BD, Tome II, Fouilles de Moind., pages 33 à 38, La Diana, 1881.

 

Fouilles de Moind.

MM. Girardon et Vincent Durand, membres de la Commission chargée de la surveillance des fouilles de Moind,
rendent compte des travaux récemment exécutés pour satisfaire au voeu exprimé par la Compagnie.

Ces nouvelles recherches ont porté sur le chemin longeant en nord le terrain exploré en 1878 ; elles ont été poussées jusqu’au sol vierge, c’est-à-dire à 1m 50 de profondeur en moyenne, et ont amené la découverte des objets suivants :

1° Tambours de colonnes, d’un diamètre variant de 38 à 50 centimètres. Comme ceux rencontrés en 1878, il sont en granit et taillés d’une façon sommaire qui contraste avec la bonne exécution des chapiteaux. Mais une particularité qui était restée inaperçue lors des fouilles précédentes est venue expliquer cette anomalie : les colonnes étaient revêtues d’une couche de stuc poli, sur lequel étaient pratiquées des cannelures. Des portions assez importantes de ce revêtement, rendu friable par l’humidité du sol, ont été trouvées encore adhérentes aux tambours.

2° Moulures et feuillages, aussi modelés en stuc.

3° Débris noimbreux de moulures en marbre blanc, d’un beau profil, jadis appliquées sur fond de mortier. Un examen plus approfondi sera nécessaire pour déterminer à quels membres d’architecture elles ont appartenu. Contre toute attente, les fouilles n’ont rendu aucune portion de l’architecture surmontant les colonnes.

4° Très nombreux fragments de plaques d’un marbre blanc nuancé de gris et de rouge, d’un aspect bréchiforme assez analogue à celui du marbre de Champoly. Ces plaques, d’une faible épaisseur, variant de 10 à 20 millimètres, ont dû servir de revêtements.

5° Minces plaquettes de marbre et de porphyre rose et violacé parfaitement poli des deux côtés : elles affectent des formes géométriques indiquant qu’elles ont été employées dans des marqueteries.

6° Fragments de plaques d’ardoise, ayant joué paut-être un rôle décoratif.

7° Fragments d’inscriptions, sur tables de marbre blanc épaisses de 3 à 4 centimètres, rugueuses et inégales au revers pour être incrustées dans une paroi verticale ; le texte en est donné plus loin.

8° Poutres carbonisées ; tuile romaine, plate à rebords et demi-cylindrique ( tegula, imbrex ), en grande quantité. La poterie propement dite est absente, ou du moins n’est représentée que par des échantillons absolument insignifiants, si l’on écarte quelques débris de vases du moyen-âge mêlés accidentellement aux terrains de remblai.

9° Lingot de plomb fondu. Morceaux de fer. Ossements..

10° Cristal de roche enfumé, en forme de pyramide ogivale à six pans, très allongée. Ce cristal, évidemment apporté d’ailleurs, à titre de curiosité naturelle ou d’offrande, n’est pas le moins singulier mis au jour par les fouilles. Ses dimensions sont extraordinaires, car il ne mesure pas moins de 0m 26 de longueur, sur 0m 09 de diamètre à sa base. Son poids est de 3 kilogrammes 200 grammes.

Il a été rencontré en outre quelques pierres de taille de moyen volume, en granit assez grossiérement travaillé ; on a jugé inutile de les retirer de la tranchée.

Un mur de construction antique, épais de 0m 80, sur lequel reposait peut-être une colonnade, avait été vu en 1878 dans le jardin de M. Baudon-Barrier. Les dernières fouilles ont fait reconnaître au nord-est les substructions d’un autre mur parallèle au premier, à 7m 20 de distance de sa direction prolongée, et comme lui épais de 0m 80. mais ce mur s’engageant presque immédiatement sous la clôture du jardin de M. Passel, il n’a pu être suivi que sur une faible longueur.

