel. Amen ! Amen ! Amen !

Après cet éloquent discours, le cortège se forme et

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  1. M. Pasteur

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descend lentement vers la chapelle, au son de toutes les cloches de la ville, auquel s’unissent les joyeuses volées de leur jeune soeur de Laval. Cinquante-trois arcs de triomphe avaient. été dressés sur son par­cours, les rues étaient tendues de draperies, ornées d’inscriptions, de guirlandes de fleurs et de toutes les naïves inventions de la piété populaire. Plusieurs milliers de personnes avaient pris place dans les rangs de la procession ; c’est par centaines qu’il faut compter celles qui, dans une attitude respec­tueuse, s’étaient réunies sur l’esplanade qui précède la chapelle.

A la porte principale, M. Vincent Durand, secrétaire de la Diana, remplaçant le président empêché, M. Po­yet, maire de Saint-Germain-Laval, à la tête du con­seil municipal, M. Ernest Gayet, à la tête de la commis­sion administrative de la chapelle, M. Étienne de Paszkowicz, architecte, et les membres de la Diana attendaient le cortège.

A l’arrivée de celui-ci, M. Vincent Durand a adressé à Mgr Déchelette les paroles suivantes :

Monseigneur,

Il y a trois ans, les héritiers d’une famille dont le nom ne sera jamais oublié à Saint-Germain donnaient à la Diana l’antique chapelle de Notre-Dame de Laval. Dans leur pensée, la conservation de cet édifice, précieux par le mérite de son architecture, précieux par les souvenirs qui s’y rattachent, ne pouvait être mieux assurée qu’en le confiant aux soins d’une compagnie qui a pour mission de veiller à l’intégrité du patrimoine historique et monumental du Forez.

Ce fut un grand honneur pour la Diana. Mais un honneur imprévu et plus grand encore lui était réservé. Les travaux exécutés par elle pour sauver la chapelle de Notre-Dame de Laval d’un effondrement prochain firent naître parmi nos concitoyens de Saint-Germain la pensée d’un& restauration plus complète. Ils furent pris du louable désir de restituer à Marie ce sanctuaire cher à leurs pères, célèbre dans tout le Forez et jusque dans les provinces voisines, visité jadis par tant de pélerins, d’où tant de. supplications étaient montées vers le ciel, où tant de faveurs en avaient été 0btenues. La Diana ne pouvait que se prêter à ce voeu de la ville entière. Il est accompli aujourd’hui, grâce à l’admirable générosité des habitants de Saint-Germain, grâce au zèle d’hommes que je n’ose louer ici, car ils sont trop mes amis et ils n’ont cherché d’autre gloire que celle de Dieu, grâce enfin et sur­tout aux paternels encouragements d’un Prélat qui a conquis tous les cœurs et que nulle oeuvre noble et belle ne laisse indifférent.

A cette heure encore, Monseigneur, il nous donne une preuve singulière de sa bienveillance, en vous députant pour présider à cette solennité et recevoir, des mains de vos confrères de la Diana, les clés du domaine de Notre-Dame, dont, par un enviable privilège, ils sont devenus les gardiens.

Entrez donc, Monseigneur, entrez, image vénérable de notre Reine! Six siècles et plus se sont écoulés depuis qu’ap­portée d’Orient par saint Louis, d’après une tradition que l’archéologie ne dément pas, vous devîntes la gloire de cette riante vallée. Venez reprendre place sur le trône que nos ancêtres vous y avaient préparé ; venez faire cesser le long deuil de ce temple! Ses voûtes s’apprêtent à retentir de nou­veau des louanges de l’auguste patronne de la France, et tout ce peuple est impatient de l’y invoquer, comme aux an­ciens jours, pour la cité, pour le Forez, pour la patrie.

Mgr Déchelette a répondu :

Monsieur,

Au nom de Mgr l’Archevêque de Lyon, je reçois avec recon­naissance les clefs de cette chapelle, que vous voulez bien m’offrir de la part de la Diana, dont vous êtes le représentant si autorisé. Ce n’est pas la première fois que cette Société, l’honneur de notre Forez, en servant la cause de l’art et de la science, sert aussi la cause de la religion. Nous rendons hom­mage en ce moment à l’une de ses inspirations les plus heureuses. Grâce à ses soins, cette antique chapelle, l’un des sanctuaires les plus vénérables de notre région, à pu être sau­vée d’une ruine imminente et va être rendue au culte : c’est une grande oeuvre, dont nous ne saurions assez la féliciter et la remercier. Au milieu des acclamations joyeuses de ces in­nombrables fidèles qui nous entourent, nous allons replacer solennellement sur son trône séculaire l’image de Notre-Dame de Laval. J’ai la confiance que la Reine du ciel répandra d’abon­dantes bénédictions sur tous ceux qui ont uni leurs efforts pour procurer ici sa gloire. Puisse l’alliance scellée aujourd’hui entre la Diana et Notre-Dame de Laval être de longue durée ! Puissent les archevêques de Lyon avoir toujours, dans la suite des temps, la consolation de trouver cette savante Société préposée, comme elle l’est maintenant, à la garde de ce beau sanctuaire!

Les portes, restées jusqu’à ce moment fermées, ont alors été ouvertes, le clergé a entonné le Salve Re­gina, et la statue de Notre-Dame de Laval, parée d’une robe de drap d’or étincelante de broderies, et portée par quatre jeunes filles vêtues de blanc, pé­nètre la première dans l’église. Un instant après, elle était rentrée en possession de la place que pen­dant tant de siècles elle y avait occupée.

Après le chant d’un cantique spécialement com­posé pour la circonstance par M. l’abbé Dutey, un des plus zélés promoteurs de l’oeuvre, et la bénédic­tion par Mgr Déchelette des médailles frappées en l’honneur de Notre-Dame de Laval (t), les assistants formant la tête du cortège sont invités à sortir par

(1) Ces médailles, de forme ogivale, frappées en argent, en bronze et en cuivre, sur les dessins de M. Ernest Gayet, portent au droit l’image de la Sainte Vierge avec la légende, NOTRE DAME DE LAVAL PRIEZ POVR NOVS et, au revers, une vue de la chapelle avec la légende, POSVERVNT ME CVSTODEM IN VINEIS (Cantic., I, 5) 1300-1895. la porte latérale pour faire place à de nouveaux visi­teurs, et la chapelle ne cesse de se remplir et de se vider jusqu’à ce que la piété de tous ait pu se satis­faire.

Le soir venu, une brillante illumination faisait resplendir de mille feux la chapelle- de Notre-Dame et la ville de Saint-Germain, et un feu d’artifice, tiré sur la place du Ravarin par M. Verdier, marquait la fin d’une journée où la Diana a recueilli la plus précieuse récompense de son initiative et dont ses actes devaient garder le souvenir.

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