BD, Tome II, Urne funéraire et fibules de bronze trouvées à Pilon, commune de Villeret. – Don de M. de Girardier, pages 145 à 151, La Diana, 1882.

 

Urne funéraire et fibules de bronze trouvées à Pilon, commune de Villeret. – Don de M. de Girardier.

M. de Becdelièvre, au nom de M. de Girardier, offre à la Société un vase funéraire encore à demi rempli d’un mélange de cendres et d’ossements calcinés recouvert d’une couche de terre et deux fibules en bronze avec lesquelles il a été trouvé près de Moraud, commune de Villeret.

Le vase, fracturé d’un côté, est une sorte de grand bol, étroit à la base et largement évasé à son ouverture qui est pourvue d’un petit bourrelet ou cordon saillant ; son diamètre est de 0m 21, sa hauteur de 0m 13. La terre en est fine, de couleur jaunâtre ; l’extérieur est peint et présente une large zône blanche entre deux zônes rouges. Une des fibules paraît avoir été rencontrée près de l’orifice du récipient; l’autre fibule, de tout point semblable à la première, était restée cachée dans les cendres qui remplissaient l’intérieur : elle a été retrouvée à la Diana même, en vidant avec précaution le contenu du vase.

Chacune de ces fibules possédait une aiguille, aujourd’hui réduite à sa racine, avec ressort spirale logé dans un petit cylindre de bronze. Ce cylindre fait corps avec une large patte évidée en dessous, convexe et cannelée en dessus et ornée à son extrémité de petits ronds enfermés dans un cercle de guillochures. Une plaque circulaire mobile, munie d’un appendice cannelé dont la longueur exacte ne peut plus être appréciée, s’articule, aussi à ressort, dans la concavité de la patte, en tournant sur un axe terminé par deux boutons ; ses excursions étaient limitées d’un côté par l’aiguille et de l’autre par l’extrémité aplatie de la patte, contre laquelle elle vient buter et qui s’encastre exactement dans un rebord saillant ménagé sur la face supérieure. Ce rebord est agrémenté d’encoches symétriques. Le dessous de la plaque porte, vers son milieu, deux ailettes longitudinales saillantes séparées par un petit tenon ; il devait exister en ce point un arrêt pour l’aiguille. Le travail et le style accusent l’époque gauloise.

Le feu violent auquel ces deux pièces paraissent avoir été soumises et sans doute aussi la potasse renfermée dans les cendres ont fortement attaqué le métal, qui est devenu très friable. La fibule retirée de l’intérieur du vase a surtout beaucoup souffert.

Une note de M. le docteur Octave de Viry, beau-frère de M. de Girardier, précise ainsi les circonstances dans lesquelles a été découverte la sépulture qui vient d’être décrite :

La trouvaille faite par les ouvriers de M. de Girardier remonte au mois de décembre 1881. C’est en défonçant un terrain pour une plantation de vignes que l’urne cinéraire et la fibule ont été mises au jour. Le vase était vraisemblablement intact : c’est du moins ce qu’a cru reconnaître le terrassier, homme intelligent, qui assure que c’est sous le choc de son outil que la fracture s’est produite (1).

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(1) M. Brassart, qui a examiné le vase de très près, est porté à croire, à l’aspect des cassures, qu’elles sont anciennes et qu’elles n’ont pas été le résultat de l’action de la pioche au moment de la découverte.

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Les fragments ont été scrupuleusement recueillis. Aucun autre vase entier ou tesson de vase, aucun ustensile n’a été trouvé sur le lieu même de la découverte ni dans le reste du terrain défoncé, malgré l’attention avec laquelle chaque pelletée de terre a été examinée.