Dans tout l’espace exploré entre entre ces deux murs antiques la fouille, poussée à fond, n’a révélé aucun vestige de dallage ou de parquet. Il semble que l’on soit sur une place ou une voie publique, et non sur l’aire même de l’édifice, ou des édifices, dont l’on retrouve les débris.

Les travaux d’exploration, rendus assez difficiles par l’existence de murs latéraux de clôture que l’on ne pouvait déchausser complètement et d’une conduite d’eau qu’il a fallu relever, ont été exécutés sous la direction de M. Girardon et la surveillance immédiate de M. Mercier, conducteur des Ponts et Chaussées, qui a indiqué sur un plan des lieux le périmètre des fouilles et la position exacte des principaux objets rencontrés.

Comme précédemment, la Société de la Diana a trouvé le concours le plus gracieux et le plus empressé dans M. le maire de Moind et M. Bufferne, instituteur communal et officier d’Académie.

MM. Girardon et Durand terminent cet exposé en présentant aux membres de la Société les fragments d’inscriptions recueillis. Malheureusement chacun d’eux ne comporte au plus que deux ou trois lettres, dont il ne semble guère possible pour le moment de tirer un sens. Ils sont au nombre de trois.

Premier fragment :

S
VO

La partie supérieure de 1’S manque, ainsi qu’une portion de l’O à droite et en bas. Les lettres de la ligne supérieure avaient 65 à 70 millimètres de hauteur, celles de la seconde 37 millimètres. L’interligne est de 36 millimètres.

Un espace blanc de deux centimètres, à gauche de 1’S, peut faire supposer que cette lettre commençait un mot.

Deuxième fragrnent :

E_

Un petit trait, immédiatement à droite et au niveau de la barre inférieure de l’E, indique que la lettre suivante possédait une haste, probablement verticale, sans qu’on puisse déterminer autrement quelle était cette lettre. On peut dire seulement que ce n’était pas un T. Hauteur des caractères, environ 38 millimètres. Ce fragment et celui qui précède proviennent peut-être d’une même inscription.

Troisième fragment :

E C

La seconde lettre étant réduite à une petite portion d’arc, elle demeure indéterminée. Ce peut être un C, un G, un O ou un Q. Flle est séparée de la première par un intervalle assez sensible, 15 millimètres, d’où l’on peut conjecturer, sans certitude toutefois, que ces deux caractères appartiennent à des mots différents, la hauteur des lettres étant de 34 millimètres seulement ; ils faisaient partie de la dernière ligne de l’inscription, comme l’indique une moulure horizontale, prise à même le marbre, qui court au-dessous.

Aucun de ces fragments ne semble se rapporter à l’inscription mutilée du flamine Julius Priscus, trouvée en 1878.

Les caractères sont d’un beau style et accusent une haute époque. Le marbre sur lequel ils sont gravés a dù être exposé à une température élevée qui en a altéré la surface, car il se désagrège sous l’action d’un lavage un peu énergique. La même altération s’observe sur certaines parties de moulures.

Pendant l’exécution des fouilles pratiquées pour le compte de la Société, un autre débris d’inscription, toujours sur marbre blanc, a été trouvé par un particulier dans les boues d’une pièce d’eau située à 50 mètres environ au nord-est. Ce marbre, acquis par la Diana de l’inventeur, porte en beaux caractères de 57 millimètres de hauteur :

IN A (in oedem ?).

Un blanc de 5 centimètres existe au-dessus de l’N et un blanc de 6 centimètres au-dessous.

M. le Président se fait l’interprète des sentiments de gratitude de la Société soit envers l’administration de Moind, qui a autorisé les fouilles, soit envers M. l’ingénieur Girardon, qui a- bien voulu accepter la mission de les diriger, et M. Mercier, son zélé auxiliaire.

Ces fouilles offrent beaucoup d’intérêt et peuvent amener des résultats scientifiques sérieux. Le Conseil d’administration s’est préoccupé des moyens de les continuer. Il doit se transporter à Moind, à l’issue de la séance, pour étudier la question sur place, et invite les membres présents à l’accompagner.

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