BD, Tome II, Fouilles au théâtre antique de Moind, Inscription de Julius Priscus, pages 84 à 88, La Diana, 1882.

 

Fouilles au théâtre antique de Moind.

M. le Président dit qu’averti en décembre dernier, par le vigilant et zélé bibliothécaire de la Diana, que le propriétaire du théâtre antique de Moind était en train d’arracher la vigne plantée sur l’emplacement de la scène et se proposait de défoncer le surplus de l’aire intérieure, pour replanter le tout en vigne, il a fait demander à celui-ci de suspendre pendant quelques jours ses travaux, pour permettre à la Société de pratiquer des sondages méthodiques. Ces premières recherches ayant fait reconnaître l’existence de substructions importantes, dont l’exploration plus complète pouvait présenter un grand intérêt, le conseil d’administration a été convoqué d’urgence et un rapport adressé à la commission de la géographie de l’ancienne France, établie près le ministère de l’Instruction publique.

Le plus pressé était d’obtenir la libre disposition du terrain pendant un laps de temps suffisant. Une convention a été conclue à cet effet avec le propriétaire, représenté par son beau-frère M. Berthet, maître d’hôtel à Moind, dont les bons offices méritent toute la reconnaissance de la Société. Cette convention donne à la Diana jusqu’à la fin de l’année 1882 pour terminer ses fouilles et lui en assure le produit, sous réserve de partage en cas de découverte d’un trésor monétaire. En même temps, deux subventions étaient accordées à la Société, l’une de 400 fr. par le ministère, l’autre de 150 fr. par la Société française d’archéologie. Le conseil d’administration, certain d’entrer en cette circonstance dans les vues de la Compagnie, a voté pour le même objet un crédit de 400 fr. sur les fonds libres. Enfin notre excellent et dévoué confrère, M. l’ingénieur des ponts et chaussées Girardon a bien voulu, avec son obligeance habituelle, accepter la direction des travaux.

M. le Président propose à la Société de se rendre, à l’issue de la séance, sur le lieu des fouilles, et de renvoyer à ce moment l’exposé des résultats qu’elles ont amené jusqu’à présent.

Cette proposition est adoptée.


Inscription de Julius Priscus.

M. Vincent Durand rappelle que les fouilles précédemment exécutées à Moind ont amené la découverte d’un marbre sur lequel est gravée une inscription en l’honneur de Julius Priscus, flamine augustal.

Il a soumis cette inscription à un nouvel et minutieux examen, à la suite duquel il se croit en état d’en proposer la restitution intégrale. On sait que la partie gauche et la partie inférieure manquent.

Inscription du flamine julius priscus. – essai de restitution.

Ce qui reste se compose de trois lignes, toutes incomplètes de leur commencement. La première porte les mots …VL• PRISCO, où l’on reconnaît sans difficulté un surnom, Prisco, précédé du gentilicium Julio, un des rares noms de famille qui s’écrivent en abrégé. Ce dernier était précédé lui-même d’un prénom, emporté par la cassure du marbre, et sur lequel on ne peut faire d’abord aucune hypothèse. On voit seulement qu’il ne doit manquer, à gauche du mot iVL., qu’un petit nombre de lettres, car le prénom s’écrit le plus ordinairement en abrégé, et la tournure de la phrase indique qu’il était le premier mot de l’inscription.

La seconde ligne commence par un M, réduit à une portion de son dernier jambage, mais néanmoins certain : elle se lit fla MINI AVGusti. La régularité parfaite des caractères permet de rétablir d’une manière très-précise, en grandeur et en position, les quatre premières lettres fIaM. Ainsi restituée, la ligne parait complète. En effet, la quantité dont elle déborde à gauche la ligne supérieure correspond à une lacune de deux ou trois lettres seulement, et l’on sait que telle est à peu près la valeur de ce qui manque au commencement du texte.

La ligne suivante, bien que mutilée, laisse distinguer aisément les lettres …SSEGVSI, groupe duquel se dégage l’ethnique des Ségusiaves précédé d’un mot terminé par S. La restitution civitaS ou civitatiS se présente d’elle-même. Le second de ces mots est un peu long et d’ailleurs rien dans ce qui précède n’appelle un génitif ; mais si l’on essaye le mot civitaS, on trouve qu’il s’adapte parfaitement à la longueur de lignes déterminée par la verticale de l’F initial du mot fIaMINI: ce qui tend à prouver que ce point de départ est exact et que tel est bien le mot à restituer.

La quatrième ligne est détruite, mais le commencement en est connu: c’est le complément du nom, resté inachevé, des Ségusiaves. On peut hésiter entre le nom en toutes lettres, SEGVSIavorum, et les formes abrégées SEGVSIav. ou SEGVSIavor., cette dernière fournie par les inscriptions en l’honneur de Sextus Julius Lucanus et de Caius Julius Jullus, l’un duumvir, l’autre prince du Sénat des Ségusiaves, et tous deux vraisemblablement de la même famille que notre flamine. Rétablissant donc le groupe AVOR- en tête de la quatrième ligne, il reste à droite un blanc de six ou sept lettres représentant un ou plusieurs mots à trouver. Celui de publice est pour ainsi dire de style dans les inscriptions honorifiques décernées par une cité, et il remplit si exactement l’espace disponible, qu’on peut, semble-t-il, se dispenser d’en chercher un autre. Et comme en admettant cette restitution, le sens est complet, il est probable que le texte l’est aussi, et que cette 4e ligne était la dernière de l’inscription.

Il manque pourtant encore le premier mot, c’est-à-dire le prénom du personnage honoré. Au point où en est arrivée la discussion, il n’est plus impossible de le deviner. En effet, la longueur de lignes adoptée trouvant sa vérification dans la facilité qu’elle offre à la reconstitution du surplus du texte, l’espace occupé par le prénom absent est susceptible d’être mesuré avec exactitude, et l’on peut s’assurer que celui-ci était exprimé par deux lettres au moins et par trois au plus. Or on sait que le nombre des prénoms romains est extrêmement limité et qu’ils sont représentés en épigraphie par des abréviations toujours les mêmes. Il a donc. été possible de rechercher, parmi ces abréviations, celles qui conviennent à l’espace vide devant le mot iVLio. Deux seulement satisfont à cette condition, savoir CN. pour Cneio et TIB. pour Tiberio. Il n’y a pas de raison matérielle de préférer l’une à l’autre ; c’est donc sous toutes réserves que M. Vincent Durand a adopté la seconde dans sa restitution figurée.

En définitive, l’inscription peut être lue ainsi : Tiberio (ou Cneio) Julio Prisco, flamini Augusti, civitas Segusiavorurn publice

M. Testenoire-Lafayette demande s’il n’y a pas un rapprochement à faire entre le nom de Julius Priscus et celui du village de Précieu, voisin de Moind.

M. Vincent Durand répond qu’en effet Précieu doit s’être appelé en latin Prisciacus ou Prisciacum, ce qui signifie le domaine de Priscus. Il n’est pas impossible que le personnage mentionné dans l’inscription en ait été propriétaire. Toutefois, cela ne peut être affirmé avec certitude, Priscus n’étant pas un nom gentilice, mais un surnom, cognomen, commun à plusieurs individus appartenant à des familles différentes.

 

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