Le sol, à l’endroit où se trouvait cette urne, était noirâtre et comme terreauté. Il contenait une assez grande quantité de petits fragments de charbon, dont quelques uns se voient encore à la surface, surtout après une pluie. On y rencontre aussi, en grattant légèrement, des débris d’ossements incomplètement réduits en cendres et à demi-calcinés, parmi lesquels il a été possible de reconnaître une portion de maxillaire supérieur, et enfin des cailloux de petit volume, paraissant avoir été noircis au feu. L’un d’eux, qui était recouvert d’une gangue terreuse et charbonneuse, nous a semblé être d’un marbre jaunâtre ou grisâtre, en tout cas de nature calcaire.

L’emplacement sur lequel se retrouvent ces divers objets mesure environ 3 mètres carrés. Tout autour, ainsi que nous l’avons donné à entendre, on ne trouve ni traces d’habitation, ni amas de pierres, ni poteries, ni débris de briques ou de tuiles. On doit cependant supposer qu’une demeure, plus ou moins riche, existait non loin de cette sépulture et que c’est d’un de ses habitants que l’on vient de découvrir les cendres. Peut-être rencontrera-t-on des substructions et d’autres antiquités, en défonçant les terrains situés au nord inclinant légèrement au levant, en un point rapproché du plateau de Lourdon et qui semble désigné pour l’emplacement d’une habitation antique, étant à proximité d’une source et d’une fontaine couverte. La végétation, qui fait complètement défaut quelques pas plus loin, est ici, sinon très riche, du moins suffisante pour produire un épais tapis de verdure, et la couche d’humus qui s’est accumulée en ce lieu a permis à deux énormes noyers d’y prendre racine.

La parcelle qui recelait l’urne (et dans laquelle se trouve compris l’espace qui reste à défricher) figure au nouveau cadastre de la commune de Villeret sous le numéro 320. Elle dépendait autrefois de la commune, aujourd’hui supprimée, de Saint-Sulpice. Elle ne porte pas de nom particulier ou du moins ce nom est inconnu ; mais elle fait partie d’un tènement considérable appelé Pilon (1), s’étendant à droite et à gauche de la goutte de ce nom. La sépulture dont il s’agit était située sur la pente du terrain dirigée vers le fond du ravin et se trouvait à une distance assez courte de la muraille vitrifiée de Chateau-Brülé, décrite par notre collègue M. Noëlas (2). La distance qui sépare l’une de l’autre n’est que de 335 pas d’environ 80 centimètres, soit 268 mètres par approximation.

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(1) Ce nom indique probablement un pilier de justice ou une borne seigneuriale ayant existé à proximité.
(2) Revue Forézienne, 2e année (1868), p. 10. – Forez illustré, 2e année (1875), n° 46.

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Il n’est peut-être pas hors de propos de noter que M. Noëlas a signalé dans le col de Pilon une voie antique passant à ou près de Château-Brûlé, Chanlon, et tendant à Roanne. Une culée d’une maçonnerie très résistante, mais dont le caractère romain n’est pas très nettement accusé, est tout ce qui reste d’un pont sur lequel cette route aurait traversé Lourdon. Rappelons aussi la judicieuse remarque du même auteur, que ce nom de Lourdon rappelle par sa forme les noms de lieu gaulois terminés en dunum.

D’autres vases, mais qui ne paraissent pas avoir servi à des usages funéraires, ont été également découverts il y a quelques années dans la propriété de M. de Girardier, en captant une source qui sourdait sur la rive droite et à l’origine de la goutte Claire, ravin très profond situé immédiatement au nord de la muraille vitrifiée, dont elle défend l’approche de ce côté. Il y avait là quatre ou cinq vases d’assez grande dimension, autant qu’il était permis d’en juger par l’inspection de leurs fragments. Leur forme n’a pu être reconnue, mais l’existence de plusieurs bases terminées en pointe semble indiquer qu’il s’agissait d’amphores. L’épaisseur de leurs parois était considérable ; la pâte était faite d’une terre rouge peu foncée, grossière et sans couverte apparente. Rien n’a été conservé.

