BD, Tome II, Sceau des Machabées. Communication de M. Steyert., pages 23 à 25, La Diana, 1881.

 

Sceau des Machabées. Communication de M. Steyert.

M Steyert a adressé au Président la lettre suivante :

Lyon, 15 mai 1881.
Monsieur le Président,
Le Bulletin du 2e trimestre de 1880, p. 256, contient une communication relative à un sceau conservé à Roanne et portant pour légende les mots Sigillum Sanctorum Machabeorum. Dans cette note, il était annoncé que le sceau original devait être adressé à M. Anatole de Barthélemy, pour lui permettre de se prononcer sur son authenticité et sa provenance. Une telle déclaration ne me permettait pas de prévenir la décision de M. de Barthélemy, mais comme depuis un an bientôt, il n’a plus été question de ce petit problème archéologique, je crois pouvoir sans indiscrétion donner mon avis et communiquer à la Société ce que je sais sur ce monument, dont j’ai eu l’original authentique entre les mains.
Ce sceau, de 75 millimètres de hauteur sur 58 de large (mesures prises sur le grenetis extérieur), ne date pas du commencement, mais bien plutôt de la fin ou tout au plus, de la seconde moitié du XVe siècle. Le style de l’édicule qui surmonte les figures et surtout la forme des caractères de la légende, qui sont des capitales romaines de la période qui succèda aux capitales gothiques, ne laissent pas de doute à cet égard. L’aspect particulier de ces lettres, les S et les G, qui sont encore tout gothiques, témoignent aussi d’une époque de transition et permettrait de fixer entre 1460 et 1480 à peu près la date de ce monument, ce que confirme le costume des sept petits personnages qui, vêtus en gentilshommes du temps de Charles VII et de Louis XI, représentent les sept frères Machabées. Comme M. de Barthélemy, je serais fort disposé à attribuer à ce sceau une origine allemande. Il est cependant d’une exécution un peu rude et maladroite, avec certaines imperfections qui caractérisent les sceaux italiens de style gothique, d’une infériorité si marquée en comparaison des sceaux français et allemands, et aussi des admirables œuvres de gravure en sceaux et en médailles que produisit la Renaissance italienne.
Une autre rectification que je dois proposer à la description donnée par le Bulletin, est que la légende n’était suivie d’aucun nom, mais de deux rinceaux qui comblaient le vide laissé par l’absence des mots. Enfin, l’espace entre le dais et le clocheton du contrefort était rempli par un petit dragon formant rinceau et qui faisait, de cette façon, pendant à la syllabe SI, de l’autre côté, au commencement de la légende. Cette dissemblance entre le sceau original que j’ai eu entre les mains, et celui de Roanne, me donne à penser que ce dernier est une contrefaçon de l’original, et que la suppression des rinceaux aurait été opérée par un faussaire, qui se réservait d’y graver un nom de lieu pour ajouter du prix à sa falsification. Il ne faudrait pas supposer que cette suppression eût été obtenue par un remplissage des creux de l’original. Cela n’est pas possible. On a supprimé les rinceaux par grattage sur l’épreuve en relief qui servit à fondre la reproduction falsifiée de la matrice originale. Je suis confirmé dans cette hypothèse, que l’exemplaire de Roanne est un surmoulage, par une particularité que j’ai encore à rapporter.
Je connaissais et j’avais étudié avec soin le sceau en question (il y a une vingtaine d’années de cela), lorsque deux ou trois ans après, un collectionneur lyonnais me communiqua un sceau semblable qu’il croyait, à raison de la légende, devoir appartenir à l’abbaye de Saint-Just. Je n’eus pas de peine à le détromper à cet égard, mais de plus je constatai et je lui fis remarquer que la pièce qu’il avait entre les mains n’était pas un original, mais un surmoulage. Je dois dire cependant que si je n’avais pas eu un souvenir très-net et très-précis du premier sceau j’aurais pu être trompé. Mais outre l’infériorité relative produite par le moulage, deux détails dénonçaient la supercherie. Le second sceau était de bronze, le premier était de laiton ; de plus, à celui-ci, l’appendice fixé au dos du sceau et destiné à le maintenir quand on y foulait la cire, était découpé à jour d’un ornement gothique surmonté d’un anneau dont il ne restait que la moitié, le surplus ayant été brisé.
Un autre détail qui permettra de distinguer l’original de la copie, est que l’appendice ne se liait pas au corps du sceau par un angle droit, mais il s’y rattachait par une sorte de doucine de forme élégante et dont voici le profil, avec un croquis en perspective de l’extrémité du sceau.
Il me paraît donc à peu près certain que le sceau de Roanne n’est qu’un surmoulage du monument original, si même il n’est pas celui qui me fut présenté. Les particularités que je viens de signaler permettront d’ailleurs au possesseur de ce sceau de constater le fait. Pour lui faciliter cette tâche, je joins ici le dessin que j’avais eu soin de relever, parce que c’était le premier exemple de ce genre que je rencontrais.
Veuillez agréer, etc.
A. STEYERT.
La séance est levée.
Le Président,
Cte L. DE PONCINS.
Le Secrétaire,
V. DURAND.