On sait quelle énorme quantité de silex taillés ou de simples rognons l’on trouve tout près et dans un rayon de quelques mètres autour de Château-Brulé. A Pilon, comme à la goutte Claire, il ne s’en rencontre pas. Cette circonstance semble dénoter que l’âge de la muraille vitrifiée n’est pas le même que celui des autres antiquités trouvées dans le voisinage.

En attendant les surprises que réservent sans doute les défoncements projetés pour cet hiver dans la propriété de Moraud, il ne sera peut-être pas sans intérêt de signaler à nos collègues d’autres découvertes faites à Saint-Sulpice et à Villeret dans le cours de la dernière année ou des précédentes.

Un sieur Donjon a découvert, dans une vigne située au-dessous de l’ancienne église de Saint-Sulpice et joignant le mur du cimetière de la paroisse, un dallage en ciment et des conduits également en ciment, le tout dans un parfait état de conservation. Y avait-il là des thermes ou simplement une de ces opulentes villas, où se trouvaient réunis tout le confort et le luxe de nos maîtres de Rome ? La première hypothèse, que nous donnons pour ce qu’elle vaut, emprunte une importance particulière à l’existence au lieu de Fondemange (1), peu éloigné du clocher de Saint-Sulpice, d’une fontaine couverte, qui suivant la tradition aurait des propriétés curatives dans les maladies de la peau. Cela bien entendu sous toutes réserves.

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(1) Fons dominicus ?

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Il paraît que tout autour de l’église de Saint-Sulpice, dans les terrains plantés de vignes, principalement à gauche du chemin tendant de Saint-Sulpice à la Croix de Laly et à Villeret, le sol renferme de nombreuses substructions du genre de celles dont nous venons de parler ; l’église de Saint-Sulpice paraît elle-même avoir été bâtie sur l’emplacement d’un édifice plus ancien et probablement d’origine romaine. M. Coste avait déjà remarqué et nous avons pu constater à notre tour que la maçonnerie extérieure du choeur renferme plusieurs moellons taillés dans des blocs de ciment en tout semblables à ceux extraits par le sieur Donjon et dont il a pu faire des marches d’escalier. Ces moellons, qui tranchent par leur couleur rouge vif avec les autres matériaux employés, ont l’apparence d’une brique pétrie avec une terre grossière et mal cuite.

Sur le parcours du chemin qui met en communication Moraud avec le chef-lieu de la commune, à environ 200 mètres avant sa jonction avec le chemin venant de Saint-Sulpice, M. Donjon, actuellement maire de Villeret et distinct du précédent, a trouvé, en faisant un défoncement, plusieurs grandes urnes, mais aucune entière. Nous ignorons si quelques uns des fragments ont été conservés. Ces diverses antiquités éparses autour de l’église de Saint-Sulpice et sur différents points du territoire de l’ancienne commune de ce nom jusqu’à l’extrémité du promontoire formé par les terrains situés entre Lourdon, Pilon et la Loire, semblent assigner une origine fort ancienne à cette localité. Son nom primitif, qui a disparu sous le vocable du saint patron de la paroisse, est aujourd’hui complètement inconnu (1). La découverte d’une inscription pourra peut-être un jour le révéler. Quoiqu’il en soit.des fouilles bien dirigées amèneraient sans doute d’autres découvertes intéressantes.

Des remerciements sont votés à M. de Girardier.

La séance est levée.

 

Le président,

Cte de PONCINS.

Le secrétaire,

V. DURAND.

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(1) Un habitant de Saint-Sulpice, qui possède plusieurs titres anciens, dont nous n’avons pu avoir communication, aurait, assure-t-on, la preuve qu’il existait anciennement entre Saint-Sulpice et Fondemange un château nommé Péra ou Perrat. Mais nous doutons un peu de la sûreté de ce renseignement.
Un érudit roannais a proposé l’identification de Moraud avec la villa Rasalmorem du cartulaire de Savigny. Cette étymologie paraît extrêmement douteuse, en présence de la vente du domaine en question par Gaspard Moreau en 1655 : on disait alors chez Moreau.